Catégorie : Fiscalité

  • Densité de riches(se)

    Aujourd’­hui j’ap­prends que la France est le 7ème pays au monde avec le plus de milliar­daires.

    Atten­tion, pas 7ème en propor­tion de notre petite popu­la­tion à l’échelle mondiale. Non, 7ème en valeur abso­lue.

    Nous avons 73 milliar­daires en France.

    « Éric, 73 personnes c’est une anec­dote, même s’ils sont super ultra riches. »

    Ok. La France est le 3ème pays au monde avec le plus de million­naires.

    Atten­tion, pas 3ème en propor­tion de notre petite popu­la­tion à l’échelle mondiale. Non, là aussi c’est 3ème en valeur abso­lue.

    Je ne sais pas si vous imagi­nez la dingue­rie.

    Nous avons 2.8 millions de million­naires (en dollars), soit 4.8% des million­naires du monde.

    « C’est une ques­tion de niveau de vie Éric, avec un million tu n’es pas riche en France, arrête »

    Le patri­moine net median en France c’est moins de 125 000 euros.

    Être million­naire c’est avoir 8 fois le patri­moine net médian. On peut dire qu’on est riche, si.

    * * *

    Alors, si vous me permet­tez, les délires comme quoi on taxe trop les riches et le capi­tal, qu’ils fuient à l’étran­ger pour ne pas être spoliés, tout ça c’est de la foutaise.

    La réalité c’est qu’on a un pays qui crée, entre­tient et favo­rise les ultra riches et super riches.

    Et il n’y a pas d’argent magique (™️)

    Dans une certaine mesure, ce qui va d’un côté (les super riches et ultra riches), c’est autant qui ne va pas de l’autre (les pauvres, les classes moyennes et les classes aisées)

    Et n’al­lez pas croire qu’on devient ultra riche (milliar­daire) en travaillant. On l’est essen­tiel­le­ment en héri­tant.

    N’al­lez pas non plus croire que les super riches (million­naires) en le sont par le mérite et la valeur créée pour la collec­ti­vité. Ils sont juste les grands gagnants du système.

    * * *

    Pour donner un ordre de gran­deur, pour deve­nir milliar­daire par son travail, il faut gagner envi­ron 3,5 millions d’eu­ros nets par mois.

    3 500 000 €, soit dans les 1 750 fois le revenu médian, tous les mois à partir du premier mois, pendant les 43 ans d’une vie complète de travail, sans aucune inter­rup­tion même pour raisons de santé, et sans rien dépen­ser de cette somme pour autre chose que l’im­pôt sur le revenu.

    Si quelqu’un arrive à consi­dé­rer ça réaliste ou légi­time, il est le bien­venu à m’ex­pliquer.

    L’exis­tence même des milliar­daire est un grave dysfonc­tion­ne­ment de nos socié­tés. Qu’on l’ac­cepte est juste incom­pré­hen­sible.

  • Le monde tel qu’il aurait pu être. Mardi 21 novembre 2023

    Dans une inter­view au jour­nal Le Monde, le président a déclaré que les français verraient la mise en place effec­tive d’un revenu d’exis­tence incon­di­tion­nel avant la fin de son mandat en 2027.

    Le président a insisté sur le terme incon­di­tion­nel et a tenu à préci­ser que ce revenu — à hauteur du RSA socle actuel — n’était pas de l’as­sis­ta­nat mais une mesure d’ef­fi­ca­cité publique, à la fois pour libé­rer les ressources de l’État et pour permettre à chacun de prendre son destin en main.

    Les détails ne sont pas encore connus, si ce n’est que cette mesure se fera à coût zéro pour l’État, donc proba­ble­ment accom­pa­gnée d’une refonte profonde des aides et des impôts des parti­cu­liers.

  • Taux de prélè­ve­ment obli­ga­toire

    J’en ai marre de voir le taux de prélè­ve­ment obli­ga­toire comme un élément horrible, voire comme un objec­tif à réduire.

    Je n’y vois aucun sens.

    Je ne vois que trois sujets : la perti­nence de la dépense, le choix entre un prélè­ve­ment obli­ga­toire et une rede­vance à l’usage, et la répar­ti­tion du prélè­ve­ment.

    Je ne dis pas que privé et public sont équi­va­lents, que la ques­tion est inin­té­res­sante, mais le taux de prélè­ve­ment public n’est pas un élément perti­nent dans la discus­sion. Le jour où on passe la moitié du prélè­ve­ment obli­ga­toire en dépense privée, on aura fait bouger ce chiffre sans rien résoudre pour autant.

  • La moitié de ce que je gagne

    « On me prend la moitié de ce que je gagne »

    Ben je vais vous dire : Pour avoir l’as­su­rance santé, les aides si jamais vous tombez trop bas, l’école, les infra­struc­tures, la sécu­rité, la justice, et tout ce qu’on ne voit pas direc­te­ment … Ce n’est pas cher payé.


    Ça ne règle pas tout. Ça ne dit pas que la situa­tion des plus pauvres est soute­nable ou juste. Ça ne dit pas que la répar­ti­tion des prélè­ve­ment est la bonne. Ça ne dit pas que l’uti­li­sa­tion des prélè­ve­ments est opti­male. Ça ne dit pas que les services eux-mêmes sont effi­caces ou de qualité.

    Pour autant, malgré tout ce qui précède, aujourd’­hui en France, ça n’est pas cher payé, que ce soit pour les plus pauvres (qui ont un niveau de service bien plus impor­tant que ce qu’ils en payent) ou les plus riches (qui profitent large­ment de ce niveau de service acces­sible à tous et qui ont un taux de prélè­ve­ment au final plus faible que les plus pauvres).

  • Il y a des choix poli­tiques dont il faudra repar­ler

    https://twit­ter.com/edasfr/status/1247068173163266051
  • 117 milliards d’eu­ros

    — La fortune de Bernard Arnault est esti­mée à 117 milliards. Vous vous rendez compte de combien ça fait ? Ça permet de redis­tri­buer […] euros à […] pendant […] ans !

    — Ça n’est pas compa­rable ! Ça ne permet pas de manger. On ne mange pas des actions !

    Diable ! Bien sûr que ça se compare. C’est même tout le prin­cipe de la monnaie.

    Non on ne mange pas les actions, pas plus qu’on ne mange les billets et les pièces (enfin pas moi). On est juste en train de défi­nir une valeur d’échange commune qui permet­tra ensuite d’ob­te­nir de la bouffe (ou autre chose).

    C’est un peu comme la fameuse compa­rai­son de 1 kg de plomb à 1 kg de plumes. Certes ça fait beau­coup de plumes, mais on peut bien compa­rer les deux et ça pèse bien autant.

    Ici c’est la même chose. La monnaie c’est la mesure pivot. Si on a pour 117 milliards d’eu­ros d’ac­tions, ça « vaut » par défi­ni­tion autant que 117 milliards d’eu­ros de petits pois ou 117 milliards d’eu­ros en rési­dences secon­daires. C’est exac­te­ment ce que ça veut dire.

    Tant qu’il y a à la fois des gens qui veulent vos actions et des gens qui veulent se sépa­rer de bouffe, réfri­gé­ra­teurs, machines à laver & co, l’éco­no­mie permet d’échan­ger tout ça.

    — Ce sont des titres, pas des espèces ! Ça n’a rien à voir !

    Je crois que c’est la réponse la plus WTF qu’on m’ait faite.

    Nous payons avec des titres tous les jours, pour ache­ter le pain à la boulan­ge­rie ou nos légumes au marché.

    Ça fait long­temps que la mani­pu­la­tion d’es­pèces n’est plus le seul moyen de paie­ment. Aujourd’­hui on utilise massi­ve­ment des CB, encore un peu des chèques, mais aussi des tickets restau­rants, des bons d’achat, des cartes prépayées, etc.

    Tout ça est lié à des comptes en banques, qui eux même ne sont pas des gros coffres avec la même valeur en billets et en pièces.

    Et d’ailleurs, même quand on paye avec des billets et des pièces, ce n’est plus la valeur du papier ou du métal qui compte, mais ce qu’il y a écrit dessus. Oui, on a bien un titre, qui peut être échangé ailleurs contre autre chose.

    Refu­ser de consi­dé­rer la valeur des titres dans notre société moderne, c’est vrai­ment un argu­ment insensé. On peut éven­tuel­le­ment appliquer une décote liée l’ab­sence de liqui­dité mais on parle là unique­ment d’un coef­fi­cient sur la valeur qu’on attri­bue au patri­moine, ça ne remet nulle­ment en ques­tion le prin­cipe.

    — On ne peut pas ache­ter du pain et du fromage avec !

    Non, on ne peut pas, ou pas faci­le­ment. L’époque du troc est termi­née depuis long­temps.

    Par contre on peut vendre une action à quelqu’un qui veut l’ache­ter, et ache­ter du pain et du fromage avec ce qu’on a eu en échange. La monnaie et l’éco­no­mie moderne c’est exac­te­ment ça.

    Est-ce qu’on peut vendre 117 milliards d’eu­ros d’ac­tions ? Le volume d’échange trimes­triel est bien au-delà de 30 000 milliards d’eu­ros. Ça passe inaperçu.

    Est-ce qu’on peut vendre les 117 milliards d’eu­ros d’ac­tions LVMH de Bernard Arnault ? En consi­dé­rant que tout est en actions LVMH, ce qui est proba­ble­ment faux, ça repré­sente la 50% de la société. En une fois ça parait impos­sible.

    Il s’échange toute­fois 60 milliards d’eu­ros d’ac­tions LVHM chaque année. Mettons qu’on peut augmen­ter les échanges de 5% sans provoquer une panique, on peut tout solder en 40 ans. Évidem­ment on peut aller plus vite si on accepte d’avoir une influence notable sur les cours (certai­ne­ment à la baisse).

    Main­te­nant, si on veut s’ache­ter du pain et du fromage, on peut aussi se conten­ter des divi­dendes. De 2012 à 2018 LVMH a distri­bué des divi­dendes chaque année, pour une somme repré­sen­tant quelque chose comme 3,5% de la valeur moyenne de l’ac­tion sur l’an­née (je n’ai pas le chiffre exact, j’ai un ordre de gran­deur moyen calculé au jugé à partir de courbes).

    Sur 117 milliards ça fait 4 milliards par an, en espèces sonnantes et trébu­chantes cette fois ci. Un sacré plateau de fromages.

    — Mais c’est vola­tile, ça peut ne rien valoir demain !

    Les inves­tis­seurs n’étant pas fous, ils tiennent compte de ça dans la valo­ri­sa­tion qui fonde leurs inten­tions d’achat et vente, donc dans le cours de bourse. Bref, c’est déjà inté­gré dans le calcul (en même temps que les espoirs de gains, parce qu’en ce moment LVMH semble plutôt au contraire croitre vite).

    Mais, surtout, allez dire ça aux fonc­tion­naires qui voient leur point d’in­dice gelé. Ils vous explique­ront que même les euros n’ont pas une valeur si constante que ça en vue d’une conver­sion en pains et fromages.

    Allez aussi voir les Espa­gnols, qui vous explique­ront la varia­tion de la valeur de leur maison. Allez voir les Chypriotes, qui ont vu une ponc­tion massive sur tous leurs comptes en banque pour éviter la faillite de ces dernières. Tiens, parlez aussi aux grecs (d’un peu tout).

    Bref, oui, les valeurs asso­ciées aux choses changent avec le temps. La bourse est plus vola­tile que certains autres biens ou services mais ce n’est pas comme si le reste était stable. Les proba­bi­li­tés sont diffé­rentes mais les espoirs aussi. Comme nous disions, la valo­ri­sa­tion tient déjà compte de tout cela.

    Et bon, on parle de vendre, donc les risques futurs concernent surtout les ache­teurs, pas le vendeur. Si vrai­ment ça ne valait rien, je suppose que de toutes façons Bernard Arnault n’au­rait pas de quoi se plaindre si on l’en spoliait ;-)


    Note : Bien entendu qu’on ne propose concrè­te­ment pas de spolier Bernard Arnaud et liqui­der arbi­trai­re­ment son patri­moine de 117 milliards d’eu­ros là comme ça de but en blanc. La cita­tion géné­rique d’ori­gine permet de prendre conscience de ce que repré­sentent les nombres, puis discu­ter de répar­ti­tion et accu­mu­la­tion des richesses, de mérite indi­vi­duel, et du modèle de société que nous voulons.

  • Quelques chiffres sur l’hé­ri­tage

    Dès que je parle d’hé­ri­tage on me parle de soli­da­rité inter­gé­né­ra­tion­nelle. J’en parle souvent avec des gens qui gagnent bien leur vie et ils ont des préju­gés large­ment discu­tables de ce qu’est la réalité de l’hé­ri­tage.

    Voici quelques chiffres extraits de la dernière étude patri­moine et trans­mis­sion inter­gé­né­ra­tion­nelle de l’INSEE (2015) :

    40 % des sommes héri­tées sont infé­rieures à 8 000 € ; 66 % sont infé­rieures à 30 000 € ; moins de 13 % dépassent 100 000 €

    Première conclu­sion : Les héri­tages réels sont bien loin des fantasmes. Quand on discute d’un héri­tage évalué à plus de 100 000 € on parle déjà de gens extrê­me­ment privi­lé­giés.


    Le second fantasme est sur la soli­da­rité inter­gé­né­ra­tion­nelle.

    Coup de théâtre :

    78 % des héri­tiers ont plus de 50 ans. Ils sont même 30 % à avoir plus de 70 ans.

    Sachant que nous avons les retrai­tés parmi les plus aisés d’Eu­rope, autant dire qu’on est très très loin de la vision d’Épi­nal où on aide les jeunes géné­ra­tions à partir avec le fruit du labeur de notre vie.

    En pratique non seule­ment on hérite peu, mais en plus ceux qui héritent le font quand ils n’en ont plus besoin, à la fin de leur vie.


    Je sais, vous allez me dire que quand même, les plus âgés sont parfois dans une misère incroyable.

    L’INSEE nous donne juste­ment des décou­pages en fonc­tion des caté­go­ries socio-profes­sion­nelles ou du niveau de patri­moine des héri­tiers.

    Près de 70 % de mes 13 % rece­vant au moins 100 000 € appar­tiennent déjà aux trois déciles les plus favo­ri­sés en terme de patri­moine.

    Le chiffre vient de recou­pe­ment de répar­ti­tions par déciles n’est pas précis mais l’ordre de gran­deur est bon.

    Surpris ? moi pas. Tout va dans le même sens : Les héri­tages béné­fi­cient prin­ci­pa­le­ment aux plus favo­ri­sés. On ne parle pas de soli­da­rité inter­gé­né­ra­tion­nelle mais de perpé­tua­tion de la richesse par droit de nais­sance.

    Mieux. La même étude nous dit que ce sont aussi ces caté­go­ries aisées qui ont déjà reçu des dons inter­gé­né­ra­tion­nels impor­tants par le passé au cours de leur vie (logique, l’op­ti­mi­sa­tion fiscale est l’apa­nage des plus riches). Ils ont donc encore moins besoin de cet héri­tage.

    Les plus pauvres, eux, reçoivent les montants les plus faibles.

    Les deux premiers déciles en terme de patri­moine reçoivent à 67 % moins de 8 000 €. Moins de 20 % de ces ménages ont reçu un des héri­tages à plus de 100 000 €.

    Inver­se­ment les deux déciles les plus favo­ri­sés en terme de patri­moine reçoivent à plus de 30 % des héri­tages de plus de 100 000 €.


    Bref, impos­sible de faire un tel croi­se­ment de façon fiable mais les jeunes ménages de moins de 30 ans avec un patri­moine infé­rieur à la médiane française et rece­vant un héri­tage suffi­sant pour avoir des droits de succes­sion à payer… doivent proba­ble­ment se comp­ter sur les doigts de la main.

    Juste et légi­time l’hé­ri­tage ? Lais­sez-moi rire un coup.

    En ligne directe, il faut héri­ter de plus de 1.8 millions d’eu­ros par personne pour être fisca­lisé à la même hauteur que les reve­nus du capi­tal (flat tax dite « Macron » à 30%) et ça restera dans tous les cas bien en deçà de l’im­pôt sur les reve­nus du travail.

    Ce qui est formi­dable c’est que malgré tout ça on conti­nue à moins fisca­li­ser l’hé­ri­tage que les reve­nus.

    Mise à jour : J’ai écrit depuis un ajout du point de vue des dona­teurs, c’est du même acabit.

  • Tous mes impôts

    Parfois le sort s’acharne. Sur une période assez courte j’ai vu trois cancers lourds dans mon entou­rage plus ou moins proche. Ce sont des choses qui brassent.

    Je peux vous dire qu’à ce moment là, savoir que deux sur les trois aient dû lancer des cagnottes en ligne pour payer leurs soins, pour juste conti­nuer à vivre, ça fait réflé­chir.

    Ce n’était pas le cas du troi­sième : Savoir que mes proches avec un cancer n’ont pas besoin de lancer un appel à dons pour payer leurs soins, ça justi­fie toutes mes coti­sa­tions sociales, tous mes impôts.

    J’irai plus loin : l’hô­pi­tal gratuit, l’école gratuite, les secours gratuits, les soins courants acces­sibles, le RSA et le mini­mum vieillesse, malgré toutes les critiques qu’on peut en faire, tout ça vaut vrai­ment large­ment tous mes impôts et toutes mes coti­sa­tions sociales.

    C’est vital. Litté­ra­le­ment.

    Avoir dans ses proches quelques personnes qui n’ont pas ces chances, qui en souffrent et dont la vie bascule, ça remet vite les pendules à l’heure. Ensuite on n’ou­blie pas. J’en pleure presque en écri­vant.

  • Le pouvoir de l’argent

    Le cari­ta­tif est un danger pour la démo­cra­tie.

    Oui, j’aime bien les phrases choc. C’est forcé­ment un peu plus complexe que ça mais le fond y est.

    Les dons de grandes fortunes aux resto du cœur et aux monu­ments natio­naux me laissent un arrière goût amer. Oh, je suis heureux qu’ils soient là mais on parle de palier aux manques de l’État, d’agir à sa place dans ses rôles. On parle de le faire par des gens dont on a tendance ces derniers temps à réduire leur fisca­lité et celle de leurs entre­prises.

    Ce qu’ils donnent, c’est ce qui n’est pas collecté via l’im­pôt ou les coti­sa­tions par ailleurs. On peut dire que les dons palient au manque de budget de l’État. On peut aussi dire que ces dons sont juste­ment ce qui manque au budget de l’État pour assu­rer plus direc­te­ment les mêmes missions. Le cari­ta­tif et les manques de l’État sont liés, dans les deux sens.

    Au final on peut même dire que le moyen d’ac­tion importe peu mais il s’agit d’un modèle de société, et son choix n’est pas neutre. En privi­lé­giant le cari­ta­tif sur l’im­pôt, on permet au dona­teur de choi­sir l’af­fec­ta­tion des sommes sans passer par les struc­tures démo­cra­tiques prévues pour. On est en train de dire que ceux qui ont l’argent doivent avoir un pouvoir de déci­sion plus grand que les autres dans les choix budgé­taires collec­tifs. Pas neutre, vrai­ment.

    Est-ce qu’il faut recons­truire Notre Dame ? Peut-être, peut-être pas, mais étant un bâti­ment public ce devrait être un choix collec­tif. En choi­sis­sant moins d’im­pôts et plus de cari­ta­tif, on prive la collec­ti­vité de la capa­cité de faire un tel choix, de privi­lé­gier la réfec­tion d’écoles ou de tribu­naux en ruine plutôt qu’un monu­ment touris­tique. C’est celui qui a l’argent qui décide, et ça pose un vrai problème démo­cra­tique.


    Le pire c’est quand non seule­ment on donne un tel pouvoir mais qu’on le renforce. Celui qui donne aura des exoné­ra­tions d’im­pôts. Les resto du cœur se plaignent de moindres dona­tion depuis la dispa­ri­tion de l’ISF et des inci­ta­tions fiscales affé­rentes.

    Inci­ter à donner parait une bonne idée, le fameux gagnant-gagnant. En réalité ça revient à leur donner encore plus de pouvoir. Ça revient à leur permettre de piocher dans les impôts qu’ils auraient du payer – c’est à dire dans le budget public – pour déci­der où cela sera utilisé.

    Bien entendu seuls ceux qui ont suffi­sam­ment d’argent peuvent faire ce choix. Les voilà avec un pouvoir déci­sion­naire plus fort que les autres. On est sorti du « une personne une voix ».


    Oui, chacun fait ce qu’il veut de son argent. Choi­sir de dimi­nuer les impôts et faire appel au cari­ta­tif pour des actions publiques est toute­fois un choix poli­tique. Aller jusqu’à offrir des réduc­tions d’im­pôts pour encou­ra­ger de finan­cer en dons ce qu’on ne collecte pas comme impôts l’est aussi.

    Aucune des deux formes n’est neutre poli­tique­ment ou démo­cra­tique­ment, et encore moins quand les dons sont promis par les plus riches peu après la mise en place d’une poli­tique fiscale qui leur est très favo­rable.

  • Choc de simpli­fi­ca­tion fiscale

    Je ne vois juste pas comment on peut s’en sortir. Tout chan­ge­ment sera forcé­ment jugé injuste, et deman­dera une armada de fisca­listes dès qu’on touche plusieurs para­mètres.

    Je pleure quand je vois la CSG. Un taux de base (9,2%), puis 3 caté­go­ries spéci­fiques (jeux, retraite, chômage), puis 3 paliers progres­sifs en fonc­tion des reve­nus mais que pour une de ces caté­go­ries et pas les autres. Oh, et ce taux est déduc­tible des impôts sur le revenu sauf 2,4 points qui ne le sont pas. Enfin sauf pour une des caté­go­ries où c’est inté­gra­le­ment déduc­tible. Bien entendu sur les reve­nus d’ac­ti­vité ce taux ne se calcule que sur 98,25% des reve­nus. Oh, et pour les reve­nus du capi­tal ce taux peut-être fusionné avec l’im­pôt progres­sif sur le revenu pour en faire un prélè­ve­ment forfai­taire de 30%, enfin sauf si vous optez pour l’an­cien système.

    Sérieu­se­ment…

    Le pire c’est que nos poli­tiques ne semblent pas avoir inté­rêt à simpli­fier tout ça. La complexité permet d’an­non­cer une augmen­ta­tion de prime d’ac­ti­vité de 20 € tout en passant un taux de calcul de 62 à 61% pour que le résul­tat net soit unique­ment de 8 €. Oh, il doit y avoir de très bonnes raisons pour ne pas avoir précal­culé les bases de calcul pour y appliquer un taux de 100% mais au final ça masque tout. Tout ça ce n’est que le côté visible. C’est tout aussi complexe sur la redis­tri­bu­tion des recettes dans les diffé­rentes caisses.

    Même ce président qui s’est fait élire sur la simpli­fi­ca­tion a au final énor­mé­ment complexi­fié tout le système. Au niveau poli­tique, « simpli­fi­ca­tion » se traduit souvent par « régres­sion sociale » ou « réduc­tion fiscale », quitte à ce que ce soit via une complexité supplé­men­taire.


    Oui, je sais, tout n’est pas illé­gi­time mais ça reste incom­pré­hen­sible et donc dange­reux pour le consen­te­ment à l’im­pôt.

    Oui, je connais aussi les tenta­tives de révo­lu­tions fiscales mais je n’ose imagi­ner personne faire un tel big bang. Les risques sont gigan­tesques, autant sur les prévi­sions de recette que sur les impacts dans l’éco­no­mie, et là je ne compte pas le coût humain et maté­riel de tout chan­ger.

    On fait quoi ?