Catégorie : Santé

  • Le monde tel qu’il aurait pu être. Dimanche 3 décembre 2023

    Entre une infla­tion 2023 proche des 6% et les charges qui ont été dépor­tées de la sécu­rité sociale vers les mutuelles, rien d’éton­nant à ce que les coti­sa­tions de ces dernières s’en­volent de 8% ou plus.

    « Je ne pense qu’il soit accep­table d’avoir des augmen­ta­tions de 8% » a déclaré le ministre de la santé :

    Nous avons fait une erreur et nous allons reve­nir en arrière. Les coûts de gestion de la sécu­rité sociale sont bien moindre et la couver­ture santé devrait profi­ter aux citoyens avant de profi­ter aux gestion­naires des mutuelles ou aux agences de publi­cité.

    Nous allons donc reprendre petit à petit à la CPAM des charges aujourd’­hui dévo­lues aux mutuelles. Nous espé­rons obte­nir un équi­libre perti­nent avec les diffé­rentes société d’as­su­rance. Si ce n’est pas le cas, nous prévoyons de reprendre l’es­sen­tiel des charges dans le régime public et de suppri­mer l’obli­ga­tion de prise en charge des mutuelles par les employeurs une fois qu’elles ne gére­ront que les éléments de confort.

    Je sais que ça peut sembler contra­dic­toire d’aug­men­ter les prélè­ve­ments publics au regard des objec­tifs de pouvoir d’achat que mène le gouver­ne­ment mais ne vous y trom­pez pas : Au final ce sera bien des écono­mies pour le porte-monnaie des ménages.

  • Ne pas savoir

    Consom­mer du citron congelé permet de combattre le diabète et certaines tumeurs. Confron­tés à cette affir­ma­tion, plus de la moitié des 4 000 parti­ci­pants à une vaste étude menée par la Fonda­tion Descartes, ont répon­du… qu’ils ne savaient pas si elle était vraie ou fausse. […] Un résul­tat qui souligne le manque de recul d’une partie de la popu­la­tion face aux infor­ma­tions erro­nées en matière de santé. « Le jour où elles tombe­ront malades, ces personnes risque­ront d’être happées par ce genre de croyances », aver­tit Laurent Cordo­nier, socio­logue et direc­teur de la recherche de la Fonda­tion Descartes.

    La santé parti­cu­liè­re­ment touchée par la désin­for­ma­tion : l’alerte de la Fonda­tion Descartes

    J’ai un vrai problème avec cette vision de la science et de la recherche.

    Proba­ble­ment que j’au­rais raisonné par intui­tion et vrai­sem­blance, que j’au­rais répondu que l’in­for­ma­tion était fausse. Avec le recul, je me dis que c’est plutôt moi qui aurait été dans l’er­reur et plutôt ceux qui ont avoué ne pas savoir qui ont eu la bonne atti­tude.

    Je ne connais pas grand chose au citron et à l’ef­fet de la congé­la­tion. Je ne connais quasi­ment rien au cancer et je ne sais rien du tout des moyens de le combattre. Je n’ai lu pour m’orien­ter aucune infor­ma­tion scien­ti­fique ni aucune commu­ni­ca­tion d’une auto­rité sérieuse à propos des inter­ac­tions entre le cancer et le citron, qu’il soit congelé ou pas. Bref, je ne sais pas.

    Ceux qui risquent d’être happés par les mauvaises croyances sont ceux qui pensent savoir et affirment savoir alors que ce n’est pas le cas. Ils ont peut-être raison cette fois, et auront peut-être tort la prochaine fois. Parfois l’in­tui­tion ou la vrai­sem­blance de celui qui n’y connaît rien n’est pas la meilleure base pour assu­rer une croyance.

    Blâmer ceux qui avouent ne pas savoir, les consi­dé­rer comme perméables à la désin­for­ma­tion, c’est encou­ra­ger la croyance à la place du savoir. J’ai l’im­pres­sion que c’est la mauvaise voie.

    Mais bon, je ne sais pas 🤷

  • Varia­tions du serment d’Hip­po­crate

    « Je donne­rai mes soins à l’in­di­gent et à quiconque me les deman­dera. »

    Serment de l’ordre des méde­cins, depuis au moins 1996

    et

    « Je donne­rai mes soins gratuits à l’in­di­gent et n’exi­ge­rai jamais un salaire au-dessus de mon travail. »

    Serments en cours dans plusieurs univer­si­tés

    La phrase, quelle que soit sa forme, ne semble avoir aucune corres­pon­dance dans le serment d’ori­gine.

  • Tarifs de santé conven­tion­nés pour les non-affi­liés CPAM

    Je lis des méde­cins parler de faire payer les étran­gers bien plus cher que les locaux et j’en ai été étonné. Véri­fi­ca­tion faite, les dispo­si­tions de la conven­tion entre les méde­cins et la CPAM ne vaut que pour les affi­liés à la CPAM.

    « En outre, la conven­tion médi­cale béné­fi­cie à toutes celles et ceux dont les risques sont garan­tis par les régimes d’as­su­rance mala­die obli­ga­toire, y compris le régime de la couver­ture mala­die univer­selle et celui des acci­dents du travail et des mala­dies profes­sion­nelles. »

    Conven­tion médi­cale 2016

    Les méde­cins peuvent donc effec­ti­ve­ment faire payer plus cher les patients non couverts par la sécu­rité sociale.


    Quid de l’hô­pi­tal ? Outre les dispo­si­tions de rembour­se­ment et de tiers payant, les non-affi­liés reçoivent-ils une facture d’un montant diffé­rent des affi­liés ? Dans quelle propor­tion ?

  • Durée de vie des masques FFP2

    J’en­ten­dais circu­ler depuis un moment que les masques FFP2 sont réuti­li­sables tant qu’ils ne tombent pas en morceaux.

    Problème : Les boites expli­citent exac­te­ment l’op­posé et je ne crois pas à l’idée d’un complot des marchands de masques pour cacher une évidence.

    Bref, on peut réuti­li­ser un masque, c’est vrai aussi pour les chirur­gi­caux, mais leur protec­tion est-elle toujours valable ?

    Les auto­ri­tés françaises ont même par moment dit que les masques chirur­gi­caux peuvent être lavés en machine une dizaine de fois. D’autres sources parlent de les passer au four.

    Même si les auto­ri­tés gouver­ne­men­tales ont tendance à confir­mer l’idée d’une réuti­li­sa­tion, j’avoue être dubi­ta­tif parce le filtrage de ces masques utilise un filtre élec­tro­sta­tique (c’est aussi vrai pour les FFP2). Ce filtre serait très proba­ble­ment éliminé en machine. C’est d’ailleurs aussi en partie à cause de ce filtre que ces masques sont à reti­rer une fois humides.

    J’ai besoin d’une source scien­ti­fique avec des détails.

    C’est le maga­zine QueC­hoi­sir qui finit de confir­mer mes doutes alors que juste­ment ils disent qu’on peut les réuti­li­ser 10 lavages à 60° suivi d’un séchage au sèche cheveux, tests à l’ap­pui.

    Le tableau est éclai­rant. Ce que leur proto­cole raconte c’est qu’a­près 10 lavages, un masque FFP2 est au moins aussi effi­cace qu’un masque en tissu modèle grand public pour les parti­cules de plus de 3 µm.

    Bref, le FFP2 est lavable pour peu qu’on n’en attende rien de plus qu’un masque en tissu norme AFNOR grand public.

    Problème : Ce n’est pas ce qu’on demande à un masque FFP2, qui est censé filtrer les parti­cules jusqu’à 0,6 µm et ne pas avoir de fuite d’air.

    Plein de gens m’ont genti­ment pointé le test de QueC­hoi­sir quand j’ai initia­le­ment posé ma ques­tion. J’en déduis que le maga­zine a signi­fi­ca­ti­ve­ment dété­rioré le débat public avec une présen­ta­tion trom­peuse des infor­ma­tions. Pas très glorieux.

    Alors ?

    Non, personne n’a pu me poin­ter de source un mini­mum fiable ou perti­nente étayant l’ef­fi­ca­cité d’un masque FFP2 (ou même chirur­gi­cal) pour sa desti­na­tion initiale après un lavage ou un passage au four.

    Les éléments allant en ce sens réfé­rencent des usages très diffé­rents et qui n’offrent pas du tout la même protec­tion.

    On va s’en tenir aux préco­ni­sa­tions des fabri­cants : 8 heures maxi­mum, tant qu’il n’est pas humide, sans réuti­li­sa­tion (ou du moins modé­ré­ment).

  • Patients, usagers, clients

    Choi­sis­sez le mot que vous préfé­rez mais je n’ai aucun mal à parler de client là où on fait payer à l’usage. Je suis autant client de mon taxi que de mon TER. Je suis client (je paye) et usager (j’uti­lise) des deux.

    J’ai l’im­pres­sion que les profes­sions de santé sont encore plus atta­chées au terme patient. Un méde­cin libé­ral fait pour­tant autant commerce de son savoir et de son exper­tise qu’une autre profes­sion. Ils parlent d’ailleurs eux-même de clien­tèle quand il s’agit de revendre un cabi­net et de le valo­ri­ser. Les profes­sion­nels de santé libé­raux sont d’ailleurs très remon­tés contre l’idée d’être des fonc­tion­naires non libres de choi­sir leur clien­tèle et leurs condi­tions.

    Ça ne m’em­pêche pas d’être patient ou usager, et parfois d’être aussi un client. Les termes ne sont pas exclu­sifs. Le terme de client n’est pas sale, le commerce pas honteux. À vouloir les bannir, j’ai l’im­pres­sion des mêmes arti­fices de langue de bois que nos poli­tiques.

  • Tous mes impôts

    Parfois le sort s’acharne. Sur une période assez courte j’ai vu trois cancers lourds dans mon entou­rage plus ou moins proche. Ce sont des choses qui brassent.

    Je peux vous dire qu’à ce moment là, savoir que deux sur les trois aient dû lancer des cagnottes en ligne pour payer leurs soins, pour juste conti­nuer à vivre, ça fait réflé­chir.

    Ce n’était pas le cas du troi­sième : Savoir que mes proches avec un cancer n’ont pas besoin de lancer un appel à dons pour payer leurs soins, ça justi­fie toutes mes coti­sa­tions sociales, tous mes impôts.

    J’irai plus loin : l’hô­pi­tal gratuit, l’école gratuite, les secours gratuits, les soins courants acces­sibles, le RSA et le mini­mum vieillesse, malgré toutes les critiques qu’on peut en faire, tout ça vaut vrai­ment large­ment tous mes impôts et toutes mes coti­sa­tions sociales.

    C’est vital. Litté­ra­le­ment.

    Avoir dans ses proches quelques personnes qui n’ont pas ces chances, qui en souffrent et dont la vie bascule, ça remet vite les pendules à l’heure. Ensuite on n’ou­blie pas. J’en pleure presque en écri­vant.

  • Inci­ta­tion à perfor­mance par des primes dans les admi­nis­tra­tions de santé

    Il se nomme d’après une légende de l’Inde colo­nia­liste. Esti­mant qu’il y avait trop de cobras dans la ville de Delhi, les auto­ri­tés déci­dèrent de mettre en place une récom­pense pour chaque tête de cobra rappor­tée. La mesure eu un franc succès, jusqu’à ce que l’ad­mi­nis­tra­tion découvre des fermes de cobras, elle arrêta alors le programme de récom­penses et les éleveurs relâ­chèrent leur animaux, augmen­tant le nombre de cobras initia­le­ment présents dans la ville.

    Visi­ble­ment tout le monde ne connait pas encore l’ef­fet cobra.

    Ce matin j’en­tends une poli­tique de la majo­rité parler d’in­ci­ta­tion à perfor­mance par des primes dans les admi­nis­tra­tions de santé, et plus parti­cu­liè­re­ment en EHPAD. En quelques minutes elle dit que l’im­por­tant n’est pas de faire des actes mais d’ai­der les gens, et envi­sage trois exemples d’in­di­ca­teurs :

    • La baisse du nombre d’actes
    • Permettre aux gens de rentrer chez eux plus tôt (baisse de durée des séjours)
    • Limi­ter le nombre de fois où on fait reve­nir les gens (baisse des réad­mis­sions)

    Sérieu­se­ment, même avec des agents dont l’objec­tif prin­ci­pal sera la qualité des soins, n’y a-t-il personne pour iden­ti­fier d’aussi mauvais indi­ca­teurs ? pour voir que ça va déra­per, voire être dange­reux ?

    Nous allons mettre des gens, souvent mal payés vis à vis de leur impli­ca­tion, en posi­tion de se dire « ça me semble utile mais si je fais cet acte de soin je risque de faire une croix sur ma prime ». Vu qu’on parle de primes d’équipes, on peut même avoir la pres­sion malsaine des collègues « tu aurais du refu­ser la réad­mis­sion de cette personne, tu ne peux pas mettre en diffi­culté finan­cières tes collègues comme ça en cette période », qu’elle soit expli­cite, impli­cite ou même auto-suggé­rée.

    Le pire étant la prise de risque du  « norma­le­ment ça devrait bien se passer, si je la renvoie chez elle dès main­te­nant, on évite d’am­pu­ter le salaire de ce mois ».

    Vous n’y croyez pas ?

    Nos soignants sont dédiés à la cause. J’ai bon espoir que le person­nel résiste au mieux à cette pres­sion, quitte à devoir faire une croix sur leur rétri­bu­tion finan­cière et à se prendre encore des critiques sur leur gestion. Dans le meilleur des cas nous aurons un superbe exemple du méca­nisme de double contrainte contra­dic­toire, géné­rant un mal-être supplé­men­taire gigan­tesque, de l’épui­se­ment ou des burn out.

    Notre poli­tique se plai­gnait qu’on parle de prime à la perfor­mance dans le service public depuis long­temps sans pour autant l’avoir fait. Oui, ceci peut expliquer cela : C’est diffi­cile de trou­ver de bons indi­ca­teurs sans effet pervers. Très diffi­cile, surtout quand la rela­tion de confiance est déjà rompue avec l’au­to­rité de contrôle.

    * * *

    Oui, la gestion finan­cière est impor­tante. Inci­ter à éviter les gâchis est une bonne chose. Mais si on commence à donner des primes sur ce critère, il risque de primer sur l’objet même du service donné. C’est du mana­ge­ment de base ça. Comment ceux qui veulent faire fonc­tion­ner le service public comme une entre­prise peuvent-ils l’ou­blier ?

    Quand on base le service public – non rentable par nature – sur des indi­ca­teurs de perfor­mance finan­ciers, c’est évident que ça va mal se passer quelque part. Quand on veut gérer des services publics avec des recettes idéo­lo­giques éculées, ça ne se passe pas mieux.

    Au-delà, le prin­cipe même des primes sur objec­tif est contre-produc­tif à la base, mais là aussi il faut avoir un peu lu pour éviter les préju­gés basés sur l’in­tui­tion. Je vous recom­mande au mini­mum la courte vidéo de cet ancien billet.

  • Le burn-out en mala­die profes­sion­nelle, la FAQ

    J’en ai marre du FUD sur l’ins­crip­tion du burn out au tableau des mala­dies profes­sion­nelles alors je vais faire une petite FAQ.

    Je parle dans la suite de burn out mais si vous voulez être pédant vous pouvez parler du syndrome d’épui­se­ment profes­sion­nel. Ça fait plus scien­ti­fique mais ça revient au même.

    Ce n’est pas (offi­ciel­le­ment reconnu comme) une mala­die

    Si. Ça ne prête en fait pas vrai­ment à débat.

    La France est un pays qui aime bien les listes admi­nis­tra­tives mais on n’en est heureu­se­ment pas à défi­nir exhaus­ti­ve­ment ce qui est ou pas une mala­die en fonc­tion d’une liste offi­cielle. Cette liste offi­cielle exhaus­tive n’existe pas.

    Pour être complet, il existe bien une clas­si­fi­ca­tion inter­na­tio­nale mais qui a pour objec­tif de caté­go­ri­ser puis réali­ser des statis­tiques, pas de régle­men­ter ou défi­nir ce qui doit être reconnu ou non comme une mala­die. Elle fait de plus l’objet de critiques et contro­verses juste­ment concer­nant la section sur les mala­dies mentales.

    Nous n’avons même pas de défi­ni­tion légale de ce qu’est une mala­die au regard de la loi. Il nous reste donc le diction­naire :

    Alté­ra­tion de l’état de santé se mani­fes­tant par un ensemble de signes et de symp­tômes percep­tibles direc­te­ment ou non, corres­pon­dant à des troubles géné­raux ou loca­li­sés, fonc­tion­nels ou lésion­nels, dus à des causes internes ou externes et compor­tant une évolu­tion.

    Il me parait super­flu de démon­trer que le burn out entre bien dans cette défi­ni­tion. Pour les plus récal­ci­trants, le même diction­naire parle de mala­die (noire) pour un « état patho­lo­gique carac­té­risé par un état de profonde tris­tesse » et de mala­die (mentale, nerveuse ou psychique) pour du « trouble du compor­te­ment ».

    J’ai pris la défi­ni­tion du TLFi parce que ce diction­naire fait clai­re­ment réfé­rence mais si vous préfé­rez la plus offi­cielle neuvième édition du diction­naire de l’Aca­dé­mie française, on y trouve « Alté­ra­tion plus ou moins profonde et durable de la santé ; état d’une personne malade ». Sauf à nier la notion de santé mentale et de mala­die psychique, on peut faci­le­ment dire que le burn out quali­fie là aussi.

    À ceux qui ne se suffisent pas de l’ar­gu­men­ta­tion linguis­tique, le burn-out est suivi par des méde­cins et/ou psycho­logues, parfois de façon médi­ca­men­teuse (même si ce n’est clai­re­ment pas un bon critère pour iden­ti­fier une mala­die). Il est souvent la cause racine d’in­ter­rup­tions de temps de travail données par des méde­cins et vali­dées par la sécu­rité sociale. On a des docu­ments issus d’or­ga­ni­sa­tions et d’ad­mi­nis­tra­tions de santé à propos du burn out. Il est même excep­tion­nel­le­ment reconnu pour certaines personnes comme acci­dent du travail (sisi) ou comme mala­die profes­sion­nelle (preuve s’il en est que même l’ad­mi­nis­tra­tion consi­dère que ça peut en être une, le problème n’est pas là).

    L’ins­crip­tion au tableau n’est pas néces­saire

    Elle ne l’est pas. On peut tout à fait faire recon­naitre son burn out comme mala­die profes­sion­nelle sans que cette mala­die ne soit inscrite au tableau. Il y a une procé­dure pour ça, qui juge le cas indi­vi­duel. Certains cas sont accep­tés tous les ans.

    Le para­graphe précé­dent est d’ailleurs vrai pour *tou­tes* les mala­dies inscrites au tableau. *Tou­tes* pour­raient théo­rique­ment être recon­nues comme mala­dies profes­sion­nelles même si elles n’y étaient pas inscrites. L’enjeu n’est pas là.

    Le problème c’est que la procé­dure indi­vi­duelle est complexe. Il faut prou­ver la mala­die (ça c’est l’étape simple), que la mala­die peut être provoquée par les condi­tions de travail (ça reste faisable) mais aussi que ce sont ces condi­tions de travail et *exclu­si­ve­ment* ces condi­tions de travail qui ont déclen­ché la mala­die. Et là…

    Démon­trer l’ab­sence d’autres causes possibles, même partielles, c’est carré­ment mission impos­sible. Démon­trer l’ab­sence de quelque chose, c’est déjà géné­ra­le­ment un tour de force mais alors quand on parle de déter­mi­ner objec­ti­ve­ment et exhaus­ti­ve­ment les causes d’une affec­tion menta­le… ça devient du Houdini.

    Bref, il y a évidem­ment des excep­tions, des cas qui permettent d’ap­por­ter des preuves, ou même proba­ble­ment des dossiers excep­tion­nel­le­ment étudiés avec empa­thie et bien­veillance malgré des règles théo­rique­ment très strictes, mais autant dire que la procé­dure indi­vi­duelle n’est pas la solu­tion. N’es­pé­rez pas réus­sir.

    Le problème est d’ailleurs le même pour l’es­sen­tiel des mala­dies profes­sion­nelles. Tu es soumis à un agent patho­gène pendant des années. Tu tombes malade avec la mala­die corres­pon­dante. Théo­rique­ment rien ne prouve que tu n’au­rais pas pu l’at­tra­per ailleurs, que tu ne l’au­rais pas eu quand même.

    C’est *exac­te­ment* pour ça qu’on a créé le tableau des mala­dies profes­sion­nelles. Ça dit que si les condi­tions d’ex­po­si­tion sont réunies au travail (au deman­deur de le prou­ver) et qu’il a attrapé la mala­die décrite (à prou­ver aussi) alors dans ces cas là, et unique­ment dans ces cas là, on présume que la cause est proba­ble­ment profes­sion­nelle.

    L’em­ployeur peut toujours prou­ver que les condi­tions d’ex­po­si­tion n’étaient pas si réunies que ça, notam­ment par des mesures de préven­tion et des règles internes pour éviter l’ex­po­si­tion. Il peut toujours prou­ver qu’il y a d’autres causes pour un cas précis. Bref, ce n’est qu’une présomp­tion, mais elle permet d’évi­ter une preuve impos­sible à appor­ter, ou en tout cas d’évi­ter de reje­ter un nombre exces­sif de dossiers légi­times.

    On ne parle que de ça. Prou­ver qu’il y a un envi­ron­ne­ment propre à une pres­sion exces­sive, du harcè­le­ment moral, une déres­pon­sa­bi­li­sa­tion puis­sante et une situa­tion psychique propre à créer le burn out effec­ti­ve­ment subi, ça reste diffi­cile. C’est diffi­cile, subjec­tif, fran­che­ment pas une porte ouverte à toutes les demandes farfe­lues, mais entre ça et prou­ver l’ab­sence d’autres sources possibles, c’est le jour et la nuit.

    Pensez qu’il faut de plus faire tout ça alors qu’on est juste­ment dans un état de faiblesse et d’épui­se­ment mental extrême, parti­cu­liè­re­ment vis à vis de tout ce qui vient du milieu du travail. C’est un peu comme deman­der à un amputé des deux bras de rédi­ger lui-même par écrit les circons­tances de son acci­dent.

    On peut le faire recon­naitre comme acci­dent du travail

    Pour moi c’est le plus magni­fique contre-argu­ment. L’idée c’est qu’au lieu d’at­tri­buer le burn out à une expo­si­tion globale à une situa­tion profes­sion­nelle propice, on tente d’iden­ti­fier un fait déclen­cheur unique. Ça permet de quali­fier un acci­dent et de le faire recon­naitre ainsi.

    Ça fonc­tionne parfois, pour ceux qui arrivent à iden­ti­fier un événe­ment déclen­cheur spéci­fique, mais ça n’est en rien une solu­tion géné­ra­li­sable.

    C’est surtout un contour­ne­ment. Pour quali­fier un acci­dent du travail, il faut toujours prou­ver qu’il y a mala­die (les consé­quences de l’ac­ci­dent). Il faut toujours prou­ver que la cause est profes­sion­nelle. Il faut cepen­dant en plus prou­ver que cette cause a un fait déclen­cheur soudain et unique.

    En théo­rie ce devrait être plus limité, plus diffi­cile. En pratique la procé­dure est plus simple, plus ouverte.

    L’idée c’est donc de trou­ver un fait signi­fi­ca­tif sur lequel on pour­rait tenter de raccro­cher le burn out, quitte à esca­mo­ter tout le reste. Sauf dans quelques cas excep­tion­nels, on est à la limite de la fausse décla­ra­tion.

    Que certains en soient réduits à passer par là et que ça fonc­tionne démontre plutôt juste­ment à quel point le parcours de recon­nais­sance indi­vi­duelle de burn out en mala­die profes­sion­nelle est tota­le­ment inadapté. Il y a besoin d’un allè­ge­ment des preuves, exac­te­ment dans ce que permet l’ins­crip­tion au tableau prévu à cet effet.

    Et puis merde ! présup­po­ser que le syndrome d’épui­se­ment *pro­fes­sion­nel* a a-priori une cause liée à l’en­vi­ron­ne­ment profes­sion­nel est-ce vrai­ment si déli­rant que ça ?

    On préfère agir via une poli­tique de santé publique

    Faites donc. Il y a une telle absence d’ac­tion face au problème que ça ne peut pas faire de mal. J’ima­gine qu’une simple circu­laire inci­tant les admi­nis­tra­tions concer­nées à trai­ter les dossiers avec bien­veillance et empa­thie pour­rait déjà large­ment contri­buer à une amélio­ra­tion des choses. Même ça n’a pas été fait (ce qui pour moi est la preuve qu’il y a surtout une volonté de ne *pas* ouvrir la porte à des prises en compte de mala­dies mentales, du moins pas autre­ment qu’au compte goutte).

    On pour­rait aussi impo­ser aux employeurs de grandes entre­prises d’avoir des dispo­si­tifs de préven­tion et de prise en compte du problème. L’ins­pec­tion du travail pour­rait enquê­ter dans les domaines et entre­prises qui génèrent des taux anor­maux de burn out. Elle pour­rait aussi passer à la répres­sion quand les condi­tions humaines sont destruc­trices pour l’in­di­vidu. Pour ça on pour­rait recru­ter un peu dans l’ins­pec­tion du travail qui n’ar­rive déjà pas à gérer le strict mini­mum et où imagi­ner analy­ser l’en­vi­ron­ne­ment psychique doit rele­ver de la science-fiction.

    Bref, faites donc, mais je ne vois pas en quoi ce serait exclu­sif d’une inscrip­tion au tableau des mala­dies profes­sion­nelles. Au contraire, faire les deux serait d’une superbe cohé­rence dans l’ac­tion publique.

    Ça va amener plein d’abus

    FUD (fear, uncer­tainty and doubt).

    On ne parle déjà que de gens effec­ti­ve­ment atteints par le syndrome d’épui­se­ment profes­sion­nel, qui peuvent être recon­nus comme tels et le prou­ver. Ce n’est pas un truc marrant qu’on prend par plai­sir. On ne parle pas de simple­ment réper­to­rier tous ceux qui sont fati­gués ou n’ont pas envie d’al­ler travailler le lundi matin.

    Ensuite on parle de prou­ver des condi­tions. Chaque inscrip­tion au tableau des mala­dies profes­sion­nelles est liée à des condi­tions d’ex­po­si­tion profes­sion­nelles. Il faudra donc prou­ver que l’en­vi­ron­ne­ment corres­pond à celui de nature à créer des burn out. On parlera proba­ble­ment de pres­sion, de mana­ge­ment humi­liant, de harcè­le­ment, et globa­le­ment de situa­tion psycho­lo­gique destruc­trice. Il faudra le prou­ver, et imagi­nez bien que l’em­ployeur fera tout ce qu’il peut pour ne surtout pas lais­ser acter offi­ciel­le­ment qu’il a un tel envi­ron­ne­ment.

    Bref, on va permettre de faire effec­ti­ve­ment recon­naitre des cas de burn out sans deman­der l’im­pos­sible. On ne dit pas que ça va d’un coup être facile pour autant.

    Mais surtout, aujourd’­hui on sait que cette mala­die touche du monde, et que ça augmente de plus en plus. Les dossiers accep­tés sont peu nombreux. L’abus il existe déjà, aujourd’­hui, et il est au détri­ment des gens qui souffrent.

    En déter­mi­nant de quelle côté est la présomp­tion (le seul effet de l’ins­crip­tion au tableau des mala­dies profes­sion­nelles), on peut choi­sir la situa­tion qui génè­rera le moins d’injus­tices.

    Ce serait anor­mal de consi­dé­rer que l’em­ployeur est forcé­ment en faute

    Ça tombe bien, il n’en est pas ques­tion ici. Il s’agit d’at­tri­buer une cause qui permet à la sécu­rité sociale de couvrir plus ou moins bien les consé­quences de la mala­die, pas de dire si cette cause relève ou non d’une faute de l’em­ployeur.

    Il peut y avoir une mala­die profes­sion­nelle sans faute ni indem­ni­sa­tion spéci­fique de l’em­ployeur, comme il peut y avoir recon­nais­sance d’une faute et indem­ni­sa­tion du préju­dice sans recon­nais­sance pour autant d’une mala­die profes­sion­nelle.

    Main­te­nant à titre person­nel je ne verrai pas forcé­ment d’un mauvais œil qu’on commence à inquié­ter les employeurs quand le burn out vient de condi­tions humaines inac­cep­tables ou d’un défaut de préven­tion flagrant.

  • Sécu­rité sociale et coti­sa­tions sala­riales

    Je suis gêné aux entour­nures à chaque fois que j’en­tends parler de la suppres­sion d’une partie des coti­sa­tions sala­riales (les fameuses « charges ») au profit de la CSG.

    Fonda­men­ta­le­ment c’est une bonne chose. C’est la prise en compte que notre société n’est plus celle de 1945. Non seule­ment on consi­dère désor­mais la santé et la protec­tion sociale comme des droits qui ne sont pas condi­tion­nés par un emploi, mais la propor­tion d’ac­tifs en emploi dans la popu­la­tion baisse de façon conti­nue et défi­ni­tive.

    Le couplage emploi ↔ couver­ture sociale dispa­rais­sant – encore une fois, c’est une bonne chose – il est logique que son finan­ce­ment change en consé­quence. Ne pas le faire serait risquer que l’uni­ver­sa­li­sa­tion de la couver­ture sociale finisse par explo­ser un jour.

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    L’équi­libre n’est cepen­dant pas forcé­ment simple à trou­ver. Avec les coti­sa­tions sociales on finance autant les frais de santé que les indem­ni­tés de perte de salaire. Il en va de même avec les retraites où on finance les mini­mum vieillesse comme les parties au delà qui sont en fonc­tion des coti­sa­tions person­nelles.

    Si on voulait être acadé­mique, il faudrait lais­ser sépa­rer ce qui dépend de la situa­tion person­nelle et ce qui relève d’un régime géné­ral. Une partie devrait rester sous contrôle des sala­riés, l’autre devrait être globa­li­sée.

    C’est faisable mais je n’ai pas lu de travaux en ce sens et ça me gêne beau­coup. Là on passe d’une situa­tion illé­gi­time à une autre.

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    Quand les fonde­ments sont bancals, il y a de quoi se méfier. Le chan­ge­ment n’est pas neutre et il faut le relier à l’idéo­lo­gie libé­rale de l’exé­cu­tif de ces dix dernières années : Dimi­nuer la dépense publique et délé­guer au privé une part crois­sante des couver­tures sociales.

    L’idée de rendre obli­ga­toire les mutuelles pour les sala­riés tient du génie à ce niveau. Ça passe pour une mesure sociale alors qu’il s’agit de fixer qu’une partie de la couver­ture indis­pen­sable est à gérer par le privé. C’est d’au­tant plus perni­cieux que ça ne se voit pas immé­dia­te­ment, et que c’est la mutuelle qui passera pour le méchant de service quand elle augmen­tera ses tarifs.

    Pourquoi je vous raconte ça ? Parce que le trans­fert des coti­sa­tions sala­riales vers la CSG n’est dès aujourd’­hui pas prévu à budget constant. La diffé­rence se chiffre en milliards d’eu­ros. Rien que ça. L’hô­pi­tal étant déjà en sous-finan­ce­ment gigan­tesque, il faudra bien compen­ser ça par des augmen­ta­tion de couver­ture par le privé.

    Le gouver­ne­ment vient d’ailleurs d’an­non­cer une augmen­ta­tion de plus de 10% du forfait hospi­ta­lier, augmen­ta­tion qui sera assu­mée par les mutuelles privées et pas par la sécu­rité sociale publique. Facile main­te­nant que les mutuelles sont géné­ra­li­sées. Coïn­ci­dence ? diffi­cile d’y croire. Les mutuelles ont bien entendu annoncé qu’elles auront à augmen­ter leurs coti­sa­tions à l’ave­nir.

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    Malheu­reu­se­ment le trans­fert du finan­ce­ment des coti­sa­tions sala­riales vers la CSG nous retire aussi un levier pour éviter ça. Les coti­sa­tions sont gérées de manière pari­taire entre les orga­ni­sa­tions sala­riales et employeurs. La CSG est au mains de l’État. Le trans­fert est une bonne chose, le chan­ge­ment de contrôle est légi­time pour la même raison, mais il ne se fait pas à un moment de l’his­toire très favo­rable pour un service public univer­sel.

    Si la poli­tique de l’État conti­nue dans la direc­tion de ces dernières années – et ça semble plutôt s’ac­cé­lé­rer avec l’exé­cu­tif actuel – il y a des chances que le finan­ce­ment par la CSG baisse, au moins par rapport aux recettes et aux besoins, et que la part du privé augmente en consé­quence.

    De plus, la CSG étant impôt fixe et non-progres­sif et les mutuelles étant au contraire un système assu­ran­tiel basé sur les risques indi­vi­duels, nous allons de plus tout droit vers une augmen­ta­tion des inéga­li­tés et une indi­vi­dua­li­sa­tion de la santé. Ce n’est pas mon aspi­ra­tion et ça va coûter bien plus cher : La sécu­rité sociale ayant des frais de fonc­tion­ne­ment pas loin de quatre fois plus faibles que ceux des mutuelles.

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    On peut essayer de lutter contre tout cela mais j’ai peur que les syndi­cats sala­riés jettent aussi le bébé avec l’eau du bain, qu’ils cherchent à garder le contrôle sur la sécu­rité sociale, oubliant que ça ne concerne plus que les sala­riés.