La semaine est difficile professionnellement, bien chargée de cas complexes à gérer.
Et pourtant, je ne ramène rien en tête une fois que j’arrête le soir. Ça n’empêche pas les jours ou les week-end avec la tête pleine mais ce n’est pas tous les jours.
C’est un peu neuf pour moi depuis quelques années et ça fait du bien.
Ça fait désormais 5 à 6 ans que je télétravaille, d’abord à plein temps puis partiellement. C’est un confort sur lequel il me serait difficile de revenir entièrement.
Je me pose parfois peu, parfois beaucoup. J’ai surtout du calme, moins besoin de me surveiller, moins d’impression de comptes à rendre. Bref, ça m’apaise bien plus en situation de stress ou de maladie.
J’ai, en général, vu une nette amélioration du travail individuel et collectif corrélée à la fréquence à laquelle les équipes se retrouvent physiquement ensemble.
Je crois qu’autant que possible, il est idéal pour le fonctionnement général des équipes d’être physiquement ensemble une à deux fois par semaine.
Avec l’entreprise qui grandit, la prise en compte des cas individuels, il n’est pas forcément possible ni même souhaitable de s’organiser ainsi. Là, je crois qu’autant que possible, il est utile de se retrouver physiquement toutes les quatre à six semaines.
Comme on parle d’équilibres individuels et collectifs, je crois fondamentalement que ces deux paragraphes doivent plus s’inscrire comme des guides dans un cadre de liberté que comme des règles formelles permanentes dans l’entreprise. Le corollaire est toutefois que ça donne un rôle important au manager pour inciter à changer des comportements quand c’est nécessaire.
Qu’on parle d’une petite entreprise dans le premier cas ou d’une plus grosse dans le second cas, il faut le penser en amont. Ça veut probablement dire penser la distance géographique en fonction de la fréquence des rencontres recherchées, et s’assurer que les candidats sont bien prêts à avancer dans la même direction que le collectif existant.
Tout ça se pense, et se discute collectivement. Il n’y a évidemment pas qu’une seule façon de faire, ni qu’un seul choix.
Il est fréquent que je reçoive des réactions assez tranchées quand je parle de télétravail. Je vais donc terminer par quelques précisions :
1/ Je parle en général, pas au niveau individuel de x ou de y. Chacun est forcément différent. Il y a des personnes pour qui je ne vois pas forcément cette différence, ou pas autant. Parfois je n’ai simplement pas de points de comparaison.
2/ Je ne parle que de ce que j’ai vu. C’est un partage d’expériences avec des équipes de développement logiciel dans des entreprises tech de 10 à 300 personnes, avec ou pas le télétravail dans leur ADN, avec ou pas des règles fixées, avec ou pas des personnes rompues à l’exercice, avant et après COVID.
3/ Je parle d’amélioration du travail. Ça ne remet nullement en cause qu’on ait des individus, des équipes et des entreprises qui fonctionnent correctement en télétravail. Je l’ai même vécu.
4/ Je parle d’une amélioration du travail individuel et collectif. Certains travaillent mieux de chez eux. D’autres non, ou pas sur la durée. Parfois on s’en rend compte, parfois ce sont les tiers qui le voient.
Le collectif ne se résume toutefois pas à la somme de l’individuel. Développer un logiciel en équipe c’est souvent d’abord un travail social. Parfois tout le monde travaille parfaitement individuellement mais ce sont les interactions, la cohésion, le cap commun, la compréhension de la stratégie et des problèmes des autres, ou simplement plein de petits trucs autour du travail individuel qui sont grippés. Il faut alors trouver un équilibre entre l’individuel et le collectif.
5/ Je parle d’une corrélation à la fréquence mais je ne la crois pas linéaire. J’ai au contraire l’impression qu’il y a des paliers, que j’ai donné plus haut. Il faudrait de grandes phases d’expérimentations pour le confirmer et je ne les ai pas faites.
6/ Je parle de se retrouver physiquement. Les écrits synchrones ou asynchrones, les échanges vidéos et les travaux en communs type pair programing ont tous des bénéfices et sont tous pertinents. Se retrouver physiquement a toutefois des bénéfices qui y sont propres.
7/ Enfin, je parle de ensemble parce que je crois que justement ce n’est pas limité à une équipe. Une partie du bénéfice vient de croiser plus ceux avec qui on n’interagit pas quotidiennement, voire ceux qu’on n’aurait justement pas croisé autrement.
Le seul scénario que j’ai tendance à déconseiller c’est une équipe hybride avec un cœur qui travaille en face à face et d’autres personnes à distance. Cela étant, même là, je ne dis pas que ce n’est pas possible. Je dis juste que ça me parait un équilibre beaucoup plus délicat à trouver.
J’ai repensé hier aux 2 blagues que j’avais entendues au bureau il y a quelques temps, faites par la même personne.
Sa première: « Ah mais Banania, j’ai toujours cru que c’était un singe sur l’étiquette ». Il était tellement fier de lui…
[…] Pour la deuxième, il revient des WC et nous dit, très fier de lui : « J’ai croisé la femme de ménage aux WC. Heureusement qu’elle n’était pas dans une des cabines, car je l’aurais choppée et fait une DSK »
Je me rends compte que ça fait bien longtemps que je n’ai plus à subir ce type de remarques dans mon entourage pro et à faire un joli sourire crispé en retour.
8 ans exactement. J’ai passé 5 ans associé avec une personne dont je ne partage pas les valeurs, et ça fait du bien d’avoir oublié que ça existe.
On a beau dire que les valeurs dans les entreprises ne sont que des tartes à la crème, je suis convaincu qu’au contraire ça fait de grandes différences.
Je réponds souvent à la question donc je pose ici mes notes :
Si c’est en parallèle d’une activité salariée ou d’une couverture chômage : ➡️ SASU pour en tirer des dividendes (*)
Sinon, si c’est juste pour avoir la liberté mais que vous souhaitez garder le chômage et avoir une fiche de paie d’une société qui ne vous appartient pas, quitte à gagner moins : ➡️ Portage salarial
Sinon, si c’est pour un chiffre d’affaire de moins de 72 k€ ou pour 1 à 2 ans (quitte à changer de statut ensuite) : ➡️ Micro-entreprise (anciennement auto-entrepreneur).
Sinon, si vous avez l’âme d’un optimisateur à tirer un maximum de revenu net en gardant une protection sociale : ➡️ SASU pour en tirer un SMIC + des dividendes (*)
Sinon, par défaut : ➡️ EIRL ou EURL
Note : Ça s’adapte à des freelance informatique (type développeur ou expert). D’autres métiers peuvent avoir des équilibres très différents.
Bien évidemment, ce n’est que pour donner des pointeurs. Je ne remplace pas un conseil juridique ou comptable approprié.
(* Les dividendes ne font pas cotiser à la retraite)
faster” is not about “the same number of hours but fewer total days.” “Faster” is about “the same value to the company in less total time.” If the team works 60 hours in a week to deliver something that otherwise would’ve taken a week and a half, they haven’t worked faster, they’ve just given the company more of their free time.
J’ai vu des managers cacher ça derrière la notion d’intensité de travail, pour ne pas dire qu’ils en voulaient plus, mais ce n’était qu’un paravent bien pratique.
Je ne connais qu’une seule façon d’apporter plus de valeur et c’est d’en faire moins, de ne pas faire tout ce qu’on nous demande. En restreignant les tâches, on se concentre sur celles qui ont le plus de valeurs. Ça veut aussi dire accepter que mes interlocuteurs ne fassent pas tout ce que j’imagine, leur donner le pouvoir de faire des arbitrages, leur donner les objectifs et leur expliquer la stratégie pour qu’ils fassent ses arbitrages de façon autonome… et leur faire confiance sans leur reprocher ce qu’ils n’ont pas fait.
Dès qu’on en demande « plus », on a perdu parce qu’on se refuse à ce que chaque employé choisisse ce sur quoi il se concentre et abandonne le reste.
L’autre point d’en faire moins c’est en faire littéralement moins. Sur les métiers de production informatique j’ai vu une différence de production assez faible entre un développeur à 80% et un à 100%. J’ai vu une grosse différence entre quelqu’un de reposé et quelqu’un qui ne l’est pas.
Travailler moins pour travailler mieux n’est pas qu’une illusion.
This is where going home comes in. Go home!
Et puis bon, allonger les heures c’est sortir de la valeur en grignotant sur le capital humain. Seul problème : C’est ce que vous avez de plus cher, avant même votre temps disponible.
Burnout is a real problem
Un jour j’en parlerai. J’ai mis des années à récupérer et j’en garderai certainement des séquelles physiques comme psychologiques à vie.
Rien ne peut le justifier.
Si je pouvais lancer la semaine de 30 heures en 5x 6 heures, je le ferais.
Je suis comme tout le monde. J’ai initialement dédaigné ces rendez-vous formels réguliers avec mes managers. Je n’y ai pas dit grand chose, voire ai cherché à les éviter.
On ne m’avait pas appris et je le regrette. Beaucoup de managers n’ont malheureusement pas appris non plus et ne guident pas dans la bonne direction.
J’ai mis du temps mais j’ai compris. Aujourd’hui c’est un outil majeur dans la réduction de mon stress et dans l’efficacité de mon travail. C’est souvent l’heure la mieux investie de ma semaine. Oui, rien que ça.
« Retirer du stress, un point hebdomadaire avec ton manager, vraiment ?
Le stress ça me parle. Je suis un hyper anxieux maladif, du genre à pouvoir prendre une crise de panique simplement en devant acheter un produit vaisselle au supermaché, à me demander si je dois prendre celui de gauche ou de droite, si le parfum ne va pas se révéler une mauvaise idée, si prendre le grand format ne va pas être plus difficile à manipuler mais si prendre le petit n’est quand même pas une mauvaise idée du point de vue emballage, et puis il y a le prix, et… Vous n’imaginez même pas. Quand je parle de crise de panique pour le choix d’un produit vaisselle, c’est à prendre littéralement.
Le stress c’est essentiellement chez moi une anticipation du futur, de ce qu’il se passera, et beaucoup de ce que les autres penseront.
Dès qu’on a partagé quelque chose, il n’y a plus de questions à se poser sur ce que le chef en pensera. Mieux : Si on partage en avance de phase, on peut prendre les commentaires assez tôt pour améliorer l’issue.
« Bon, c’est quoi ce que tu préconises ?
Se voir très fréquemment, toutes les semaines en ne manquant jamais plus d’un rendez-vous à la suite.
Tout noter dans un espace partagé. Préparer le compte-rendu complet à l’avance (on annotera en séance). Idéalement commencer à y jeter au fur et à mesure de la semaine les points qu’on voudra aborder pour ne pas les oublier quand on en est à préparer le rendez-vous.
Y inscrire tout ce qui se passe dans la semaine, les décisions, les impressions, les travaux, les décisions, les métriques, les problèmes. Surtout ne rien laisser de côté, surtout pas ce qui gêne ou ce qui pourrait donner un sentiment négatif.
Parler essentiellement du présent et le futur, pas du passé. Parler du passé c’est évaluer ce qui a été fait et pointer du doigt. Parler du futur c’est regarder ce qu’on peut faire avec la situation d’aujourd’hui, bonne ou mauvaise. On parle de ce qu’on projette, pourquoi, avec les alternatives qu’on a écarté et pourquoi. Il ne s’agit pas de demander validation mais d’informer sur ce qu’on projette, charge à l’autre de dire stop s’il y voit un problème. Ça élimine toute critique du passé vu que tout a déjà été partagé avant de le faire. À la place on passe en collaboratif sur les plans à venir, et ça améliore les actions comme les résultats.
Y ajouter les sujet sur lesquels on a besoin d’aide, ou de confirmation. Me forcer à demander de l’aide ou de la réflexion commune m’a beaucoup aidé, à la fois moi personnellement, mais aussi à créer une relation plus collaborative.
Point bonus, même si ce n’est pas l’objectif, ça m’a permis de vraiment prendre mon rôle et avoir un impact, en me positionnant comme maître de mon travail et en donnant confiance à mes managers.
Tout ça n’est pas simple, mais ça a vraiment changé mon travail professionnel et je regrette tellement à la fois de ne pas l’avoir appris ou compris plus tôt, et de ne pas avoir eu des managers qui fonctionnaient eux-même sur ce principe (ou qui ne me l’ont pas enseigné).
Maintenant c’est mon tour d’essayer de donner ce que je n’ai pas eu. Je ne sais pas encore comment mais je suis en train de réfléchir à une première grille d’auto-évaluation qui montre les attentes.
Grille d’auto-évaluation sur les rendez-vous périodiques de management (1o1)
Je le vois comme deux axes à 10 paliers chacun, et la valeur qu’on en retire dépend de la surface totale.
Je place la forme sur le premier axe :
Tout est informel, on se voit peu
On se voit formellement de façon régulière
Je suis à l’heure et n’évite pas le rendez-vous
Je prépare le rendez-vous de mon côté et sais quoi dire
Des notes communes sont prises à chaque rendez-vous
J’inscris à l’avance mes sujets sur le document du jour
Je rédige à l’avance tout le compte rendu, qui sera amendé ensemble
Je donne des liens vers tous les documents nécessaire
Je différencie ce qui est pour information, pour décision, et pour discussion
Le document du rendez-vous suivant est construit au fur et à mesure de la semaine
Il y a des échanges asynchrones à l’avance pour rendre les points efficaces
Et le fond sur le second axe :
Je dis que tout va bien, peu importe comment ça va
Je répond aux questions sur la défensive, en évitant ce qui me gêne
Je dis comment ça va, y compris quand ça ne va pas
Je réponds aux questions honnêtement sans rien cacher
J’expose de moi-même mes problèmes quand j’en ai
J’expose les décisions prises, les découvertes, l’état et l’avancement des travaux
Je demande ce dont j’ai besoin quand j’en ai besoin ou envie
J’expose mes conclusions et mes recommandations
J’avance moi-même les solutions et décisions, à valider avant d’agir
J’expose tout ce qui m’a permis d’arriver à ces solutions, ce que j’ai écarté et pourquoi
J’anticipe les questions, besoins, risques et problèmes, et j’expose d’avance les réponses
In-groups tend to be resistant to ideas that do not come from those within the group. […] Because they believe they’re in the best group but they still find themselves bored, they don’t appreciate the growth they could find just by switching to a new team.
On parle souvent des architectes dans leur tour d’ivoire mais pour moi l’effet principal n’est pas la déconnexion : C’est la croyance d’être supérieur aux autres au point de ne pas avoir à intégrer ce qui vient de l’extérieur, de ne pas avoir de choses à apprendre des autres, de ne pas vouloir se mêler aux autres.
C’est un comportement toxique pour l’équipe en question mais aussi pour celles autour. Le voyant rouge apparait dès qu’il y a sentiment de supériorité. Il est l’indicateur qu’on se voit en « nous vs les autres » plutôt qu’une large équipe pleine de collègues différents à laquelle on participe tous.
Ce n’est pas toujours facile mais la seule solution que je connais c’est de faire exploser l’équipe qui se sent supérieure pour la répartir dans toutes les autres. Il y aura des départs mais je n’ai pas vu d’alternatives fonctionner quand on en est arrivé là.
When they go too far, this identity is used to make the team feel superior to the rest of the company
As a manager, be careful about focusing on your teams to the exclusion of the wider group
Tout ça est aussi vrai pour le département tech par rapport au reste de l’entreprise ou du produit. Ça empêche la collaboration, de considérer les autres personnes et leurs propres connaissances, leur propre point de vue, comme des éléments de valeur permettant d’enrichir l’ensemble de l’entreprise.
In-group teams tend to be very fragile to the loss of their leader. When you hire a manager who builds a clique, that clique is likely to dissolve and leave the company if the manager leaves the company
Et votre rôle en tant que leader ou manager, c’est d’un jour devenir inutile, que l’équipe fonctionne sans vous. Si l’équipe prend la direction contraire, il y a une action immédiate à prendre.
Je trouve toujours ça très dur de mesurer la santé des équipes de développement avec des indicateurs chiffrés. Il y a bien plus de moyen de mal interpréter et mal utiliser ces indicateurs que de manière de bien le faire.
Je ne suis pas en train de promouvoir l’absence de chiffre, mais mon indicateur premier reste le jugement subjectif du manager qui travaille avec l’équipe. L’indicateur n’est là qu’éventuellement pour l’alerter si jamais il n’a pas vu quelque chose.
La fréquence de déploiement me semble un bon indicateur à mesurer, car proche de l’utilisateur final. Il reste que parfois ça peut augmenter et être mauvais signe (plein de correctifs) ou diminuer et être bon signe.
Dans tous les cas, je propose de ne jamais lier ces indicateurs à un système de récompense ou d’évaluation. C’est le meilleur moyen de se retrouver à faire un effet cobra. De manière générale, la fixation d’objectifs par les indicateurs me parait assez nocive, particulièrement dans les métiers de réflexion.
Une façon de faire ça, c’est déjà de ne faire que des mesures collectives, pas de mesures individuelles.
Frequency of Code Check-ins
J’ai plus de mal à voir cette mesure là. Si l’idée est d’être en déploiement continu, sur des changements les plus petits possibles, un déploiement et un check-in c’est quasiment la même chose.
Frequency of Incidents
Mesurer les incidents parait une évidence mais j’ai un nombre absolu bien trop faible pour en tirer quoi que ce soit. Si j’ai trois incidents cette semaine, est-ce un coup de pas de chance ? que j’ai plus d’ingénieurs sur le pont ? qu’on a livré des choses majeures dernièrement ? qu’ils s’attachent aux sujets de fond plutôt qu’à des travaux simples en surface ?
Ça se mesure, mais ça se décompte sur plusieurs mois donc ça n’est pas super utile pour réagir si la performance s’effondre.
Assuming that the job at this level becomes essentially nontechnical is a mistake.
Je ne sais toujours pas où me situer.
Quelque part, ce que je fais demande de la connaissance et compétence technique. Il y a une part de légitimité auprès des équipes mais aussi de savoir ce que les choses veulent dire, comprendre les problèmes, y avoir été confronté, pouvoir aider à les résoudre, soupeser les enjeux…
Je ne comprends pas ces étudiants de grandes écoles qu’on place trop tôt en situation de direction déconnectés d’une réalité qu’ils n’ont jamais connu.
J’ai besoin de solides compétences techniques, de pouvoir prendre le poste des différents membres de l’équipe, mais mon job est lui assez peu technique. Mon job c’est de l’humain, du pilotage, de la progression personnelle, de la stratégie, de l’administratif, et plein de trucs mais le code et la technique n’en sont pas des éléments importants.