Catégorie : Éducation

  • Profes­seur des écoles

    J’en ai marre de lire les habi­tuels poncifs sur les profes­seurs des écoles fainéants, qui ne travaillent pas et toujours en vacances. Bien loin de la réalité.

    Certes,  le temps de cours est assez faible, que ce soit en heures sur la semaine ou en semaines sur l’an­née. Ces heures ne repré­sentent cepen­dant pas la moitié du travail réel. Ajou­tez-y l’ad­mi­nis­tra­tif mais aussi les correc­tions, les prépa­ra­tions des cours et les discus­sions avec les parents. D’un coup on ne parle plus de la même chose.

    J’ai du mal à évaluer le temps de prépa­ra­tion mais je sais que quand je faisais de la forma­tion profes­sion­nelle, on comp­tait 1 jour­née de concep­tion pour 1 heure d’ani­ma­tion… et je n’avais pas à adap­ter les conte­nus au fur et à mesure en fonc­tion de l’ap­pren­tis­sage indi­vi­duel de chacun. Je serais étonné qu’on compte moins de 1h pour 1h au moins les premières années (et c’est le résul­tat de l’étude de l’INSEE aussi).

    Quant au temps de présence devant les parents, je sais que pour récu­pé­rer ma femme en fin de jour­née c’est une guerre de tran­chées où je compte chaque mètre gagné en direc­tion de la voiture telle­ment elle se fait arrê­ter à chaque parent croisé.

    * * *

    Plutôt que de me faire confiance, utili­sons les chiffres de l’INSEE. Ils estiment le temps de travail des profes­seurs des écoles à 44h par semaine ; et plus de 52h les premières années.

    Rapporté à 36 semaines de cours, on en vient à entre 96% et 113% d’un 35h plein temps annuel effec­tif. Pas les plus à plaindre du monde, mais pas fran­che­ment favo­ri­sés non plus.

    Bien entendu tout ça suppose que les profes­seurs des écoles ne travaillent que pendant les périodes de cours, ce qui est bien évidem­ment faux. Il faut bien les prépa­rer les années scolaires, surtout avec les programmes qui changent chaque année pendant l’été. On est donc trèèès large­ment au delà du plein temps dans tous les cas.

    On ne parle là que du temps de travail formel. Se faire alpa­guer en sortie des classes pendant 1h30 en discus­sions infor­melles avec les parents, c’est en plus de ces 44h.

    Si vous voulez critiquer le temps de travail réel d’un corps de métier, je vous propose de cibler quelqu’un d’autre.

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    Pour ce travail on les paye 24 000 € bruts annuels pour deux ans d’ex­pé­rience, 41 000 € bruts annuels en fin de carrière.

    Certes, c’est beau­coup par rapport au SMIC (17 750 € bruts) mais bien moins que la moyenne des autres BAC +5 au même niveau d’ex­pé­rience, et pour des condi­tions de travail déplo­rables. Parce que oui, on parle de diplôme BAC+5 obli­ga­toire en plus du concours.

    * * *

    Les condi­tions ne sont déjà pas faciles : allez ensei­gner dans une classe de 27 gamins, et faire en sorte qu’ils sachent lire et écrire en fin d’an­née. Si les décro­chages et arrêts mala­die s’en­chaînent dans le métier, ce n’est pas par hasard.

    La plupart de ceux qui critiquent ne tien­draient pas une année. Person­nel­le­ment je doute d’en être capable.

    Main­te­nant ce qui doit être sacré­ment lourd nerveu­se­ment ce sont les commen­taires et les lieux communs à propos de la fainéan­tise, des avan­tages ou des vacances des profs par des gens qui ne connaissent visi­ble­ment rien au métier. Ça a de quoi détruire ceux qui sont conscien­cieux, ou leur faire aban­don­ner leur moti­va­tion. Est-ce vrai­ment votre but ?

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    Exemple très person­nel : Hier ma femme devait être sur place vers 7h30 le matin. Elle a dû repar­tir vers 19h le soir. Ce n’est pas tous les jours mais c’est loin d’être la première fois non plus. Parfois à 6h30 elle est en train d’im­pri­mer des choses à la maison (ne comp­tez pas sur la photo­co­pieuse ou les outils de l’école, surtout le matin).

    Petite infor­ma­tion pour comprendre : C’est un poste à mi-temps.

    À mi-temps et à un poste précaire sans aucune garan­tie d’em­ploi ni cumul d’an­cien­neté pour son salaire, à l’an­cienne grille des insti­tu­teurs plutôt qu’à celle des profes­seurs des écoles malgré qu’on lui ai demandé son BAC+5 avant de l’ac­cep­ter. La rumeur veut même que l’Édu­ca­tion natio­nale refuse les renou­vel­le­ments au bout de 6 ans, pour éviter que les concer­nés ne puisse récla­mer une titu­la­ri­sa­tion.

    Fran­che­ment il faut avoir la voca­tion, et le courage de se farcir les bêtises de ceux qui ne connaissent rien au métier.

  • Tu feras le métier qu’on te dira de faire mon fils

    Aujourd’­hui l’Édu­ca­tion natio­nale nous dit qu’il n’y aura pas assez de place en 1ère et termi­nale scien­ti­fique pour répondre à la demande à la prochaine rentrée scolaire. On ne va pas en ouvrir plus. À la place on va tirer au sort un certain nombre de lycéens qui pour­ront aller dans cette filière.

    Les autres… n’ont qu’à aller ailleurs. Les plus aisés des malchan­ceux pour­ront aller dans le privé. Pour eux il y aura toujours une solu­tion.

    Ceux qui n’ont pas les moyens seront redi­ri­gés vers leur orien­ta­tion de second ou troi­sième choix s’ils souhaitent conti­nuer leurs études.

    Peut-être que ça ne corres­pon­dra pas du tout à leur souhait de forma­tion et de profes­sion, mais on leur propo­sera quelque chose dans une filière moins limi­tée. Ce seront des filières moins coûteuses, des filières qui pour­ront être renta­bi­li­sées via des parte­na­riats public-privés pour les travaux des étudiants, ou qui font plus appel à des stages qu’à des cours.

    Il n’est pas impos­sible qu’à terme on étende le tirage au sort à toutes les filières sous tension, c’est à dire aussi en 1ère et termi­nale écono­mique. Là demande y est aussi assez forte, et risque de s’ac­cen­tuer si tous les lycéens à sensi­bi­lité scien­ti­fique ne peuvent pas aller dans leur filière de prédi­lec­tion.

    On redi­ri­gera donc surtout les élèves vers des filières profes­sion­nelles. Bac pro et appren­tis­sage sont moins deman­dés et donc capables d’ac­cueillir les élèves en fonc­tion de leur second ou troi­sième choix de préfé­rence.

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    Sauf si tu es dans les chan­ceux tirés au sort, tu feras le métier qu’on te dira de faire mon fils, en fonc­tion des prévi­sions statis­tiques du minis­tère et du coût des forma­tions. Choi­sir son métier c’est une lubie d’idéa­liste socia­liste.

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    Je ne réalise pas une fiction. Le décret est offi­ciel­le­ment passé aujourd’­hui.

    La seule diffé­rence c’est qu’on parle de forma­tion supé­rieure en univer­sité et non de lycée. Visi­ble­ment ça choque moins les gens, je ne sais pas pourquoi.

    On recule. L’édu­ca­tion pour tous n’est plus l’objec­tif. La réforme des univer­si­tés après mai 68 risque de ne pas faire de vieux os.

    Oui, je sais, je suis un grand idéa­liste, mais à un moment le « il n’y a aura pas assez de place » ressemble beau­coup à « on souhaite que vous fassiez autre chose, surtout si en plus ça coute moins cher ».

    Si vous doutiez de l’im­pact de l’au­to­no­mie des univer­si­tés, et de leur obli­ga­tion de faire de la gestion en fonc­tion des coûts… nous y voilà.

  • Un plan de reva­lo­ri­sa­tion des salaires dans l’en­sei­gne­ment supé­rieur et la recherche

    Au premier éche­lon, un maître de confé­rences touchera 2 208 euros bruts mensuels, contre 2 115 euros actuel­le­ment.

    Soit moins de 4,5% d’aug­men­ta­tion, avec une mise en œuvre progres­sive sur 3 ans, donc quelque chose comme 1,5% d’aug­men­ta­tion annuelle au même éche­lon.

    « Après au mini­mum huit ans d’études pour décro­cher un docto­rat, plusieurs années en contrat de post-doc et un parcours du combat­tant pour trou­ver un poste, avec une carrière qui ne débute donc pas avant 32 ou 33 ans, le métier ne risque pas de retrou­ver l’at­trac­ti­vité dont il a besoin », déplore Franck Loureiro

    Le Monde

    Tu m’éton­nes… c’est moins que ce à quoi peut prétendre un jeune sans expé­rience de 23 ans avec les 5 ans d’études post-bac de son master. Ici ils ont une exper­tise sanc­tion­née par un docto­rat et plusieurs années d’ex­pé­riences.

    Mais après on va s’éton­ner du niveau de nos univer­si­tés et le prendre comme prétexte pour décons­truire l’ac­cès aux études supé­rieures.

  • Budget de l’Edu­ca­tion natio­nale

    Parce qu’il est facile de rabâ­cher les mêmes intox sur nos dépenses publiques. Nous consa­crons peu à l’édu­ca­tion, moins que la plupart des pays, y compris ceux chez qui l’édu­ca­tion privée (donc non comp­ta­bi­li­sée ici) est plus impor­tante que chez nous.

    Facile de se moquer du recru­te­ment de fonc­tion­naires à l’édu­ca­tion natio­nale mais quand on regarde les chif­fres…

    La France avait, en 2011, le taux d’en­ca­dre­ment scolaire le plus faible de l’OCDE – même si elle a progressé depuis. Selon le dernier rapport de l’OCDE, sorti en 2014, en ce qui concerne le secon­daire, la France n’est plus dernière mais désor­mais pile dans la moyenne de l’OCDE, soit treize élèves par ensei­gnant.

    Mais surtout, nous inves­tis­sons au mauvais endroit :

    Plus en détail, la France inves­tit surtout dans le secon­daire. En termes d’argent public consa­cré aux collèges et lycées, elle est septième en Europe. Mais pour ce qui est du primaire et de l’en­sei­gne­ment supé­rieur, la France est en dessous de la moyenne euro­péenne, aux alen­tours de la 20e place dans les deux cas.

    Quand juste­ment on se plaint du niveau des élèves à l’en­trée au collè­ge… peut-être faudrait-il se poser des ques­tions et juste­ment augmen­ter les moyens humains.

    — Plus sur l’ar­ticle Desin­tox de Libé­ra­tion.

  • Typo­gra­phie à l’école

    Typo­gra­phie à l’école

    Quelles bases de typo­gra­phie sont donc ensei­gnées à l’école ?  Le mot « typo­gra­phie » est-il utilisé ? — Emma­nuel

    Ques­tion inté­res­sante. J’ai fouillé mes souve­nirs.

    Au niveau carac­tère

    On m’a appris les majus­cules, les minus­cules, les chiffres, les ponc­tua­tions et l’es­pace.

    On ne m’a pas appris la diffé­ren­cia­tion entre majus­cule et capi­tale, ou même l’exis­tence des petites capi­tales, ni le fait que les points de suspen­sions est un carac­tère à part entière et pas trois points sépa­rés.

    On ne m’a pas appris non plus les cadra­tin et demi cadra­tin, les chevrons pour faire des cita­tions à l’in­té­rieur d’autres cita­tions ou le sens des crochets. On ne m’a pas appris non plus qu’il y a diffé­rentes tailles d’es­pace (mais ça s’est fait tout seul à l’usage pour l’écri­ture manus­crite). Je ne parle même pas de savoir ce qu’est une liga­ture.

    On m’a aussi expli­ci­te­ment mal appris que les majus­cules ne prennent jamais d’ac­cent ou de cédille, et je crois que ce mauvais appren­tis­sage perdure encore aujourd’­hui.

    On m’a aussi expli­ci­te­ment appris le mauvais genre pour « une espace », et j’ai encore du mal aujourd’­hui à me corri­ger.

    Au niveau du mot

    On m’a appris à sépa­rer les mots par des espaces, à capi­ta­li­ser les noms propres, ce qu’est un sigle ou une abré­via­tion. On m’a même appris la césure et qu’elle se fait entre deux syllabes.

    On ne m’a par contre pas appris – ou je ne m’en souviens pas – comment arbi­trer entre les diffé­rentes écri­tures des sigles et acro­nymes (capi­tales ou non, points entre les lettres ou non).

    Sur la césure on ne m’a pas non plus appris à faire des coupures élégantes, ou quand éviter de les faire.

    Au niveau de la phrase

    On m’a appris la majus­cule en début de phrase et le point en fin de phrase, quelle ponc­tua­tion prend une espace avant ou après.

    On m’a toujours appris à ne pas mettre de virgule entre les deux derniers éléments d’un inven­taire quand un « et » ou un « ou » est présent, même si j’ai appris à parfois le faire moi-même plus tard.

    On ne m’a par contre pas appris à gérer la ponc­tua­tion des listes.

    On ne m’a pas appris non plus la notion d’es­pace insé­cable, même si en pratique la « règle du bon sens » fait qu’on m’a inter­dit de reve­nir à la ligne avant une ponc­tua­tion autre que l’ou­ver­ture de guille­met ou de paren­thèse, avant les symboles d’unité, ou (pour les profes­seurs les plus tatillons) au milieu d’un « 15 septembre ».

    La capa­cité de ne pas mettre une capi­tale après les deux points quand il s’agit d’un inven­taire a été diffé­rente chaque année suivant le profes­seur. Pour le coup on m’a appris tout et son contraire.

    Au niveau du para­graphe

    On m’a appris la notion de para­graphe, le saut de ligne et même l’in­den­ta­tion. On m’a appris la notion de titre, l’es­pace sous et sur le titre.

    On ne m’a pas appris que c’est norma­le­ment soit un sauf de ligne soit une inden­ta­tion mais pas forcé­ment les deux – et assez rapi­de­ment plus personne n’a demandé ou fait atten­tion à la présence ou non d’une inden­ta­tion. On ne m’a pas appris non plus à réel­le­ment conce­voir une diffé­rence entre un nouveau para­graphe et un simple retour à la ligne – même si j’ai finis par la faire de moi-même.

    On ne m’a pas appris à gérer les veuves ou les orphe­lines.

    La notion de phrase : On m’a appris la majus­cule en début de phrase

    Autres

    On m’a appris le souli­gné, on m’a donné très tardi­ve­ment la signi­fi­ca­tion de l’ita­lique mais jamais du gras. On ne m’a par contre jamais donné les armes pour faire de l’écri­ture clavier avec un usage élégant entre les guille­mets et l’ita­lique plutôt que le gras et le souli­gné.

    De manière géné­rale on ne m’a jamais appris à vrai­ment utili­ser le clavier ou que l’in­for­ma­tique permet plus que le simple ASCII : majus­cules accen­tuées, cadra­tins, espace insé­cable, espace fine, apos­trophe et guille­met typo­gra­phique, et encore moins les traits d’union et traits de césure expli­cite ou la césure option­nelle. On ne m’a globa­le­ment pas appris l’in­for­ma­tique du tout en fait, que ce soit clavier ou trai­te­ment de texte – je ne parle même pas de choix des fontes. Ça peut expliquer aussi le faible niveau typo­gra­phique des échanges élec­tro­niques actuels.

    Je regrette aussi qu’on ne m’ait pas ensei­gné les ques­tions typo­gra­phiques en tant que tel, peut-être rien que pour me dire que la typo­gra­phie est diffé­rente dans d’autres langues.

    Clai­re­ment, dans tous les cas, personne n’avait même abordé le terme de typo­gra­phie. À l’heure où on parle de la perti­nence d’en­sei­gner l’écri­ture à la main, c’est surpre­nant.

    Et vous ?

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-SA par Relly Annett-Baker

  • Écri­ture digi­tale

    Écri­ture digi­tale

    Ça gonfle, ça enfle, et ça commence à dire n’im­porte quoi dans la presse.

    Non, on ne va pas arrê­ter l’en­sei­gne­ment de l’écri­ture à nos chéru­bins pour leur impo­ser d’uti­li­ser un clavier dès le primaire. Ni en France, ni aux États Unis, ni en Finlande.

    Ce dont on parle dans ces deux derniers pays c’est d’ar­rê­ter l’en­sei­gne­ment obli­ga­toire dans le tronc commun de la calli­gra­phie cursive – les écri­tures dites liées ou atta­chées. En paral­lèle on parle aussi d’in­tro­duire les claviers dans les ensei­gne­ments, mais dans aucun des cas il n’a été ques­tion de rempla­cer l’un par l’autre : On conti­nuera l’en­sei­gne­ment de l’écri­ture à la main. Ce sera juste poten­tiel­le­ment du script – carac­tères d’im­pri­me­rie, lettres bâtons.

    En fait c’est même déjà le cas en Finlande, ma femme ayant vu arri­ver dans sa classe une petite fille nordique qui n’avait jusqu’a­lors appris que le script – et qui donc était tota­le­ment inca­pable au début de relire ce qui était écrit en cursif au tableau, dont juste­ment l’en­sei­gne­ment est obli­ga­toire en France. Il semble qu’au États Unis le niveau fédé­ral auto­rise désor­mais les États internes à prendre le même chemin s’ils le souhaitent.

    Dans tous les cas on parle de ne plus rendre obli­ga­toire, pas d’in­ter­dire. Mieux : Dans le cas des États-Unis on parle de permettre de ne plus rendre obli­ga­toire. Plus souple tu meurs.

    * * *

    Quelques images pour se convaincre, s’il le fallait encore, que l’écri­ture cursive n’est rien d’autre qu’une commo­dité pour soi, un frein à la commu­ni­ca­tion et un moyen de sélec­tion pour l’école. S’il est bien préfé­rable d’écrire encore en script, il est aussi indis­pen­sable de commen­cer à apprendre à écrire avec un clavier, réel ou virtuel, et de se prépa­rer pour de bon à d’autres modes de saisie, y compris oraux. Histoire de mieux s’at­ta­cher enfin au fond de ce que l’on écrit et aux enjeux de la publi­ca­tion…
    — Michel Guillou, « qui se plain­dra de la fin de l’écri­ture cursive ?« 

    Il faut dire qu’on lit – et écrit – désor­mais très majo­ri­tai­re­ment de l’im­primé papier ou l’élec­tro­nique. Les mots échan­gés avec une belles calli­gra­phie liée se font plus rares. Les cartes postales, les mots sur le frigo et les ordon­nances médi­cales sont peut être aujourd’­hui les usages majo­ri­taires restants.

    Même pour les formu­laires ou pour les post-its, je vois fréquem­ment des écri­tures scriptes pour éviter des ennuis de relec­ture – quasi­ment à chaque fois sur des noms de personne, de ville ou de rue – ou simple­ment par honte du style de calli­gra­phie cursive. Même ceux qui conti­nuent à écrire en cursif y importent géné­ra­le­ment les majus­cules d’im­pri­me­ries, parfois même certaines minus­cules comme le v.

    Qu’en sera-t-il dans 20 ans quand nos enfants seront à notre place ?

    Est-ce donc vrai­ment perti­nent main­te­nir l’ap­pren­tis­sage de deux calli­gra­phies distinctes, si la cursive est à la fois peu fréquente, complexe à écrire et diffi­cile à relire ? Il y a l’avan­tage de la vitesse d’écri­ture face à l’écri­ture manuelle scripte, mais si les textes longs finissent de toutes façons sur clavier…

    Ça me rappelle l’usage des stylos plumes en primaire, avec les doigts et cahiers plein d’encre et les cartouches vides. Il y aura toujours des gens qui leur trou­ve­ront mille avan­tages pour l’ap­pren­tis­sage de l’écri­ture, mais je me rappelle encore mon père me deman­der « pourquoi tu utilises encore un stylo plume ? nous on a utilisé des stylos à billes dès qu’on a pu » comme si l’évo­lu­tion avait subi une régres­sion incom­pré­hen­sible.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-SA par i k o

  • Ensei­gnants gratuits, promo­tion excep­tion­nelle

    Ensei­gnants gratuits, promo­tion excep­tion­nelle

    J’en­tends encore autour de moi les gens râler sur ces ensei­gnants trop payés, qui font toujours grève et qui sont toujours en vacances. Je rage parce que pas un n’ac­cep­te­rait les condi­tions de travail des profes­seurs des écoles.

    Sans salaire depuis la rentrée, des ensei­gnants reçoivent des bons alimen­taires

    Ce n’est que le titre de l’ar­ticle de presse, mais le contenu ne vient nulle­ment modé­rer le sens initial. Après deux mois sans salaire, on leur fait même l’in­sulte de leur donner des bons alimen­taires. Et encore, c’est au profes­seur de s’hu­mi­lier à quéman­der pour les obte­nir.

    Ils ont réussi le concours, sortent d’un diplôme BAC+5 – oui, il faut avoir un master pour ensei­gner désor­mais – souvent jeunes diplô­més donc sans le sou. Vous en connais­sez beau­coup qui dans ces condi­tions conti­nue­raient à travailler après plus de deux mois sans salaire sur un nouveau job ? Vous le feriez ?

    Même quand tout fonc­tionne, le salaire n’est jamais versé à plein le ou les premiers mois. C’est dans le proces­sus « normal » de l’édu­ca­tion natio­nal : Le profes­seur reçoit un simple acompte, et le solde au mieux fin octobre.

    Quant aux congés ou aux horaires soit-disant tranquilles, je vous laisse lire la petite histoire de septembre dernier – lisez-la, vrai­ment. Oh, et le sala­rié trop payé n’est en réalité payé que 2000 € bruts par mois (envi­ron 1550 € net), pour un BAC +5 une fois le concours en poche. Quant à la sécu­rité de l’em­ploi, 13 ans d’exer­cice avec une bonne nota­tion ne garan­tit pas une place de titu­laire.

    Pensez-y avant de vous moquer de la prochaine grève qui parle de mauvaises condi­tions de travail.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-ND par Jeyheich

  • Des congés d’ins­tit

    Des congés d’ins­tit

    Je m’étais promis de faire ce billet un jour mais avec la rentrée je vois à chaque fois ma femme se faire bouillir quand elle entend « oh, les instits ils font la rentrée mais ils ne travaillent pas beau­coup quand même » (ou autres variantes simi­laires).

    Alors je sais que chacun est diffé­rent mais je vais prendre un exemple que je connais bien :

    L’an­née dernière elle était la plupart des jours à l’école avant 7h. Là, même si elle n’em­bauche qu’à 8h45, elle prépare ses cours du jour, fait des correc­tions, gère l’em­mer­de­ment quoti­dien admi­nis­tra­tif ou tech­nique, arrange les plan­nings, etc.

    Le soir elle partait un peu avant 18h. Entre la fin des cours et le départ ce n’est pas de la garde­rie mais des correc­tions, le range­ment de la salle, et… la discus­sion avec les parents ou sa collègue (elle fait deux mi-temps, donc il y a une collègue avec qui se synchro­ni­ser pour les deux classes).

    Le midi… vous avez compris : En gros ça bosse aussi une majeure partie du temps, au moins pour faire la police et gérer les bobos des élèves (parce que même si on n’est pas de garde, on ne laisse pas les enfants pleu­rer dans un coin en disant « je suis perché »).

    Le week-end ou le soir à la maison, devi­nez quoi : Le travail est loin d’être rare, pour prépa­rer les acti­vi­tés ou adap­ter un cours. Il faut dire que l’ex­cep­tion­nel est régu­lier. Ça tourne entre les réunions parent-instit trimes­trielles (non seule­ment ça prend du temps, mais en plus ça se prépare en amont), les livrets en fin de trimestre, et les diverses fêtes d’école, sorties et anima­tion. Parfois elle avait moins de temps libre que moi qui suis cadre de direc­tion sans horaires.

    Vous allez me dire qu’il reste les vacances ? et bien non. Parce qu’un cours ça se prépare, ça se créé. On ne se contente pas de prendre le livre et de le suivre. Quand il s’agit de nouveaux niveaux et qu’on fait les choses biens, on peut passer faci­le­ment 1h de concep­tion pour pour 2h de cours. Là elle avait deux mi-temps, dont un avec un double niveau. Bref, trois niveaux à prépa­rer. Cet été elle n’a pas eu plus de congés « ne rien faire » que moi.

    Bien entendu tout ça n’est pas décompté en heures supplé­men­taires, c’est « inclus dans le forfait ».

    Oui, tout dépend de chacun, et un vieil instit qui a ses cours faits depuis des années épargne proba­ble­ment du temps, un instit qui salope son travail et se moque des élèves aussi (heureu­se­ment ils sont proba­ble­ment plus rares qu’on ne veut bien le dire), mais la plupart des gens qui crachent sur les vacances des instit font proba­ble­ment bien moins d’heures de travail à l’an­née. Pensez-y la prochaine fois.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-ND par Jeyheich

  • Encou­ra­ger à copier, toute une éduca­tion

    Je rêve d’une école où on encou­rage les élèves à copier, à échan­ger leurs résul­tats et à colla­bo­rer. Est-ce qu’un élève qui a un besoin régu­lier d’un coup de pouce mérite vrai­ment une mauvaise évalua­tion si en groupe il arrive non seule­ment au même résul­tat mais enri­chit le groupe ?

    Il y a quelques temps je parlais de l’uti­li­sa­tion des docu­ments et des ressources numé­riques – pas pour faire des cours modernes, mais réel­le­ment en travail et en évalua­tion. Je crois que tout ça rejoint la même idée. On forme l’in­di­vi­duel alors qu’on devrait former une géné­ra­tion qui sache colla­bo­rer en société pour arri­ver à quelque chose.

    Tiens, pour ceux qui ont du temps : L’école à bout de souffle, vidéo d’une heure.

  • 42 pour une seule école ? ça fait 41 de trop

    Bon, une nouvelle école. Quelques réac­tions :

    J’ap­pré­cie l’ou­ver­ture sans trop faire atten­tion à l’âge. Les forma­tions privées sont trop souvent atta­chées au cursus avec l’obli­ga­tion d’en­chaî­ner sans s’ar­rê­ter sous peine de devoir passer dans les forma­tions conti­nues spéci­fiques pour.

    J’ap­pré­cie aussi l’hon­nê­teté de faire une vraie sélec­tion, sur l’été pour lais­ser les élèves avoir une porte de sortie avec la fac. Le fait de croire dans une forma­tion de déve­lop­peur et pas que dans des chefs de projets / ingé­nieurs, ça me fait aussi plai­sir : Il faut recré­di­bi­li­ser ces postes si on veut avoir des gens compé­tents.

    Tech­ni­cien expert, C++

    On y forme des tech­ni­ciens, dans la pure lignée Epita / Epitech. Que ce soit un ancien Epitech qui reprenne la chose n’est pas anodin. Ce n’est ni un plus ni un moins, juste diffé­rent de beau­coup de forma­tions actuelles. Je conti­nue à voir une vraie diffé­rence entre ceux qui sont formés avec une orien­ta­tion « ingé­nieur » et ceux qui sont formés avec une orien­ta­tion « tech­ni­cien expert ».

    Une école de plus avec de réels tech­ni­ciens infor­ma­tiques très poin­tus, ok, pourquoi pas, voyons plus loin.

    On ne cède pas à la mode. Tout s’ap­prend par C++ dès la première année. C’est la langue obli­gée qui sert de base pour le reste si je lis bien le programme. Je dirais que ça ne fait pas de mal, que les déve­lop­peurs bas niveau sont trop peu nombreux, mais je ques­tionne la perti­nence de voir le modèle objet par le prisme de C++.

    Peu de web

    Par la suite il y a de nombreuses sections pour C# et les tech­no­lo­gies Micro­soft, quelques sections Java, mais pour le reste on repas­sera : 3 crédits pour apprendre toutes les tech­no­lo­gies web (Javas­cript, PHP, HTML, XML, etc.) et 3 autres pour apprendre en même temps les frame­works web et le e-commerce (Rails, Zend, Ruby, le e-commerce, les cms, les IHM web, et même l’er­go­no­mie web), ça fait fran­che­ment chiche, même pour un simple survol Si j’étais méchant je dirai qu’on comprend mieux le pourquoi des inter­faces de Free.

    Peut être est-ce parce que c’est mon domaine et que j’y attache de l’im­por­tance, mais le web me semble l’objet tech­no­lo­gique majeur de ces dernières années. Bref, pour moi c’est étrange d’y consa­crer si peu. Je ne vois pas les gens apprendre Javas­cript, PHP, HTML5, Zend Frame­work, Ruby et Rails comme ça d’un coup.

    Quelques points datés

    Je conti­nue à tiquer sur GANTT, UML, Merise, ITIL. Je peux le comprendre dans certaines forma­tions. J’ai plus de mal dans une nouvelle forma­tion de zéro, et surtout dans celle là qui est très orien­tée pratique / tech­nique / déve­lop­pe­ment.

    À l’in­verse, pour une forma­tion axée sur le projet et la mise en pratique, parler de méthodes agiles en dernière année ça me semble un peu du gâchis.

    Point global sur le programme

    Bon, mais fina­le­ment tout ce qui précède reste assez cohé­rent. On forme des tech­ni­ciens experts, plutôt bas niveau, dont le haut du panier saura proba­ble­ment inter­ve­nir partout avec aisance et compé­tence.

    Tout juste le programme laisse-t-il appa­raître beau­coup de noms de tech­no­lo­gies et j’au­rais aimé y voir plus d’al­go­rith­mie ou de théo­rie, mais il est tout à fait possible que ce soit abordé à l’oc­ca­sion des projets.

    Je ne vais pas dire que c’est ce que j’au­rais choisi en créant une forma­tion, mais ça ne me semble pas méri­ter toutes les critiques que j’ai vues.

    Enro­bage marke­ting

    Non, moi ce qui me fait prendre de la distance c’est l’en­ro­bage. Ça pue le mauvais marke­ting au point que ça en est néga­tif. J’ai l’im­pres­sion de retrou­ver l’EPITA en 97 : tutoie­ment, on met en avant la créa­tion de virus, une épreuve de sélec­tion « ultime et redou­table » (qui élimine 2/3 à 3/4 des candi­dats, donc bien moins que la plupart des concours ou proces­sus de sélec­tion, dans l’édu­ca­tif ou non), le but est plus d’en mettre plein les yeux que d’ap­pa­raître sérieux.

    On retrouve aussi cet enro­bage dans le super marke­ting « pas de diplôme, l’im­por­tant ce sont les compé­tences ». Sauf que le diplôme en France c’est essen­tiel­le­ment un certi­fi­cat indiquant que tu as suivi une certaine forma­tion. Au lieu d’in­diquer « diplôme de master à xxxx » les élèves indique­ront « suivi forma­tion complète à xxx ». S’ils ne le font pas c’est mauvais signe pour la répu­ta­tion de la forma­tion en ques­tion.

    Pas de diplôme

    Au final ça ne chan­gera donc rien. Ou plutôt si, ça rendra impos­sible certains emplois publics ou diffi­cile certaines embauches à l’étran­ger, ça sera irréa­liste d’en­chaî­ner sur d’autres études supé­rieures comme la recherche ou un MBA en gestion/commerce pour la double compé­tence, et ça empê­chera les échanges par équi­va­lence de diplôme/compé­tence en Europe.

    Je note d’ailleurs que le parcours du DG[*] avec un MBA à HEC ne peut proba­ble­ment pas être fait dans cette nouvelle école (sauf à reprendre de zéro la prépa HEC) juste­ment à cause du manque de diplôme. Faites ce que je dis, pas ce que je fais. Tout ça pour quoi, un effet de manche marke­ting ?

    En fait là aussi ça me fait beau­coup penser à l’EPITA qui à l’époque se défen­dait de trou­ver un inté­rêt à avoir un diplôme reconnu par la CTI mais qui tentait régu­liè­re­ment de la demande (et se fera reje­ter jusqu’en 2007).

    Je me dis que l’ab­sence de diplôme en sortie est proba­ble­ment dû à l’ab­sence de pré-requis du bac en entrée (ça empêche proba­ble­ment de faire recon­naître le niveau ensuite par l’État) mais ça aurait été plus honnête de l’ex­pri­mer ainsi.

    [*] D’ailleurs, c’est moi ou il y a un couac ? Dans son profil Linke­din le DG en ques­tion est ingé­nieur EPITA depuis 92 alors que cette dernière ne délivre de diplôme reconnu que depuis 2007. Même chose pour la préci­sion du master EPITECH 2005 alors que l’école n’est habi­li­tée que depuis 2007. Pire, parce que là il indique une forma­tion entre 1999 et 2005 alors qu’il a fondé l’école et en était le DG à ce moment là (ça me parait un peu incom­pa­tible avec l’idée d’en sortir diplômé pour moi). On voit qu’ef­fec­ti­ve­ment tout n’est pas clair côté diplômes, et ça n’ins­pire pas confiance (Je me souviens un peu trop de l’am­bi­guité entre­te­nue concer­nant le titre ingé­nieur à l’EPITA avant qu’ils n’ob­tiennent l’ha­bi­li­ta­tion).

    Forma­tion

    Je retrouve encore EPITA dans l’idée qu’ils forment des archi­tectes tech­niques, des chefs de projets et des experts. J’ai bien parlé de tech­ni­cien expert plus haut, mais c’est plus pour faire la diffé­rence avec nombre de forma­tions de tech­ni­ciens basiques. Il reste que faire miroi­ter qu’être archi­tecte ou expert en sortie d’école c’est trom­per les élèves. À mon époque certains EPITA croyaient valoir deux fois le salaire d’em­bauche moyen telle­ment on leur montait la tête à ce niveau (je parle d’EPITA mais ce n’étaient pas les seuls).

    Et là où je bip c’est quand je vois parler d’école peer-to-peer. Outre le mot clef marke­ting pour les élèves en manque, ça me rappelle ce que j’ai vu dans d’autres orga­nismes de forma­tion où ce sont les élèves qui donnent les cours aux autres élèves. Ça peut fonc­tion­ner, mais ça a aussi de graves manques. C’est aussi juste infai­sable au départ.

    Si on ajoute que monter une promo de 1000 élèves en une seule année est quasi­ment infai­sable en arri­vant à une bonne qualité de forma­tion, j’ai tendance à croire que les cinq premières promo passe­ront à la trappe et qu’on s’en moque.

    Epita / Epitech / 42

    Au final voilà juste une EPITA / EPITECH de plus, fondée par la même personne, avec la même orien­ta­tion de tech­ni­cien expert, la même philo­so­phie vis à vis des diplôme (affir­mer que c’est inutile jusqu’à enfin réus­sir à avoir l’ha­bi­li­ta­tion), le même danger sur la forma­tion en partie assu­rée par les élèves. Faire des écoles en série ne m’ins­pire pas tant confiance que ça. La forma­tion n’est cepen­dant pas aussi critiquable que ne le laissent entendre quelques geeks.

    Côté résul­tat, comme les EPITA / EPITECH, il peut en sortir du mauvais comme du bon. Et comme dans les deux autres, il en sortira proba­ble­ment quelques-uns de très bons, comme une masse qui n’est pas excep­tion­nelle pour autant. Bref, comme partout : La valeur des gens dépend plus des gens que de la forma­tion.

    Vus le système, la promo immense et le côté marke­ting un peu forcé, je conseille tout de même au moins de ne pas faire partie des premières promos qui risquent de payer les pots cassés.