Le sujet est lourd, et je sais que ma position va être difficile à comprendre pour ceux qui n’y ont jamais été confrontés.
Je vais quand même essayer parce que le sujet revient sur le tapis.
[L’euthanasie] touchera en premier les plus fragiles, les plus précaires, ceux qui si rien ne change seront atteints d’une maladie « en phase avancée » comme une sclérose en plaque ou un cancer et qui se sentant un poids pour leur proche (la culpabilité est une des composantes majeures de la dépression non pris en charge) préfèreront en finir de manière prématurée.
Alors oui, il serait temps qu’on évite de considérer la fin de vie comme une solution politique à l’absence de vie digne. Il y a effectivement un vrai danger à ce que ça puisse retarder la mise en œuvre des mesures fortes pour assurer des vies dignes.
Je ne minore pas ce danger, mais alors pas du tout. Si en plus on facilite certaines catégories particuliers comme les handicapés et les malades, le tout peut effectivement prendre un tour d’eugénisme.
Il s’avère qu’en parallèle, aujourd’hui cette position de prudence revient à interdire aux concernés une porte de sortie, à leur renier leur propre liberté de choix fondamentale, celle de continuer à vivre ou non. Entre temps ça revient à leur imposer de souffrir, faute d’être dans un monde idéal qui assure une vie merveilleuse à tous.
Si vous êtes convaincu avec un fort niveau de confiance qu’on va avoir ce monde idéal très rapidement, ok. Si c’est plus complexe que ça, vouloir restreindre les projets de fin de vie ne résout rien : vous retirez juste une option, soit disant pour le bien des tiers, mais en réalité pour tranquilliser votre propre bonne conscience.
Et même alors, chacun vit sa situation différemment. Toutes les assistances que vous imaginez ne changeront pas le choix de certains (et pas forcément ceux que vous imaginez, je ne parle pas forcément des gravement malades incurables ou des handicaps extrêmement lourds).
Vouloir du bien autres c’est une bonne chose, mais ne décidez pas pour eux, ne leur imposez pas les vôtres juste pour être à l’aise avec votre bonne conscience. Ils sont légitimes à faire leur propre choix, qui n’est pas forcément celui que vous jugez pertinent ou que vous espériez.
Je n’ai pas la solution idéale. J’aimerais bien. Mon vécu m’incite toutefois à ne pas fermer des portes faute d’avoir la solution idéale. C’est trop facile de le faire en n’ayant jamais été en position de réfléchir à ce choix pour soi ou pour ses proches.
Contexte (*) Une psychologue et auteure intervient dans les média sur ses sujets de d’expertise. Elle indique le faire bénévolement parce que le sujet lui semble important. C’est l’usage. Cette fois-ci, les presque deux heures de temps investis l’ont été à vide parce que l’interview prévue sur M6 ne sera ni diffusée ni utilisée. Le temps ne sera pas dédommagé. Côté journaliste, ça arrive, ça fait partie du jeu. L’intervenante, elle, déclare publiquement que désormais elle demandera à être rémunérée.
Nombreux sont les journalistes qui disent tomber des nues (pour les plus polis, parce que c’est en réalité bien plus méprisant). « On ne rémunère pas les sources » revient souvent, au nom de la déontologie du journalisme.
Je trouve ces positions des plus hypocrites. Peut-être qu’on pourra m’expliquer.
M6 n’est pas une œuvre caritative. Son business c’est vendre de l’espace publicitaire, en tirer du bénéfice, et verser des dividendes à ses actionnaires. On parle en millions, 230 millions de résultat net après impôt en 2023.
Pour vendre son espace publicitaire, la chaîne crée des contenus, qu’elle achète ou qu’elle fait créer en interne. Pour ces contenus on paye des journalistes. Tout le monde, moi inclus, trouvera légitime qu’on paye ces journalistes.
Le journaliste n’est pas seul. On peut payer des images, un monteur, un secrétariat, des locaux, un cameraman, peut-être un preneur de son, peut-être des maquilleurs, et j’oublie probablement 80 % des métiers qui sont nécessaires à la production et à la diffusion. Tout ça pour vendre la publicité de M6.
Et là, si la chaîne et le journaliste ont besoin d’expertise pour produire leur contenu, à quel titre est-ce que le professionnel qui donne son temps et son expertise ne mériteraient pas d’être rémunérés eux aussi ?
Que des professionnels choisissent d’intervenir sans rémunération sur des sujets qui leurs tiennent à cœur, je ne trouverai jamais rien à y redire. Chacun est libre. J’ai fait plein de choses bénévolement, par choix, et je continuerai d’en faire.
Que d’autres professionnels choisissent, eux, de demander une rémunération en échange de leur temps et de leur expertise, ça ne devrait faire bondir personne.
Je trouve salement hypocrite les journalistes qui défendent (à raison) leur rémunération et la valeur de leur métier, et qui en parallèle s’offusquent ou se moquent d’un professionnel qui souhaite être rémunéré pour son temps quand on le sollicite.
Invités récurrents, spécialistes de plateau, certains sont d’ailleurs effectivement payés. Sans faire trop de parallèle, ça me rappelle d’ailleurs la victoire aux prud’hommes de candidats de jeux télévisés qui avaient demandé une rémunération pour leur participation.
« On ne rémunère pas les sources »
Déontologie journalistique
Je serais tenté de dire que la déontologie journalistique concerne les journalistes et uniquement eux. Ce n’est pas le problème des tiers qui sont sollicités.
Libre aux journalistes de ne travailler qu’avec des bénévoles. Ça n’autorise pas de s’offusquer que d’autres demandent une rémunération, et encore moins de tirer à boulets rouges sur ces derniers.
Il ne faudra cependant pas ensuite se plaindre que ça fonctionne dans les deux sens, quand les lecteurs ne veulent lire que la presse gratuite et trouvent ridicule de devoir payer
Même ainsi, en réalité cette déontologie elle est à géométrie variable.
On paye des experts. Certains journalistes le disent d’ailleurs explicitement : On les rémunère déjà en visibilité, c’est à dire en publicité.
C’est opaque, non déclaré au fisc, mais l’usage. Parfois c’est doux, tu viens parler et en échange ça te permet de passer un message. Parfois c’est franchement plus explicite avec les charrettes d’experts qui viennent pour qu’on cite leur livre qui vient de paraître — ce que le journaliste s’empresse bien de faire puisque la rémunération sous forme de publicité est là tout à fait assumée.
L’enjeu ne semble pas être de rémunérer ou pas, c’est simplement de mettre ou pas la main au portefeuille. La déontologie elle a un peu bon dos.
Je crois que ceux que je trouve hypocrite sont justement ceux qui disent à la fois que rémunérer ne serait pas déontologique et que, quand même, les experts sont rémunérés en visibilité. Il faudrait choisir.
Libre à vous de demander ou pas rémunération, de le demander en espèces ou en publicité cachée.
Libre à vous de choisir si vous ne faites appels qu’à des vrais bénévoles, si vous souhaitez rémunérer en visibilité ou publicité, ou si vous acceptez de rémunérer en espèces de façon transparente.
Faites vos choix. Juste, éviter de vous offusquer qu’un professionnel demande à être rémunéré quand on sollicite deux heures de son temps pour restituer son expertise. Ça, tout le monde devrait applaudir.
(*) Pas de liens, volontairement, car elle diffuse des opinions politiques dont je ne souhaite pas assurer la publicité, même indirecte.
Ceci est la mise à l’écrit d’une intervention aux conférences MiXiT fin avril 2024. Elle ne remplace pas l’enregistrement vidéo mais me permet de mettre quelques points plus en détail et en profiter pour placer quelques liens.
Forcément, parce que ça revient à faire un discours à l’écrit, c’est un peu long et pas très synthétique (ceci est une honteuse litote, préparez-vous). Je trouve ça aussi bien finalement : c’est une histoire à lire, pas une recette à suivre.
Préalable sur le sous-titre
J’avais fait passer des sondages en ligne en préparation de mon intervention. Seul un tiers d’entre vous préférerait être soumis une grille de salaire. La moitié a répondu « ça dépend », montrant une certaine défiance.
L’exemple de la fonction publique est revenu plusieurs fois, présenté comme un repoussoir. J’ai repris cette réaction dans mon sous-titre, au risque de propager un poncif sur les fonctionnaires.
(*) Ce sous-titre est une erreur et je la regrette.
La première réalité c’est que la fonction publique a ses propres contraintes et motivations, et la grille de salaire est probablement le bon outil pour ce contexte.
La seconde réalité c’est que la plupart des entreprises privées ont probablement beaucoup plus à apprendre de ce qui a été créé dans le public qu’à se moquer.
D’où je parle
Je m’appelle Éric. J’ai traversé beaucoup d’entreprises avec des pratiques très différentes les unes des autres. Il y avait souvent des systèmes en place, qui ont parfois fini par être adaptés uniquement à la marge.
Je n’ai pas toujours eu des grilles de salaire. Dans une première partie de carrière j’ai vécu des ESN et cabinets de conseil avec des salaires très arbitraires, et un géant de la tech qui fonctionnait à base d’enveloppes annuelles. Pour l’anecdote, j’ai même eu une remontrance officielle parce que j’avais osé parler salaire avec mes collègues.
Dans une seconde partie de carrière (oui, il faut être vieux pour dire ça), j’ai plutôt eu des grilles de salaire, ou de la transparence à défaut d’une grille.
J’ai intégré une scale-up lyonnaise en tant que VP Engineering avec une grosse vingtaine d’ingénieurs en 2021. Suite à une forte croissance récente, ils sont aujourd’hui 50 à 60 dans l’équipe pour 280 personnes dans l’entreprise.
Le système de grille historique avait ses avantages mais on a fini par le changer. C’est ce changement sur lequel je base mon retour d’expérience.
J’avais initialement prévu une présentation docte avec mes conclusions mais la réalité c’est que c’est trop complexe. Il n’y a pas de solution unique. Je ne décris que celle qu’on a cru adaptée à notre situation, à ce moment-là.
J’ai tout réécrit le week-end précédent sous forme de retour d’expérience avec quelques pensées personnelles. Ça donne un récit, à la première personne, et ça me convient beaucoup plus. J’espère créer des échanges plutôt qu’une recette à suivre.
En parallèle de mon rôle de VP Engineering, j’accompagne quelques directeurs techniques pour les aider dans leur rôle, dans leurs enjeux et dans leur propre évolution (dites-moi si ça vous intéresse).
Partir de l’existant
Situation historique
35 k€ + 2,5 k€ par année d’expérience
(Les chiffres datent d’avant la période d’inflation)
Cette grille dit « je te fais confiance » plutôt que juger chacun individuellement. Ma première réaction a été que si ça fonctionne c’est vraiment un système parfait, à garder le plus longtemps possible.
Bien évidemment, ça commence à coincer
Cette grille se base sur une progression de valeur constante tout au long de la carrière. C’est certainement vrai sur les premières années mais sur 40 ou même 20 ? C’est moins évident.
Je ne paierai probablement pas n’importe quel développeur 135 000 €. Pas que ce soit impossible, mais pas juste parce qu’il justifie de 40 années d’expérience. Même 85 000 € à 20 ans de carrière, ce ne sera pas uniquement à l’ancienneté.
La première étape ça a été d’instaurer un plafond. On ne paiera pas plus que l’équivalent de 17 ans d’expérience au recrutement, même si le candidat peut justifier de plus. Il continuera toutefois de progresser à partir de là une fois recruté1.
Ça fonctionne pour une boite récente qui recrute principalement des jeunes, mais ça ne tiendra pas 10 ans.
Si ça vous correspond, arrêtez-vous là ;-)
Dans les débuts, les effets de la simplicité et de la confiance priment beaucoup sur l’optimisation et la prise en compte des cas particuliers. Ce système, plafonné, reste un très bon compromis.
Pour nous, même avec ça, ça ne tient plus
Le vrai défaut c’est cette progression linéaire.
Avec l’équipe qui grandit on a trop de cas particuliers, trop de différences. Ceux qui s’investissent fortement commencent à se sentir floués. Ceux qui démontrent des qualités particulières ou une progression rapide ont l’impression de devoir partir ailleurs pour qu’on reconnaisse leur valeur et qu’on les accompagne.
Le problème c’est que ce sont ces personnes qu’on souhaite particulièrement mettre en avant. La grille ne le permet pas et ce sont eux qui sont les plus insatisfaits.
À côté de ça, les montants n’ont pas été réévalués avec la période d’inflation donc la frustration touche de toute façon tout le monde. C’est le moment de changer.
Définir les enjeux
Transparence
La transparence c’est une valeur fondamentale chez moi, comme base de la confiance mais aussi parce qu’elle me permet de dialoguer avec un monde extérieur qui m’est autrement un peu trop hermétique.
C’est aussi une des trois valeurs annoncées pour l’entreprise. Je ne parle pas de celles qu’on affiche en 4 par 3 dans le hall dans une visée marketing. Je parle de celles que les salariés cherchent à réellement mettre en application à chaque niveau du collectif.
J’ai vécu une entreprise avec une grille mais pas de transparence. Chaque niveau avait une fourchette de salaire bien déterminé mais non communiqué aux salariés. Ça crée des bruits de couloir, des fantasmes et des sentiments d’injustice inutiles.
La transparence permet d’éviter les tripatouillages et les manœuvres cachées, qu’ils soient réels ou supposés.
J’ai aussi vécu le contraire, la transparence sans grille. Petite startup, les salaires de chacun étaient listés sur une des premières diapositives à chaque réunion d’équipe deux fois par trimestre. Pas certain que ce soit la voie à suivre mais au moins c’était transparent.
Pour l’anecdote, dans un cabinet de conseil dans lequel j’ai brièvement travaillé précédemment on m’a dit qu’ils avaient réfléchi à une transparence totale sur les salaires et que les avocats y ont mis un veto parce que ce sont des données privées.
Je ne sais pas qui a raison ou pas mais je ne suis pas certain que ce soit la solution de toute façon. La transparence est un prérequis mais ce n’est pas suffisant.
Le seul red flag 🚩
La transparence n’empêche pas le « on s’adapte au besoin ».
Ça paraît une position raisonnable, pragmatique, mais c’est le seul red flag de tout mon récit.
S’adapter au besoin c’est de la gestion de marché. Ça veut dire payer plus celui qui négocie, parce qu’on a besoin de le recruter. Ça veut dire payer plus celui qui est, par chance, sur un projet visible. Ça veut dire potentiellement payer différemment les anciens et les nouveaux parce que le contexte lors de la définition de leur rémunération n’était pas le même.
L’adaptation au besoin c’est juste l’acceptation de l’arbitraire qui se cache derrière de beaux atours.
Impossible d’avoir une cohérence ou un semblant de justice sociale si on ne discipline pas le besoin et si on ne fait que s’adapter à celui-ci. (non, cette dernière phrase n’est pas un message politique, quoique…)
Une grille peut s’adapter au besoin. On peut y inclure les critères nécessaires. On peut même y faire des exceptions.
La différence c’est que ces exceptions seront visibles. Ça force à en discuter, et à justifier ces exceptions. Il y aura une forte pression à les réduire le plus possible, faute de quoi ça revient à faire tomber la grille.
Pas de négociation
L’absence d’adaptation au besoin fonctionne dans les deux sens. Si la grille est un terrain de combat on n’en fera jamais un outil positif. L’existence d’une grille veut généralement dire l’absence de négociation.
Je fuis l’idée de la négociation. On ne négocie pas avec le candidat. Il y a une offre, discutée, sur laquelle on s’accorde éventuellement.
Je ne veux pas de prime à celui qui négocie ou qui sait négocier. Ce n’est pas une compétence pertinente dans mes équipes techniques.
Je ne veux pas de malus aux introvertis et aux anxieux. Ce n’est pas le bon critère pour évaluer l’impact futur du candidat, surtout dans les équipes techniques où ces deux catégories sont sur-représentées.
Je ne veux pas non plus payer moins ceux qui sont habituellement discriminés et qui auront tendance à moins demander à la base, par précaution, parce que c’est « le marché » pour les personnes discriminées.
Bref, je ne veux pas de négociation, ni côté employeur (certains ont pour habitude d’essayer de tordre le bras autant qu’ils le peuvent), ni côté candidat (certains savent faire et en ont les moyens, d’autres pas).
Peut-être que tout ceci est différent si vous recrutez des commerciaux ou des négociateurs mais je n’en suis même pas certain.
Égalité
Quand on parle égalité, il y a une tendance à entendre « tous pareils ». Ma pensée est plutôt « même poste et même impact = même rémunération ».
Le premier pas de l’égalité c’est la limitation des biais et discriminations. La grille est un outil qui aide bien pour ça. Elle réduit les zones de subjectivité aux paramètres prévus et elle force à motiver les choix de ces paramètres.
Attention : Ce n’est évidemment pas parfait pour autant. On ne fait que limiter les biais, et à condition d’avoir tous la volonté d’agir en ce sens. Si les paramètres introduisent ou permettent eux-mêmes des biais, la grille peut même être un outil qui va permettre de faire taire les perdants en affirmant une fausse objectivité.
L’avantage de la grille est de pouvoir mettre en lumière les paramètres de rémunération, les discuter, et d’imposer à motiver les différences.
Chaque inégalité est une petite bombe à retardement. C’est du temps perdu à argumenter, de la démotivation, ou au mieux du mécontentement latent qui va resurgir à chaque période difficile.
Est-ce qu’on doit mieux payer les Parisiens que les Nancéiens ? Est-ce qu’on doit mieux payer certains métiers ? Est-ce qu’on doit mieux payer les managers ?
Je n’ai pas de réponse à ces questions, ou plutôt j’en ai mais elles sont personnelles, pas universelles. L’important c’est de permettre ces débats et de ne pas cacher les choix pris.
Simplicité
Je suis ingénieur. J’aime bien les solutions complexes à des problèmes simples.
Là j’ai un problème complexe, autant dire que je suis capable de faire des solutions très complexes.
Dans mes recherches j’ai vu des formules gigantesques pour prendre en compte l’impact, l’expérience, le rôle, la situation de famille, le lieu de résidence, l’expertise et d’autres extras.
La formule en exemple existe réellement. J’imagine que ça fonctionne très bien pour eux mais des échanges m’ont fait revenir à quelque chose de simple très tôt dans le process, et tant mieux.
La grille doit rester manipulable et inspirante, quitte à être imparfaite.
Un bête tableau sur un ou deux critères est probablement le plus simple. Choisissez vos critères, gardez ceux-là et renoncez aux autres, même s’ils résolvent des cas intéressants.
Refuser des candidats
J’ai parlé d’égalité, d’absence de négociation, et d’une grille simple donc qui ne peut pas prendre chaque situation particulière en compte.
Il n’y a pas de secret, ça veut dire qu’on rencontrera des candidats qui ne voudront ou pourront pas s’aligner sur notre grille, et on est prêt à les refuser. Parfois ça sera des personnes qu’on voudrait recruter, et on les refusera quand même.
C’est le jeu et c’est important. On peut définir quelques jokers mais mieux vaut partir d’emblée avec l’idée qu’on n’a rien sans rien et que oui, on va perdre des bons candidats. C’est assumé et ce n’est pas grave. Sur le long terme c’est clairement gagnant.
Créer la grille
Chemin de carrière
Chacun a besoin de se projeter dans l’avenir et une grille fixe n’y répond pas vraiment, même si c’est contre-intuitif.
On sait combien on va gagner mais ça ne dit rien de la progression. Si rien ne vient sanctionner cette progression, c’est facile de se dire qu’on ne progresse pas, que personne ne va nous faire progresser, ou qu’on ne valorise pas la progression.
Je crois que c’était le problème majeur de dynamique RH quand je suis arrivé. Il a fallu définir les chemins de carrière, puis ce qu’on attend aux différentes étapes. Ça mériterait une présentation à part entière donc je ne détaillerai pas le contenu lui-même.
Des niveaux d’impact
J’ai, dans mon contexte, commencé par définir 4 niveaux de contribution individuelle : junior, confirmé, expérimenté et senior. C’était un choix appuyé de ma part pour que les niveaux aient un sens.
Dans mes recherches j’avais trouvé des grilles avec des niveaux A B C D et d’autres SE-I SE-II SE-III. Je trouvais ça trop abstrait.
Je pensais devoir donner un sens plus concret et je le regrette aujourd’hui. Même avec une grille de critères très détaillés, c’est difficile de se battre avec ce que chacun imagine être un senior ou ce que ça représente dans une autre entreprise. Ça a fini par être plus une difficulté qu’un facilitant.
Au-delà il y a deux lignes de leadership, une pour le leadership technique (ici appelé « staff ») et une pour le leadership humain (ici « team lead », mais ailleurs on appelles souvent ça « engineering manager »).
Ce ne sont pas simplement des évolutions ou spécialisations des rôles de contribution individuelle. Les rôles de leadership sont de vrais rôles à part entière, distincts, même pour le leadership technique.
Il y a plein de choix dans la progression choisie. Ne les reprenez pas tels quels sans les penser.
En particulier nous avons décidé que, dans notre contexte, nous attendions des managers qu’ils soient aussi capables de prendre la place d’un contributeur individuel senior. C’est loin d’être une évidence et ça explique en partie nos difficultés de recrutement sur ces postes vu les attentes élevées que nous avons pour les contributeurs individuels senior.
J’ai aussi fait le choix de ne pas avoir de ligne d’expertise. Ça pourrait avoir du sens, c’est juste que nous n’en avons pas besoin aujourd’hui.
Une progression sur ces niveaux
On a créé une grille destinée à l’évaluation des niveaux d’impact. Celle des contributeurs individuels est sur une vingtaine d’objectifs.
La première grille en 2021 avait quelque chose comme quarante objectifs. C’était trop, beaucoup trop. Même si cette surcomplexité n’était pas souhaitée, je ne suis pas certain qu’il aurait été une bonne chose de l’éviter. Avec de nombreux critères on a évité la critique de subjectivité au moment crucial de la mise en place du système d’évaluation. Avec cette première expérience, passer à une grille plus simple a pu se faire sans générer ce sentiment.
Chaque niveau a un résumé de ce qu’il représente comme impact et une description illustrant ce que ça implique pour chacun de ces objectifs.
Junior
Mon focus est sur moi-même, sur mon apprentissage, je suis accompagné et supervisé par des plus seniors
Confirmé
Je suis autonome mais accompagné. Je participe aux décisions qui impactent mon équipe
Expérimenté
Je suis autonome, je produis un travail de qualité, je prends des initiatives, je prends des décisions qui impactent mon équipe
Senior
Je suis excellent dans le rôle de développeur, ce que je produis a un fort impact (souvent transversal), j’ai une expertise technique, j’accompagne et encadre les plus juniors de mon équipe. Je guide et organise des projets.
Staff
J’ai un leadership technique dans le département. Je définis une vision et les objectifs. Je fais en sorte qu’on avance sur ces objectifs en facilitant, animant, guidant, formant les autres. Je prends la responsabilité de ce qui est transversal. J’ai un impact fort et mesurable sur tout le département et l’entreprise.
J’avais commencé ce travail indépendamment de la question de la rémunération, pour guider et coacher chacun dans sa progression. On ne peut pas prétendre accompagner chacun sans définir les attentes à chaque étape et sans une vraie politique de feedback basée sur ces attentes.
Le processus d’évaluation annuelle paraît très old school à beaucoup mais ça joue un vrai rôle, nécessaire. Je ne vois juste pas comment coacher quelqu’un sans avoir cet instant de recul et de vérité sur ce qui fonctionne et ne fonctionne pas. On y montre aussi l’évolution sur une période, et on y explicite les axes de progression futurs.
Ce qui a paru évident assez rapidement c’est que, quitte à faire ce travail sur le chemin de carrière, on avait intérêt à le lier à la rémunération pour l’ancrer à quelque chose de tangible. Au-delà, ça nous permet de restaurer un sentiment d’égalité et de justice dans la rémunération.
Il y a eu une fin de chemin commune entre deux projets menés initialement en parallèle pour des raisons distinctes, et ça s’est bien agencé.
Étalonnage
La mise en place de ce chemin de carrière présentait ses propres risques. Un mauvais calibrage et on se retrouve à bloquer ou faire avancer trop rapidement les salaires.
On a commencé par un étalonnage via une répétition d’évaluation annuelle. Les managers évaluent chacun sur la grille de niveaux sans pour autant lancer tout le processus d’évaluation annuelle. On regarde alors si ça correspond à nos intuitions.
Je m’étais fixé deux critères pour confirmer que le chemin était le bon.
Pour n’importe quel contributeur individuel, il faut que son impact soit plus important que tous ceux qui ont un niveau inférieur, et que son impact soit moins important que tous ceux qui ont un niveau supérieur. Si ce n’est pas le cas c’est que nos niveaux sont probablement mal définis.
Ensuite, il faut que la progression type semble assez continue entre les niveaux, sans niveau dans lequel on s’enlise ni niveau à progression trop rapide. Le cas échéant il faudrait durcir ou adoucir certaines attentes.
Progression type
On a tenté de comparer notre ancienne grille à la nouvelle. L’idée c’est de définir la progression type avec une sorte d’équivalent d’années d’expérience pour chaque niveau.
On sait que ça ne va pas correspondre pour tout le monde — c’est même pour ça que je veux mettre en place ces niveaux — mais on devrait trouver un parcours type qui correspond à la majorité, et avoir l’impression que ceux qui vont plus vite sont effectivement nos hauts potentiels.
Là, je crois que j’ai eu un peu de chance.
On est tombé quasiment magiquement sur quelque chose comme 20/60/20, c’est à dire 60 % qui correspondent à un parcours type, 20 % en dessous et 20 % au-dessus.
Ça nous a donné une progression type environ tous les trois ans pour la partie contribution individuelle, un peu plus vite au début de carrière. Certains progresseront toutefois plus rapidement, ou moins rapidement, en fonction de leur propre impact.
La zone rouge correspond au parcours type de notre grille pour les contributeurs individuels.
Progression semi-automatique
Il y avait à la fois une conviction que la grille historique ne fonctionnait plus mais aussi la crainte que passer sur un système d’évaluation annuelle n’entraîne l’entreprise sur un système qui rompe avec nos valeurs.
On a décidé de faire un 50–50, comme à « Qui veut gagner des millions ? » :
1 250 € à l’expérience
1 250 € à l’impact.
Avec notre moyenne d’un niveau tous les trois ans, ça fait 3 750 € entre chaque niveau et 5 000 € l’année où on change de niveau (puisqu’on cumule le changement de niveau et une année de plus).
C’est d’ailleurs mon erreur au début. J’ai continué à proposer les augmentations annuelles à date anniversaire alors que les passages de niveau se sont faits lors des évaluations annuelles en juillet. Ça a divisé ces 5 000 € en deux parties, diminuant le ressenti lors du passage de niveau. On a corrigé ça et on fait désormais les deux augmentations en juillet pour tout le monde.
Recrutement
Je n’ai pas envie de débats interminables et de faire revenir les biais décrits en début de réflexion. Pour éviter ça on place les candidats sur la grille en fonction de son nombre d’années d’expérience et du parcours type obtenu lors de l’étalonnage (la zone rouge sur l’illustration précédente).
Tout le monde ne progresse pas à vitesse constante toute sa carrière, et en général ça va plutôt descendant. Si on veut maintenir un niveau moyen élevé, il faut prévoir que les progressions seront potentiellement plus faibles dans le futur que dans le passé et recruter plutôt au-dessus de notre parcours type qu’au-dessous.
Le résultat c’est que, lors des tests, si le candidat ne semble pas pouvoir atteindre le niveau attendu à la fin de sa période d’intégration, on lui dit non plutôt que le placer au niveau inférieur.
Ça nous fait dire « non » à plus de candidats qu’on ne devrait, mais c’est ce qui fait qu’on va garder un niveau général élevé.
Dire non dans ces cas-là nous évite aussi une bonne partie des placements exotiques dans la grille, par exemple un junior avec 10 ans d’expérience ou un expérimenté avec 20 ans d’expérience. Ceux qu’on recrute restent sur le parcours type dont on sait que les rémunérations sont cohérentes.
Il reste la question des seniors. Vu qu’on ne force pas tout le monde à passer en leadership et que c’est le dernier niveau de contribution individuel aujourd’hui, on pourrait avoir des seniors à 40 ans d’expérience avec un salaire excessif à cause de la progression automatique par année d’expérience.
On a là gardé notre solution initiale : le plafonnement des contributeurs individuels à 20 ans d’expérience lors du recrutement. Si je recrute un candidat à 40 ans d’expérience qui n’a pas évolué au-delà du niveau senior, il sera payé comme un senior de 20 ans d’expérience (ce qui est déjà beaucoup).
Note : On compte les années d’expérience pour le placement au recrutement. Ensuite, ce n’est simplement plus un sujet. On ne parlera que de progression de niveau et on fera une augmentation automatique à l’expérience pour tout le monde, sans plafonnement. Ça posera peut-être des difficultés dans 10 ans mais il sera temps d’agir à ce moment-là si vraiment la grille n’a pas changé entre-temps. Note bis : Ce choix de continuer les augmentations automatiques a été remis en cause ensuite dans l’entreprise, à mon avis pour de mauvaises raisons.
Cas particuliers au recrutement
On a fait le choix de valoriser quand même l’expérience spécifique de ceux qui ont un parcours atypique avec une reconversion. Ce n’est pas de l’expertise, mais le recul et les compétences annexes apportent un vrai plus.
On compte l’expérience dans le métier cible pour le placement dans les niveaux mais on ajoute ensuite quand même la moitié de l’expérience pré-reconversion. Il y aura probablement un plafond à ce système mais nous n’avions pas encore eu à le faire à l’époque.
On a gardé la possibilité de faire aussi une exception pour des candidats qui ont eu une progression bien plus rapide que la moyenne, dont on saurait motiver objectivement l’exception par leurs réalisations passées ou leur parcours.
Ça arrivera probablement un jour mais en pratique ça n’avait jamais été le cas en trois ans. Je préfère proposer d’entrer au niveau attendu et de faire une promotion rapide lors de la période d’essai. On l’a déjà fait. Ce sera refait avec plaisir autant de fois que ce sera pertinent.
Positionner la grille
Il faut mettre de vrais chiffres dans notre grille. C’est plus facile à dire qu’à faire.
La question est à qui on se compare : Les concurrents locaux directs, tout le marché local, ou tout le marché global.
Ça explique pourquoi les comparatifs ne vont pas aider, d’autant plus s’ils agrègent plein de points de données sans vrai tri préalable. Vous en trouverez plein, tous sérieux, mais qui diront chacun quelque chose de différent, avec parfois des écarts énormes.
Ce sont trois marchés distincts et faire une moyenne ou une médiane sans distinguer ces trois zones n’a pas de sens. Le chiffre dépendrait plus de la répartition du corpus entre ces trois catégories que du niveau de rémunération lui-même.
Même définir quel est notre marché n’est pas une évidence. Nous recrutions plutôt en T1 et T2, plutôt en marché local ou hors Paris, mais ce sont les T2 et T3 qui recrutent chez nous, avec parfois les tarifs parisiens. C’est une fierté parce que ça montre à quel point nos pratiques et notre niveau sont élevés mais ça ne nous aide pas.
Décider sur quoi il est pertinent nous aligner relève au final d’un choix stratégique plus que d’un calcul objectif.
Définir sa référence
Nous savions tout ça mais ça n’a pas été simple pour autant. Nous avons quand même perdu beaucoup de temps à débattre des médianes et des comparatifs de rémunération.
Je me suis d’ailleurs pris les pieds dans le tapis une fois avant qu’on arrive au bon positionnement l’année suivante, faute d’avoir présenté les choses d’une façon qui convainque. J’avais abouti en sélectionnant Figures et Datarecrutement comme références. On m’a opposé un benchmark d’une plateforme de recrutement qui avait des médianes 20 % inférieures.
Au final c’est facile de choisir arbitrairement un comparatif en fonction de ses propres convictions, et vider de son sens l’intérêt de se baser sur un comparatif.
Se baser sur les offres reçues par les salariés ne fonctionne pas mieux.
Les salariés voient les entreprises qui mettent leurs offres en avant, qui embauchent des recruteurs. Ce sont ceux qui ont un fort besoin en recrutement, donc sont déjà prêts à investir plus que la moyenne. Ceux qui sont prêts à chasser chez nous sachant qu’on paye plutôt bien sont aussi ceux qui sont au-dessus de la moyenne. Parmi ceux-là, ceux qui mettent en avant une fourchette de salaire tôt dans le processus sont souvent ceux qui en sont fiers donc ceux qui payent dans le haut de leur marché.
À cela il faut penser qu’on va retenir les belles offres qui font rêver. Les autres on va vite les oublier en se disant qu’elles ne sont pas pour nous. Elles font pourtant autant partie du marché.
Les biais de sélection s’accumulent et, même avec de la bonne volonté, on finit par se comparer à ceux qui payent nettement au-dessus du marché réel.
La perception est fortement biaisée et ça s’est encore accéléré avec le télétravail depuis la pandémie. Les entreprises parisiennes se sont mises à solliciter les travailleurs hors de Paris, avec des tarifs parisiens de 10 à 20 % supérieurs à ceux des autres régions. On ancre ces références, même pour les salariés qui préfèrent avoir des collègues en local.
Il est souvent impossible de suivre, et ce ne serait de toute façon pas forcément une bonne stratégie.
On a aussi essayé de regarder les entreprises comme la nôtre mais ce n’est pas simple et n’a pas permis d’avancer.
Des scale-up à Lyon il n’y en a pas des dizaines. S’il faut retirer celles qui sont juste après une levée de fonds ou un rachat avec un cash qu’on n’a pas, ça limite beaucoup. Si on retire aussi celles qui ont un siège ou une grosse antenne à Paris, ce qui rend pertinent de recruter au tarif parisien, on limite encore plus. Si on retire encore celles qui licencient beaucoup donc pourraient regretter d’avoir des salaires si haut, celles sur un domaine qui a un fonctionnement ou des contraintes différentes du nôtre, celles qui sont sur une techno plus ou moins recherchée, celles qui ont une qualité qui n’est pas celle qu’on cherche, celles qui… à force de retirer chaque différence et chaque cas particulier il ne reste plus que nous. Choisir ce qu’on retire ou pas revient à choisir arbitrairement ce qu’on veut retenir en fonction de ses propres convictions et on fausse encore une fois tout l’intérêt.
Retour à la case départ.
Définir la pente
Dès la première itération on arrive quand même à se créer une conviction quant à la pente de progression, c’est-à-dire de la différence entre une personne qu’on veut recruter en sortie d’école et une avec 10 ans d’expérience qui a suivi notre progression type.
Figures et Datarecrutement nous donnent quelque chose de suffisamment cohérent avec notre grille historique pour qu’on veuille se fixer dessus.
La surprise, pour moi, c’est qu’au moins sur les 10 à 15 premières années, la progression de salaire de ceux qu’on aimerait recruter est assez linéaire. Je me serais attendu à une progression plus logarithmique.
Mieux, la pente moyenne de cette progression est assez proche de celle qu’on avait déjà historiquement : 2 500 € par année d’expérience.
On va donc figer ces paramètres. Avec notre choix du 50–50 et notre passage de niveau en moyenne tous les trois ans, ça fait bien 5 000 € d’augmentation l’année du passage d’un niveau et 1 250 € les autres années (hors inflation, j’y reviendrai après).
On voit bien que cette pente n’est viable que pour ceux qui suivent quand même de près ou de loin la progression type, sinon ça peut vite devenir aberrant.
Avec le temps, s’il faut mettre à jour cette pente avec l’augmentation des salaires, je pense que j’aurais tendance à accroître le poids du passage de niveau par rapport à la partie automatique liée à l’année d’expérience.
Ça réduira les problèmes que posent les cas particuliers qui sortent de la progression type et ça permettra de créer plus d’intérêt personnel à progresser.
Tout ça ne nous donne malheureusement toujours pas les chiffres finaux.
Figures.hr
Instant pub mais je n’ai pas de commission (hey, commerciaux de Figures, si vous passez par là, on peut en parler ;-)
Contexte : On a eu une levée de fonds avec une volonté d’accélérer fortement nos recrutements entre notre premier essai, que je considère un peu comme un échec, et notre choix final de l’outil Figures. Ça guide aussi la stratégie mise en œuvre.
Un an après, on confirme donc Figures comme référence. Aujourd’hui, c’est celui que je recommande pour notre cas, et probablement pour la plupart des startups et scale-ups.
Figures c’est juste une base de données de salaires, comme n’importe quelle autre. Ce qui fait sa particularité c’est qu’elle se constitue côté employeur. On évite donc le biais principal qui est d’avoir uniquement les salariés qui recherchent ou ceux qui ont recherchés par des recruteurs. Les entreprises qui veulent fouiller dans la base sont obligées d’y injecter leurs propres données. Le système donne quelque chose d’assez cohérent dès qu’il y a une masse critique, qui semble aujourd’hui atteinte.
Vous vous souvenez des trois marchés ? Figures affiche pas mal de logos, quelques ESN mais beaucoup de startups, scale-ups, et quelques licornes. On est majoritairement dans le T2 avec un peu de T1. Maintenant ce sont aussi probablement des T2 et T1 que leur marketing cherche à mettre en avant pour faire rêver. Pour confirmer, il faudrait avoir la liste intégrale.
Toujours est-il que ça ressemble quand même beaucoup à pas mal d’entreprises à qui on pourrait avoir envie de se comparer.
Est-ce pertinent pour tout le monde ? Certainement pas.
Par contre, l’outil est assez bien fait et ne nous présente pas qu’une médiane. On a des chiffres par déciles, des tris par niveau, par métier, par localisation, et quelques filtres supplémentaires comme le nombre d’employés, le stade de financement, le domaine d’activité, etc.
Définir ses paramètres
Attention à l’échantillon. Les filtres sont magiques mais, au moins hors de Paris, on arrive vite sur une zone non représentative dès qu’on en cumule plusieurs. Comme toute recherche de données, on peut faire bien des erreurs de bonne foi. Heureusement, l’outil nous indique le degré de confiance.
On a donc intérêt à ne pas trop filtrer, et nous limiter aux critères vraiment pertinents.
Quand on a fait l’étude (ça doit forcément varier avec le temps et avec les sociétés qui participent), la taille de l’entreprise ne joue en réalité pas un rôle majeur. Le domaine d’activité non plus. Ce dernier point me semble cohérent avec l’orientation très startup et scale-up : Ces sociétés se ressemblent plus entre elles qu’elles ne ressemblent aux entreprises classiques de leur propre domaine d’activité.
Plus étonnant pour moi, le stade de financement n’est pas un critère majeur non plus. En fait, les entreprises très avancées ne payent pas forcément plus, et parfois même plutôt moins. Même sélectionner uniquement le FT120 ou le Next40 ne fait pas tant monter les rémunérations.
Localisation
Le vrai critère qu’il reste c’est la localisation. On identifie trois corpus assez clairs : Paris, le télétravail, le reste de la France. Le télétravail est proche de Paris. Le reste de la France est significativement plus bas. Cette dernière catégorie est un peu fourre-tout. On a l’intuition que Lyon est probablement un peu différent du reste de la France mais l’échantillon spécifiquement lyonnais est trop peu significatif pour permettre de s’en assurer.
Toujours est-il que, de la même façon que nos marchés T1, T2 et T3 plus avant, on se retrouve avec trois ensembles dont le calcul de la médiane serait plus caractéristique de pondération entre les trois que des rémunérations elles-mêmes. La pondération risquant de changer avec le temps, la médiane ne représente pas grand-chose.
On va devoir choisir. On veut pouvoir recruter à Paris et en télétravail mais l’essentiel de nos équipes est quand même à Lyon et on souhaite que ça reste ainsi. Ça se voit d’ailleurs dans notre critère de télétravail : pas à plus de 3 heures de Lyon (j’ai une grande conviction là-dessus, venez m’en parler si vous voulez). À défaut de mieux, on se compare donc à « toute la France sans l’Île-de-France ni le télétravail ».
C’est le seul critère qui nous apporte de vraies différences et on risque de se retrouver avec un trop petit corpus si on ajoute des filtres. On ne garde que celui-là.
Quand on étendra la méthodologie à d’autres métiers, même ce critère se retrouvera parfois limitant, et on se comparera à l’ensemble toutes localisations confondues.
Définir la stratégie
Vous savez quoi ? Même après tout ça, on n’a pas notre grille. On a une référence, mais la médiane n’est pas forcément le chiffre à retenir.
Se placer à la médiane c’est dire que 50 % paye mieux. Est-ce vraiment là que nous voulons nous placer ?
On veut un niveau technique élevé et attirer des candidats excellents. On rejette d’ailleurs énormément de monde lors du processus de recrutement. Positionner ensuite la rémunération à la médiane du marché ne serait pas cohérent. Quelques salariés nous le disent d’ailleurs explicitement lors des discussions.
On regarde notre intuition sur ce qu’il faut faire (désolé pour ceux qui pensent que tout est parfaitement chiffré, à un moment il faut faire des choix arbitraires de stratégie) et ça tombe assez bien avec le 75ème percentile de notre choix géographique.
« Ils sont où les chiffres ? »
J’ai fait l’intervention au Mixit au nom de mon employeur de l’époque. J’ai eu le plaisir d’y diffuser en pleine transparence la grille de ce moment là, avec tous les chiffres. Plein de gens ont pris des photos qui se retrouvent probablement en ligne. Il y a aussi eu un enregistrement vidéo qui finira sur la page de la conférence s’il n’y est pas déjà quand vous lisez ces lignes.
Ici c’est un espace personnel avec un discours un peu plus intemporel et des opinions qui n’appartiennent parfois qu’à moi. Je préfère donc ne pas y mettre d’informations spécifiques à un employeur donné.
C’est cohérent avec notre stratégie : on ne concurrence pas Paris mais on veut être en haut de liste chez nous.
Haut de liste ça veut quand même dire qu’on ne sera pas systématiquement le meilleur payeur. C’est assumé.
Par définition, on a 25 % de la population cible qui sera mieux payée que chez nous. Parfois ça sera même beaucoup mieux, parce que plus on s’écarte de la médiane plus les salaires explosent de façon exponentielle. Souvenez-vous le graphique des trois marchés, comment le T1 a une longue traîne vers la droite. On ne cherche pas à dépasser ce marché-là, ou même à être celui qui met le plus sur la table dans le T2.
Ça nous laisse toutefois correctement placés correctement par rapport à la France entière (donc le corpus semble quand même majoritairement parisien), proche de la médiane, donc ça nous permet encore de recruter à Paris sachant qu’on donne aussi des rémunérations annexes (BSPCE) qui peuvent être très significatives dans le temps.
Est-ce que vous devez prendre le 75ème percentile ?
Probablement pas. Si je devais être joueur, je dirais que ça a même 75 % de chances d’être trop élevé pour vos besoins. Tout le monde ne peut pas être au 75ème percentile. C’est juste notre stratégie, en fonction de notre contexte, à ce moment-là.
C’est d’autant plus vrai que, sauf à abandonner l’idée de grille en payant différemment les nouveaux et les anciens, on peut faire monter la grille mais pas la faire descendre. Pour descendre la seule solution c’est arrêter de suivre l’évolution du marché et espérer que le marché nous dépassera. Ça peut prendre du temps, surtout en période de crise où le marché aura tendance ne pas augmenter, voire à baisser. Bref, prudence.
Définir l’évolution
J’ai dit que les augmentations annuelles se font hors inflation. En réalité c’est impossible d’intégrer l’inflation dans la grille vu que c’est quelque chose qui varie chaque année. Je risque rapidement de me retrouver avec une grille déconnectée de la réalité.
La solution c’est de faire évoluer la grille elle-même, régulièrement.
On ne se calera cependant pas sur l’inflation mais sur le marché. On se confronte à notre référence et on se met à jour en fonction. Ce sera probablement une fois tous les ans ou tous les deux ans.
On garde un second critère en parallèle : le taux de rejet au recrutement.
Avoir une grille simple et un positionnement objectif au recrutement nous permet de donner un positionnement de rémunération dès le premier échange avec un candidat. Si la rémunération proposée pose problème, on le sait tout de suite. On se dit aujourd’hui qu’on aura quelque chose à réévaluer si on a plus de 20% de refus à cause du salaire dans les candidats qui correspondent à nos offres.
Ce double critère, un comparatif de marché et un calibrage au recrutement, nous garantit une démarche juste, indépendamment de tous les biais qu’on a exploré.
L’idée est de sortir le salaire de l’équation. On paye bien. La méthodologie permet à chacun d’avoir confiance dans la grille établie malgré le ressenti que donnent toutes les offres qu’on voit passer. On peut se concentrer sur ce qu’on réalise plutôt que nous battre sur la question du salaire.
Faire des choix
Il n’y a pas qu’une seule vérité, juste des choix, pas toujours aussi libres qu’on ne l’aimerait. C’est aussi pour ça que je ne fais que raconter mon histoire. C’est à vous de créer la vôtre, avec vos propres choix.
La partie qui suit est probablement plus tournée vers l’opinion personnelle. À vous d’en faire l’usage qui vous convient.
Diplôme, alternance, et leur absence
J’ai la conviction que les études ne servent pas à rien. Je vois généralement la différence entre un jeune diplômé BAC+2 et un jeune diplômé BAC+5. Je suis cependant généralement incapable de dire si quelqu’un dans les 10 ans d’expériences avait fait des études courtes ou des études longues.
La formule qu’on a trouvé c’est de compter de la même façon un BTS avec 5 ans d’expérience, un IUT avec 4 ans d’expérience, et une école d’ingénieur avec 2 ans d’expérience.
Ce qu’on n’apprend pas en études on peut l’acquérir en expérience. Ce n’est pas équivalent — on n’apprend pas les mêmes choses — mais sur le moyen terme ça me semble une bonne approximation que tout le monde comprend et accepte.
Cette règle simple permet aussi de facilement gérer le cas de l’alternance. Si on compte de la même manière les années de formation et les années de pratique, on compte aussi de la même façon les années qui mêlent les deux.
Très bonnes écoles
J’ai toujours été embêté par la question des très bonnes écoles.
Pour être honnête, je sais que quand je recrute quelqu’un qui vient de Centrale Lyon, j’ai toutes les chances d’avoir un candidat qui sortira du lot.
Ce que je sais aussi, c’est qu’une personne excellente sera excellente qu’elle aille à centrale ou dans le BTS du coin. C’est juste qu’une part importante des personnes excellentes va dans de très bonnes écoles.
Beaucoup mais pas tous, pour plein de bonnes raisons qui sont propres au parcours de chacun. Je trouve injuste et mal avisé de forcément rémunérer en fonction de ce critère.
Au final je préfère dire que si quelqu’un est vraiment bon, il progressera vite dans les niveaux et pourra obtenir très vite une très bonne rémunération. Je fais confiance et donne les opportunités à tout le monde au départ. Je ne l’ai jamais regretté.
Paris et Île-de-France
J’ai déjà donné mon opinion il y a quelques années. Elle n’a pas changé, même si je l’écrirais aujourd’hui avec probablement plus de conditionnel et moins de radicalité.
Je ne dis pas que ça ne se fera jamais, mais à mon sens si jamais ça se fait ça sera par besoin, pas simplement pour mieux rémunérer ceux qui font le choix de rester dans une zone chère.
Enfants à charge
La question sous-jacente : est-ce que la rémunération doit s’adapter à la valeur produite par la salarié ou par les besoins de vie du salarié ?
C’est un choix politique plus qu’un choix d’entreprise, et je ne souhaite pas confier la politique sociale aux intérêts privés des chefs d’entreprise. C’est pour moi un choix qui doit appartenir à la collectivité et s’imposer ensuite à tous.
Pour autant, je sais bien qu’on ne vit pas dans un monde idéal, et il est naturel de trouver positif que certaines entreprises tentent de compenser les lacunes de notre politique sociale.
Quelle est la bonne limite ? Je ne sais pas. J’aimerais juste que les bonnes actions des entreprises ne soient pas une désincitation à ce que l’État joue son rôle.
Fidélité
En startup on a un super outil pour récompenser la fidélité : les BSPCE (si vous ne connaissez pas, pensez « stock options »).
Pour les autres… je ne sais pas. Jouer sur la rémunération c’est risquer de retenir des salariés en les payant au-dessus du marché. Ça fonctionne mais on risque aussi de retenir des personnes qui ne sont plus impliqués et qui n’ont plus tout à fait envie d’être là.
Quitte à choisir, je préfère récompenser la fidélité par des congés. On évite l’effet prison dorée.
Temps partiel
On m’a posé la question du temps partiel. C’est tellement simple pour moi que je n’y étais pas préparé : le temps partiel est possible, la rémunération est au prorata.
D’un point de vue personnel j’ai même tendance à encourager le 80 %. La perte de productivité est finalement assez faible.
Pour un mi-temps, l’équation est différente. J’ai la conviction que la productivité est inférieure à 50 %, parce que les temps non-productifs (synchronisation, discussions, apprentissages) sont incompressibles. Au global toutefois, tant que les demandes de mi-temps sont marginales, je préfère laisser la possibilité ouverte et conserver cette simple règle du prorata.
Calcul d’expérience
On comptera un période à temps partiel 80 % comme une à temps plein.
Un congé maternité, un arrêt maladie ou un mi-temps de quelques mois au milieu d’une période d’activité compteront aussi probablement comme une période d’activité à temps plein.
Un mi-temps de plusieurs années comptera probablement pour moitié. Un arrêt maladie ou un congé sans solde de plusieurs années ne compteront probablement pas comme une période d’activité.
Où est la limite ? Je ne sais pas encore. Peut-être 6 mois, peut-être 1 an, peut-être autre chose, et peut-être que ça dépendra des cas. Nous n’avons pas encore eu à trancher.
Variable
Là aussi, j’ai déjà écrit et je n’ai pas varié. La littérature est assez claire pour dire que les primes sur objectifs sont une mauvaise chose pour les métiers autres que les métiers d’exécution.
Nous avons toutefois un intéressement à la réussite collective de l’entreprise, via les BSPCE.
Tout ceci n’est que le récit d’une expérience personnelle.
Il n’y a pas de vérité absolue, que des choix, parfois très arbitraires, qu’on a cru bons dans notre situation spécifique. Faites les vôtres. Peut-être que certains des miens changeront à l’avenir.
Je suis par contre très intéressé par ce que ça vous inspire, ce que vous avez vous-même testé ou mis en œuvre, et par les questions que ça soulève chez vous.
Plus tard l’entreprise a choisi de mettre un plafond définitif à 20 ans d’expérience, plus aucune progression à partir de là. J’aurais préféré d’autres solutions mais j’étais sur le départ donc les choix n’étaient plus les miens.↩︎
Ce n’est pas tant que j’ai un nouveau portefeuille, c’est que j’ai enfin pu faire refaire mon permis de conduire pour avoir le nouveau format carte de crédit¹.
C’est ce qui me permet d’avoir enfin le portefeuille minimaliste que j’envisageais depuis bien longtemps. Format d’une carte de crédit et épaisseur quasiment limitée à ce que je mets dedans. De quoi le trimbaler tout l’été dans mes poches sans avoir un truc volumineux qui m’impose à prendre une sacoche en bandoulière ou qui me gêne au jour le jour.
Je ne fais pas encore de promo, je ne sais pas s’il va tenir deux semaines ou deux ans. J’en parlerai si ça tient au moins l’été correctement.
¹ Le remplacement de l’ancien permis de conduire rose trois volets est gratuit. Attention, le nouveau permis a une date d’expiration. Le passage au nouveau permis deviendra obligatoire à terme mais en y passant plus tôt on devra aussi renouveler plus tôt, et ce renouvellement sera potentiellement payant.
Personnellement j’aurais bien aimé passer aussi ma carte d’identité au nouveau format mais ce n’est pas possible avant d’avoir passé les quinze ans de mon ancienne. Théoriquement je peux la changer à l’occasion d’un changement d’adresse mais le ministère de l’intérieur a suspendu « temporairement » cette possibilité depuis plusieurs années pour ne pas avoir à gérer le volume nécessaire.
Être millionnaire c’est avoir 8 fois le patrimoine net médian. On peut dire qu’on est riche, si.
* * *
Alors, si vous me permettez, les délires comme quoi on taxe trop les riches et le capital, qu’ils fuient à l’étranger pour ne pas être spoliés, tout ça c’est de la foutaise.
La réalité c’est qu’on a un pays qui crée, entretient et favorise les ultra riches et super riches.
Et il n’y a pas d’argent magique (™️)
Dans une certaine mesure, ce qui va d’un côté (les super riches et ultra riches), c’est autant qui ne va pas de l’autre (les pauvres, les classes moyennes et les classes aisées)
Et n’allez pas croire qu’on devient ultra riche (milliardaire) en travaillant. On l’est essentiellement en héritant.
N’allez pas non plus croire que les super riches (millionnaires) en le sont par le mérite et la valeur créée pour la collectivité. Ils sont juste les grands gagnants du système.
* * *
Pour donner un ordre de grandeur, pour devenir milliardaire par son travail, il faut gagner environ 3,5 millions d’euros nets par mois.
3 500 000 €, soit dans les 1 750 fois le revenu médian, tous les mois à partir du premier mois, pendant les 43 ans d’une vie complète de travail, sans aucune interruption même pour raisons de santé, et sans rien dépenser de cette somme pour autre chose que l’impôt sur le revenu.
Si quelqu’un arrive à considérer ça réaliste ou légitime, il est le bienvenu à m’expliquer.
L’existence même des milliardaire est un grave dysfonctionnement de nos sociétés. Qu’on l’accepte est juste incompréhensible.
L’idée c’est de parcourir cas à cas, dans l’ordre, et de s’arrêter au premier qui correspond.
Cas général
Il y a des places de stationnement libres ? ✅ Utilisez-les. Ne faites pas de double file, n’occupez pas la bande cyclable.
Il y a une place de livraison avec ligne discontinue ? ✅ Vous pouvez vous y arrêter temporairement ici (mais pas y stationner).
Il y a un accotement praticable non réservé aux piétons ou cyclistes ? ✅ Vous pouvez vous y arrêter.
Sinon, ❌ Allez plus loin. Trouvez une place disponible, quitte à marcher un peu. En agglomération il y a quasiment toujours une place en surface ou une place en sous-terrain à moins de 250 mètres.
C’est vraiment pour deux minutes
(en plus des cas précédents)
La voie à droite va dans le même sens de circulation ? ✅ Arrêtez-vous sur la voie de circulation générale la plus à droite. Les autres automobiles vous contourneront par la gauche.
La voie à droite est séparée par une ligne discontinue ? ✅ Arrêtez-vous sur la voie de circulation générale la plus à droite. Les autres automobiles vous contourneront par la gauche.
C’est un sens unique avec la place de se croiser et il y a une bande cyclable à droite ? ✅ Arrêtez-vous à gauche de la chaussée. L’article R417–1 vous permet de vous arrêter à gauche dans ce cas.
Attention à ne jamais empiéter vous arrêter sur la gauche d’une chaussée qui contient un double-sens cyclable (mais dans ce cas ce n’est pas un sens unique, par définition c’est un double sens même s’il n’est pas accessible aux automobilistes dans les deux sens). C’est un danger de mort pour les cyclistes.
Sinon, ❌ Allez plus loin. Trouvez une place disponible, quitte à marcher un peu. En agglomération il y a quasiment toujours une place en surface ou une place en sous-terrain à moins de 250 mètres.
C’est vraiment pour 15 secondes ? ⚠️ Vous ne devriez pas, mais arrêtez-vous sur votre voie sans déborder sur des voies réservées. Si c’est vraiment court, les autres attendront.
Dans tous les cas : Laissez libre la voie bus ou la bande cyclable à votre droite. Ne l’occupez pas. En plus d’être dangereux pour les cyclistes, ce serait un arrêt « très gênant » et vous coûterait 135 € (article R417–11).
Je n’ai vraiment pas le choix (une panne ?)
(en plus des cas précédents)
⚠️ On parle dorénavant de cas de force majeure. Si vous avez le choix et que votre arrêt n’est pas indispensable, vous risquez au moins une amende de 35 € pour « arrêt gênant » (article R-417–10).
La voie à droite est une voie réservée pour les bus ? ⚠️ Arrêtez-vous sur la voie générale la plus à droite. Les autres automobilistes feront un contournement exceptionnel par la voie bus. Ils n’y seront pas prioritaires et ne créeront pas de danger.
Il y a une voie à gauche, séparée par une ligne continue ? ⚠️ Arrêtez-vous sur la voie générale la plus à droite. Les autres automobilistes feront un contournement exceptionnel par la voie bus. Ils n’y seront pas prioritaires et ne créeront pas de danger.
Il y a une place de livraison avec ligne continue ? ⚠️ Vous ne devriez pas vous y arrêter, mais c’est encore là que vous gênerez le moins si vous n’avez vraiment pas le choix. Laissez par contre les places de transport de fond de libres, là il y a un enjeu de sécurité pour le personnel concerné.
C’est un sens unique ou un double-sens cyclable et, il n’y a pas la place à deux automobiles de se croiser ? ⚠️ Arrêtez-vous sur la voie générale. N’empiétez pas sur la voie cyclable. Ça ne sert à rien de toutes façons vu que les automobilistes ne pourront quand même pas vous contourner.
Il y a une bande cyclable à droite plus un double sens cyclable à gauche et la totalité de la chaussée permet à deux automobiles de se croiser ? ⚠️ À défaut de mieux, ici et seulement ici, si l’arrêt est à la fois indispensable et long, il n’y a de meilleure solution que vous placer à droite de la chaussée empiétant sur la bande cyclable de droite.
Attention à ne jamais empiéter vous arrêter sur la gauche d’une chaussée qui contient un double-sens cyclable. C’est un danger de mort pour les cyclistes.
Dans tous les cas sauf le dernier : Laissez libre la voie bus ou la bande cyclable à votre droite. Ne l’occupez pas. En plus d’être dangereux pour les cyclistes, ce serait un arrêt « très gênant » et vous coûterait 135 € (article R417–11).
L’amende de 35 € en cas d’arrêt sur la voie générale (« arrêt gênant ») sera de toutes façons moins chère que celle de 135 € en cas d’arrêt sur voie réservée (« arrêt très gênant »).
Cette hiérarchie est celle du code de la route, respectez-la.
J’ai arrêté cette série de billets très rapidement.
J’y tiens. Je veux recréer de l’utopie et penser plus au monde possible qu’à celui qu’on est en train de construire.
Le problème c’est que ces billets sont viciés à la base. Ils ne fonctionnent que par contraste avec ce qui est fait, ou pas fait, aujourd’hui. Ils ne font que souligner que nous allons à pleine vitesse dans la mauvaise direction.
Honnêtement, ça me fout le moral à zéro et se révèle encore plus difficile que simplement critiquer.
Je reprendrai peut-être. J’aimerais reprendre. En ce moment je n’en ai pas la force.
Les développeurs de mes équipes demandent depuis un moment des licences Github Copilot. J’ai vu quelques personnes parler de l’éditeur Cursor.sh.
J’avoue que j’ai eu envie de tester un peu. Sur un projet perso j’ai tenté l’approche « allons-y totalement ». Je suis bluffé.
Bon, j’ai encore le réflexe de chercher tout ce que je ne sais pas dans les docs. Ça veut dire que je demande principalement des choses que je saurais déjà faire, et potentiellement aussi rapidement seul qu’en saisissant ma demande dans l’interface. Je ne sais pas si je gagne vraiment du temps mais, même ainsi, l’investissement de 2x 20$ par mois me semble une évidence.
Avec le temps je risque de me reposer vraiment dessus et là ça fera certainement une énorme différence. Pour un débutant qui apprend à coder directement avec ces outils, ça doit être juste une révolution.
Le métier de déveveloppeur est en train de changer radicalement. Je ne sais pas s’il sera le même dans 10 ans. Je ne sais même pas si ça a du sens d’enseigner le code à mon fils de 11 ans.
⁂
On est en train de tester ça au boulot, plus Code rabbit pour les revues de code. Si je trouve d’autres choses pertinentes j’ai une propension assez forte à ajouter aussi. Même sur un budget total de 100 ou 150 $ par mois et par développeur, ce serait assez mal avisé de rejeter la chose.
Reste l’énergie nécessaire à tout ça, et là on touche vite la limite du modèle :
« OpenAI’s CEO Sam Altman on Tuesday said an energy breakthrough is necessary for future artificial intelligence, which will consume vastly more power than people have expected.
Je n’ai pas de conclusion. L’aspect productivité ne fait aucun doute. La limite énergétique aussi. Malheureusement les deux ne vont pas du tout dans le même sens.
« C’est ridicule ce getTauxRemboursementSecu(). Le code on le fait en anglais.
(reformulation libre de débats trouvés sur Twitter)
Je ai eu ce débat quasiment dans chaque équipe que j’ai traversé. Les réponses n’ont pas toujours été les mêmes et — sans vous dire quoi faire dans votre situation spécifique, bien que mon avis générique soit assez tranché — je peux au moins partager les expériences.
Ils ont choisi l’anglais
Pour autant que je m’en souvienne ça a été décidé par cohérence, parce que c’est comme ça que ça se fait dans le développement, parce que le langage lui-même est en anglais, ou/et pour avoir un jour des collaborateurs non francophones dans l’équipe.
Décision facile
Je n’ai vu aucune équipe revenir sur cette décision. Elle est comprise, acceptée et respectée par tous. Tous savent ou pensent savoir parler assez anglais pour ça. Ça a même pu fait partie des critères de recrutement (et peut-être que le fait que ça soit un critère de recrutement a pu influencer la décision).
Cohérence limitée
Attention toutefois à l’argument de cohérence dans le code pour avoir tout en anglais. On déchante en fait rapidement avec des cas spécifiques. Pour avoir vécu justement le cas de l’introduction, comment traduire « sécurité sociale » dans le taux de remboursement de la sécurité sociale ?
C’est un nom propre et utiliser un terme générique n’a pas trop de sens voire pourrait induire en erreur si un jour il s’agit effectivement d’aller à l’international avec d’autres organismes. Garder le terme français fait un peu sauter les argument de cohérence et d’uniformité du code.
Le problème apparaît de toutes façons dès qu’on va à l’international, qu’on soit en anglais ou en français, parce qu’il va falloir introduire des termes de plusieurs langues. Il reste que pour une équipe franco-française avec un produit français, on déchante un peu sur le bénéfice de cohérence attendu.
Jusqu’où aller
La limite n’est pas facile à trouver. Le code en anglais a parfois transpiré sur les commentaires de code, sur les discussions d’architecture et sur les propositions de changement (oui, j’ai traduit « pull request », que vas-tu faire ?), puis les commentaires de ces demandes dans GitHub, les documentations techniques, etc.
La limite est celle qui se trace entre la tech et le produit : le produit continue à travailler dans leur langue naturelle. L’idée d’ajouter une frontière supplémentaire entre tech et produit ne va malheureusement pas trop dans le sens que je souhaite pour mes équipes.
La seule équipe qui n’a pas eu ce problème c’était une équipe réellement internationale sur plusieurs pays, dans une boite US. Eux n’ont jamais eu à se poser la question.
Les termes métiers
Où que soit la limite, j’ai souvenir de difficultés pour passer d’une langue à l’autre, de la création de lexiques pour nos termes et concepts métiers dans les différentes langues, et de débats sur comment représenter tel ou tel concept juridique ou jargon spécifique qui n’a pas d’équivalent dans une autre langue.
C’est moins simple qu’il n’y parait. Je crois qu’à chaque fois l’équipe s’est fait prendre par des faux amis, des traductions malheureuses, et des termes imprécis ou qui se sont révélés trop génériques, au point de poser problème.
C’est même arrivé dans une équipe qui travaillait sur un produit pour le Royaume Uni. Changer un terme métier après coup parce qu’on a utilisé le mauvais dans tout l’environnement de développement, c’est très loin d’être une évidence. Je pense qu’ils vivent encore avec un terme qui représente des choses différentes suivant qu’il est utilisé dans le code ou dans le métier et par les utilisateurs. C’est généralement exactement la situation qu’on cherche à éviter.
On ne maîtrise pas l’anglais
Je crois que c’est mon préalable. La croyance que tout le monde parle anglais dans la tech est fausse. Presque tout le monde sait lire de l’anglais technique, avec un niveau de compréhension variable. La plupart savent écrire de l’anglais, mais souvent avec un niveau de vocabulaire plutôt basique.
L’anglais n’est pas maîtrisé, les nuances ne sont pas disponibles, le vocabulaire reste générique, les connotations ne sont pas comprises ou pas voulues. On est parfois sur le niveau de langue d’un enfant de maternelle, mêlé à d’autres personnes qui ont une maîtrise assez élevée.
Un frein à la communication
L’effet majeur que j’ai vu, c’est toutefois le frein à la communication.
Le métier du développement informatique est majoritairement un métier social. L’enjeu n’est pas de taper des lignes mais de comprendre le métier, d’y trouver des solutions, et de faire avancer ensemble des projets. La communication est au cœur.
L’anglais qui transpire sur les commentaires du code, c’est déjà un peu de frein. On utilise du vocabulaire moins précis et quelques faux amis. Ce n’est pas dit que la compréhension y gagne alors que les commentaires sont déjà trop souvent sous-estimés.
Avec de vrais impacts
Quand les échanges des propositions de modification et des discussions d’architecture étaient fait en anglais, on avait une vraie perte mesurable : Des échanges moins cordiaux et plus d’incompréhensions.
Personnellement je l’interprète parce qu’un langage mal maîtrisé, sans nuances, ça ne permet pas d’être efficace. On n’explique pas les concepts de la même façon à un enfant de maternelle, et pourtant on maîtrise souvent les langues étrangères moins bien qu’un enfant de maternelle.
S’il y a une limite que je fixerais si jamais je devais passer à l’anglais dans une équipe uniquement française, c’est de ne pas dépasser les fichiers de code. Les demandes de modification, les discussions d’architecture et tous les échanges ne doivent se faire que dans la langue la mieux maîtrisée par l’équipe.
Ils ont choisi le français
Et les autres ? J’ai aussi eu des équipes qui ont choisi le français. Le code est alors mixte. Les fonctions purement techniques sont généralement en anglais. Les termes métiers sont par contre repris tels quels. Parfois ça donne même des noms de fonction à moitié en français et à moitié en anglais, et pas qu’à cause des préfixes comme get ou set.
Décision faible
C’est moche, peu convaincant, ça semble bancale. La question se repose de temps en temps et les partisans de l’anglais n’ont jamais semblé vraiment considérer qu’on avait pris la bonne décision (alors qu’en passant à l’anglais, les partisans du français considéraient la question tranchée définitivement et ne la relançaient pas). J’interprète ça comme une frustration latente sur les incohérences qu’on rencontre quotidiennement.
J’ajouterai que plus l’égo est grand, plus cette frustration est importante, surtout pour ceux qui sont en haut de la courbe de Dunning-Kruger avec l’impression du « on ne fait pas comme il faudrait pour que ce soit bien fait, moi je sais comment il faudrait faire mais ils ne sont pas au niveau ».
Sans défaut
Pour autant, je n’ai jamais rien constaté comme problème si ce n’est cette frustration de ceux qui aimeraient passer à l’anglais.
Les termes métiers sont compris et partagés à l’identique dans toute l’entreprise. Les termes utilisés sont tous compris par tous. Les échanges sont fluides. Les personnes se comprennent (et quand ce n’est pas le cas, le vocabulaire n’en est pas la source). Le code n’est pas plus difficile à utiliser pour autant, quand bien même il y aurait ce mélange de langues.
Et donc ?
Mon biais est probablement évident. La pureté théorique rencontre souvent la réalité pratique. Le sentiment de cohérence me semble bien bien moins important que les problèmes rencontrés en utilisant plusieurs langues dans l’entreprise.
Tant que je peux utiliser le français dans une entreprise française constituée à 90% de francophones, la question ne se pose quasiment plus pour moi.
Peut-être qu’un jour le personnel de l’entreprise devra s’internationaliser, soit avec des bureaux dans d’autre pays, soit par un rachat. On prévoit ça comme un avenir souhaitable pour la croissance mais est-ce que ça va vraiment arriver ? À quelle échéance ? Est-ce qu’handicaper l’entreprise en attendant est vraiment un bon investissement ?
On parle souvent de dette technique. Passer à l’anglais trop tôt, est pour moi une vrai dette, majeure. Il est possible que l’investissement soit pertinent. Dans les cas que j’ai rencontré, c’était surtout une erreur.
J’ajouterai : Attention aux décisions prises par l’égo et par l’aspiration à faire ce qu’on pense que les autres font ou devraient faire. C’est un vrai facteur de mauvaises pratiques.
Plutôt que sélectionner mes recrutement en fonction du niveau en anglais, je préfère filtrer pour éviter les personnes qui mettent trop d’égo dans leurs choix et interactions.