Je vois la communauté dire « les bandes cyclables ne servent à rien, elles sont contre-productives ». Il y a quelques temps le même discours fleurait sur les sas vélo au feu.
Je me méfie des jugements un peu trop binaires.
Est-ce que je préfère des infrastructures séparées « en dur » ? bien entendu. Ce n’est pas toujours possible, que ce soit au niveau place ou au niveau coût.
Est-ce que toutefois je préfère avoir bande cyclable et sas vélo plutôt que rien ? en ville(*), oui(**).
Ça ne joue pas forcément sur la distance avec laquelle je suis dépassé, et peut-être négativement (même si, honnêtement, je suis dépassé de façon dangereuse dans tous les cas).
Ça évite qu’on se rabatte sur moi après le dépassement. C’est régulier à l’approche des feux rouges en l’absence de bande cyclable mais ça arrive aussi hors de ces cas.
Ça me permet un flux séparé quand la circulation est dense. C’est là que tout le monde va me fleurer voire me renverser, redémarrer sur moi, vouloir me dépasser à tout prix. C’est une situation fréquente en ville. Deux voies distinctes c’est bien.
Ça me permet de bénéficier d’une meilleure fluidité, en remontant les files de voitures qui vont moins vite en circulation dense ou en bouchons. Ça me permet aussi de remonter les files au feu rouge pour bénéficier soit du sas vélo soit du céder-le-passage cycliste (M12)
Ça me fait gagner un peu d’attention de la part des conducteurs respectueux quand ils tournent à droite et croisent une bande cyclable au sol. Ça n’empêchera pas les chauffards mais si ça évite un ou deux accidents, je suis pour.
C’est peut-être rien pour vous, expérimentés, mais une bande assure plus de sécurité pour mon fils parce qu’il va rouler dedans au lieu de mal évaluer ce qu’est « sur la droite ».
Ça stresse aussi moins ma femme qui s’autorise à y rouler en ville. Même si ce n’est qu’un faux sentiment de sécurité, ça compte quand même.
Ça ajoute de la visibilité aux cyclistes et légitimise leur présence. Ça ne devrait rien changer mais dans les faits une grande partie des problèmes arrive aussi par le sentiment que la chaussée est « pour les voitures ».
Avec une bande on essaie moins de refuser volontairement mes priorités « parce que je suis à vélo », et globalement de me mettre la pression ou de tenter de me pousser hors de la chaussée de façon punitive.
Je finis quand même par un : ça facilite le stationnement des livreurs, qui vont imposer de déboîter. C’est une situation dangereuse, à cause de la visibilité mais aussi de la volonté punitive de certains automobilistes. Serait-ce différent sans bande cyclable ? Pas certain.
Le Cerema explicite ses recommandations en fonction du trafic vélo, du trafic motorisé et de la vitesse. C’est effectivement bien moins binaire.
Les recommandations de bande cyclable ou bande dérasée sur voie à 70 ou 80 km/h m’interroge toutefois.
Ces solutions favorisent clairement les dépassements trop proches et à trop haute vitesse de la part des motorisés. C’est particulièrement sensible pour les poids lourds (mais pas uniquement).
En même temps, en l’absence, on prend aussi le risque que le conducteur motorisé voit le cycliste trop tard pour freiner ou qu’un véhicule en face l’empêche de se déporter au dernier moment.
Les deux situations sont mortelles. Mes expériences sur nationales et départementales denses ne me rendent pas très positif sur la possibilité de mixer des modes doux avec des motorisés au-delà de 50 km/h. C’est d’ailleurs là qu’il y a le plus de morts à vélo.
(*) Je ne parle que de la ville. Une grande partie des arguments n’a pas de pertinence hors agglomération. Le dépassement devient la problématique centrale. S’il n’est pas possible de faire une bande cyclable extra-large d’au moins 1,5m, alors il est probablement effectivement préférable de ne pas en avoir du tout, surtout avec des poids lourds et une vitesse élevée (si ça les incite à frôler, c’est mortel).
(**) Bien évidemment aussi, je parle de vraies bandes cyclables, pas les traits de peinture qui laissent 50cm de caniveau impraticable.
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