Auteur/autrice : Éric

  • Des salaires pas si explo­sifs

    Je lis souvent que les salaires des infor­ma­ti­ciens ont perdu toute mesure depuis des années, entre autres avec la pénu­rie de talents, avec l’in­for­ma­ti­sa­tion de notre monde, et avec la complexité crois­sante des systèmes à pilo­ter ou à créer.

    J’ai fait un retour arrière sur mes premières années, et je ne suis pas convaincu.

    Il y a 21 ans j’ai commencé dans une choco­la­te­rie arti­sa­nale à 40 km au nord-est de Lyon, en campagne. Ce n’est ni le truc le plus tech du monde, ni celui qui roule sur l’or. Nous étions deux et j’étais le junior des deux. Pas cadre. À l’époque j’étais à 27 k€ bruts annuels.

    L’an­née suivante je me suis engagé dans une SSII de moyenne impor­tance au sud de l’Île de France. J’y ai fait du PHP et de l’in­té­gra­tion web, sur des choses comme SPIP. Cadre. À l’époque j’étais à 35.5 k€ bruts annuels.

    Ok, ces chiffres ne font peut-être pas rêver aujourd’­hui mais avec l’in­fla­tion c’est respec­ti­ve­ment l’équi­valent de 38.5 et 49.5 k€ bruts annuels.

    Je ne suis pas certain du tout qu’une majo­rité d’in­for­ma­ti­ciens commencent à 38.5 k€ annuels dans les PME non-tech hors des grandes villes aujourd’­hui.

    Les chiffres que j’ai me disent que les 49.5 k€ bruts annuels sont poten­tiel­le­ment pas loin de la médiane pari­sienne aujourd’­hui pour un an d’ex­pé­rience dans une boite tech,

    Bref, les salaires d’il y a 20 ans sont proba­ble­ment assez simi­laires à ceux d’aujourd’­hui une fois corri­gés de l’in­fla­tion, peut-être même un peu au-dessus. J’ai conscience que tous les salaires n’ont pas suivi l’in­fla­tion et que les infor­ma­ti­ciens restent des privi­lé­giés. Je me contente de consta­ter que non, ça ne semble pas non plus avoir explosé. Globa­le­ment ça montre plutôt une bonne modé­ra­tion

  • Espaces de travail pour les équipes hybrides

    On veut des équipes produit qui commu­niquent, de l’ému­la­tion, de l’entre-aide, de la cohé­sion, mais j’ai plus souvent vu les équipes alignées dans de grands open space comme des poulets en batte­rie.

    Pour être honnête, cet agen­ce­ment ne fonc­tionne déjà pas pour des équipes en présen­tiel. C’est encore pire pour des équipes hybrides, parti­cu­liè­re­ment quand l’en­tre­prise cherche à réduire l’es­pace dispo­nible via du flex office.

    « Demain je travaille de chez moi pour être effi­cace

    J’ai entendu ça plus d’une fois, et c’est quand même un symp­tôme assez notable qu’on a échoué dans l’or­ga­ni­sa­tion de l’es­pace.

    En hybride il est fréquent qu’une partie de la colla­bo­ra­tion se fasse avec des personnes à distance. Dans la version luxe on perd du temps à se dépla­cer sur une salle de réunion libre de la bonne taille.

    « Demain on travaille à plusieurs alors je ne viens pas au bureau

    Je crois que c’est la pire cita­tion que j’ai sur le sujet, quand la colla­bo­ra­tion devient plus effi­cace seul chez soi qu’en venant au bureau.

    Dans la version réaliste on se retrouve le casque sur les oreilles, chacun derrière son écran, gêné par le bruit des autres et gênant les autres par nos propres conver­sa­tions. Parfois, par confi­den­tia­lité pour pour limi­ter la gêne, on se retrouve dans des sortes de cabines télé­pho­niques de 1 m² mal aérées qui coûtent 10 000 € pièce.

    Qui a parfois l’im­pres­sion de faire du télé-présen­tiel ?


    Ok Éric, c’est facile de critiquer mais tu proposes quoi ?

    Je vous avoue, je n’en sais rien.

    Ce que je vois c’est que les équipes hybrides demandent plus de salles fermées, et plus de sépa­ra­tions sonores dans les grands open spaces.

    L’idéal serait de garder des open spaces de taille raison­nable (*) pour favo­ri­ser les inter­ac­tions en présence. À côté de ça propo­ser des salles de réunion à profu­sion, idéa­le­ment au moins un phone booth solo et un phone booth duo par équipe, plus une salle de réunion pour deux équipes.

    Oui, je viens de quasi­ment doubler l’es­pace néces­saire. C’est irréa­liste et j’en ai conscience.

    À défaut, j’ai­me­rais juste­ment qu’on évite d’em­pi­rer le problème.

    Au lieu de réduire opti­mi­ser l’es­pace, on peut garder la même surface et la réagen­cer en prenant 25% de l’es­pace pour des salles fermées de diffé­rentes tailles. Si l’es­pace d’ori­gine est un très grand open space, ces salles peuvent faire office de sépa­ra­teurs entre les diffé­rentes zones.

    Le jour où vrai­ment tout le monde est là, on se tassera un peu. Le reste du temps les salles fermées permet­tront à la fois de s’iso­ler et de faire écran sonore entre diffé­rentes équipes.


    (*) idéa­le­ment un par équipe, éven­tuel­le­ment un pour deux équipes ; ou au moins des sépa­ra­tions sonores type paravent entre les équipes quand il s’agit d’un unique grand open space.

  • Lais­ser les clefs en partant, 2024

    J’avais déjà écrit en 2018 et j’ai promis de remettre tout ça à jour.

    Que se passe-t-il quand je ne suis plus là ?

    Les familles trouvent toujours une solu­tion mais récu­pé­rer tout l’ad­mi­nis­tra­tif ainsi que les numé­ros et mots de passe des comptes en ligne peut être une diffi­culté supplé­men­taire à un moment où on n’en a pas besoin.

    À la maison c’est tout le reste qui risque de poser problème. On parle de toute la pape­rasse numé­ri­sée ou de tout l’his­to­rique de 15 ans de photos. J’uti­lise des mots de passe complexes, diffé­rents à chaque fois, et je chiffre tous mes disques. Autant dire que si je pars tout devien­dra assez rapi­de­ment illi­sible malgré les meilleurs efforts de mes amis.

    Je ne vois pas d’autres solu­tions que de lais­ser le double de mes clefs au crochet avant de partir.


    Il ne s’agit pas que de lais­ser un docu­ment au notaire. J’ai une totale confiance sur la procé­dure, mais une assez faible sur la confi­den­tia­lité du contenu. J’ai aussi envie de permettre à mes proches de savoir déclen­cher la procé­dure sans avoir à prévoir tous les cas imagi­nables dans un langage sans ambi­guïté pour un juriste. J’ai enfin poten­tiel­le­ment envie que mes proches puissent aller vite pour avoir les données dont ils ont besoin quand ils en ont besoin sans attendre je ne sais quelle procé­dure légale.

    Pour autant je ne veux pas juste lais­ser le double de mes mots de passe à un proche. J’ai besoin d’un système où il faut que plusieurs personnes de confiance se mettent d’ac­cord pour pouvoir ouvrir le coffre et récu­pé­rer ce dont ils ont besoin.


    Je partage désor­mais ma procé­dure sur github.com/edas/for-when-i-m-gone, pour qu’elle puisse être réuti­li­sée par d’autres.

    Les ques­tions et contri­bu­tions sont bien­ve­nues. Les traduc­tions aussi.

  • Parfois de petits riens peuvent avoir de grands effets

    J’avais écrit il y a main­te­nant 8 ans (!!) à propos du renfor­ce­ment posi­tif que repré­sentent ces emojis qu’on met en réac­tion à nos messages slack.

    Aujourd’­hui j’an­nonce la fin d’un chapitre profes­sion­nel. Le cœur est un peu lourd pour plein de raisons. Je vois la ving­taine de 👏 de mes pairs sur Tech.Rocks et ça aide quand même beau­coup.

    25 emojis bravo et 1 cœur sur un message Slack

    Parfois de petits riens peuvent avoir de grands effets.

  • Nouvelles aven­tures profes­sion­nelles

    Après 3 ans extra à Indy.fr en tant que VP Engi­nee­ring, je vais bien­tôt partir pour de nouvelles aven­tures.

    En trois ans on a étendu le produit comme jamais avec désor­mais une app mobile, un volet free­mium dont un module de factu­ra­tion, un compte pro et Master­card gratuits pour les indé­pen­dants, ainsi que le support de quatre nouveaux régimes fiscaux en plus des deux histo­riques.

    On a aussi mené d’autres trans­for­ma­tions derrière les rideaux. On a fait de l’équipe ingé­nie­rie une des meilleures. Ça s’est traduit dans notre répu­ta­tion locale et par notre capa­cité à nous réor­ga­ni­ser pour passer de 20 ingé­nieurs en 2021 à 55 aujourd’­hui. On l’a fait en amélio­rant la qualité, la fréquence de déploie­ment, et le niveau tech­nique des équipes.

    Si vous êtes curieux, j’ai eu la possi­bi­lité de montrer au MIXIT en avril une partie des chan­ge­ments que j’ai déployés en termes de chemin de carrière, de posi­tion­ne­ment des rôles et de grille de salaire : https://mixit­conf.org/2024/grille-de-salaire

    Je suis très fier de ces années passées. Indy est rempli de personnes que je recom­man­de­rais les yeux fermés et avec qui j’au­rai plai­sir à retra­vailler un jour. Ces réus­sites nous ont menés à une nouvelle levée de fonds de 40 M€ l’été dernier.

    Un nouveau cycle est sur le point de démar­rer, et je vais explo­rer d’autres aven­tures.

    Je n’ai pas encore décidé quel sera l’ave­nir. Je suis en train de regar­der les oppor­tu­ni­tés qui se présentent.

    N’hé­si­tez pas à venir discu­ter avec moi.

  • Recom­man­da­tions perso

    Je demande désor­mais des recom­man­da­tions quand je sors d’un projet, d’une mission, d’un emploi. C’est diffi­cile pour moi consi­dé­rant mon carac­tère mais ça s’est parfois révélé faire une vraie diffé­rence dans mes recherches profes­sion­nelles ensuite.

    Elles sont toutes sur mon profil Linke­din. Si je te fais suivre cette page, c’est proba­ble­ment que j’ai­me­rais que tu parti­cipes.

    Je veux des recom­man­da­tions fiables et honnêtes1.

    Ne me fais une recom­man­da­tion que si tu le souhaites. Ça n’a aucune valeur ni pour moi ni pour ceux qui la liraient si tu t’y sens obligé.

    Pour te reti­rer toute pres­sion, je ne te relan­ce­rai pas si tu ignores ma solli­ci­ta­tion (et inver­se­ment, si tu penses peut-être en faire une et que tu risques d’ou­blier ou que tu ne sais pas comment faire, dis-le moi pour que juste­ment on puisse en repar­ler).

    Si tu me fais une recom­man­da­tion, ne dis que des choses que tu penses vrai­ment. C’est géné­ra­le­ment ce que tu serais prêt à dire de moi en privé à un ami.

    Tu n’as pas besoin de me trou­ver excep­tion­nel ou parfait sur tout. Je ne le suis pas. Dis ce que tu vois de bien sur la façon dont j’agis avec toi ou avec d’autres, ou sur les chan­ge­ments posi­tifs que tu as consta­tés sous ma direc­tion.

    Faire une recom­man­da­tion effi­cace

    Le prin­ci­pal est de citer des choses concrètes ou chif­frées qu’on peut véri­fier. La recom­man­da­tion et les super­la­tifs n’ont que peu de valeur si on peut chan­ger le nom et les appliquer à un tiers.

    • Quels sont les effets que tu as constaté ? Qu’est-ce qui a changé ou évolué en posi­tif pendant la période sous ma direc­tion ? Quels sont les résul­tats obte­nus par les équipes ?
    • Quel impact ai-je eu sur toi ou as-tu vu sur des collègues ? En quoi t’ai-je aidé, soutenu, guidé, trans­formé ? person­nel­le­ment ou via l’or­ga­ni­sa­tion et la culture mises en place.
    • Ensuite, si tu le souhaites, Est-ce que tu retra­vaille­rais avec moi si tu en as l’oc­ca­sion à l’ave­nir ? Quels sont les un ou deux domaines qui sont mes points forts ? Quelles sont les une ou deux valeurs qui me carac­té­risent le mieux ?

    Tu peux regar­der les recom­man­da­tions que j’ai eu dans le passé, et ce que j’ai mis en descrip­tion Linke­din pour la période que nous avons eu en commun. J’in­siste : ne mets cepen­dant que ce que tu penses toi, même si ça n’a rien à voir avec ce qui est déjà là.

    Via Linke­din

    Je sais. Tout le monde n’uti­lise peut-être pas Linke­din, et peut-être pas toi. C’est utile pour moi même si tu n’uti­lises pas vrai­ment Linke­din toi-même.

    C’est encore là-bas que vont regar­der en premier les employeurs poten­tiels s’ils veulent voir mon passé. C’est à ce moment là et à cet endroit là que ça a le plus de perti­nence.

    Tu dois avoir une option pour faire une recom­man­da­tion sur mon profil Linke­din. Si ce n’est pas le cas, dis-le moi pour que je te donne un lien direct.

    Ça fonc­tionne dans les deux sens

    Ça fonc­tionne évidem­ment dans les deux sens. Si tu veux une recom­man­da­tion, je serai proba­ble­ment heureux de t’en faire une.

    J’in­siste : c’est vrai même si tu ne m’en fais pas une toi-même (si tu m’en fais une unique­ment pour en obte­nir une toi aussi, ça n’a plus aucune valeur pour moi et ça ne m’in­té­resse pas). N’hé­site donc pas à me solli­ci­ter.


    1. Chaque personne qui me fait une recom­man­da­tion aura eu ces mêmes direc­tives, sous une forme ou une autre. C’est ce qui, pour moi, assure la fiabi­lité de ces recom­man­da­tions et démontre leur perti­nence. ↩︎
  • Chan­ger le mode de scru­tin

    Ça n’est pas le problème actuel ni sa solu­tion — quoique — mais il y a une possible ouver­ture pour une prise de conscience sur ce vieux sujet toujours d’ac­tua­lité.

    Aujourd’­hui le parle­ment est une machine anti-démo­cra­tique. Le mode de scru­tin permet au parti domi­nant de gouver­ner seul, sans compro­mis ni concer­ta­tion, quand bien même ce parti est loin de lui-même repré­sen­ter une majo­rité de la popu­la­tion. Les grands partis alter­na­tifs sont écra­sés. Les petits partis n’y sont même pas repré­sen­tés.

    Ces dernières années c’était LREM qui avait cette majo­rité. Demain ce sera proba­ble­ment le RN. Indé­pen­dam­ment de leur poli­tique, repré­sen­tant entre 30 et 35 % de la popu­la­tion, il est clair qu’au­cun des deux ne devrait être capable de tout déci­der seul.

    Il est plus que temps de retrou­ver un fonc­tion­ne­ment démo­cra­tique et un parle­ment qui repré­sente la popu­la­tion. Ce n’est pas sans enjeux, ça impose aux élus de discu­ter entre eux, trou­ver des compro­mis et des solu­tions ensemble. C’est un chan­ge­ment total de poli­tique.


    Qu’est-ce que ça veut dire en pratique ?

    La façon simple d’ima­gi­ner ça c’est d’avoir un scru­tin de listes, natio­nal.

    Le défaut c’est qu’on ne repré­sente pas les spéci­fi­ci­tés des terri­toires. Il y a certes des choix indi­vi­duels mais en pratique, ne nous leur­rons pas, c’est déjà une élec­tion qui se fait sur des enjeux natio­naux.

    Les excep­tions sont essen­tiel­le­ment liées aux terri­toires d’outre-mer mais ils peuvent consti­tuer une liste natio­nale sans péna­lité si, juste­ment, on fonc­tionne vrai­ment à la propor­tion­nelle.

    Si on tient à garder un ancrage local, on peut envi­sa­ger un scru­tin de liste par région plutôt qu’un scru­tin natio­nal. C’est ce qu’on a pour les euro­péennes par exemple, mais je vois peu de béné­fice ici.

    On peut aussi garder un ancrage au niveau des dépar­te­ments en regrou­pant les circons­crip­tions par deux ou trois et en ajou­tant des listes pour compen­ser la propor­tion­na­lité au niveau natio­nal. C’est plus complexe et je ne suis pas convaincu que ça le justi­fie.

    Je préfère garder la repré­sen­ta­tion des terri­toires via le Sénat, dont le mode de scru­tin exacerbe déjà les spéci­fi­ci­tés locales.


    Une propor­tion­nelle c’est un chan­ge­ment total de poli­tique.

    Si personne n’a inté­rêt à s’al­lier, le risque c’est une multi­pli­ca­tion des listes avec 20 bulle­tins possibles. Il sera aussi temps de tester le bulle­tin unique (un grand bulle­tin avec toutes les options où on coche la bonne liste, plutôt que 20 bulle­tins indi­vi­duels parmi lesquels choi­sir) mais ça ne réglera pas tout.

    Je ne veux pas de seuil mini­mal (ce qui existe pour les euro­péennes). Je veux que les partis qui repré­sentent 5 % aient une voix au parle­ment. Ça repré­sente quand même plusieurs millions d’élec­teurs et presque 30 parle­men­taires poten­tiels.

    Il faut aussi garder une inci­ta­tion à ce que chacun ne lance pas une liste indé­pen­dante. Une possi­bi­lité est de trier les listes par leur impor­tance (par sondage, par propor­tion dans les élus actuels). Trop se divi­ser fait arri­ver bas dans la liste et personne n’y a inté­rêt. On peut aussi jouer sur les rembour­se­ments de frais de campagne, propor­tion­nels au nombre d’élus. Il y a des choses à imagi­ner.


    Le vrai problème c’est que le gagnant du mode de scru­tin n’a pas inté­rêt à le chan­ger, et que rien ne peut être fait sans lui.

    Hier c’était LREM, et ils n’ont jamais avancé vers la propor­tion­nelle malgré leurs promesses. Aujourd’­hui c’est le RN et j’ai peu d’es­poir qu’ils osent passer à une propor­tion­nelle qui les plafon­ne­rait à 30 ou 35 % alors qu’ils ne sont pas loin d’avoir une majo­rité abso­lue au parle­ment.

    Et pour­tant… On parle de séisme dans les médias mais tout ça serait très diffé­rent si on avait un parle­ment qui repré­sente vrai­ment la popu­la­tion plutôt que de cher­cher à savoir quel parti va rafler la mise.

  • Valeurs, confiance, vie

    Je sais colla­bo­rer avec des diver­gences de vision et d’opi­nion. Je sais assez bien m’ali­gner sur des déci­sions en lesquelles je ne crois pas.

    J’ai beau­coup plus de mal quand il y a désa­li­gne­ment de valeurs. Là c’est parfois diffi­cile, peut-être plus pour moi que pour d’autres parce que mes valeurs sont ce qui me tient en vie, litté­ra­le­ment.

    De ces valeurs j’ai au moins un item qui est essen­tiel pour moi : ce qu’on est prêt à faire pour autrui.

    C’est à la fois une force qui peut me pous­ser extrê­me­ment loin, et un puis sans fond quand il y a un vrai désa­li­gne­ment persis­tant. C’est vrai socia­le­ment, dans la vie person­nelle comme dans la vie profes­sion­nelle.

    C’est simple­ment qui je suis.


    Avec le temps j’ai ajouté un étage.

    Je sais comment inter­agir avec une personne malveillante, égoïste ou indi­vi­dua­liste. Ça me coûte, je fuis ces indi­vi­dus quand je le peux mais, quelque part, je sais sur quoi comp­ter ou quoi ne pas comp­ter.

    Des erreurs on en fait tous. Personne n’est parfait, moi pas plus qu’un autre. On porte chacun ses compro­mis, ses démons et ses contra­dic­tions, moi comme les autres. Je le comprends et je l’ac­cepte, peut-être même plus faci­le­ment que d’autres.

    Je ne demande pas de cheva­lier blanc parfait. La diffé­rence tient souvent à comment on vit avec ses erreurs et comment on avance avec.

    Parfois ce ne sont pas des erreurs, ni même des personnes mauvaises, juste des personnes sur qui je ne peux clai­re­ment pas comp­ter. À chaque fois que je me suis retrouvé face à cette situa­tion, plus rien ne fonc­tionne. Ce n’est pas juste que c’est diffi­cile de colla­bo­rer, c’est que c’est tota­le­ment en dehors de mon fonc­tion­ne­ment intel­lec­tuel. Je ne sais simple­ment plus.

    Si ça dure et que la colla­bo­ra­tion est incon­tour­nable malgré tout, ou que ça aurait un coût pour des tiers, le moindre geste et la moindre déci­sion finissent par deve­nir très diffi­ciles. Quand la décou­verte se fait progres­si­ve­ment ou après coup, s’y ajoute un senti­ment de trahi­son de ma confiance qui renforce tout ça.

    C’est certai­ne­ment lié à comment je fonc­tionne puisque j’ai l’im­pres­sion que ceux qui partagent mes traits partagent aussi souvent ces biais.


    J’ai peur de l’ef­fet barnum quand j’écris ces lignes alors que je sais par expé­rience que ce que je vis ces situa­tions très diffé­rem­ment de la majo­rité des autres.

    Je ne cache plus mes diffé­rences. Si la mode de se dire neuroa­ty­pique ou avec des traits autis­tiques m’agace au plus haut point, au moins elle me permet d’as­su­mer un peu plus faci­le­ment mon vécu.

    Mes mots ici sont pensés, pesés. Quand je parle de réus­sir à vivre, à penser, à conce­voir les choses, ce ne sont pas des images.


    Bref, tout ceci est d’ac­tua­lité. Ça explique certai­ne­ment au moins en partie ma santé, la façon dont j’in­te­ra­gis ou juste­ment dont je n’in­te­ra­gis pas, et ce que je suis capable ou pas de faire depuis quelques mois, au niveau person­nel comme au niveau profes­sion­nel.

    Amies et amis, j’es­père me recons­truire au fur et à mesure parce que ça m’a fait descendre bien bas. Le dire est déjà une première étape.

    J’au­rai proba­ble­ment besoin de vous, de ceux et celles qui voudront bien m’ac­com­pa­gner. Vos messages seront bien­ve­nus, même si je sais que j’en donne bien trop peu de moi-même.

  • La démo­cra­tie par l’al­liance

    Il est temps qu’on réap­prenne la démo­cra­tie repré­sen­ta­tive en France.

    Le modèle démo­cra­tique améri­cain est celui du bipar­tisme. On a un parti rouge, un parti bleu, et c’est tout ou presque. Le reste ne compte pas. Les primaires permettent de défi­nir le courant qui repré­sen­tera chaque parti. Chaque élu garde son indé­pen­dance mais l’al­liance ne fait aucun doute.

    Le modèle démo­cra­tique nord-euro­péen est celui des coali­tions. On a une grande diver­sité de partis mais qui arrivent à s’al­lier pour gouver­ner ensemble malgré leurs diver­gences. Parfois ces alliances sont très larges mais ils y arrivent à force de compro­mis et d’ali­gne­ments d’in­té­rêts.

    En France on ne sait pas. On a une diver­sité impor­tante de partis qui veulent chacun être celui qui décide de tout et qui écrase les autres.

    Ça ne fonc­tionne pas. Ça ne peut pas fonc­tion­ner. Au mieux on arrive à la situa­tion des dernières années avec une mino­rité au pouvoir qui avance sans écou­ter personne.


    La gauche s’entre-déchire. On trace des lignes rouges et on surjoue les diffé­rences pour montrer qui on est et passer devant les voisins proches. L’ini­mi­tié est culti­vée. Ça rend ensuite les vraies alliances impos­sibles, et incom­pré­hen­sibles pour les élec­teurs.

    Il faut réap­prendre à discu­ter entre personnes avec des opinions diffé­rentes mais des aspi­ra­tions assez conver­gentes.

    Il ne s’agit pas de taire les diffé­rences, il s’agit d’ac­cep­ter de former un groupe uni qui intègre ces diffé­rences, même celles qui nous semblent gênantes.

    Caro­line De Haas l’ex­prime parfai­te­ment

    On va pas se mentir, la gauche n’est pas parfaite et oui on a des problèmes. […] Mais le 8 juillet je préfère me batailler avec Mélen­chon ou Ruffin qu’a­vec l’ex­trême droite

    Caro­line De Haas, Media­part, Émis­sion spéciale. Contre l’ex­trême droite, l’in­dis­pen­sable sursaut

    Amis de gauche et de centre gauche, arrê­tez de faire la fine bouche. C’est plai­sant et facile mais nous n’avons pas ce luxe.

    Moi aussi j’ai un vrai problème avec la posi­tion sur l’Ukraine de LFI et avec la stra­té­gie du spec­tacle popu­liste du groupe parle­men­taire.

    Moi aussi j’ai un problème avec l’aile anti-science pro-ésoté­risme d’une partie d’EELV.

    Moi aussi j’ai un énorme problème avec les trahi­sons passées du PS et le risque de voir Place Publique fina­le­ment refaire une version 2 de LREM.

    Certaines lignes me semble fonda­men­tales et moi j’ai je ne me vois pas les fran­chir. Il y en a d’autres que je n’ai même pas listées ici mais, juste­ment, l’im­por­tant n’est pas ce qui nous sépare. L’im­por­tant est dans ce qui nous regroupe.

    Je sais que je préfère une alliance très large à gauche que de voir la droite et l’ex­trême droite gagner les élec­tions. Malgré mes diver­gences — très fortes — avec la façon d’agir et certaines posi­tions de LFI, je préfère très nette­ment une alliance avec eux que conti­nuer la destruc­tion sociale mise en œuvre par le centre droit inter­ven­tion­niste de ces dernières années.

    Pour reprendre Caro­line De Haas, je préfère me battre en interne sur l’Ukraine et le Nucléaire, sur lesquels il y a juste­ment débat à gauche, plutôt que de m’op­po­ser en vain à la casse sociale du centre droit ou la xéno­pho­bie de l’ex­trême droite qui eux ne feront pas débat.

    J’irai même plus loin. Je suis convaincu qu’il faut inté­grer des déçus du centrisme LREM, ainsi que des centristes histo­riques comme le groupe LIOT qui a montré qu’il tenait à ses valeurs huma­nistes.

    Vouloir exclure ne nous mènera à rien. Vouloir domi­ner ne nous mènera à rien.

  • Tenir

    Je mets toujours en premier mes valeurs, le collec­tif et les personnes. Dans cet ordre.

    J’y tiens. Je tiens. Malgré le coût.

    C’est parfois diffi­cile. Très diffi­cile.