Aujourd’hui j’ai la bonne surprise d’avoir entendu « peu importe que vous soyez sur Paris ou sur Lyon, le salaire est en fonction de ce que vous apporterez à la société ». J’apprécie.
J’ai trop vu de sociétés conditionner un mutation hors Île de France à une baisse de 20% de salaire, ou refuser des embauches en région parce que les prétentions de rémunération étaient celles d’un employé parisien.
Si la localisation a peu d’importance (*), pour le même travail, c’est totalement irrationnel. Outre que ça n’a aucun sens au niveau ressources humaines, ce n’est même pas forcément dans l’intérêt purement financier de la société : Même si c’est au niveau de salaire parisien, mieux vaut recruter quelqu’un en région : Le coût des locaux est plus faible
Vous ne traitez pas vos fournisseurs et vos prestataires ainsi. Vous regardez simplement ce qu’ils vous fournissent et à quel prix. Pourquoi diable traiter plus mal vos propres collaborateurs ?
En plus de dévaloriser les gens hors de Paris, c’est un manque de respect humain totalement incompréhensible. Je crois que pas mal de départements RH sous-estiment la valeur ajoutée d’une grille salariale honnête et transparente.
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Qu’on ne me dise pas que c’est en fonction de ce que les salariés ont besoin pour vivre.
Il y en a qui prennent sérieusement en compte les besoins des collaborateurs, mais ils sont rares. Ceux qui le font vont accepter, à travail égal, de donner 20% de plus au salarié dont la femme est atteinte d’un cancer parce qu’il a plus de besoins. Ceux qui le font paieront moins un expert célibataire sans problème qu’un débutant avec une grande famille dans une situation personnelle difficile. Êtes-vous vraiment de ceux là ?
Non, vous ne payez pas probablement pas réellement les salariés au fonction de leurs besoins pour vivre. C’est logique après tout. Si quelqu’un fait le choix de vivre hors de Paris, tant mieux pour lui. L’important pour vous c’est ce qu’il apporte à la société.
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Qu’on ne me dise pas non plus que « c’est le marché, pourquoi paierai-je plus cher si je peux quelqu’un au prix local ? ».
Avec cet argument on légitime de payer 20% de moins les femmes – c’est effectivement le marché. Avec cet argument on légitime de payer drastiquement moins les gens avec un handicap – ils sont effectivement prêts à accepter vu qu’ils n’ont pas toujours le choix.
Le marché ne légitime pas tout. Si c’était uniquement une question de payer au moins cher en fonction du marché, alors vous ne recruteriez qu’en dehors de Paris sauf à y être contraint.
Et puis il y a le côté humain. Est-ce vraiment votre politique RH que de tenter de rabaisser chaque collaborateur jusqu’à son point de rupture financier personnel ?
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La seule explication sensée c’est le « on a toujours fait comme ça » qui peut être suivi par « changer maintenant c’est compliqué, le budget ne permet pas de faire un rattrapage salarial massif ».
Admettre que c’est irrationnel est un premier pas. Ensuite, même si tout ne se change pas d’un coup, rien n’empêche d’y aller progressivement.
2 réponses à “Sur Paris ou en province ?”
Ou alors (à prendre avec légèreté, je ne suis pas économiste) c’est juste une conséquence macroscopique du déconfort qu’implique la vie parisienne. On va rester dans l’exemple des cadres, je ne suis pas sûr que cette différence s’applique à tous les corps de métier, et en particulier pour les corps de métier où il n’y a aucun problème de recrutement. Deux illustrations : http://www.usinenouvelle.com/article/80-des-cadres-parisiens-reveraient-de-quitter-paris.N431552
http://www.lefigaro.fr/emploi/2007/06/02/01010-20070602ARTFIG91708-quitter_paris_pour_la_province.php
La situation est qu’un nombre suffisant de cadres est prêt à sacrifier une part de salaire pour avoir le confort de « La Province » (en généralisant), ou inversement un nombre suffisant de cadres n’envisagent de travailler à paris qu’avec un salaire supérieur à celui qu’il trouverait en province.
Or, la demande en cadres à Paris est forte, le « marché » comme dit précédemment va ainsi naturellement faire tendre le salaire d’appel moyen vers un salaire d’équilibre juste assez attractif pour combler la demande avec des cadres « réticents, mais c’est négociable ».
Ainsi macroscopiquement, la différence de salaire est portée par un choix tout à fait rationnel des cadres et une demande trop forte de la région parisienne.
A l’échelle d’une société, c’est un choix qui se fait de la même façon, selon les besoins en personnels dans les diverses antennes. Si l’antenne de Paris a plus de mal à recruter que les autres, les salaires d’appels seront montés, à supposer que la gestion RH soit rationnelle. Cela est également valable pour le recrutement d’experts pour une plate-forme pétrolière en Sibérie.
Si les antennes de Lyon et Paris ont le même niveau de difficulté à recruter, il n’y a ainsi également aucune raison que les salaires d’appels soient différents.
Ce qui pose la question : pourquoi la demande est-elle si forte à Paris, là où tout semble moins cher (locaux, salaires) en province?
Mais la réponse dépend de chaque société. De manière globale, c’est potentiellement dû à un historique de centralisation que personne n’ose défaire.
Ah mais si tu as un besoin local et que tu recrutes en local, tu te plies au marché local. Si la tension est plus forte sur Paris, tu payes ton besoin spécifique qui est « avoir quelqu’un sur Paris » et ce besoin coûte potentiellement plus cher que « avoir quelqu’un à Rodez ». Là dessus on est d’accord.
Ce dont je parle c’est des postes qui peuvent indifféremment être à Paris ou ailleurs, pour lesquels la localisation n’est pas importante. Là soit tu veux payer le moins cher possible et de fait tu ne vas pas recruter à Paris, soit tu es prêt à mettre un salaire parisien et je ne vois pas de raison légitime de le refuser à un bon candidat qui te le demande, même s’il n’habite effectivement pas sur Paris.
Après sur le « pourquoi », j’ai peu de réponse à part le « c’est comme ça ». On peut dire que c’est le coût de la vie, mais le coût de la vie est aussi une conséquence des hauts salaires. C’est interdépendant. Parfois comme à SF c’est vraiment une histoire de pénurie de compétences et/ou de logements par rapport à la demande. Parfois, ailleurs, c’est bien moins évident.