Je peine toujours avec les yeux. C’est généralement le point qui m’intéresse le plus mais la complexité du regard semble inatteignable pour mon objectif.
Auteur/autrice : Éric
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[Photo] Horizon
C’est assez contradictoire. D’un côté je cherche à capturer quelque chose de propre à la modèle ou à l’ambiance lors de la prise de vue. Lors des allers-retours, l’avis de la personne compte beaucoup pour moi, et elle le fait en fonction de sa propre image et de son propre ressenti.
En même temps je continue à choisir les photos que je publie en fonction de mon état d’esprit au moment de la publication. Il m’arrive même fréquemment d’en modifier le traitement lors de cette étape, quitte à en changer significativement la lecture.
Ce ne sont plus les photos de la modèle, et pas non plus totalement les miennes. Il y a probablement un peu des deux, à des niveaux divers suivant les images, comme un mélange de couleurs à partir duquel qu’il serait vain de tenter de retrouver les différentes composantes d’origine.
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[Photo] Personnel
Les photos « Marque personnelle » et « Objet personnel » de la séance « Un nouveau pas » se trouve désormais sur le site dédié Rapport au corps
Impossible de manquer un pendentif que la modèle ne retire pas d’elle-même. La photo prend immédiatement un tour particulièrement personnel. Il en va de même des tatouages et cicatrices.
Même sans marques personnelles, la gorge et les mains ont une connotation particulière. Même les yeux et les portraits serrés ne donnent pas ce ressenti. On montre à tout le monde un portrait, même très joli et très expressif il peut être passe-partout, anonyme. Les poignets et les mains appartiennent à quelqu’un.
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[Photo] Vers l’avant
La photo « Vers l’avant » de la séance « Un nouveau pas » se trouve désormais sur le site dédié Rapport au corps
J’ai déjà parlé de retourner les photos mais je me rends compte que j’ai pris l’essentiel de la séance dans une ambiance grise avec une lecture de droite à gauche. En publiant je les mets en miroir pour les voir vers l’avant, avec plus de blanc et de lumière dans le fond.
On dit souvent qu’un regard vers la gauche est un sentiment négatif alors qu’un regard vers la droite permet d’aller de l’avant. Question d’état d’esprit sur le moment ?
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[Photo] Couleurs
Les photos « Confiance » et « Monochrome » de la séance « Un nouveau pas » se trouve désormais sur le site dédié Rapport au corps
Je continue à hésiter entre couleur et noir et blanc sur certaines images. Ce n’est pas simplement de l’indécision sur une option mais que vraiment ce que je ressens sur chacun est différent. Difficile pour autant de proposer deux versions de la même image sans que les gens ne les regardent ensemble et comparent.
Quasiment toujours je publie en monochrome. Exceptionnellement je publie aussi la couleur. Vous me dites ce que ça évoque pour vous comme différence ?
Intéressant aussi pour faire suite à celle d’il y a deux jours, je l’ai retournée aussi. Prise au départ j’avais un sentiment d’introspection. Ici on regarde plus vers l’avant, même si on reste dans les pensées. La force du sens de lecture.
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[Photo] Serrée
La photo « Confiance » de la séance « Un nouveau pas » se trouve désormais sur le site dédié Rapport au corps
Je ne me lasse jamais des portraits serrés. On me dit que la règle est de ne jamais couper le menton mais je persiste à vouloir cet effet. Ai-je tort ?
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[Photo] Retournée
La photo « Confiance » de la séance « Un nouveau pas » se trouve désormais sur le site dédié Rapport au corps
Mes rendus ne ressemblent pas à ce qui sort du boitier. Je m’autorise à retravailler mes photos comme une matière première.
Je peux prendre une photo, corriger une mèche de cheveux, changer totalement le cadrage et même recréer une partie de décor inexistante dans la photo d’origine pour ajouter un peu d’air sur le côté. Ma seule limite est de ne pas trahir la modèle, qui elle est.
Parfois j’ai envie de retourner le sens de lecture d’une photo, comme dans un miroir. Sauf à y faire attention, même les proches ne remarquent généralement pas ces retournements.
Je garde pourtant une gêne à chaque fois que je revois ces photos. J’ai beau me dire que c’est « parce que je sais », je garde rarement ces images dans ma sélection. Celle-ci est peut être une exception.
Parfois les tiers ressentent aussi cette même gêne une fois que je leur révèle la tricherie, même s’ils le connaissaient pas la modèle au départ. Je trouve la question diablement intéressante. Qu’en est-il pour vous ?
Sans comparer avec une autre de la même série, sauriez-vous même dire si j’ai effectivement retourné cette photo ou si j’ai bluffé pour l’exercice ?
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[Photo] Confiance
La photo « Confiance » de la séance « Un nouveau pas » se trouve désormais sur le site dédié Rapport au corps
J’ai l’impression d’employer des grands mots mais quelque part j’aime bien la rencontre et la confiance qui se pose lors des séances. On se retrouve souvent à discuter en se livrant un peu plus que d’ordinaire. Même quand nous nous connaissions avant, les sujets sont plus personnels ensuite, plus ouverts.
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Dis tonton, c’est quoi un développeur ?
C’est quelqu’un qui rédige les spécifications détaillées en langage machine d’une solution à un problème. (*)
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Corolaires :
- Prétendre faire coder un développeur sans lui permettre de comprendre ce qu’il fait n’a aucun sens
- Un cycle de travail ou un chef de projet prétend concevoir les spécifications détaillées en amont du développeur est au mieux dramatiquement inefficace
- Quand on étudie tous les détails de tous les cas, on rencontre de nouveaux problèmes et de nouvelles solutions, ne pas s’autoriser à changer les décisions pendant la phase de développement c’est être perdant à tous les coups
(*) Merci à celui qui m’a distillé cette définition, je ne sais plus d’où elle vient mais elle remplacera agréablement ma précédente.
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Effort, mérite, œuvre et copie
Je suis toujours abasourdi par notre rapport aux copies.
Imaginez-vous un musée qui présente uniquement des copies des plus grands peintres ? Ça ferait un joli scandale.
Aucune raison rationnelle derrière cela. Nous savons faire des copies de tableau tellement parfaites que seuls quelques experts au monde accompagnés d’examens techniques complexes pour révéler le statut de copie. L’expérience du visiteur, sa découverte de l’œuvre ou de l’auteur seraient strictement les mêmes.
La copie est tellement signe d’infamie que rien ne peut être positif ensuite. Tout ceci n’a aucun sens.
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Il y a peu on s’est rendu compte qu’un artiste photographe marocain a plagié l’essentiel de ses photos primées sur un tiers. Scandale ! Tricherie ! Escroquerie !
Avec du recul, je me pose d’autres questions.
On peut bien évidemment exiger que les prix et textes soient modifiés pour faire ressortir qu’il s’agit de compositions copiées à partir d’un autre auteur. Ce serait plus honnête. On peut même aller considérer qu’elles ont deux auteurs, si tant est qu’on considère qu’en photo l’idée est plus importante que la réalisation.
À honnêteté honnêteté et demie : Les juges auraient-ils osé primer ces mêmes photos s’il y avait eu une telle mention dès le début ? La question est purement rhétorique et la réponse est sans nul doute négative.
On prétend juger l’œuvre mais on tente de juger l’effort et le mérite, voire la qualité de la personne. S’il y a tromperie, c’est aussi là. Si vous réalisez quelque chose d’excellent en nécessitant moins d’effort ou de réflexion que d’autres, est-ce moins excellent pour autant ?
Du coup ça me gêne. Pas parce que je défends la malhonnêteté du copieur qui s’est fait passé comme seul auteur, mais parce que ça met aussi en valeur que le système est largement aussi biaisé à la base.
Le droit d’auteur moderne a rendu le concept de copie totalement tabou. Ça ne dessert personne, et certainement pas la création. Il est vraiment temps de décomplexer notre rapport à la copie et à la réutilisation d’œuvres. Copier c’est bien, faites-le plus souvent.