Visiblement l’affiche du salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil fait débat. On y verrait un reflet sexiste de mauvais gout.
Je retrouve parfaitement mon fils dans l’image du petit qui joue au grand, essayant et trainant les chausses de ses parents. Il a l’âge en ce moment, et si ça ne lui arrive pas tous les jours, ça reste plusieurs fois par semaine. Oh qu’il est fier quand il fait ça ! autant avec les chaussures de sa mère que de son père d’ailleurs.
J’ai personnellement pensé à ça en voyant l’affiche. J’ai souri, et trouvé l’image excellente pour un salon jeunesse qui a pour thème l’âge adulte.
* * *
Maintenant je suis forcément un peu moins sensible au sexisme, n’en étant généralement pas la cible. Parfois j’ai besoin qu’on m’explique, qu’on me montre, avant de prendre conscience. Ici je sèche même avec les explications.
Ce que je lis tourne autour du choix d’avoir mis des chaussures rouges à talon pour identifier l’avenir de la petite fille et du fait que c’est très stéréotypé, que ça contraint la petite fille à un rôle préconditionné, sexualisé.
Même en seconde lecture, j’avoue que j’ai beaucoup de mal à y lire ça.
Pourquoi avoir utilisé des chaussures rouges à talon ? Aucune idée, il faudrait demander à l’auteur.
En pratique ça reste quand même une des formes les plus ingénieuses pour le thème. Non seulement l’angle permet plus facilement de voir la différence de taille entre le pied et la chaussure, mais on ajoute intelligemment une montée en hauteur, ce qui illustre doublement justement le sujet : faire grand.
Je ne prétends nullement que ces deux réflexions étaient dans les réflexions de l’auteur, mais je n’ai non plus aucun élément pour douter qu’après plusieurs essais il ou elle ait pu trouver cette illustration comme la plus adéquate.
Dans tous les cas je trouve qu’on va un peu vite en besogne quand on y voit forcément la simple application du stéréotype sexiste « femme objet sexuel » comme avenir de la petite fille. Je le vois d’autant moins que mon fils se moque bien de savoir s’il essaye les chaussures de sa mère ou de son père.
*
Et pourquoi rouge ? Aucune idée, il faudrait demander à l’auteur (si vous y voyez un bottage en touche, ce n’est pas par hasard : je n’ai simplement pas envie de présupposer les raisons du choix de l’auteur, qu’elles soient conscientes ou inconscientes).
Peut-être est-ce effectivement parce que les talons sont stéréotypés avec une image de désir, donc associé au rouge (même si dans les faits ils sont rarement de cette couleur).
Peut-être est-ce aussi plus basiquement la couleur la plus basique pour faire ressortir un élément dans un crayonné noir blanc et bleu. On voit d’ailleurs que plus que la couleur, ce qui différencie les chaussures est qu’il s’agit du seul élément « rempli » de couleur ; il y a donc bien une intention de mise en avant forte.
Bref, je n’en sais rien, et il y a probablement des deux, mais je suis loin de sauter sur la conclusion de sexisme ou de sexualisation, même involontaire.
* * *
Ce qui me gêne c’est qu’à jouer les interprètes du pourquoi de ces choix, on aurait pu avoir la même conclusion avec tout à fait d’autres chaussures.
- Des chaussures d’homme ? Mais pourquoi être grand serait-il forcément une question d’homme, c’est infantiliser les femmes
- Des chaussures de chantier type Caterpillar ? Malheureusement, même si elles sont mixtes, le rendu est proche de la caricature de chaussure homme et aurait encore plus renforcé l’idée grand = homme qui travaille
- Des chaussons ? Horreur, l’avenir de la petite fille est-il forcément d’être mère au foyer avec des chaussures d’intérieur ?
- Des chaussures neutres et plates types tennis de toile ? Pourquoi lui nier la possibilité d’avoir des chaussures femme, nier son sexe ?
Je caricature bien évidemment, mais le pire c’est qu’en le faisant je me demande si je n’ai effectivement pas déjà vécu ces réactions à d’autres occasions.
* * *
Est-ce à dire que l’affiche n’est pas sexiste ? Je n’en sais rien. Tout simplement. Je ne vois pas ce sexisme ici mais je veux aussi bien croire qu’il puisse exister sans que je ne le vois ; le contexte et l’historique social ont forcément un poids qu’il n’est pas toujours simple à éviter. Je trouve de toutes façons plutôt sain qu’on puisse avoir ce débat, que des personnes puissent alerter sur du sexisme qui leur apparait.
C’est juste que j’en ai lu ici ne m’a pas convaincu. J’ai l’impression qu’on sur-interprète les connotations associées au choix des chaussures à talon quasiment autant qu’on sur-interprétait les implications et chaque mot ou tournure de phrase lors des analyses de texte en prévision du BAC au lycée. L’auteur doit avoir bien mal, ici comme au lycée.
N’oublions pas : Quand on prête arbitrairement des intentions à d’autres, et encore plus quand on prête des influences inconscientes liées au cadre social, on peut prouver n’importe quelle thèse à partir de n’importe quel fait, ou de son contraire.
Si quelqu’un y voit autre chose, ou que j’ai manqué une image, une connotation, une histoire, n’hésitez pas à me le signaler en commentaire, c’est en fait surtout pour ça que je publie ce billet.
Laisser un commentaire