Diffé­rence de rému­né­ra­tion en fonc­tion de la zone géogra­phique

Aujourd’­hui j’ai la bonne surprise d’avoir entendu « peu importe que vous soyez sur Paris ou sur Lyon, le salaire est en fonc­tion de ce que vous appor­te­rez à la société ». J’ap­pré­cie.

J’ai trop vu de socié­tés condi­tion­ner un muta­tion hors Île de France à une baisse de 15 ou 20 % de salaire, ou refu­ser des embauches en région parce que les préten­tions de rému­né­ra­tion étaient celles d’un employé pari­sien.

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« c’est le marché, pourquoi paie­rai-je plus cher si je peux quelqu’un au prix local ? ».

Il y a plein de raisons de ne pas se conten­ter du marché.

Avec l’ar­gu­ment du marché on légi­time de payer 20% de moins les femmes, 30 % de moins les chômeurs qui ont besoin de trou­ver un emploi, 50% de moins les handi­ca­pés, et de payer au mini­mum légal tous ceux qui n’ont « pas le choix ». C’est effec­ti­ve­ment le marché, mais pas accep­table pour autant.

À tous ceux qui se diront immé­dia­te­ment « oui mais là tu fais de la discri­mi­na­tion Éric », je rappel­le­rai qu’ar­bi­trer diffé­rem­ment en fonc­tion du lieu de rési­dence est aussi une discri­mi­na­tion simi­laire au sens de l’article 225–1 du code pénal.

Il y a de toutes façon le côté humain. Est-ce vrai­ment votre poli­tique RH que de tenter de rabais­ser chaque colla­bo­ra­teur jusqu’à son point de rupture finan­cier person­nel ?

Bref, ce n’est pas accep­table mais ce n’est même pas ration­nel écono­mique­ment.

* * *

Ration­nel­le­ment, si j’ai le choix entre un sala­rié hors Paris à pour 3 000 € et un sala­rié à Paris pour 3 500 €, pourquoi pren­drais-je celui à Paris ?

Si je n’ar­rive pas à recru­ter assez de monde hors Paris je vais devoir augmen­ter les rému­né­ra­tions. Pourquoi paie­rais-je un sala­rié en province à 3 000 € et un à Paris à 3 500 € plutôt que deux sala­riés plus compé­tents ou plus fidèles (parce que mieux payés) à 3 250 € en province ?

Il serait irra­tion­nel d’al­ler payer plus cher des sala­riés à Paris si je n’ai pas besoin qu’ils soient à Paris. C’est encore plus vrai si on prend en compte la diffé­rence de coût des locaux de l’en­tre­prise dans l’équa­tion.

C’est aussi une bombe à retar­de­ment pour quand un sala­rié pari­sien voudra démé­na­ger hors Paris, ou pour quand les sala­riés compa­re­ront leurs salaires et la valeurs qu’ils apportent, surtout si le télé­tra­vail se mêle à l’équa­tion. Je crois que pas mal de dépar­te­ments RH sous-estiment la valeur ajou­tée d’une grille sala­riale honnête et trans­pa­rente.

* * *

Il reste l’ar­gu­ment éthique mais ils m’in­ter­roge. Les entre­prises prêtes à payer plus cher leurs four­nis­seurs et pres­ta­taires en fonc­tion de critères sociaux et envi­ron­ne­men­taux me semblent assez rares. Celles prêtes à payer moins un expert céli­ba­taire sans problème qu’un débu­tant avec une grande famille dans une situa­tion person­nelle diffi­cile me semblent encore plus rares.

Ce n’est pas non plus une ques­tion de s’adap­ter aux besoins pour vivre puisque vous ne payez proba­ble­ment pas signi­fi­ca­ti­ve­ment diffé­rem­ment celui dont le conjoint est au chômage de celui dont le conjoint a un bon boulot bien payé, celui qui a trois enfants du céli­ba­taire sans charge de famille, celui qui a un enfant handi­capé ou grave­ment malade de celui qui n’en a pas, celui qui a un gros crédit mal négo­cié de celui qui a hérité de ses parents, celui dont la maison a brûlé l’an­née dernière de celui dont la maison a pris 25% parce qu’il est dans un quar­tier rénové, celui qui habite en zone HLM de celui qui habite dans le beau quar­tier plein de villas avec pisci­ne…

C’est unique­ment une ques­tion de zone géogra­phique, rien d’autre.

Ce que je ne comprends pas c’est, si vous ne négo­ciez pas à la baisse le tarif d’un four­nis­seur qui déplace son acti­vité en province, pourquoi diable trai­ter plus mal vos propres colla­bo­ra­teurs ?

En plus de déva­lo­ri­ser les sala­riés hors de Paris, c’est un manque de respect humain tota­le­ment incom­pré­hen­sible. On est en train de dire qu’ha­bi­ter à Paris est un critère qui néces­site plus compen­sa­tion que les autres.

* * *

La seule expli­ca­tion sensée c’est le « on a toujours fait comme ça » qui peut être suivi par « chan­ger main­te­nant c’est compliqué, le budget ne permet pas de faire un rattra­page sala­rial massif ».

Admettre que c’est irra­tion­nel est un premier pas. Ensuite, même si tout ne se change pas d’un coup, rien n’em­pêche d’y aller progres­si­ve­ment.


Pour être plus complet, je parle de diffé­rences de rému­né­ra­tion ou condi­tions de travail en France métro­po­li­taine. Dès qu’on met l’in­ter­na­tio­nal dans la balance il y a beau­coup d’autres para­mètres sur la protec­tion sociale, la légis­la­tion, la culture, la langue, les distances, qui font que j’ai un avis poten­tiel­le­ment moins tran­ché.


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Commentaires

2 réponses à “Diffé­rence de rému­né­ra­tion en fonc­tion de la zone géogra­phique”

  1. Avatar de Le mauvais économiste
    Le mauvais économiste

    Ou alors (à prendre avec légèreté, je ne suis pas économiste) c’est juste une conséquence macroscopique du déconfort qu’implique la vie parisienne. On va rester dans l’exemple des cadres, je ne suis pas sûr que cette différence s’applique à tous les corps de métier, et en particulier pour les corps de métier où il n’y a aucun problème de recrutement. Deux illustrations : http://www.usinenouvelle.com/article/80-des-cadres-parisiens-reveraient-de-quitter-paris.N431552
    http://www.lefigaro.fr/emploi/2007/06/02/01010-20070602ARTFIG91708-quitter_paris_pour_la_province.php

    La situation est qu’un nombre suffisant de cadres est prêt à sacrifier une part de salaire pour avoir le confort de « La Province » (en généralisant), ou inversement un nombre suffisant de cadres n’envisagent de travailler à paris qu’avec un salaire supérieur à celui qu’il trouverait en province.

    Or, la demande en cadres à Paris est forte, le « marché » comme dit précédemment va ainsi naturellement faire tendre le salaire d’appel moyen vers un salaire d’équilibre juste assez attractif pour combler la demande avec des cadres « réticents, mais c’est négociable ».

    Ainsi macroscopiquement, la différence de salaire est portée par un choix tout à fait rationnel des cadres et une demande trop forte de la région parisienne.

    A l’échelle d’une société, c’est un choix qui se fait de la même façon, selon les besoins en personnels dans les diverses antennes. Si l’antenne de Paris a plus de mal à recruter que les autres, les salaires d’appels seront montés, à supposer que la gestion RH soit rationnelle. Cela est également valable pour le recrutement d’experts pour une plate-forme pétrolière en Sibérie.
    Si les antennes de Lyon et Paris ont le même niveau de difficulté à recruter, il n’y a ainsi également aucune raison que les salaires d’appels soient différents.

    Ce qui pose la question : pourquoi la demande est-elle si forte à Paris, là où tout semble moins cher (locaux, salaires) en province?
    Mais la réponse dépend de chaque société. De manière globale, c’est potentiellement dû à un historique de centralisation que personne n’ose défaire.

    1. Avatar de Éric
      Éric

      Ah mais si tu as un besoin local et que tu recrutes en local, tu te plies au marché local. Si la tension est plus forte sur Paris, tu payes ton besoin spécifique qui est « avoir quelqu’un sur Paris » et ce besoin coûte potentiellement plus cher que « avoir quelqu’un à Rodez ». Là dessus on est d’accord.

      Ce dont je parle c’est des postes qui peuvent indifféremment être à Paris ou ailleurs, pour lesquels la localisation n’est pas importante. Là soit tu veux payer le moins cher possible et de fait tu ne vas pas recruter à Paris, soit tu es prêt à mettre un salaire parisien et je ne vois pas de raison légitime de le refuser à un bon candidat qui te le demande, même s’il n’habite effectivement pas sur Paris.

      Après sur le « pourquoi », j’ai peu de réponse à part le « c’est comme ça ». On peut dire que c’est le coût de la vie, mais le coût de la vie est aussi une conséquence des hauts salaires. C’est interdépendant. Parfois comme à SF c’est vraiment une histoire de pénurie de compétences et/ou de logements par rapport à la demande. Parfois, ailleurs, c’est bien moins évident.

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