Catégorie : Politique et société

  • Taux de prélè­ve­ment obli­ga­toire

    J’en ai marre de voir le taux de prélè­ve­ment obli­ga­toire comme un élément horrible, voire comme un objec­tif à réduire.

    Je n’y vois aucun sens.

    Je ne vois que trois sujets : la perti­nence de la dépense, le choix entre un prélè­ve­ment obli­ga­toire et une rede­vance à l’usage, et la répar­ti­tion du prélè­ve­ment.

    Je ne dis pas que privé et public sont équi­va­lents, que la ques­tion est inin­té­res­sante, mais le taux de prélè­ve­ment public n’est pas un élément perti­nent dans la discus­sion. Le jour où on passe la moitié du prélè­ve­ment obli­ga­toire en dépense privée, on aura fait bouger ce chiffre sans rien résoudre pour autant.

  • Réunion de concer­ta­tion

    J’étais ce soir à une réunion de concer­ta­tion pour la VL 12 de Lyon.

    Je n’ose penser au temps à l’argent qu’on met là dedans. Je ne parle pas des VL elles-mêmes mais de ces réunions de concer­ta­tion obli­ga­toires.

    Ça ne sert stric­te­ment à rien. Les pas-contents sont là pour dire qu’ils ne sont pas contents, ce qu’on savait et qu’ils expriment déjà autre­ment. Les respon­sables poli­tiques font les réponses qu’ils ont déjà donné vingt fois et que les pas-contents connaissent déjà. Les très-contents disent qu’ils sont très contents, sans vraie inno­va­tion, juste pour faire contre-poids et ne pas faus­ser la repré­sen­ta­tion.

    Les vrais argu­ments posés, les études, les discus­sions avec les repré­sen­tants de x ou de y, tout ça se fait ailleurs.

    On encou­rage juste les gens à râler, mais peut-être est-ce bien l’objet : donner un espace pour que chacun s’ex­prime, histoire que ça passe et qu’ils voient qu’ils sont écou­tés.


    La métro­pole de Lyon a un espace parti­ci­pa­tif dédié en ligne, et j’ai l’im­pres­sion que c’est le même topo, avec un contenu encore moins exploi­table et encore plus chro­no­phage à dépi­ler.

    C’est obli­ga­toire mais tota­le­ment vain. Et si on mettait notre argent, notre temps et nos efforts dans plus utile ?

  • Les igno­rants sont bénis

    « Ce n’est pas un signe de bonne santé mentale d’être bien adapté à une société malade »

    Amis joyeux, sachez que souvent je pense ça de vous (tout en vous enviant un peu quand même).

    La vérité c’est que ne pas voir à quel point le monde est pourri doit être un vrai bonheur et je n’ai pas forcé­ment envie de vous soule­ver le voile.

    « Les igno­rants sont bénis »

    Andy Wachowski, Matrix
  • Et si on arrê­tait l’as­sem­blée natio­nale et le sénat ?

    Non, je ne parle pas des parle­men­taires et de la repré­sen­ta­ti­vité (même si ça pour­rait être un bon sujet) mais des deux hémi­cycles et des « débats » publics qui s’y mènent.

    Tout est joué d’avance. Les parle­men­taires savent déjà quoi voter (quand ils votent). Heureu­se­ment d’ailleurs parce que je ne voudrais pas qu’un repré­sen­tant se fasse une idée en quelques secondes et vote immé­dia­te­ment tel ou tel texte parce qu’un orateur a bien tourné son inter­ven­tion sur le moment.

    Les vrais débats semblent être en commis­sion, et même là je suppose qu’en réalité le travail de fond ne se fait pas dans l’ins­tant.

    Qu’est-ce qui empêche de rempla­cer nos séances publiques par des allers-retours écrits et votes asyn­chrones ?

    On mettrait fin à l’obs­truc­tion parle­men­taire. Les repré­sen­tants aurait un espace quasi infini pour s’ex­pri­mer. Les votes se feront enfin avec poten­tiel­le­ment tout le monde (ou tous ceux qui veulent voter). Tout pour­rait être réel­le­ment public et archivé

    Ça n’em­pêche pas l’in­ter­ven­tion publique poli­tique. On peut même avoir des temps pour ça, renfor­cer l’obli­ga­tion de réponse du gouver­ne­ment aux ques­tions des dépu­tés (les délais sont aujourd’­hui large­ment dépas­sés).

    Et bon, nos élus savent déjà diffu­ser des textes et vidéos sur les réseaux, et toucher la presse. Quel béné­fice a-t-on à avoir ce spec­tacle dans l’hé­mi­cycle où chacun joue sa parti­tion comme dans un réci­tal ?


    Chaque fois que j’ai vu le sujet abordé par des assis­tants parle­men­taires je sais que la réponse a été « le fonc­tion­ne­ment actuel est néces­saire et perti­nent » mais je n’ai jamais compris pourquoi. Chaque fois, je comprends un peu moins.

  • « When you’re accus­to­med to privi­lege, equa­lity feels like oppres­sion »

    Ça cadre avec telle­ment de compor­te­ments… de la droite réac qui a l’im­pres­sion de se faire submer­ger par les étran­gers, les « woke » ou les écolos, les auto­mo­bi­listes par les cyclistes, les hommes par le fémi­nis­me…

    When you’re accus­to­med to privi­lege, equa­lity feels like oppres­sion

    via Tris­tan Nitot
  • Tu pour­rais contour­ner au lieu de râler là, non ?

    Certai­ne­ment. Parfois je pour­rais. Je le fais souvent même.

    Parfois je ne le fais pas.

    On ne peut pas déplo­rer le compor­te­ment des tiers vis a vis des cyclistes et des infra­struc­tures cyclables, le fait d’être régu­liè­re­ment mis en danger, et dire en même temps qu’il faut passer son chemin silen­cieu­se­ment.

    On ne chan­gera pas les choses en faisant avec. Pour chan­ger les choses il faut donner de la visi­bi­lité, il faut inter­pel­ler lors des problèmes. Il faut refu­ser le status quo.

    Oui, c’est bien du mili­tan­tisme. Ce n’est pas un gros mot.
    J’en suis même fier.

    La réalité c’est qu’on a un problème de culture vis-a-vis du vélo.

    À force d’ac­cep­ter que tout le monde occupe les infra­struc­tures cyclables à tout instant en disant que le vélo n’a qu’à s’adap­ter, on finit par trou­ver ça normal. Le test du bus n’en est qu’une illus­tra­tion.

    Le cycliste « fait avec », contourne encore un auto­mo­bi­liste arrêté sur la bande cyclable « pour deux minutes », puis un jour un malheu­reux concours de circons­tances fait qu’un camion passe juste­ment à ce moment là. La suite se termine à l’hô­pi­tal pour les chan­ceux, au cime­tière pour les autres.

    Des histoires comme celle-ci on en a aussi pour les portières ouvertes un peu vite, pour l’ab­sence de véri­fi­ca­tion des angles morts, pour les sas vélo pas libres, pour les prio­ri­tés des pistes lors des croi­se­ments, pour le respect de la distance laté­rale lors des dépas­se­ments et pour la plupart des faits de tous les jours consi­dé­rés comme « pas bien grave ».

    Ce qui diffé­ren­cie l’in­frac­tion banale de la rubrique nécro­lo­gique c’est souvent juste un mauvais concours de circons­tances que personne ne pouvait prédire.

    Or, juste­ment, je refuse de tout réduire à un mauvais concours de circons­tances. Le problème est plus haut, dans la culture et dans la bana­li­sa­tion. Tant qu’on ne résout pas ça, les mauvais concours de circons­tances conti­nue­ront.

    Pour chan­ger les choses il faut donner de la visi­bi­lité. Il faut inter­pel­ler lors des problèmes. Il faut refu­ser de lais­ser faire.

    Pourquoi est-ce que je ne laisse pas couler tout ce qui est banal ? Parce que c’est juste­ment contre cette bana­li­sa­tion que je lutte.

  • Le test du bus

    Le test du bus (ça fonc­tionne aussi avec un tram), c’est un test pour mettre en lumière les biais vis-a-vis des cyclistes et du vélo dans la percep­tion des conflits routiers.

    Le test en lui même est assez simple. Il suffit de rejouer la scène à l’iden­tique en remplaçant le vélo par un bus et les infra­struc­tures dédiées aux cycles par des infra­struc­tures dédiées aux bus. Le cycliste sur sa voie cyclable devient un bus sur sa voie réser­vée bus (ou un tram sur ses rails).

    Une fois la scène rejouée, les fautes qu’on repro­chait au cycliste sont-elles toujours repro­chées au conduc­teur du bus ?

    La diffé­rence de percep­tion est telle­ment majeure que, suite à une idée origi­nale d’un améri­cain, certains cyclistes français ce sont mis à faire des montages des vidéos de leur dash­cam en ajou­tant une image de tableau de bord de voiture ou de bus.

    Le résul­tat est géné­ra­le­ment frap­pant. La même vidéo qui déclen­chait une horde de reproches au cycliste génère des commen­taires tota­le­ment oppo­sés dès qu’on ajoute un tableau de bord en surim­pres­sion.

    Parfois on va jusqu’à avoir les mêmes commen­ta­teurs qui donnent des conclu­sions oppo­sées suivant la version de la vidéo.

    Ça ne fonc­tionne pas à tous les coups. Nombre de personnes ont tendance à cher­cher à défendre bec et ongles leur décla­ra­tion initiale, et faus­ser le résul­tat.

    Le coup du tableau de bord en surim­pres­sion commence lui aussi à être connu, et le montage basique saute faci­le­ment aux yeux pour qui fait un mini­mum atten­tion.

    Il reste qu’en géné­ral se deman­der « et si ça avait été un bus ? » (ou un tram) permet de montrer de vrais biais, et de démon­ter beau­coup d’in­ver­sions de respon­sa­bi­lité.

  • Contra­ven­tions routières et propor­tion­na­lité aux reve­nus

    « Il faut avoir des contra­ven­tions routières propor­tion­nelles aux reve­nus. »

    Je veux bien en discu­ter mais je ne trouve pas que ça aille de soi.

    J’ai trois contraintes pour les contra­ven­tions routières :

    • Que ce soit simple, auto­ma­tique
    • Que ce soit dissua­sif
    • Que la peine ne soit pas exces­sive par rapport à la faute

    Est-ce simple et auto­ma­ti­sable ?

    ✅ On peut imagi­ner une contra­ven­tion dépen­dante du quotient fami­lial. Ça complexi­fiera certai­ne­ment des choses mais ça ne me parait pas impos­sible.

    Est-ce dissua­sif ?

    Je pense que c’est là qu’on va commen­cer à diver­ger.

    Je croise beau­coup de personnes aisées, voire très aisées, dans les 20% les plus riches en revenu. Ça monte même proba­ble­ment dans les 1% pour quelques uns. Je n’en connais aucun qui se moque du risque de prendre une contra­ven­tion, ou qui consi­dère cette possi­bi­lité comme une commo­dité (comprendre « je suis prêt à payer l’amende pour avoir le droit de faire ça »).

    Aucun. Ce n’est qu’une expé­rience person­nelle forcé­ment biai­sée mais je ne crois avoir lu aucune étude concluant que l’éven­tuelle dispa­rité des infrac­tions routières en fonc­tion des classes sociales vien­drait d’une absence de dissua­sion du montant de l’amende.

    Note : Ça n’em­pêche pas une telle dispa­rité d’éven­tuel­le­ment exis­ter pour d’autres raisons — même si je préfé­re­rais avoir des chiffres avant de le consi­dé­rer comme acquis. Je crois d’ailleurs avoir lu des articles faisant des liens avec des ques­tions socio-cultu­relles plus larges.

    J’ima­gine que ça puisse être consi­déré comme une commo­dité pour la frange ultra-mino­ri­taire des ultra­riches, multi­mil­lion­naires et milliar­daires, mais je ne suis même pas certain que ce soit le cas. On ne voit d’ailleurs pas en circu­la­tion de « tout puis­sant » qui circule sans rien respec­ter ni peur du gendarme en disant « de toutes façons je paie » (autre­ment que par bravade quand ils sont vexés d’avoir été pris).

    Ceux qui se moquent tota­le­ment des règles semblent plutôt être ceux qui pensent pouvoir éviter de subir la répres­sion (les poli­tiques et personnes connues), et même eux ne semblent le faire qu’à la marge (ce qui semble plutôt impliquer un enjeu d’ac­cep­ta­bi­lité sociale que de montant d’amende).

    ❌ Bref, sauf à avoir des éléments concrets montrant l’ab­sence de dissua­sion, on est pour moi dans la solu­tion à un non-problème.

    Ou plutôt, pour être complet : Le problème existe proba­ble­ment mais dans la proba­bi­lité de subir la contra­ven­tion et pas dans le montant de celle-ci.

    Ça fait bien long­temps qu’on sait qu’en justice la préven­tion passe plus par la proba­bi­lité d’être pris que par la gravité de la peine. L’ef­fet des radars en quelques années va plutôt en ce sens. C’est d’ailleurs aussi tout l’in­té­rêt des contra­ven­tions : Des peines rapides et simples, qu’on peut donc émettre de façon plus fréquentes, quitte à ce qu’elles soient plus faibles.

    Ce prin­cipe vaut pour tous. On peut par contre imagi­ner sortir du mode contra­ven­tion­nel ceux qui dépassent un certain nombre de contra­ven­tions de la même caté­go­rie sur une période donnée, comme ça on couvre même les excep­tions pour qui la contra­ven­tion ne dissuade pas.

    La peine est-elle exces­sive ?

    Dans les discus­sions on me retourne parfois l’ar­gu­ment, en me disant, qu’é­vi­dem­ment, une peine de 135 € c’est majeur pour une personne au RSA.

    Ce serait diffi­cile à nier. Je n’ex­clus nulle­ment qu’il puisse, au contraire, être perti­nent de réduire les montants dans certains cas. Je ne crois cepen­dant pas que réduire les amendes dans certains cas implique forcé­ment de les augmen­ter aussi dans d’autres. Les deux méca­nismes n’ont pas à êtres liés.

    On retrouve d’ailleurs ça dans les crèches et autres services qui sont liés au quotient fami­lial. C’est une aide pour les plus pauvres, pas une propor­tion­na­lité aux reve­nus. Les deux ne se confondent pas — et ce qui légi­time les aides pour assu­rer les services perti­nents aux plus pauvres ne légi­time pas forcé­ment aussi des aides pour payer les peines d’in­frac­tions qu’on ne voudrait pas voir commises.


    Est-ce juste ?

    La justice au sens moral est une notion très person­nelle. Je ne peux que donner mon senti­ment.

    Pour exemple, si mon voisin fait l’ef­fort d’avoir une seconde acti­vité en paral­lèle que ce soit pour assu­rer un fauteuil élec­trique à sa fille handi­ca­pée ou pour se payer un home cinéma dernier cri, je ne vois pas pourquoi il devrait payer plus cher ses fautes que moi.

    Le truc c’est que je suis en train de créer un exemple ad-hoc. On me trou­vera évidem­ment des dizaines d’autres exemples qui illus­tre­ront l’op­posé.

    Je crois beau­coup à l’in­di­vi­dua­li­sa­tion des peines, parce que je crois que la peine doit à chaque fois est la plus petite possible tout en restant dissua­sive.

    L’idée c’est que c’est au juge de faire ce travail de tri. Le revenu compte proba­ble­ment mais l’in­di­vi­dua­li­sa­tion de la peine ne se résume vrai­ment pas à donner une amende forte aux riches et faible aux pauvres. C’est très dépen­dant du contexte des faits, de la person­na­lité des auteurs, et de comment les choses sont comprises, niées ou assu­mées. Autant de choses qui ne sont pas possibles sur une contra­ven­tion.

    En fait je ne suis même pas certain que pour deux personnes dans une situa­tion exac­te­ment iden­tique (personnes à charge, effort, travail) mais avec des reve­nus diffé­rents(2), il soit forcé­ment plus juste que les fautes impliquent des peines propor­tion­nelles aux reve­nus. L’in­ten­tion de collec­ti­vi­sa­tion de la maxime « chacun paye suivant ses moyens et reçoit selon ses besoins » ne me parait simple­ment pas s’ap­pliquer aux peines et délits qui sont par nature indi­vi­duels. Il est d’ailleurs inter­dit d’en faire des caisses communes.

    2 : Les idéa­listes diront que ça ne devrait jamais arri­ver mais notre monde n’est malheu­reu­se­ment pas idéal.

    Je conçois la justice d’of­frir les services à tous : santé, trans­port, justice, éduca­tion, etc. Je ne crois pas que s’as­su­rer que le voisin ait aussi mal que soi quand il brave la loi doive être dans le cahier des charges.


    « Ok mais tu proposes quoi Éric ? »

    • Auto­ma­ti­sa­tion des contra­ven­tions (radars, vidéos, etc.)
    • Systé­ma­ti­sa­tion de la verba­li­sa­tion par les forces de l’ordre (quitte à réduire au contraire le montant des amendes si néces­saire)
    • Verba­li­sa­tion pour tous les cas signa­lés par des tiers via photo ou vidéo quand c’est à la fois mani­feste et gênant ou dange­reux.
    • Créa­tion d’une « infrac­tion répé­tée » qui envoie au tribu­nal avec une peine réel­le­ment indi­vi­dua­li­sée pour ceux qui accu­mulent les contra­ven­tions
    • Arrêt de la récu­pé­ra­tion des points sur le permis en payant des stages bidons (quitte à bais­ser les pertes de points des infrac­tions pour lais­ser un réel droit à l’er­reur dans un contexte où la verba­li­sa­tion serait bien plus fréquente qu’aujourd’­hui à la moindre erreur)
  • La dette tech­nique

    J’en­tends trop souvent parler de dette tech­nique comme le gros monstre qui va tout manger et comme d’une faute impar­don­nable. Je ne le vois pas ainsi.

    D’abord, pour parler de la même chose, ce que j’ap­pelle une dette :

    La créa­tion d’une situa­tion qui permet un gain à court terme (plus vite, moins cher, etc.) mais qui va entraî­ner un coût à long terme.

    Et la dette, présen­tée ainsi, c’est juste un outil arri­ver à ses fins. J’ai au moins trois situa­tions qui peuvent arri­ver rela­ti­ve­ment fréquem­ment :

    1. « Chaque chose en son temps »
      Je n’ai pas les moyens(*) aujourd’­hui mais je pense les avoir demain.
    1. « Je fais un inves­tis­se­ment »
      J’au­rais les moyens de ne pas créer cette situa­tion mais le gain à court terme va entrai­ner des béné­fices qui surpassent le coût à long terme.
    1. « Pas le choix »
      Je sais que j’y perds mais c’est une arbi­trage par rapport à une autre situa­tion qui serait pire.

    Je comprends que c’est frus­trant pour les équipes tech­niques, l’im­pres­sion de ne pas faire ce qu’il faut, ainsi que celle de parfois perdre du temps à cause de dettes qu’on a créé dans le passé.

    C’est juste parfois quand même (souvent) le bon outil pour l’en­tre­prise, parce que la pureté n’est pas toujours (et même rare­ment) la bonne stra­té­gie.

    Plutôt que de combattre les choix de dette tech­nique et l’uti­li­ser comme grand épou­van­tail, deman­dez plutôt à expli­ci­ter le gain court terme, le coût long terme, et pourquoi on choi­sit de prendre cette dette. On arri­vera peut-être parfois à la conclu­sion que c’est une erreur. Le reste du temps ça vous permet­tra de comprendre la stra­té­gie et de vous y inscrire.

    Atten­tion toute­fois : Faites de la dette, pas de la merde. Les deux sont très diffé­rent.


    Tout ça est parti­cu­liè­re­ment vrai en star­tup.

    La dette c’est le modèle de base de la star­tup. On emprunte (via les levées de fonds) pour des gains futurs. La struc­ture elle-même est une énorme dette. Prétendre, à l’in­té­rieur, éviter toute dette, ça n’a pas de sens.

    C’est parti­cu­liè­re­ment vrai les premières années. On vit à crédit sur un poten­tiel. Il faut prou­ver les promesses pour toucher le crédit suivant, et ça jusqu’à avoir l’échelle suffi­sante pour ne plus en avoir besoin.

    Les premières années il faut trou­ver explo­rer la problé­ma­tique, trou­ver le bon produit avec la bonne cible utili­sa­teur, puis prou­ver qu’il y a une oppor­tu­nité de crois­sance et de béné­fice en adéqua­tion avec la mise de départ.

    C’est une course de vitesse avant la fin des crédits. Tout ce qui est « pour plus tard » est hors sujet. Si on peut créer de la dette pour plus tard de façon à avoir un meilleur produit, à toucher sa cible utili­sa­teur, ou à enclen­cher la montée de chiffre d’af­faire, on crée cette dette.

    Dans une de mes expé­riences on m’a dit « J’ai vu plein de jeunes star­tup échouer parce qu’elles ont pris trop de temps, je n’en ai vu aucune échouer à cause de la dette tech­nique ».

    En bon ingé­nieur ce n’est pas un discours qui me fait plai­sir intel­lec­tuel­le­ment mais je n’ai jamais pu le démen­tir. La dette est juste le bon outil à ce moment là, et la dette tech­nique n’est un problème qu’in­tel­lec­tuel­le­ment.

    La dette c’est un problème de riche. Ça arrive après, quand on a trouvé le bon produit, qu’on a trouvé sa cible, qu’on a prouvé qu’on était capable d’ac­qué­rir des clients. Là on aura aussi le finan­ce­ment qui va avec pour embau­cher des ingé­nieurs qui vont refaire ce qui doit l’être, et élimi­ner une bonne partie des travaux qu’on avait remis à plus tard.

    L’enjeu c’est d’ar­ri­ver jusque là.


    Je fais une note addi­tion­nelle suite à une discus­sion. Je renforce le « Faites de la dette, pas de la merde ». C’est vrai autant au niveau tech­nique qu’au niveau orga­ni­sa­tion­nel.

    • Ne mettez pas à risque les données de vos utili­sa­teurs
    • Four­nis­sez le service et la qualité que vous promet­tez à vos utili­sa­teurs
    • Ne faites pas payer la dette par les membres de vos équipes

    Ce dernier point est majeur. La dette n’a pas a être trans­for­mée en pres­sion ou charge supplé­men­taire pour les sala­riés en espé­rant avoir les gains sans en payer les coûts. C’est le meilleur moyen d’ar­ri­ver à l’épui­se­ment, la dépres­sion, le burn-out, et au mieux un turn-over impor­tant. Dans tous les cas, ça ne fonc­tion­nera pas et n’aura que des effets néga­tifs à la fois sur la santé des sala­riés et sur le fonc­tion­ne­ment de l’en­tre­prise.

    S’en­det­ter peut impliquer d’al­ler ensuite moins vite, de produire moins, et de réduire le péri­mètre ou les exigences. Faites avec : ça fait partie du choix.

    Plus loin : Les équipes ressen­ti­ront cette pres­sion et cette charge même si on ne leur donne pas. La volonté de bien faire et l’im­pres­sion de ne pas faire ce qu’il faut sont une charge psycho­lo­gique signi­fi­ca­tive à laquelle le mana­ge­ment doit être extrê­me­ment atten­tif.

    Le seul outil que j’ai vu fonc­tion­ner contre ça c’est expli­ci­ter la dette, la choi­sir ensemble en expliquant pourquoi, comment, et le plan ensuite. Quand la stra­té­gie est parta­gée ça devient un choix collec­tif et plus une mauvaise exécu­tion.

  • Ce que je veux à vélo

    Ça bouge, mais pas encore assez vite, ni partout.

    Des voies de circu­la­tion adap­tées

    Des voies de circu­la­tion adap­tées à la vitesse et la densité de circu­la­tion des moto­ri­sés, à la densité de circu­la­tion des non moto­ri­sés, ainsi qu’à la présence ou non de poids lourds. Le plus souvent c’est au moins des bandes cyclables, idéa­le­ment des pistes cyclables.

    Cela implique la fin des trot­toirs parta­gés avec les piétons, y compris ceux qui ont une sépa­ra­tion à base de pein­ture.

    Des inter­sec­tions sécu­ri­sées

    Des inter­sec­tions sécu­ri­sées avec au mini­mum des sas vélos et céder le passage cyclistes (avec tout le côté impar­fait de ces deux dispo­si­tifs) mais les grosses inter­sec­tions méritent ce qu’on appelle des carre­fours à la hollan­daise.

    Cela implique au mini­mum la fin des bandes cyclables sur le bord exté­rieur des ronds points.

    Une conti­nuité cyclable

    Une conti­nuité cyclable au niveau de ce qui existe pour les autres types de véhi­cules, c’est à dire pas de fin de bande ou fin de piste sans raison ou dès qu’il y a une inter­sec­tion.

    Au mini­mum, cela implique la fin des pistes qui commencent ou finissent en impo­sant au cycliste de mettre pied à terre pour avan­cer.

    Des prio­ri­tés expli­cites

    Un marquage expli­cite pour toutes les traver­sées cyclables, de façon a préci­ser qui est prio­ri­taire et éviter tous les conflits basés sur l’in­com­pré­hen­sion ou la mécon­nais­sance des règles, autant par les cyclistes que par les auto­mo­bi­listes, situa­tion souvent empi­rée par des marquages maladroits qui ajoutent à la confu­sion.

    Idéa­le­ment ça veut dire aussi ne pas ajou­ter un stop ou un céder le passage par prin­cipe aux cyclistes à chaque inter­sec­tion en consi­dé­rant que c’est forcé­ment à eux de s’adap­ter à tous les autres.

    Une verba­li­sa­tion des abus

    Une verba­li­sa­tion systé­ma­tique des occu­pa­tions de voies cyclables et des mises en danger lors des dépas­se­ments ou des inter­sec­tions. Au mini­mum ça implique une campagne de commu­ni­ca­tion pour chan­ger les compor­te­ment.

    Idéa­le­ment ça veut aussi dire accep­ter les plaintes ou signa­le­ments basées sur des photos ou vidéos où la situa­tion est mani­feste, et que ces signa­le­ments mènent à des actions réelles, comme ça se fait dans d’autres pays.

    Rouler au milieu de voie

    L’au­to­ri­sa­tion expli­cite aux cyclistes de rouler au milieu de leur voie de circu­la­tion, en toute occa­sion, et idéa­le­ment des picto­grammes vélo en milieu de voie sur les voies où le dépas­se­ment règle­men­taire par une voiture est impos­sible.

    Rendre obli­ga­toire le forfait mobi­lité durale

    On pour­rait rendre obli­ga­toire aux entre­prises de finan­cer la mobi­lité durable au même montant que ce qu’ils financent l’abon­ne­ment de trans­port en commun local.

    Aujourd’­hui les entre­prises doivent rembour­ser la moitié de l’abon­ne­ment de trans­port en commun aux sala­riés mais le forfait mobi­lité durable pour ceux qui choi­sissent le vélo reste encore facul­ta­tif.

    Rendre obli­ga­toire ce finan­ce­ment permet de lever la contrainte du finan­ce­ment du vélo (le vélo, son entre­tien, sa sécu­rité, et les tickets de trans­port en commun ponc­tuels) comme alter­na­tive au trans­port en commun quoti­dien.


    Certains points demandent des inves­tis­se­ments lourds, notam­ment quand on parle d’in­fra­struc­tures. D’autres demandent un chan­ge­ment poli­tique complexe, notam­ment quand je propose d’ac­cep­ter les signa­le­ments photo et vidéo.

    Une fois ça dit, l’amé­lio­ra­tion de la verba­li­sa­tion, les prio­ri­tés expli­cites lors des traver­sées cyclables, la possi­bi­lité de rouler en milieu de voie, ça ne coûte pas grand chose et c’est du registre du « simple ».

    Je ne vois aucune raison de ne pas avan­cer.