Catégorie : Fiscalité

  • Plus-values à 60% (encore)

    Mise à jour : Il semble que contrai­re­ment à mon inter­pré­ta­tion première, au delà de 2014, les plus-values ne soient pas lissées en fonc­tion du nombre d’an­née de déten­tion, mais béné­fi­cient juste d’un abat­te­ment. Si tel est le cas mes calculs sont nette­ment faux. Je les laisse mais sujets à caution. La réflexion géné­rale reste par contre vraie à mon avis


    Comme ça conti­nue sur le sujet des cessions d’ac­tions, voilà quelques calculs supplé­men­taires par rapport à l’ar­ticle précé­dent.

    Pour être taxé au maxi­mum du barème à venir de l’im­pôt sur le revenu (45%), il faut que le revenu maxi­mum par part fiscale soit de 150 000 €. Pour la famille « moyenne » de deux adultes et deux enfants, cela fait 450 000 €.

    Pour un entre­pre­neur idéal qui ne fait pas juste un coup finan­cier mais qui garde ses actions long­temps il y a un abat­te­ment de 40%, ce qui permet donc de gagner 750 000 € en plus-values avant de toucher ce taux maxi­mum.

    Là dessus il faut bien voir que pas un centime ne commence à être taxé au taux maxi­mum de 45%, c’est juste une limite à partir de laquelle les sommes supplé­men­taires commencent à être taxées au montant maxi­mum. En réalité le taux d’im­po­si­tion moyen est ici de 37%, pas de 45%.

    En ajou­tant les prélè­ve­ments sociaux et la CSG (qui sera déduc­tible, donc un peu moins forte), on devrait arri­ver à un peu moins de 51%. C’est certes beau­coup, mais ce n’est pas pas 60%. Pour arri­ver à cette impo­si­tion à 51%, il aura fallu que notre entre­pre­neur gagne 36 fois le revenu annuel du foyer médian français. Ça commence à faire pas mal.

    Ces plus-values sont lissées sur le nombre d’an­nées de déten­tion. L’in­ves­tis­seur ne se retrouve pas taxé d’un coup pour un revenu excep­tion­nel. Quand je parle de 36x le revenu du foyer médian, pour être imposé au taux pré-cité, ce doit être la moyenne du gain annuel de notre inves­tis­seur, pas une acti­vité ponc­tuelle. Pour notre entre­pre­neur qui garde ses titres 12 ans et qui ne fait pas juste un coup finan­cier, il aura gagné 432 fois le revenu annuel du foyer médian, soit l’équi­valent de 10 vies de travail d’un foyer median complet. Il l’aura fait en juste 12 ans, donc un tiers de sa vie d’ac­tif. Avec de tels gains cet inves­tis­seur sera dans les reve­nus les plus aisés pour le reste de sa vie rien qu’en comp­tant les inté­rêts de ses gains. Dans ces condi­tions, est-ce vrai­ment illé­gi­time qu’il parti­cipe à l’ef­fort de la société avec le même barème qu’un sala­rié ?

    Tech­nique­ment personne ne peut atteindre pas le taux de 60%. Avec une CSG déduc­tible le taux margi­nal maxi­mum devrait être légè­re­ment infé­rieur (de l’ordre de 58%), mais surtout il s’agit d’un taux margi­nal, pas d’un taux moyen. Pour obte­nir un taux moyen rela­ti­ve­ment proche (on va dire à 5% près, soit 57%) il faudrait gagner une moyenne d’un million par part fiscale et par an en plus-values (sous réserve de les garder suffi­sam­ment long­temps), soit 3 millions par an en moyenne dans mon foyer type. Sur 12 ans ça veut dire qu’on renvent pour 36 millions ce dans quoi on n’a inves­tit que du travail. À ce niveau est-il scan­da­leux qu’on soit taxé sur le même barème qu’un sala­rié ?

    Oh, et visi­ble­ment le gouver­ne­ment a confirmé qu’il y aurait exoné­ra­tion pour les capi­taux réin­ves­tis dans une nouvelle entre­prise.

    Il y a aussi une logique écono­mique à tout ça. Peut être n’est-ce pas rentable que de taxer les capi­taux autant que le travail. C’est une vraie ques­tion, et je ne tente pas d’y répondre. Par contre je refuse d’en­tendre, comme je le fais ces jours ci, des entre­pre­neurs pleu­rer sur une taxe illé­gi­time qui leur retire le fruit de leur travail. Côté légi­ti­mité sociale, mes calculs me semblent suffi­sam­ment éclai­rants.

    Mise à jour : Il semble que certains comptent la surtaxe Sarkozy de 3% pour arri­ver à leurs calculs. Donc juste pour complé­ter : Elle ne vaut que pour les gains > 500 000 euros par part fiscale. Dans mon foyer type c’est donc 1 500 000. Pour peu qu’elle respecte le lissage, elle ne s’ap­plique donc qu’à partir d’une plus-value de 1 500 000 € par année de déten­tion après abat­te­ment (donc si vous gardez les part 4 ans c’est 1 666 000 par an pour un total de 6 666 000 €; si vous les gardez 12 ans c’est 2 500 000 € par an pour un total de 30 000 000 € de plus-values).

  • Impo­si­tion non forfai­taire des plus-values d’ac­tions

    Mise à jour : Il semble que contrai­re­ment à mon inter­pré­ta­tion première, au delà de 2014, les plus-values ne soient pas lissées en fonc­tion du nombre d’an­née de déten­tion, mais béné­fi­cient juste d’un abat­te­ment. Si tel est le cas mes calculs sont nette­ment faux. Je les laisse mais sujets à caution. La réflexion géné­rale reste par contre vraie à mon avis


    J’ai *vrai­ment* du mal à comprendre le scan­dale que font les entre­pre­neurs autour de la réforme prévue des plus-values sur les actions.

    Le fait d’ali­gner les gains sur le même barème qu’ils viennent d’un inves­tis­se­ment de capi­tal (avec souvent du travail derrière pour que ça fonc­tionne) ou qu’ils viennent d’un travail direct me semble du bon sens.

    Certes l’in­ves­tis­seur a contri­bué a la société et créé des emplois. On peut cepen­dant en dire autant du sala­rié qui a permis à cet entre­prise de fonc­tion­ner. Et s’il a contri­bué a la société, l’in­ves­tis­seur a aussi profité des infra­struc­tures, règle­men­ta­tions et struc­tures de l’État. Il est tout à fait normal que celui qui réus­sisse contri­bue à la société, tout autant que le sala­rié.

    Vous note­rez que je parle d’in­ves­tis­seur et non d’en­tre­pre­neur. La nuance est impor­tante car le texte vise bien l’in­ves­tis­se­ment et touche tout autant les finan­ciers. 

    À première vue cet aligne­ment semble de plus assez bien fait : Il étale la plus-value sur l’en­semble des années de déten­tion. Il y a donc un lissage au niveau des impôts qui est plus qu’a­van­ta­geux pour celui qui réalise ces plus-values.

    Les abat­te­ments pour ceux qui gardent leurs actions long­temps avant de réali­ser les plus-values ont été chan­gés mais ils restent signi­fi­ca­tifs puisqu’ils vont jusqu’à 40%. Cet abat­te­ment a ses raisons et reste proba­ble­ment bien­venu mais nous sommes fina­le­ment encore loin de l’ali­gne­ment sur les reve­nus du travail (vous voyez l’em­ployer récla­mer un abat­te­ment de 40% sous prétexte qu’il est resté 12 ans dans la même société ?).

    Mais surtout il faut bien voir que pour faire pleu­rer les chau­mières on parle de l’en­tre­pre­neur qui sue sang et eau pendant 15 ans sur sa petite entre­prise. Soyons francs : Cet entre­pre­neur a toutes les chances, une fois appliqué l’abat­te­ment de 40% et l’éta­le­ment de la plus-value sur 15 ans, d’être imposé avec un taux moyen loin des 41% qui font peur. Quand bien même ce serait le cas, c’est que cet entre­pre­neur aura gagné une somme qui se chiffre en millions. Quels que soient ses mérites, il n’est pas impen­sable qu’il contri­bue signi­fi­ca­ti­ve­ment à la vie de la société s’il gagne plus de 10 fois ce que gagne le sala­rié médian dans toute sa vie. Le prin­ci­pal visé est bien le finan­cier qui mani­pule des millions, ne l’ou­blions pas.

    À côté de ça on prévoit encore des déro­ga­tions pour les départs à la retraite, dont j’ai du mal à comprendre la signi­fi­ca­tion et la légi­ti­mité. Il semble que le statut des sommes réin­ves­ties immé­dia­te­ment ne soit pas tout à fait clair. Il serait légi­time que l’im­po­si­tion soit reporté à la réali­sa­tion des sommes réin­ves­ties mais il faudrait alors tracer l’ori­gine des fonds et la première plus-value pour calcu­ler l’im­po­si­tion finale : C’est vite une usine à gaz (et se posera de la même façon la ques­tion de l’équi­libre : un salaire réin­ves­tit dans une société n’échappe pas à l’im­po­si­tion, lui).

    La ques­tion fonda­men­tale : Souhaite-t-on que les reve­nus du capi­tal (ce qui inclut les créa­tions d’en­tre­prise, mais pas que) contri­buent autant au finan­ce­ment de la société que ceux du travail ?

    De plus, quand juste­ment on parle de l’in­ves­tis­seur qui sue sang et eau dans la créa­tion de sa société, quand bien même la circu­la­tion de son argent est diffé­rent c’est bien son travail qui produit les plus-values. Pourquoi ne serait-il pas imposé avec les mêmes règles ?

  • Favo­ri­ser des usages – numé­rique

    Pour faire suite au billet précé­dent, je trouve que La Quadra­ture, avec tout le soutien que je peux leur appor­ter sur certains sujets, se four­voie en voulant taxer la publi­cité en ligne.  Ce faisant il s’agit de choi­sir quels usages sont légi­times ou non, et de dire plus ou moins que « la publi­cité c’est mal ».

    Le texte qui présente cette solu­tion est juste­ment là pour remettre en cause une poli­tique et un modèle qui privi­lé­gie certains usages – les usages commer­ciaux – par rapport aux autres – les usages non marchands, privés, éduca­tifs – Cette diffé­ren­cia­tion des usages et le fait d’avoir écrasé les uns pour faire perdu­rer les autres est juste­ment le fond du problème initial.

    On peut alter­na­ti­ve­ment voir le modèle publi­ci­taire comme propre à mono­po­li­ser l’at­ten­tion sur un nombre limité de produc­tions (l’ar­gu­ment de La Quadra­ture). On peut aussi le voir comme propre à finan­cer des œuvres qui n’au­raient pas forcé­ment aussi faci­le­ment vu le jour, ou qui n’au­raient pas eu la visi­bi­lité méri­tée. Même si on pense qu’aujourd’­hui c’est plutôt le premier effet qui est à l’œuvre, taxer spéci­fique­ment ce modèle pour finan­cer les autres c’est s’in­ter­dire de voir les choses évoluer, de voir la société trou­ver d’autres façons de penser ou de s’ar­ti­cu­ler.

    Ce serait simple­ment repro­duire les mêmes erreurs, mais avec un nouveau choix idéo­lo­gique. Lais­sons libre les usages et les modèles des uns et des autres. Ne refai­sons pas les mêmes erreurs.

    Encore une fois, si nous pensons qu’il y a un finan­ce­ment à trou­ver et que c’est au béné­fice de la société dans son ensemble, n’hé­si­tons pas à cher­cher le finan­ce­ment au niveau de la société dans son ensemble.

  • Arrê­tons de surtaxer le numé­rique

    Nous avons d’un côté l’État qui taxe « là il y a de l’argent » et « là où ça se déve­loppe » pour compen­ser et subven­tion­ner « là où il n’y a ni argent ni déve­lop­pe­ment possible », et parfois un peu « là où les indus­triels savent s’y prendre pour quéman­der ». On y trouve la fameuse « taxe Google » sur la publi­cité en ligne.

    D’un autre côté nous avons les éditeurs de conte­nus et de services qui cherchent simple­ment à taxer les nouveaux usages et nouveaux types de concur­rences pour assu­rer la péren­nité de leur ancien modèle en perte de vitesse. On y trouve les histo­riques « taxe rede­vance pour la copie privée » et  « finan­ce­ment du cinéma par les télé­vi­sions et les opéra­teurs Inter­net ». Plus récem­ment on voit l’idée de taxer les liens voire les clics au béné­fice de la presse ou des photo­graphes.

    C’est agaçant. Pire, c’est contre-produc­tif pour les objec­tifs visés. En frei­nant les relais de crois­sances et nouveaux usages afin d’évi­ter quelques années de plus de faire évoluer les modèles ou envi­ron­ne­ments qui le néces­sitent, c’est forcé­ment perdant sur le long terme.

    Là où je suis surpris c’est quand ceux qui réflé­chissent à de nouveaux modèles se laissent embarquer dans la même faci­lité. À réflé­chir sur de nouveaux équi­libres au niveau de la créa­tion, des droits d’au­teur, des rému­né­ra­tions et des usages, on me parle de contri­bu­tion créa­tive et de finan­ce­ment par une taxe sur la publi­cité en ligne.

    Fran­che­ment, permet­tez-moi d’être un peu fami­lier mais : lâchez la grappe au numé­rique, aux réseaux et globa­le­ment aux NTIC !

    Ces domaines doivent parti­ci­per à la société au même titre que les autres : pas moins, mais pas plus non plus. S’il est néces­saire d’em­pê­cher les contour­ne­ments fiscaux divers et variés, il est inac­cep­table de voir arri­ver de multiples taxes ou compen­sa­tions qui financent des acti­vi­tés tierces.

    Si nous choi­sis­sons d’avoir des poli­tiques de société, si nous pensons que la société doit finan­cer le cinéma, la créa­tion, la presse ou je ne sais quoi d’autre, assu­mons un choix de société et finançons le sur le budget de la société, via l’im­pôt où une taxe géné­rale. Ne cher­chons pas le coupable idéal, celui qui semble avoir de l’argent, pour tout lui coller sur le dos.

  • Taxe à 75% : seules 1 000 personnes concer­nées

    Bon, cet impôt sur les reve­nus au delà de 75% fait parler. Je ne discute pas ici de son bien­fondé ou non. Ce qui m’agace c’est, si on décide de le faire, de voir qu’on cède encore à tel ou tel lobby pour en faire des cas spéci­fiques (comprendre : exoné­rés).

    [les chefs d’en­tre­prise] devront gagner la somme sur plusieurs années consé­cu­tives. La vente d’une entre­prise par exemple, même au-delà du million, ne serait ainsi pas suffi­sante pour tomber sous le coup de la taxe.

    Qu’une vente excep­tion­nelle d’un patri­moine (fut-il profes­sion­nel) ne soit pas taxé de la même façon me paraît une bonne chose, d’au­tant que ça prend diffi­ci­le­ment en compte l’in­ves­tis­se­ment réalisé. Le lissage sur plusieurs années n’a rien de choquant dans ce cas précis.

    Spor­tifs et artistes en sont donc déjà exoné­rés, car leurs reve­nus sont aléa­toires.

    Ça par contre, exoné­rer un artiste ou un spor­tif parce qu’il ne gagne plus d’un million « que » pendant quelques années, c’est un pur scan­dale. En cinq ans à un million, le spor­tif gagne l’équi­valent de 200 ans de smic. Qu’on ne me fasse pas croire que l’ir­ré­gu­la­rité des reve­nus est une bonne justi­fi­ca­tion à la créa­tion d’une niche fiscale sur ce qui est au dessus des 200 smic. C’est simple­ment indé­cent. Sans comp­ter que ces spor­tifs qui gagnent autant peuvent faci­le­ment avoir un emploi après leur période de spor­tif. Ils y gagne­ront moins d’un million, mais ça sera encore plusieurs fois le salaire médian.

    Les artistes leurs reve­nus sont un peu plus irré­gu­liers mais ceux qui gagnent plus d’un million (ils ne sont pas légion) conti­nue­ront à perce­voir des droits d’au­teur signi­fi­ca­tifs encore pendant pas mal de temps s’ils n’ar­rêtent pas leur créa­tion. Mais c’est encore plus un scan­dale pour les artistes qui ont un régime social très protec­teur qui comble déjà forte­ment les irré­gu­la­rité des reve­nus (et financé par cela par l’État), dans un domaine forte­ment subven­tionné et par l’État et par des domaines tiers « au nom de la créa­ti­vité ». Qu’un domaine qui soit tant aidé puisse s’abs­traire d’une taxe sur les haut revenu quand ils gagnent en une année plus qu’un ouvrier d’usine dans toute sa vie… c’est indé­cent.

    Alors qu’on me dise que taxer à 75 % n’est pas légi­time ou pas une bonne idée écono­mique je veux bien l’en­tendre, mais qu’on fasse des exoné­ra­tions à ces caté­go­ries unique­ment parce qu’elles sont bien en vue et arrivent à joindre les média, là ça devient inac­cep­table. Après, que sur cette taxe à 75% seules 1000 personnes soient concer­nées, je ne vois pas en quoi c’est un argu­ment.

     

  • Fraude, para­dis fiscaux… guerre des mondes au Sénat

    Parler fraude, para­dis fiscaux… guerre des mondes au Sénat, c’est sur Media­part (donc payant, mais encore une fois je vous incite à vous abon­ner, ce média vaut 10 fois TF1, Le Monde, Le Figaro, Libé­ra­tion et France Tele­vi­sion réunis).

    Pour un petit avant-gout, Bloom­berg a une superbe anima­tion sur la circu­la­tion finan­cière des multi­na­tio­nales améri­caines. L’exemple est avec Google mais Yahoo! utilise un système assez proche.