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  • Grozé­cran presque deux mois après

    J’ai craqué et j’ai commandé l’écran (Dell U4025QW) il y a deux mois.

    Je veux rédi­ger ce billet depuis les deux premières semaines mais je n’ai pas su comment le tour­ner. Ça sera donc un peu brouillon.

    Je regrette d’avoir tant hésité

    Je crois que c’est le ressenti prin­ci­pal.

    Le Dell U4025QW

    Chan­ger ses habi­tudes est diffi­cile. J’ai eu des setups sans écrans externes, avec un 24″, avec un 32″, avec deux 24″ en paysage, avec un en paysage et un en portrait. J’ai même pu tester un 34″ ultra-large. À chaque fois je me retrou­vais régu­liè­re­ment sur l’écran du macbook comme écran prin­ci­pal. Les écrans secon­daires restaient acces­soires. Un vrai confort mais acces­soire.

    Ici il ne m’a pas fallu une semaine pour avoir envie de fermer le macbook entiè­re­ment, et je le garde fermé depuis.

    De l’es­pace hori­zon­tal

    Je voulais de l’es­pace hori­zon­tal, pouvoir mettre deux ou trois fenêtres côte à côté. Ça deve­nait d’au­tant plus perti­nent pour la program­ma­tion où l’IA prend un second espace complet à côté de l’es­pace pour le code.

    Les fenêtres sont un peu plus étroites que d’or­di­naire mais j’en mets bien trois. À vrai dire, surtout côté web, j’ai l’im­pres­sion d’avoir surtout perdu de l’es­pace vide. Je n’af­fiche rien de moins.

    C’est aussi parfait pour l’édi­tion photo, qui était mon troi­sième usage. Ligh­troom permet d’af­fi­cher ma photo entière, en plus des panneaux de droite et de gauche.

    Le pari c’était de trou­ver le plus large possible mais sans que ça ne devienne inutile ou gênant. J’ai l’im­pres­sion que c’est réussi.

    L’écran fait pas loin de 90 centi­mètres de large, 30% de plus qu’un 32″. Je ne vois déjà pas les deux côtés sans bouger un peu les yeux. Peut-être est-ce le temps de m’ha­bi­tuer, mais j’ai l’im­pres­sion que plus large serait non seule­ment inutile mais proba­ble­ment contre-produc­tif, à me faire tour­ner la tête de droite à gauche.

    De l’es­pace verti­cal

    J’ai hésité avec des écrans beau­coup moins chers en 32:9ème. Je crai­gnais d’avoir un ratio avec trop peu de hauteur.

    J’ap­pré­cie d’avoir pas mal de contexte sur une docu­men­ta­tion ou sur du code, et de pouvoir travailler une photo en pleine taille. C’est aussi pratique sur les feuilles de calcul.

    Ce que je n’avais pas anti­cipé c’est les visio confé­rences où je vois le partage d’écran en taille appré­ciable malgré l’es­pace pris en haut et en bas.

    J’ai un peu moins de 40 centi­mètres en hauteur, l’équi­valent d’un 32″. Là aussi c’est pari réussi, même si j’au­rais peut-être pu me conten­ter de moins.

    Des pixels, plein de pixels

    J’ai écarté beau­coup de précé­dent modèles parce qu’ils avaient une densité de pixels assez faible. Je ne vois pas les pixels, mais le ressenti de qualité est flagrant entre un écran clas­sique 96–110 ppi et un écran double densité dans les 215–225 ppi (les apple-fan parle­ront de retina).

    Ici on est à 140 ppi. Les inter­mé­diaires c’est un peu risqué parce que la mise à l’échelle n’est plus un simple facteur 2. C’est un compro­mis, mais un écran large en 220 ppi ça n’existe pas, et ça deman­de­rait un nombre de pixels que le thunb­der­bolt 5 de mon macbook ne saurait pas gérer.

    J’ai l’im­pres­sion que c’est réussi. Sur macos, better­dis­play permet de profi­ter de la mise à l’échelle quali­ta­tive. Je dois avouer qu’il m’ar­rive toute­fois excep­tion­nel­le­ment de le passer à la réso­lu­tion native.

    De la cour­bure

    La cour­bure c’est le côté qui m’a fait peur. J’ai vu un 34″ droit et je sais que c’était pénible. D’un autre côté les écrans gaming avec leur cour­bure très pronon­cée me semblaient vrai­ment exagé­rées, surtout pour de l’édi­tion photo.

    Bref, là j’ai une cour­bure légère, qui se fait oublier mais qui me semble perti­nente.

    De la lumi­no­sité et du contraste

    C’est peut-être le seul point où j’au­rais aimé plus. La lumi­no­sité est correcte mais je suis souvent proche des 100%. Je vois la diffé­rence avec l’écran du macbook et je n’au­rais pas craché sur plus.

    Là aussi c’est un compro­mis. Des écrans de cette taille avec plus de lumi­no­sité ça ne court par les rues. Il y aura peut-être un 40″ en OLED dans quelques années mais il y aura toujours une raison d’at­tendre quelques années de plus, et je suis satis­fait de ce que j’ai ici.

    Utili­sa­tion pratique

    J’ai le laptop bran­ché en USB-C, pro ou perso suivant le moment de la jour­née, fermé sur le côté. La charge est inté­grée.

    Le clavier et le track­pad sont bran­chés par cable sur les deux ports USB-C de la face avant. J’au­rais préféré les garder en blue­tooth mais les bran­cher fait qu’ils passent auto­ma­tique­ment sur le laptop qui est connecté. La webcam est bran­chée sur le hub en face arrière et passe elle aussi auto­ma­tique­ment sur le laptop que je connecte.

    Le vrai logi­ciel indis­pen­sable c’est better­dis­play, pour la mise à l’échelle comme dit plus haut, mais aussi parce que ça permet d’in­ter­cep­ter les commandes de lumi­no­sité et de volume du clavier pour les trans­mettre à l’écran.

    Plusieurs postes

    J’ai aussi décou­vert le partage du clavier et du track­pad entre mac et c’est juste le bonheur. Les deux mac s’auto-détectent tout seuls. Je peux accé­der au second laptop comme si c’était un écran supplé­men­taire, et inter­agir avec. Ça gère même le copier/coller de façon trans­pa­rente entre les deux. Quand j’ai besoin de faire un peu de pro au milieu d’une session perso, ou le contraire, il suffit que j’ouvre le laptop sur le côté et c’est parti.

    Ça plus hand­soff (pour trans­fé­rer la tâche en cours) et airdrop (pour trans­fé­rer les fichiers), l’éco­sys­tème inté­gré est quand même plus que confor­table.

    Tout est trans­pa­rent, et c’est parfait pour moi.

    Le Dell a aussi un hub avec KVM inté­gré pour utili­ser deux sources, un seul écran un seul clavier mais je n’ai proba­ble­ment pas le droit d’ins­tal­ler un outil qui inter­cepte clavier et track­pad sur mon ordi­na­teur pro. J’ai fait sans et pour l’ins­tant je ne vois pas trop ce que ça m’ap­por­te­rait de plus.

    Ok, mais est-ce que ça vaut le coup ?

    Si on oublie le prix, c’est un grand oui. Je ne vois pas de meilleur choix sur le marché pour une utili­sa­tion mixte édition-bureau­tique.

    Il reste que c’est aussi un des plus chers du marché. J’ai la chance de l’avoir pris sur du profes­sion­nel donc avant taxes et tva, mais même ainsi ça reste cher. On a des écrans larges pour beau­coup moins chers que ça, avec un peu de compro­mis.

  • Piscine

    Je sais que je vais m’at­ti­rer les foudres de certains mais je n’aime pas ça. C’est pour moi une mauvaise méthode, inutile, toxique, qui ne fonc­tionne que par deux ressorts :

    • On monte la tête aux étudiants pour leur faire croire que tout ça est extra­or­di­naire
    • Quand on subit un rituel de passage, on a tendance à y attri­buer tout le posi­tif (c’est ce qui fait que tous les bizu­tages sont promus par les promo­tions précé­dentes).
    Piscine de l’école 42 : bilan semaine 2

J’ai été viré de l’exam parce que j’ai parlé dans la queue pour entrer dans la salle (pas fier). 

J’ai passé 20h ce week-end à essayer de créer un programme qui résout un puzzle donné. J’ai pas réussi et je vais avoir 0. 

Mon plus bel accomplissement cette semaine a été de créer une fonction qui concatene 2 mots. 

Mon temps d’écran total a dépassé les 120 heures depuis le début de la piscine avec un pic à 13h20 mercredi dernier. 

J’ai rencontré des cracks de 20 ans qui font en 1h ce que je fais en 15. 

Je commence à aimer Linux 😂 

Le pire dans tout ça ? 

C’est que j’adore chaque jour. Chaque projet. 
J’apprends plus en 1 journée qu’en 1 semestre à l’école. 

La piscine est une expérience incroyable. 
Je recommande à tous les curieux.

    Non des moyennes semaines weekend inclus à plus de 10h par jour ce n’est pas perti­nent pour l’ap­pren­tis­sage. Ce n’est même pas sain pour la santé des étudiants.

    Non on n’ap­prend pas autant en une jour­née qu’en un semestre. Au bout de deux semaines, 14 jours vu qu’il travaille le week-end, croit-il vrai­ment avoir appris autant qu’en 7 ans d’études spécia­li­sée ou même 1 an et demi si on parle de mois plutôt que de semestre ?

    Vous me direz que c’est juste de l’exa­gé­ra­tion. Mon ressenti après avoir croisé des étudiants passés par la piscine dans cette école et dans d’autres, c’est aussi et surtout une culture où on leur faire croire que ces passages les rend au-dessus de tous les autres.

    Deux semaines de pratique pour faire une conca­té­na­tion de deux mots, je connais des forma­tions de recon­ver­sion très clas­siques qui n’ont rien à y envier, mais sans le côté survi­va­liste.

  • Fire­fox, cœur du web ouvert

    Fire­fox ce n’est pas juste un navi­ga­teur. Sans Mozilla et Fire­fox, nous n’au­rions pas le web libre d’aujourd’­hui. Sans Mozilla et Fire­fox nous n’en auront peut-être plus demain, ou plus sous cette forme. Rien que ça.

    La situa­tion pré-1998

    Pour ceux qui n’ont pas vécu la période pré-2005, Inter­net c’était essen­tiel­le­ment Nets­cape, AOL et Micro­soft.
    Oui, je remonte loin mais c’est impor­tant.

    Si les stan­dards du web exis­taient déjà, il y avait beau­coup de choses non spéci­fiées, beau­coup d’ano­ma­lies propres à chaque navi­ga­teur, et beau­coup d’ex­ten­sions proprié­taires. Faire un site compa­tible avec plusieurs navi­ga­teurs deman­dait un effort parti­cu­lier, voire un double déve­lop­pe­ment.

    Nets­cape c’était le navi­ga­teur dont est issu Mozilla puis Fire­fox. Jusqu’en 1995–98, tout le monde utili­sait Nets­cape, ou presque.

    Micro­soft a pris le pas entre 1996 et 1998 avec l’ar­ri­vée de Windows 95 Plus et de Windows 98. Ils ont fourni Inter­net Explo­rer par défaut comme navi­ga­teur, inté­gré à l’OS. À l’époque on parlait même d’avoir une page web à la place de l’image de fond d’écran, et des widgets web pour avoir des actus, la bourse, la météo, etc. Tout lançait Inter­net Explo­rer sans alter­na­tive, possible, y compris la mise à jour de Windows lui-même.

    La guerre des navi­ga­teurs

    Nets­cape a lancé la suite de navi­ga­tion Mozilla en open-source. AOL a ensuite racheté Nets­cape pour avoir son propre navi­ga­teur basé sur Mozilla.

    Malheu­reu­se­ment Micro­soft a profité de sa posi­tion domi­nante sur Windows pour non seule­ment pré-instal­ler Inter­net Explo­rer partout mais aussi en faire une pièce incon­tour­nable.

    À l’époque la mise à jour de Windows se faisait par Inter­net Explo­rer. Micro­soft inci­tait même à rempla­cer le fond d’écran par une page web (gérée par Inter­net Explo­rer) et des widgets web pour les actua­li­tés, la météo, la bourse, etc. Même Apple est passé à Inter­net Explo­rer sur les Mac quand Micro­soft est entré dans le capi­tal.

    La majo­rité des sites, petits et gros, étaient conçus pour Inter­net Explo­rer et compa­tibles unique­ment avec ce dernier. Nets­cape, seule vraie alter­na­tive, n’a pas tenu.

    La bataille du web ouvert

    Des anciens de Nets­cape sont restés autour de la partie open-source de Mozilla. Avec le temps est sorti Fire­fox : ultra-léger (par rapport à Nets­cape) et ultra-rapide (idem).

    On est déjà en 2003–2005. C’est le début de Mozilla (l’as­so­cia­tion) telle qu’on la connait aujourd’­hui.

    L’an­cien Inter­net Explo­rer est mort, le web ouvert a gagné. Fire­fox a fini par deve­nir le navi­ga­teur majo­ri­taire en Europe.

    Il était infi­ni­ment meilleur que Micro­soft Inter­net Explo­rer mais il n’y a pas que ça : On a aussi eu une bataille massive pour le web ouvert, à faire chan­ger de pratique les sites web pour qu’ils respectent les normes et qu’ils assurent la compa­ti­bi­lité. Je me rappelle le web-compat de Mozilla qui inter­pe­lait et propo­sait des correc­tifs aux sites web un à un.

    C’était du mili­tan­tisme partout. C’est d’ailleurs là que — self-promo — est né Paris-Web.

    Les deux se sont nour­ris. Sans Fire­fox et Mozilla, le web ouvert n’au­rait peut-être jamais vu le jour malgré tous nos efforts. Sans les efforts sur le web ouvert Fire­fox et Mozilla auraient proba­ble­ment été des impasses.

    Garder le web ouvert

    Fire­fox et web ouvert sont histo­rique­ment intrin­sèque­ment liés. C’est pour ça que je dis que Fire­fox ce n’est pas juste un navi­ga­teur.

    Aujourd’­hui c’est Google Chrome qui a la main et on voit appa­raitre le même schéma que par le passé : diffu­sion par pré-instal­la­tion, sites qui ne sont parfois conçus ou testés que pour un seul moteur de navi­ga­tion, abus de posi­tion domi­nante, etc.

    La situa­tion n’est pas exac­te­ment la même que celle des années 2000 mais elle n’est pas si éloi­gnées que ça.

    Il y a plein de navi­ga­teurs mais en réalité Brave, Opera, Vivaldi, Inter­net Explo­rer et les autres sont des déri­vés de Chro­mium. Chro­mium c’est la base open source de Chrome, contrô­lée par Google.

    Le web est défi­ni­ti­ve­ment plus ouvert mais du fait de la main mise sur Chro­mium, Google est quand même en posi­tion forte pour faire avan­cer ce qu’il veut et refu­ser ce qu’il ne veut pas. Pas mal de sites se basent sur des APIs et exten­sions présentes dans Chro­mium mais pas encore ailleurs, ou qui n’ont pas voca­tion à être présentes ailleurs.

    Seule alter­na­tive

    Pour ne pas lais­ser l’his­toire se répé­ter, on a besoin d’al­ter­na­tives.

    Une fois qu’on a retiré tout ce qui se base sur Chro­mium, il reste Safari et Fire­fox. Les inté­rêts d’Apple ne sont pas toujours extrê­me­ment diffé­rents de ceux de Google. On a besoin d’un acteur qui sort de ces acteurs privés mono­po­lis­tiques et domi­nants.

    Fire­fox est seul dans cette situa­tion. Sa survie est juste essen­tielle pour garder un web ouvert.

  • Garder ouvert un script shell

    Je cherche à ce qu’un script shell reste ouvert comme un démon au lieu de rendre la main après s’être exécuté. Comme un démon, je veux qu’il réagisse en se termi­nant de lui-même quand il reçoit une demande de SIGTERM.

    Ma première approche c’est une boucle infi­nie avec un sleep.

    trap 'quit' SIGTERM SIGKILL
    
    function quit() {
      exit 1
    }
    
    while true; do
      sleep 10
    done 

    Le trap n’in­ter­rompt pas le sleep. J’ai mis 10 secondes pour garder une réac­ti­vité raison­nable à l’ex­tinc­tion.

    Même si un réveil toutes les 10 secondes est proba­ble­ment insi­gni­fiant, quelque chose en moi est quand même gêné et aurait aimé mettre plusieurs heures ici.

    Je vois sur le web pas mal d’exemples avec un sleep 1, qui m’in­ter­roge encore plus. Quel est le coût réel de ce sleep 10 dans une boucle infi­nie ?

    Certains ont élaboré des solu­tions pour rendre le sleep inter­rup­tible en l’en­voyant en tâche de fond :

    PID=
    
    trap '[[ $PID ]] && kill "$PID"' SIGTERM SIGKILL
    
    while true; do
      sleep 100000 & pid=$!
      wait
    done

    Je vois aussi, et ça m’a l’air simple & smart, des scripts utili­ser des read­line plutôt que des sleep. Les read­line ont la bonne idée d’être inter­rup­tibles et de durée infi­nie tant qu’on n’en­voie rien sur stdin.

    trap 'quit' SIGTERM SIGKILL
    
    function quit() {
      exit 1
    }
    
    read

    Dites, les amateurs de shell, quelle est la méthode recom­man­dée pour garder un script ouvert en tâche de fond ? Est-ce qu’il y a une réelle diffé­rence entre ces méthodes ou est-ce juste une ques­tion de style ?

  • Valeurs, confiance, vie

    Je sais colla­bo­rer avec des diver­gences de vision et d’opi­nion. Je sais assez bien m’ali­gner sur des déci­sions en lesquelles je ne crois pas.

    J’ai beau­coup plus de mal quand il y a désa­li­gne­ment de valeurs. Là c’est parfois diffi­cile, peut-être plus pour moi que pour d’autres parce que mes valeurs sont ce qui me tient en vie, litté­ra­le­ment.

    De ces valeurs j’ai au moins un item qui est essen­tiel pour moi : ce qu’on est prêt à faire pour autrui.

    C’est à la fois une force qui peut me pous­ser extrê­me­ment loin, et un puis sans fond quand il y a un vrai désa­li­gne­ment persis­tant. C’est vrai socia­le­ment, dans la vie person­nelle comme dans la vie profes­sion­nelle.

    C’est simple­ment qui je suis.


    Avec le temps j’ai ajouté un étage.

    Je sais comment inter­agir avec une personne malveillante, égoïste ou indi­vi­dua­liste. Ça me coûte, je fuis ces indi­vi­dus quand je le peux mais, quelque part, je sais sur quoi comp­ter ou quoi ne pas comp­ter.

    Des erreurs on en fait tous. Personne n’est parfait, moi pas plus qu’un autre. On porte chacun ses compro­mis, ses démons et ses contra­dic­tions, moi comme les autres. Je le comprends et je l’ac­cepte, peut-être même plus faci­le­ment que d’autres.

    Je ne demande pas de cheva­lier blanc parfait. La diffé­rence tient souvent à comment on vit avec ses erreurs et comment on avance avec.

    Parfois ce ne sont pas des erreurs, ni même des personnes mauvaises, juste des personnes sur qui je ne peux clai­re­ment pas comp­ter. À chaque fois que je me suis retrouvé face à cette situa­tion, plus rien ne fonc­tionne. Ce n’est pas juste que c’est diffi­cile de colla­bo­rer, c’est que c’est tota­le­ment en dehors de mon fonc­tion­ne­ment intel­lec­tuel. Je ne sais simple­ment plus.

    Si ça dure et que la colla­bo­ra­tion est incon­tour­nable malgré tout, ou que ça aurait un coût pour des tiers, le moindre geste et la moindre déci­sion finissent par deve­nir très diffi­ciles. Quand la décou­verte se fait progres­si­ve­ment ou après coup, s’y ajoute un senti­ment de trahi­son de ma confiance qui renforce tout ça.

    C’est certai­ne­ment lié à comment je fonc­tionne puisque j’ai l’im­pres­sion que ceux qui partagent mes traits partagent aussi souvent ces biais.


    J’ai peur de l’ef­fet barnum quand j’écris ces lignes alors que je sais par expé­rience que ce que je vis ces situa­tions très diffé­rem­ment de la majo­rité des autres.

    Je ne cache plus mes diffé­rences. Si la mode de se dire neuroa­ty­pique ou avec des traits autis­tiques m’agace au plus haut point, au moins elle me permet d’as­su­mer un peu plus faci­le­ment mon vécu.

    Mes mots ici sont pensés, pesés. Quand je parle de réus­sir à vivre, à penser, à conce­voir les choses, ce ne sont pas des images.


    Bref, tout ceci est d’ac­tua­lité. Ça explique certai­ne­ment au moins en partie ma santé, la façon dont j’in­te­ra­gis ou juste­ment dont je n’in­te­ra­gis pas, et ce que je suis capable ou pas de faire depuis quelques mois, au niveau person­nel comme au niveau profes­sion­nel.

    Amies et amis, j’es­père me recons­truire au fur et à mesure parce que ça m’a fait descendre bien bas. Le dire est déjà une première étape.

    J’au­rai proba­ble­ment besoin de vous, de ceux et celles qui voudront bien m’ac­com­pa­gner. Vos messages seront bien­ve­nus, même si je sais que j’en donne bien trop peu de moi-même.

  • Quick ‘n dirty

    J’ai appris.

    En bon ingé­nieur j’ai beau­coup poussé l’idée qu’il faut un produit très bien foutu, sans erreur, sans zone d’ombre, perfor­mant et que, quand tout ça va, les utili­sa­teurs vont venir tout seuls.

    J’ai appris qu’un produit beau avec des erreurs fonc­tionne mieux qu’un produit moche sans erreurs. C’est contre-intui­tif pour moi et pas dans mes attentes mais c’est la réalité du terrain. J’ai appris qu’au-delà du beau, l’ex­pé­rience utili­sa­teur dans la mani­pu­la­tion des inter­faces était une vraie exper­tise qui faisait toute la diffé­rence. J’ai appris que l’adé­qua­tion aux besoins métier primait encore plus sur tout ça.

    J’ai appris qu’un produit qui répond parfai­te­ment au besoin avec une super expé­rience utili­sa­teur ne ferait pas le poids face à un produit qui a un bon marke­ting. C’est agaçant, injuste même, mais c’est la réalité du terrain. S’il faut en vivre, inves­tir dans le busi­ness prime même large­ment par rapport à la qualité intrin­sèque.

    J’ai vu des boîtes mourir en lais­sant derrière elles un excellent code tech­nique ou un produit perfor­mant.

    Les boîtes qui ont une trac­tion busi­ness, elles, conti­nuent à vivre même si le produit est tech­nique­ment très moyen.

    Je suis certain que tout le monde a à l’es­prit plein de produits de tous les jours qui sont défaillants mais qu’on conti­nue à utili­ser, même si c’est malgré-nous. C’est vrai en infor­ma­tique comme dans n’im­porte quel métier.

    Ça ne veut pas dire que la qualité tech­nique ne compte pas. Je suis même convaincu que la bonne qualité tech­nique est inves­tis­se­ment massi­ve­ment rentable sur le long terme.

    Ça veut dire que la qualité tech­nique est un outil et pas une fina­lité.

    Si on confond les deux et qu’on fait de la qualité tech­nique un objec­tif en soi, on risque fort de faire les mauvais choix.

  • Travail jour­na­lis­tique gratuit

    Contexte (*)
    Une psycho­logue et auteure inter­vient dans les média sur ses sujets de d’ex­per­tise. Elle indique le faire béné­vo­le­ment parce que le sujet lui semble impor­tant. C’est l’usage. Cette fois-ci, les presque deux heures de temps inves­tis l’ont été à vide parce que l’in­ter­view prévue sur M6 ne sera ni diffu­sée ni utili­sée. Le temps ne sera pas dédom­magé. Côté jour­na­liste, ça arrive, ça fait partie du jeu. L’in­ter­ve­nante, elle, déclare publique­ment que désor­mais elle deman­dera à être rému­né­rée.

    Nombreux sont les jour­na­listes qui disent tomber des nues (pour les plus polis, parce que c’est en réalité bien plus mépri­sant). « On ne rému­nère pas les sources » revient souvent, au nom de la déon­to­lo­gie du jour­na­lisme.

    Je trouve ces posi­tions des plus hypo­crites. Peut-être qu’on pourra m’ex­pliquer.


    M6 n’est pas une œuvre cari­ta­tive. Son busi­ness c’est vendre de l’es­pace publi­ci­taire, en tirer du béné­fice, et verser des divi­dendes à ses action­naires. On parle en millions, 230 millions de résul­tat net après impôt en 2023.

    Pour vendre son espace publi­ci­taire, la chaîne crée des conte­nus, qu’elle achète ou qu’elle fait créer en interne. Pour ces conte­nus on paye des jour­na­listes. Tout le monde, moi inclus, trou­vera légi­time qu’on paye ces jour­na­listes.

    Le jour­na­liste n’est pas seul. On peut payer des images, un monteur, un secré­ta­riat, des locaux, un came­ra­man, peut-être un preneur de son, peut-être des maquilleurs, et j’ou­blie proba­ble­ment 80 % des métiers qui sont néces­saires à la produc­tion et à la diffu­sion. Tout ça pour vendre la publi­cité de M6.

    Et là, si la chaîne et le jour­na­liste ont besoin d’ex­per­tise pour produire leur contenu, à quel titre est-ce que le profes­sion­nel qui donne son temps et son exper­tise ne méri­te­raient pas d’être rému­né­rés eux aussi ?


    Que des profes­sion­nels choi­sissent d’in­ter­ve­nir sans rému­né­ra­tion sur des sujets qui leurs tiennent à cœur, je ne trou­ve­rai jamais rien à y redire. Chacun est libre. J’ai fait plein de choses béné­vo­le­ment, par choix, et je conti­nue­rai d’en faire.

    Que d’autres profes­sion­nels choi­sissent, eux, de deman­der une rému­né­ra­tion en échange de leur temps et de leur exper­tise, ça ne devrait faire bondir personne.

    Je trouve sale­ment hypo­crite les jour­na­listes qui défendent (à raison) leur rému­né­ra­tion et la valeur de leur métier, et qui en paral­lèle s’of­fusquent ou se moquent d’un profes­sion­nel qui souhaite être rému­néré pour son temps quand on le solli­cite.

    Invi­tés récur­rents, spécia­listes de plateau, certains sont d’ailleurs effec­ti­ve­ment payés. Sans faire trop de paral­lèle, ça me rappelle d’ailleurs la victoire aux prud’­hommes de candi­dats de jeux télé­vi­sés qui avaient demandé une rému­né­ra­tion pour leur parti­ci­pa­tion.


    « On ne rému­nère pas les sources »

    Déon­to­lo­gie jour­na­lis­tique

    Je serais tenté de dire que la déon­to­lo­gie jour­na­lis­tique concerne les jour­na­listes et unique­ment eux. Ce n’est pas le problème des tiers qui sont solli­ci­tés.

    Libre aux jour­na­listes de ne travailler qu’a­vec des béné­voles. Ça n’au­to­rise pas de s’of­fusquer que d’autres demandent une rému­né­ra­tion, et encore moins de tirer à boulets rouges sur ces derniers.

    Il ne faudra cepen­dant pas ensuite se plaindre que ça fonc­tionne dans les deux sens, quand les lecteurs ne veulent lire que la presse gratuite et trouvent ridi­cule de devoir payer


    Même ainsi, en réalité cette déon­to­lo­gie elle est à géomé­trie variable.

    On paye des experts. Certains jour­na­listes le disent d’ailleurs expli­ci­te­ment : On les rému­nère déjà en visi­bi­lité, c’est à dire en publi­cité.

    C’est opaque, non déclaré au fisc, mais l’usage. Parfois c’est doux, tu viens parler et en échange ça te permet de passer un message. Parfois c’est fran­che­ment plus expli­cite avec les char­rettes d’ex­perts qui viennent pour qu’on cite leur livre qui vient de paraître — ce que le jour­na­liste s’em­presse bien de faire puisque la rému­né­ra­tion sous forme de publi­cité est là tout à fait assu­mée.

    L’enjeu ne semble pas être de rému­né­rer ou pas, c’est simple­ment de mettre ou pas la main au porte­feuille. La déon­to­lo­gie elle a un peu bon dos.

    Je crois que ceux que je trouve hypo­crite sont juste­ment ceux qui disent à la fois que rému­né­rer ne serait pas déon­to­lo­gique et que, quand même, les experts sont rému­né­rés en visi­bi­lité. Il faudrait choi­sir.


    Libre à vous de deman­der ou pas rému­né­ra­tion, de le deman­der en espèces ou en publi­cité cachée.

    Libre à vous de choi­sir si vous ne faites appels qu’à des vrais béné­voles, si vous souhai­tez rému­né­rer en visi­bi­lité ou publi­cité, ou si vous accep­tez de rému­né­rer en espèces de façon trans­pa­rente.

    Faites vos choix. Juste, éviter de vous offusquer qu’un profes­sion­nel demande à être rému­néré quand on solli­cite deux heures de son temps pour resti­tuer son exper­tise. Ça, tout le monde devrait applau­dir.


    (*) Pas de liens, volon­tai­re­ment, car elle diffuse des opinions poli­tiques dont je ne souhaite pas assu­rer la publi­cité, même indi­recte.

  • Produit loca­le­ment

    Je crois que c’est un des points contre-intui­tif les plus mal connus sur le poids envi­ron­ne­men­tal :

    Ache­ter loca­le­ment n’est pas forcé­ment plus respec­tueux vis-a-vis des enjeux clima­tiques.

    Je ne dis pas non, je dis « c’est plus compliqué que ça ».

    Le trans­port mari­time par conte­neur est extrê­me­ment opti­misé. On parle de 3 grammes équi­valent CO2 par kilo­mètre soit 60 kg équi­valent CO2 la tonne à trans­por­ter sur un Shan­gaï – Rotter­dam de 20 000 km par le canal de Suez. Votre paquet de 1 kg va consom­mer 60 grammes équi­valent CO2 pour son trajet.

    On peut aussi compa­rer au volume. Le trans­por­teur nous dit qu’un TEU (conte­neur de 20 pieds) de 38,5 m3 coûtera entre 0,8 et 0,9 tonne équi­valent CO2 pour le trajet. Votre paquet de 30×20×15 cm va consom­mer 210 grammes équi­valent CO2 pour son trajet.

    Il n’y a pas de petit gain mais on parle là au mieux de l’équi­valent de 1 km en voiture ou d’une bouteille d’eau en plas­tique. C’est proba­ble­ment tota­le­ment insi­gni­fiant sur le coût équi­valent CO2 de ce que vous ache­tez.

    Si vous devez faire un trajet spéci­fique via les trans­ports en commun (bus) pour favo­ri­ser le produit en Europe, vous êtes proba­ble­ment déjà perdants.

    Si votre produc­teur local fait des petits volumes, même géogra­phique­ment très proche de vous, il émet­tra peut-être même plus d’équi­valent CO2 que celui qui fait venir de gros volumes par bateau depuis l’Asie du sud.


    Pourquoi ai-je dit que c’était plus complexe ? Parce que les normes envi­ron­ne­men­tales des diffé­rents pays ne sont pas forcé­ment les mêmes, ni leur mix de produc­tion élec­trique, ni le moyen de trans­port de leurs employés, ni le besoin de chauf­fage de l’usine, ni la norme d’in­ten­sité d’éclai­rage, ni la produc­ti­vité de l’usine, ni les volumes en jeu et leurs effets d’op­ti­mi­sa­tion, ni… et consi­dé­rant le faible coût CO2 dont on parle, n’im­porte quel critère annexe peut avoir 10 ou 100 fois plus d’im­pact d’un côté ou de l’autre.

  • Fin de la passe­relle Masto­don de ce blog.

    J’ai tenté de diffu­ser ces billets sur Masto­don sur @n.survol.fr@n.survol.fr.

    L’ex­pé­rience fonc­tionne. C’est juste peu pratique.

    L’idée est bonne mais le niveau d’in­te­rac­tion se limite à rece­voir sur le blog le texte des réponses publiques aux articles. Tout le reste, les réponses avec des images, les réponses privées, les réponses aux réponses, ça ne fonc­tionne pas. Je ne peux pas non plus effa­cer ou éditer des messages publiés, ou inter­agir direc­te­ment avec les gens.

    Aujourd’­hui j’ai mieux fait de garder un compte Masto­don clas­sique, utili­sable à la main.

    La consé­quence c’est que le flux auto-hébergé du blog va finir par s’éteindre.

    Si vous suiviez mes écrits par Masto­don, mieux vaut aller sur le site direc­te­ment (il y a un flux RSS) ou regar­der ce que je repar­tage sur mon compte person­nel Masto­don.

  • La néces­sité de l’ul­tra­cré­pi­da­ria­nisme

    Ça fait long­temps que je traine ce billet, faute de savoir comment le formu­ler d’une façon qui ne puisse pas être inter­pré­tée comme un reproche aux juristes et écono­mistes que je croise, que j’es­time et qui m’aident régu­liè­re­ment à comprendre les choses.
    Je le publie en solli­ci­tant votre bien­veillance à la lecture.


    J’ai besoin de comprendre, tout, tout le temps. Pas « envie », « besoin ».

    C’est quelque chose qui peut me téta­ni­ser tota­le­ment, ou occu­per mon esprit en m’em­pê­chant de dormir ou me concen­trer à quoi que ce soit d’autre.

    Je me rappelle mon baptême de plon­gée où j’ai cher­ché sur wiki­pe­dia comment fonc­tionne un déten­deur devant le moni­teur qui me disait « aie confiance ». J’ai tota­le­ment confiance. Je ne sais juste pas comment comment ça fonc­tionne et je risque de ne pas pouvoir penser à autre chose tant que je ne saurai pas, au point où en plon­gée ça pour­rait deve­nir dange­reux pour moi.

    Le web est un monde merveilleux pour moi. Je cherche et trouve mille réfé­rences vers des vulga­ri­sa­tions mais aussi la plupart des textes offi­ciels, statis­tiques natio­nales et études scien­ti­fiques.

    Quand je ne conclus pas sur la base de ce que je trouve, je demande sur les réseaux sociaux et j’ai souvent des réponses d’ex­perts super poin­tus ou même d’au­to­ri­tés offi­cielles sur les sujets. Je peux poin­ter une ques­tion sur les réseaux et avoir une réponse directe de l’Ar­cep, m’inquié­ter du trai­te­ment de données person­nelles et avoir la CNIL qui me contacte en direct, deman­der des préci­sions sur une fleur ou un oiseau et avoir une réponse d’un expert ultra-pointu à l’autre bout du monde. Ce ne sont pas des théo­ries : J’ai ces cas en tête car ils me sont arri­vés, et ce n’est pas rare.

    Merci, énor­mé­ment, à tous ces gens qui répondent, qui enri­chissent mon savoir et ma compré­hen­sion. Même ceux qui se trompent, tant qu’ils donnent des liens et des sources.


    Je parle de liens et de sources parce que, malgré un préjugé tout à fait posi­tif, j’ai un vrai problème avec les réponses d’au­to­rité.

    Il est facile dans mes recherches de trou­ver deux experts recon­nus qui se contre­disent, y compris sur des ques­tions très géné­rales ou « basiques ».

    Il est facile de trou­ver un site offi­ciel qui géné­ra­lise à outrance voire qui affirme des choses contraires aux textes appli­cables.

    Il est aussi courant de trou­ver des experts qui se trompent, ou n’ont pas connais­sance des derniers faits, ou outre­passent leur domaine dans les hypo­thèses qu’ils prennent en compte voire dans leurs conclu­sions, ou simple­ment subissent comme chacun des biais liés à leur histoire ou leurs croyances. Parfois les erreurs sont visibles même même pour moi. Parfois elles sont éclai­rées par d’autres dans une analyse critique sour­cée et étayée.

    Quand j’ai juste besoin de savoir, je suis aveu­glé­ment l’ex­pert qui m’a conseillé, ou le consen­sus qui se dégage parmi les sachants. Il ne me vien­drait pas à l’es­prit de contes­ter mon méde­cin.

    Quand je suis dans ma démarche de recherche et compré­hen­sion, c’est au mieux un élément qui peut me poin­ter dans la bonne direc­tion. Ça ne remplace pas les liens vers les textes offi­ciels, les études, les statis­tiques, ou au moins les analyses critiques et sour­cées qui, elles, me permettent de savoir ce qui a été pris en compte ou pas et pourquoi.


    Je sais que c’est frus­trant pour les profes­sion­nels qui me répondent alors j’in­siste : Ce n’est pas une mise en doute de vos compé­tences, ni la croyance que je vais pouvoir faire dans mon bureau les analyses qui contre­di­ront vos années d’études, de forma­tion et de pratique. C’est juste que ça ne répond pas à mon besoin intel­lec­tuel. L’af­fir­ma­tion ne résout rien : elle alimente la machine à pensée au lieu de l’éteindre.

    Je comprends tout à fait qu’on ne veuille pas inves­tir de temps à m’ex­pliquer, ou à cher­cher des liens que je ne trouve pas seul. Je n’exige évidem­ment de personne qu’il me réponde quand je pose une ques­tion dans cet état d’es­prit, et encore moins des profes­sion­nels qui font par ailleurs commerce de leur temps ou de leur savoir. Je n’exige rien à part ne pas deman­der aux autres de se taire.

    Il y a forcé­ment un côté ultra­cré­pi­da­ria­nisme qui ressort, j’en suis conscient. C’est aussi la malé­dic­tion des réseaux sociaux où ceux qui ont le savoir voient les autres affir­mer n’im­porte quoi avec aplomb.

    Je trouve malgré tout impor­tant que notre société puisse permettre l’ap­pro­pria­tion du savoir par tous. Je m’en réjouis malgré les dommages colla­té­raux. Pour moi on est tout à fait dans la lignée des débats qui ont eu lieu il y a des années à propos de Wiki­pe­dia. Vouloir restreindre la parole aux expert ne me parait pas la solu­tion. L’enjeu est désor­mais dans les sources et dans le débat critique.


    Ok Éric mais pourquoi tu as pointé du doigt les juristes et les écono­mistes dans l’in­tro­duc­tion ?

    Le savoir et la compré­hen­sion ne s’im­pro­visent pas. Tout le monde ne peut pas, en lisant une étude médi­cale, comprendre ce que ça implique ou quelles en sont les limites, voire les erreurs. L’exemple du COVID a montré que même les intro­duc­tions, conclu­sions et statis­tiques étaient faci­le­ment comprises à contre­sens par les néophytes. On ne remplace simple­ment pas de longues années d’études et de pratique par un peu de bonne volonté.

    Quelque part, ça a du sens de restreindre la parole médi­cale aux méde­cins. La solu­tion à ça est celle de wiki­pe­dia. On ne remplace pas l’ex­pert mais on peut poin­ter des liens de réfé­rences dans le débat, voire poin­ter des analyses critiques faites par des experts. L’im­por­tant n’est pas ce que tu sais ou crois savoir, mais les liens dont on ne pourra pas contes­ter le contenu.

    Il y a toute­fois deux domaines sur lesquels j’ac­cepte très diffi­ci­le­ment le « arrê­tez d’en parler si vous n’êtes pas expert », la loi et la poli­tique.


    La loi s’ap­plique à tous, experts ou non. On doit la connaitre et la respec­ter. C’est impos­sible si on ne peut pas en parler. Je deman­de­rai toujours un conseil profes­sion­nel si c’est impor­tant ou complexe, mais je trouve indis­pen­sable que sur le courant l’ap­pro­pria­tion soit géné­rale.

    Si un jour une situa­tion du code de la route est trop complexe pour être débat­tue entre non-experts, alors on a un problème parce qu’on leur demande quand même de savoir la respec­ter sans deman­der conseil avant.

    Ça ne rend pas tout le monde expert en droit, ni même perti­nent dans ce qu’il croit, mais ça le rend plus que légi­time à en discu­ter et en débattre. Mieux : Ça rend ces débats béné­fiques à l’ap­pro­pria­tion de la loi par tous.


    Le débat est aussi indis­pen­sable sur les sujets poli­tiques, du moins tant qu’on tient au prin­cipe démo­cra­tique. La démo­cra­tie ne rend pas tous expert mais elle impose à tous de pouvoir débattre des choix pris, des hypo­thèses, des consé­quences.

    On ne rempla­cera pas l’éco­no­miste mais ce dernier ne peut que expli­ci­ter les consé­quences d’un méca­nisme avec des hypo­thèses précises, et selon l’angle étudié. Le débat public c’est discu­ter de ces hypo­thèses, de l’angle choisi, des sources, mais aussi de faire un choix.

    On ne restreint pas l’éco­no­mie à un mieux ou un moins bien. Il y a des consé­quences humaines, des arbi­trages entre plusieurs effets, des choix moraux ou éthiques voire idéo­lo­giques (non ce n’est pas un gros mots). Rien que l’idée de progrès social (pour qui ? pour quoi ?) ou de vouloir limi­ter le chômage (pour qui ? à quel coût ? pourquoi ?) ne vont pas plus de soi que ça.

    Tout ça ne peut faire surface qu’en ouvrant le débat et en permet­tant à n’im­porte qui de s’y insé­rer. On ne peut pas se repo­ser sur l’ex­pert pour iden­ti­fier lui même les para­mètres « accep­tables à discu­ter par la foule ». L’idée même d’ar­ri­ver à en dres­ser une liste exhaus­tive me parait très opti­miste.


    Est-ce qu’on pour­rait au moins faire en sorte que les gens n’af­firment pas ce qu’ils ne savent pas ?

    Malheu­reu­se­ment non, parce que parfois tu crois savoir, jusqu’à ce qu’on te montre le contraire. C’est vrai aussi pour ceux qui font atten­tion à ne pas juger eux-mêmes mais à simple­ment donner des poin­teurs vers des sources d’au­to­rité. C’est vrai aussi pour les experts recon­nus donc on ne peut même pas se baser là dessus. Les débats autour du climat et du covid l’ont bien montré.

    L’ul­tra­cré­pi­da­ria­nisme n’est pas un sujet de déses­poir. Pour moi c’est au contraire une évolu­tion très posi­tive de la société : Tout le monde peut s’ap­pro­prier tous les sujets.

    On a les ressources pour ça. On a les inter­ac­tions sociales qui permettent ce débat ouvert par tous. Ça ne donnera pas toujours des choses intel­li­gentes mais ça peut le faire. Nous avons les clefs.

    S’il faut progres­ser ce n’est pas en voulant iden­ti­fier qui peut parler, mais en formant à la recherche docu­men­taire, à l’ana­lyse critique, à savoir mener une discus­sion argu­men­tée, à détec­ter chez l’autre les effets de manche, et à l’hu­mi­lité pour accep­ter de se trom­per, de le dire, de chan­ger de posi­tion. J’in­siste, apprendre à dire « je me suis trompé » sans avoir honte ni être moqué, ça peut tout chan­ger.

    Nous avons changé de société. La solu­tion n’est à mon avis plus dans la restric­tion mais dans la profu­sion.

    Ce que je sais c’est que tout ça m’a apporté énor­mé­ment, plus que je ne saurai jamais l’ex­pri­mer. Je suis une autre personne, qui comprend mieux le monde autour, qui sait mieux inter­agir avec lui. Jamais ça ne serait arrivé dans l’an­cien monde, celui avec juste les paroles offi­cielles descen­dantes et où tu restes genti­ment dans ton coin si tu ne sais pas.