Auteur/autrice : Éric

  • Des règles et des délais trop courts

    Une respon­sable contourne volon­tai­re­ment les procé­dures de dépense d’argent public. Ce n’est pas une erreur, c’est une faute : Elle le fait malgré les alertes d’au moins un de ses direc­teurs, puis ajoute d’autres irré­gu­la­ri­tés pour solder le précé­dent contour­ne­ment.

    Bref, elle dépense et contrôle un orga­nisme public en s’af­fran­chis­sant volon­tai­re­ment du mandat et des règles qu’on lui a donné.

    Ce n’est *pas* le water­gate mais ça me semble gênant pour quelqu’un a qu’on place désor­mais en posi­tion de ministre. Parce que ça concerne sa fonc­tion et son acti­vité publique, ça me semble plus gênant que ce qui a justi­fié la mise à l’écart récente de Richard Ferrand.

    Si cette affaire allait jusqu’à une condam­na­tion, l’ap­pli­ca­tion pure et dure du programme de LREM rendrait notre ministre inéli­gible. Voilà à quel point c’est sérieux.

    Je trouve très gênant qu’en France on s’ha­bi­tue telle­ment aux entorses publiques que tout beau­coup se résignent à l’ac­cep­ter, parce qu’il y a pire.

    * * *

    Ajou­tons que cet argent a servi à une opéra­tion de commu­ni­ca­tion dispro­por­tion­née, dans le milieu star­tup/entre­pre­neur tech.

    Le porte-parole du gouver­ne­ment a offi­ciel­le­ment demandé à la presse de ne pas affai­blir cette respon­sable désor­mais deve­nue ministre. Rien que ça est un scan­dale mais, depuis, la presse a montré l’opé­ra­tion a été pilo­tée en partie direc­te­ment par le cabi­net du ministre de l’éco­no­mie de l’époque, désor­mais président. C’était peu avant le début de sa campagne prési­den­tielle fondée en grande partie sur le soutien de ce milieu entre­pre­neur.

    Je ne sous-entends pas un grand-complot, juste un trop grande perméa­bi­lité et une mauvaise hiérar­chie entre le mandat public et la personne qui l’oc­cupe. Ce n’est pas le scan­dale du siècle, mais juste grave pour un respon­sable public.

    * * *

    Et non, tout ça ça ne peut pas être justi­fié par les délais trop courts.

    Pour ceux qui ne savent pas, il y a des procé­dures pour écour­ter voire sauter les appels d’offre quand une situa­tion urgente le néces­site. Ce ne sont pas les procé­dures qui ont été employées.

    Il aurait été ridi­cule de justi­fier en quoi orga­ni­ser une saute­rie pro-star­tup était suffi­sam­ment impor­tant pour légi­ti­mer une procé­dure d’ur­gence, mais au moins ça aurait été plus cohé­rent avec le discours.

    Nous n’avons pas eu une procé­dure écour­tée de façon trans­pa­rente faute d’avoir les délais. Là tout le monde a nié avoir su, nié être impliqué, jusqu’à ce que la presse publie des extraits d’email qui démontrent le contraire.

    L’ur­gence semble d’au­tant moins justi­fiable qu’à défaut d’avoir les délais, on aurait pu réduire les préten­tions à moins des 200 000 € qui justi­fient un appel d’offre public. Ça aurait été d’au­tant plus perti­nent que l’évé­ne­ment et son coût ont ensuite été décrits comme tota­le­ment dispro­por­tion­nés.

    Tout ça est un choix, un choix de croire que la loi n’est là que pour embê­ter ceux qui décident et qu’on peut s’en passer, un choix de ne pas s’em­bê­ter avec les règles que le citoyen a imposé à ceux qu’il nomme aux postes de respon­sa­bi­lité publics, un choix de ne même pas essayer.

    * * *

    Je n’at­tends pas des ministres parfaits et sans erreur passée. Ce sont des gens comme tout le monde, et je ne connais personne de parfait.

    Main­te­nant à un rôle de ce type, j’at­tends de l’hon­nê­teté dans les décla­ra­tions, un respect des règles, des précau­tions dans l’uti­li­sa­tion de l’argent public, et la capa­cité de résis­ter aux coups de force des diffé­rents cabi­nets. Visi­ble­ment on n’a rien de tout ça.

    À ceux qui pensent que ça ne justi­fient pas la démis­sion d’un ministre, j’en­cou­rage à regar­der ce qu’il se passe dans d’autres pays qui prennent les mandats publics et la démo­cra­tie au sérieux.

  • Ce n’est pas ce qui est en jeu en ce moment

    Je fatigue de voir les réformes du code du travail justi­fiées au nom de la complexité règle­men­taire. J’ai l’im­pres­sion qu’à force de le répé­ter depuis 10 ans, ça s’im­prime chez chacun comme une évidence, sans fonde­ment concret.

    Le code du travail est complexe. Oui. Proba­ble­ment.

    Il s’agit d’équi­li­brer un rapport de force qui ne l’est pas par nature, pour des métiers et des situa­tions très diffé­rentes les unes des autres. Oui c’est complexe, et poten­tiel­le­ment épais. L’es­sen­tiel du code lui-même tient d’ailleurs aux conven­tions collec­tives et aux diffé­rentes couches d’ex­cep­tions règle­men­taires, pas aux règle­ments aux-même.

    Je vous en prie, oubliez au moins les bêtises sur le poids ou l’aug­men­ta­tion du nombre de pages  du Dalloz. L’es­sen­tiel de l’aug­men­ta­tion au fur et à mesure des années n’est du ni au légis­la­tif ni au règle­men­taire, mais à la juris­pru­dence.

    De manière inté­res­sante, en augmen­tant la part négo­ciable au niveau des branches et surtout au niveau de l’en­tre­prise, on va juste­ment devoir démul­ti­plier la juris­pru­dence à venir. Autant dire qu’on travaille dans le mauvais sens si c’est ça la moti­va­tion.

    C’est du poin­tillisme règle­men­taire. Oui, mais ce n’est pas forcé­ment si mal.

    Nous avons des textes pour tout. Je suis certain qu’on doit trou­ver quelque part un texte qui défi­nit à quelle hauteur un sala­rié sans quali­fi­ca­tion peut monter sur une échelle, et à quelle condi­tion le baudrier devient obli­ga­toire.

    Ce n’est pas spéci­fique au code du travail. C’est tout notre droit qui est ainsi. Il doit aussi certai­ne­ment y avoir un texte qui défi­nit l’écar­te­ment maxi­mum entre les barreaux ou la résis­tance mini­male des maté­riaux en fonc­tion de la tempé­ra­ture.

    Les améri­cains sont à l’autre bout du spectre. Ils ont un droit assez court, avec des prin­cipes géné­raux, et une grande lati­tude au niveau des tribu­naux. L’es­sen­tiel se passe au niveau des juris­pru­dences.

    Les deux systèmes ont des avan­tages et des défauts. Un juriste saura proba­ble­ment mieux en faire une disser­ta­tion mais ça n’a en tout cas rien à voir avec le code du travail.

    Ce qui est certain c’est que notre droit ouvre une sécu­rité juri­dique bien plus forte. Certes on peut excep­tion­nel­le­ment outre­pas­ser un règle­ment sans le savoir mais c’est encore plus vrai si le règle­ment n’est qu’im­pli­cite.

    Au moins ici la limite est connue, codi­fiée. L’em­ployeur sait à l’avance s’il peut ou s’il ne peut pas, au lieu de se retrou­ver à argu­men­ter dans le subjec­tif en s’épau­lant de 20 juge­ments passés contra­dic­toires.

    Reti­rons la complexité inutile. Facile à dire.

    Je dis oui. Qui serait pour garder l’inu­tile ?

    Main­te­nant, même en restant entre gens construc­tifs je mets au défi de trou­ver si faci­le­ment ce qui est inutile. La plupart des règles ne sortent pas de nulle part. Elles sont toutes la consé­quence d’une situa­tion passée, où on a jugé qu’elles étaient néces­saires.

    Bref. Il y a certai­ne­ment du ménage à faire mais c’est un gros boulot de fond, sur une myriade de points de détail, à prendre un par un. Un travail qui néces­site de se rensei­gner sur l’his­toire de chacun de ces points pour comprendre la moti­va­tion à son origine, puis compa­rer à la situa­tion d’aujourd’­hui en s’ap­puyant sur les statis­tiques concer­nées, voire d’en comman­der à l’INSEE si elles n’existent pas.

    Ça va être long, et c’est une démarche tota­le­ment oppo­sée à la commu­ni­ca­tion actuelle du « allons vite et bouclons ça avant la fin de l’an­née ».

    La diffé­rence est d’ailleurs simple à faire. La complexité règle­men­taire est… règle­men­taire. Il n’y a pas besoin de loi ou d’ha­bi­li­ta­tion d’or­don­nances, pas besoin d’ac­cord entre les parte­naires sociaux. Il suffit de simples décrets.

    Si on parle de lois et d’ha­bi­li­ta­tions d’or­don­nances, c’est que ce n’est pas à ça qu’on touche. La complexité règle­men­taire est l’ex­cuse de façade.

    Simpli­fions le code du travail. Chiche.

    Sérieu­se­ment, chiche. Les indem­ni­tés de départ d’un sala­rié ? Il y a la règle géné­rale. Puis il y a la conven­tion collec­tive. Mais ça dépend géné­ra­le­ment du statut cadre, non-cadre, direc­tion. Mais certaines règles ne s’ac­tivent qu’à partir d’une certaine ancien­neté. Mais l’an­cien­neté prend parfois en compte les congés mala­die et parfois pas tota­le­ment. Et je suis certain que certaines conven­tions collec­tives ont des règles encore plus complexes.

    Bref, si on veut simpli­fier on peut déjà unifor­mi­ser, au moins sur ce qui n’est pas propre à un métier. Que les horaires de travail se gèrent diffé­rem­ment pour un boulan­ger et pour un employé de bureau, ça se conçoit. Qu’ils aient des règles de calcul diffé­rentes en fonc­tion de leur ancien­neté, c’est plus diffi­cile à moti­ver.

    Des règles claires et communes, et donc une juris­pru­dence elle-aussi plus lisible et plus faci­le­ment géné­ra­li­sa­ble… moi je suis pour. Le code sera plus léger et plus simple.

    Main­te­nant quand je regarde la dernière loi sur le travail ou ce qu’on prépare prochai­ne­ment, il n’y a aucune simpli­fi­ca­tion à l’ordre du jour. *Aucu­ne*. Le code géné­ral garde toute sa complexité, voire s’en voit ajou­ter. Par contre on veut enri­chir les cas parti­cu­liers, les capa­ci­tés de négo­cia­tion au niveau de la branche, puis celles au niveau de l’en­tre­prise.

    Chacun aura des règles diffé­rentes, dont les équi­libres seront à inter­pré­ter (surtout si on ne veut pas avoir de poin­tillisme règle­men­taire), avec le risque qu’un juge fasse primer une règle sur un autre le jour où il aura à tran­cher. La juris­pru­dence elle-même en sera complexi­fiée vu que les termes seront diffé­rents d’un texte à l’autre et qu’en plus l’ac­cord devra s’in­ter­pré­ter dans le contexte d’une entre­prise parti­cu­lière. Simpli­fier, vrai­ment ? des clous !

    Choix de société. Soyons honnêtes.

    Les futurs chan­ge­ments ne résolvent pas le poin­tillisme règle­men­taire. Ils ne simpli­fient pas la situa­tion juri­dique. Ils la complexi­fie­ront dras­tique­ment.

    Non, ce qui vient c’est d’une part une modi­fi­ca­tion de l’équi­libre au niveau du code de travail, et ensuite un chan­ge­ment de modèle sur la protec­tion des sala­riés.

    On peut être pour ou contre ces deux évolu­tions, mais soyons honnêtes et arrê­tons de nous cacher derrière les lieux communs du « code du travail trop lourd et trop complexe ». Que ce soit vrai ou pas, ce n’est pas ce qui est en jeu en ce moment.

    Ça permet­tra au moins d’abor­der le débat de fond, de savoir quelle société nous voulons, quels équi­libres nous souhai­tons. C’est bien de ça dont on parle, et certai­ne­ment pas de la complexité du code du travail.

  • Voiture écolo­gique ?

    Une voiture élec­trique c’est émis­sion zéro… mais en réalité on déplace surtout le problème au niveau de la produc­tion d’élec­tri­cité, qui elle n’est pas à zéro émis­sion.

    * * *

    En pure consom­ma­tion d’éner­gie produire l’élec­tri­cité à partir d’éner­gie fossile, la trans­por­ter, la stocker dans des batte­ries pour ensuite la renvoyer dans des moteurs c’est beau­coup de pertes.

    En même temps l’es­sence du véhi­cule ther­mique il faut aussi la trans­por­ter, et la perte est proba­ble­ment énorme là aussi. Je me doute aussi qu’une centrale ther­mique a une effi­ca­cité plus impor­tante qu’un petit moteur de voiture.

    Si on ajoute que la voiture ther­mique consomme beau­coup inuti­le­ment en ville là où au contraire l’élec­trique sait récu­pé­rer une partie de l’éner­gie lors des frei­na­ges… je suis inca­pable de savoir ce qui consomme le plus au final.

    * * *

    Ensuite vient la pollu­tion. Une maigre partie de la produc­tion élec­trique vient du renou­ve­lable. C’est peu mais ça fait une diffé­rence par rapport à l’ex­trac­tion puis le brûlage du pétrole ou du char­bon. J’ai aussi l’in­tui­tion que les centrales élec­triques à base de pétrole filtrent mieux certains rejets que les moteurs indi­vi­duels.

    De l’autre côté les batte­ries sont elles-mêmes très toxiques et pas recy­clées à l’heure actuelle. Si j’ajoute les déchets nucléaires dus à la produc­tion éner­gé­tique française, je ne sais plus vrai­ment faire le tri.

    * * *

    Je ne dois pas être le premier à me poser toutes ces ques­tions mais je manque diable­ment de chiffres. Quelqu’un a-t-il des liens ?

  • « Le don pour ça »

    Personne n’a « le don pour ça ». Tout est acquis, avec le temps, avec l’ex­pé­rience. Personne n’a « l’es­prit fait pour ça ». On a juste un vécu diffé­rent qui donne à notre esprit une expé­rience plus ou moins forte de certaines façons de penser ou certaines maitrises dans les gestes.

    Parfois ça vient de loin, dès l’en­fance ou la petite enfance. L’es­prit se forme en fonc­tion des besoins et des feed­backs, des oppor­tu­ni­tés et des tenta­tives.

    Quand on est jeune, « je n’ai pas le don » est une excuse pour dire « je n’ai pas envie de passer du temps à apprendre ». Plus vieux ça veut aussi dire « mon esprit est trop soli­di­fié sur d’autres appren­tis­sages, je n’ai plus la force, l’en­vie ou le temps de désap­prendre et recom­men­cer à zéro ».

    L’agi­lité mentale ne se dégrade pas aussi rapi­de­ment que l’on croit, c’est surtout qu’elle se spécia­lise. On apprend toujours, mais à partir de ce qu’on a déjà construit.

    Des fois je me dis qu’il est un peu tard pour moi sur beau­coup de choses, faute de temps ou de courage. En même temps à chaque fois qu’on se limite on se spécia­lise encore plus, rendant plus diffi­cile l’ap­pren­tis­sage suivant.

    Enfant on apprend très vite, l’es­prit n’a pas encore figé tout son mode de pensée. On peut en faire des petits génies et des virtuoses en les spécia­li­sant tôt sur n’im­porte quoi. Je plains ces enfants pour plus tard. J’en veux aux adultes qui se laissent embarquer là dedans sans voir ce que ça implique.

    Je vois par contre toute la néces­sité d’ou­vrir l’es­prit de mon fils sur le plus de choses possibles pour qu’il ait les portes ouvertes plus tard, pour qu’il ne s’en­ferme pas son esprit trop tôt sur une seule route.

  • Indém­nité de fin de mandat des dépu­tés

    On commence déjà à voir quelques amis d’an­ciens dépu­tés qui pleurent sur la préca­rité de leur fonc­tion et sur la dégres­si­vité de leurs indem­ni­tés après mandat.

    Les dépu­tés ont effec­ti­ve­ment des indem­ni­tés dégres­sives mais la première année elles sont à 100% puis 70% de leur indem­nité de base, là où un sala­rié est indem­nisé à 57% de son salaire moyen.

    Il suffit de faire petit tableau pour voir que le régime est outra­geu­se­ment avan­ta­geux.

    Comparé à un sala­rié, leur indem­nité est 75% plus élevée le premier semestre. Si on raisonne en cumulé, comparé à un sala­rié, ils y gagnent 14 500 € s’ils retrouvent un emploi au bout de six mois, 18 900 € s’ils le retrouvent au bout d’un an.

    L’avan­tage se réduit la seconde année mais reste de 10 700 € au mini­mum… avant de remon­ter jusqu’à 27  500 € à la fin des trois ans puisque le député est indem­nisé une année de plus que le sala­rié dans le cas géné­ral.

    À véri­fier mais je doute aussi qu’ils passent par Pôle Emploi et les obli­ga­tions/contrôles de recherche d’em­ploi. Ça n’a l’air de rien mais ceux qui sont passés par là compren­dront combien cette diffé­rence est fonda­men­tale.

    * * *

    Le régime parti­cu­lier n’est pas non plus scan­da­leux puisqu’il n’y a ni indem­ni­tés de licen­cie­ment ni prime de préca­rité.

    Les dépu­tés célèbres, ayant une acti­vité libé­rale ou venant du service public repren­dront une acti­vité immé­diate. Un député issu du privé qui n’ayant pas une célé­brité média­tique devra se mettre à recher­cher, et ne pourra pas forcé­ment valo­ri­ser ses cinq ans hors entre­prise.

    Bref, pas forcé­ment scan­da­leux mais j’ai­me­rais tout de même qu’on arrête de les plaindre, ou de les lais­ser se plaindre, parce que c’est un peu abusé quand même.

  • 228 ans après la prise de la Bastille

    228 ans après la prise de la Bastille, nous allons réins­tal­ler les lettres de cachet. Seule diffé­rence : on est empri­sonné chez soi.

    Je n’ai pas l’im­pres­sion que tout le monde mesure la gravité de l’as­si­gna­tion à rési­dence et de la perqui­si­tion admi­nis­tra­tive.

    Il suffit d’avoir des raisons de penser que, peut-être, dans le futur, vous pour­riez atten­ter à l’ordre public. Peut-être. Dans le futur. Autant dire que l’État fait ce qu’il veut, d’au­tant que la moti­va­tion peut être soute­nue par des notes blanches non signées auxquelles les juges font toute confiance à priori.

    On envi­sage aujourd’­hui de péren­ni­ser ces mesures dans le droit commun. (Media­partLe Monde)

    Ça serait inima­gi­nable dans la plupart des démo­cra­ties. Ça devrait l’être dans la nôtre, mais personne ne se lève.

    Pire : Si on en croit les sondages, on va voter en masse et donner une assem­blée quasi entiè­re­ment affi­liée aux promo­teurs de ce projet. Hallu­ci­nant.

    Sérieu­se­ment, elles sont où les mani­fes­ta­tions ? Ils sont où tous les édito­riaux incen­diaires dans la presse ? Et vous faites quoi, vous ? Je ne vous vois pas râler non plus, à défaut de mieux. Et moi que puis-je faire ?

    Je sais que la prési­den­tielle a créé un ras-le-bol poli­tique, mais on joue là nos liber­tés fonda­men­tales, et celles de nos enfants.

    Ce n’est pas théo­rique. Ce n’est pas que pour les grands méchants terro­ristes. Ces outils ont déjà été expli­ci­te­ment utili­sés pour muse­ler des mani­fes­tants, pour éloi­gner des repor­ters. Certes ce n’est pas un empri­son­ne­ment de masse, mais ce n’en est pas plus accep­table.

    Réveillez-vous. RÉVEILLONS-NOUS !

  • Votez infor­més

    Nous avons choisi une consti­tu­tion où le président ne contrôle pas le parle­ment, où les pouvoirs s’équi­librent. Il s’agit de voter en fonc­tion de ce qu’on croit, et pas simple­ment en fonc­tion du président.

    J’as­sume tota­le­ment avoir voté pour Emma­nuel Macron mais ça n’oblige pas à signer un chèque en blanc aux légis­la­tives.

    Le président aura la majo­rité à l’As­sem­blée. C’est joué d’avance. Par contre on peut faire en sorte qu’il y ait aussi d’autres voix qui soient enten­dues, qu’il y ait des compro­mis, de la modé­ra­tion.

    Quelques liens et cita­tions en vue d’un vote informé dimanche. Chacun fait ses choix, mais Nico­las Sarokzy en aurait même envi­sagé la moitié que tout le monde aurait été dans la rue.

  • Respect du plan­ning et du péri­mètre

    Je lis les fiches de poste, je discute. Visi­ble­ment ce que les DG attendent prin­ci­pa­le­ment de leur direc­tion tech­nique c’est d’avoir de la visi­bi­lité sur la road­map et de garan­tir les délais de réali­sa­tion.

    Ne tape­rait-on pas un tout petit peu à côté ?

    Quand ça commence comme ça j’ai l’im­pres­sion que le boulot prin­ci­pal va surtout être de faire évoluer la DG, ou de s’as­su­rer que jamais oh grand jamais elle ne soit déci­sion­naire sur l’opé­ra­tion­nel.

    * * *

    Ce n’est pas ce qui était prévu ? Ça a pris plus ou moins de temps que prévu ? Ça couvre un péri­mètre fonc­tion­nel plus ou moins impor­tant que prévu ?

    Et alors ?

    Tant que les équipes livrent des réponses adéquates à un rythme correct, le reste n’est même pas secon­daire, c’est juste sans objet.

    On aurait peut-être pu faire une meilleure prévi­sion, mais peut-être pas. Ce qui est certain c’est qu’il y a quarante-douze trucs à plus forte valeur ajou­tée que de faire comme c’était prévu.

    Je préfère l’adé­qua­tion au besoin à l’adé­qua­tion au plan. Je préfère parler péren­nité, adap­ta­bi­lité, coût, inves­tis­se­ment, dette tech­nique, qualité, exper­tise ou capi­ta­li­sa­tion que meilleures esti­ma­tions.

    Et si le besoin est lié à une date précise, alors on livrera quelque chose à la date précise, du mieux qu’on le peux pour les ressources allouées. Peut-être pas ce qui est prévu ou espéré, mais quelque chose d’utile et perti­nent.

    * * *

    Si vous avez des problèmes de respect du plan­ning, ne commen­cez à pas à cher­cher des chan­ge­ments dans les équipes opéra­tion­nelles. Envi­sa­gez d’abord de faire chan­ger le fonc­tion­ne­ment de la direc­tion. Souvent le problème se situe là.

  • Accès à la produc­tion dès le premier jour

    J’avais publié il y a quelques temps une liste de contrôle pour l’in­té­gra­tion des nouveaux déve­lop­peurs. Dans la liste le nouveau venu reçoit et installe son poste de travail, se connecte aux outils de commu­ni­ca­tion, mais voit aussi confi­gu­rés ses accès au code source, à la plate­forme d’in­té­gra­tion conti­nue, et à la produc­tion.

    Oui, à la produc­tion. Dès le premier jour. Et je veux qu’il l’uti­lise dans la semaine.

    Idéa­le­ment tout le monde n’en a pas besoin (*). Toute­fois, si la personne est amenée à en avoir besoin dans le cadre de son travail, c’est dès le premier jour qu’on donne tout ça.

    Il y a deux risques. Le premier risque c’est celui de la boulette. Le second c’est celui de la malver­sa­tion volon­taire :

    * L’an­cien­neté dans l’en­tre­prise n’in­flue pas tant que ça dans la proba­bi­lité de boulettes. C’est plutôt l’an­cien­neté dans l’usage des accès qui compte, et il faut bien commen­cer pour l’ac­qué­rir.

    La boulette elle s’évite par des outils et des pratiques. On prépare, on teste, on fait des revues croi­sées puis on auto­ma­tise. Dans tous les cas on disso­cie tota­le­ment le contexte de produc­tion de celui de déve­lop­pe­ment. Les proces­sus ne doivent pas permettre d’in­ter­ve­nir en produc­tion par erreur ou par inad­ver­tance.

    * L’an­cien­neté n’in­flue pas non plus tant que ça dans le risque de malver­sa­tion volon­taire. On ne sait si quelqu’un souhaite abuser de ces accès qu’une fois qu’il les a, et même géné­ra­le­ment bien après.

    Tout ce que je peux faire c’est ajou­ter des jour­naux pour chaque action, faire des backups, et limi­ter qui a accès aux données sensibles. Parti de là, soit je donne l’ac­cès en produc­tion soit je ne le donne pas. Quitte à enfon­cer les portes ouvertes et paraitre naïf : Vu les respon­sa­bi­li­tés que porte un déve­lop­peur, si je n’ai pas confiance en lui je ne le recrute pas à la base.

    * * *

    Tout le monde semble d’ac­cord pour dire que le problème est du côté de l’en­tre­prise, et que ça ne mérite donc pas licen­cie­ment (**).

    Cepen­dant, pour moi l’er­reur est au niveau des proces­sus et des outils, pas sur le fait d’avoir donné des accès de produc­tion à un nouveau venu. Une erreur de copier/coller dans la confi­gu­ra­tion de poste aurait pu arri­ver à n’im­porte qui, indé­pen­dam­ment de l’an­cien­neté dans la boite.

    Que font les mots de passe de prod dans un docu­ment d’ins­tal­la­tion, plus en évidence que ceux de test ? Que fait la base de données de produc­tion acces­sible en écri­ture direc­te­ment depuis les postes de déve­lop­pe­ment ?

    * * *

    Aparté : (*) En théo­rie tout le monde n’en a pas besoin.

    L’iso­le­ment de la produc­tion se fait au fur et à mesure de besoins et de la crois­sance des équipes. En pratique il y a géné­ra­le­ment une plate­forme d’in­té­gra­tion conti­nue et des déploie­ments auto­ma­ti­sés (c’est le mini­mum). Main­te­nant ces déploie­ments demandent encore souvent les accès SSH de produc­tion pour celui qui les lance. La plupart du temps les batch, scripts et évolu­tions de base de données se font encore en ligne de commande. Quand à opérer suite à un problème constaté en produc­tion, là c’est l’ar­ti­sa­nal total pour la grande partie des équipes.

    Bref, surtout dans des petites équipes auto­nomes qui gèrent elles-mêmes leur produc­tion – ce que je tente de mettre en place, – il est fréquent que tout le monde soit amené à utili­ser les accès en produc­tion. C’est encore plus vrai quand on ne souhaite pas mettre une hiérar­chie forte où tous les déploie­ments sont forcé­ment faits par le lead.

    Même quand toutes les actions sensibles sont réser­vées aux lead ou que l’au­to­ma­ti­sa­tion est bien pous­sée, il faut encore des gens pour gérer la produc­tion. Ça veut dire une rota­tion des astreintes sur suffi­sam­ment de personnes pour palier aux congés et absences des uns et des autres, mais aussi au départ d’un ou deux membres de l’équipe.

    Diffi­cile de donner les clefs à moins de quatre personnes. Selon moi ce serait une erreur plus grave que de donner les clefs à la huitaine de déve­lop­peurs de l’équipe.

    * * *

    Seconde aparté : (**) Virer un déve­lop­peur parce qu’il a fait une erreur de bonne foi, ça me parait incom­pré­hen­sible, et ça quelle que soit la gravité des consé­quences.

    D’une, si des erreurs sont faciles, c’est d’abord un problème de proces­sus. De deux, tout ce qu’on obtient c’est la peur : Pas de prise de risque et éven­tuel­le­ment des gens qui vont cacher les erreurs ou cher­cher des excuses.

    Ce que j’at­tends c’est au contraire qu’on les expose pour qu’elles ne soient pas repro­duites et qu’on trouve des solu­tions de sécu­ri­sa­tion. Pour ça il faut un climat de confiance, qu’on se foca­lise sur « comment éviter » plutôt que « qui a fait ».

    On licen­cie quand la personne pour incom­pé­tence, pour malveillance, pour non suivi conscient des règles et procé­dures ou pour négli­gence grave. Il faut vrai­ment des erreurs répé­tées et ce malgré des proces­sus assez sécu­ri­sés pour consi­dé­rer qu’on ne peut pas garder un colla­bo­ra­teur.

  • La fille et le taureau

     

    J’adore cette histoire parce qu’elle démontre merveilleu­se­ment qu’on peut voir tout et son contraire suivant le niveau d’in­for­ma­tion dont on dispose.

    Il faut dire que la statue est superbe.

    Elle s’ap­pelle « Fille sans peur » et est sous-titrée d’une plaque qui dit « Know the power of women in leader­ship. SHE makes a diffe­rence. »

    Clai­re­ment, quand un artiste ajoute une statue d’un petit chien en train d’uri­ner dessus, on y voit faci­le­ment un problème de sexisme. C’est encore plus vrai quand on sait qu’elle est placée devant une statue de taureau en charge, faci­le­ment symbole de force et de mascu­lin.

    Anti-fémi­nisme.
    C’est le premier niveau de lecture.

    Ajou­tez que l’au­teur du chien qui urine est aussi celui du taureau initial. La fillette y fait face. On y voit donc plutôt une vengeance ou une jalou­sie, et peut-être plutôt une histoire d’égo qu’une histoire de sexisme, même si l’un n’em­pêche pas l’autre.

    Bataille d’égo.
    Deuxième niveau de lecture.

    Le taureau est une statue pirate. Elle été reti­rée avant d’être auto­ri­sée par la mairie devant la pres­sion popu­laire, d’abord tempo­rai­re­ment avant de deve­nir un vrai symbole de la ville.

    La fillette vient d’un concours privé très offi­ciel… porté juste­ment par les multi­na­tio­nales à l’ori­gine du retrait initial du taureau.

    On entre là réel­le­ment dans l’op­po­si­tion de deux mondes, dans la guérilla urbaine. D’un coup on entre dans l’acte poli­tique plutôt que dans les réac­tions person­nelles néga­tives.

    Guérilla urbaine et acte poli­tique.
    Troi­sième niveau de lecture

     

    En réalité le taureau a été mis en place suite à un crash bour­sier. Il repré­sente la force du peuple face au finan­cier, et a été posi­tion­née dans le quar­tier des finances pour cela. C’est d’ailleurs le New York Stock Exchange qui l’a fait reti­rer à l’époque.

    La statue de la fillette a été comman­dée… par une corpo­ra­tion dans le cadre d’une opéra­tion de commu­ni­ca­tion autour de l’an­ni­ver­saire d’un index bour­sier.

    D’un coup la provo­ca­tion a changé de camp et le chien qui urine ressemble plus à un acte de résis­tance, voire de sauve­garde de l’es­prit initial.

    Le peuple contre les marchés finan­ciers.
    Quatrième niveau de lecture

     

    Vous vous souve­nez du « Know the power of women in leader­ship. SHE makes a diffé­rence » ? Le « SHE » en majus­cules n’est pas anodin. C’est le trigramme qui repré­sente l’in­dex bour­sier en ques­tion dans les cota­tions NASDAQ.

    La statue de départ qui repré­sente la force du peuple améri­cain est un pied de nez au milieu bour­sier suite à un crash des marchés. Désor­mais la fillette c’est la bourse qui se met avec une atti­tude de défi face au peuple améri­cain.

    Là ça frise l’in­sulte face à un symbole de la ville. Le chien est presque potache à côté.

    Détour­ne­ment de l’œuvre commune au profit des milieux bour­siers.
    Cinquième niveau de lecture

     

    L’in­dex bour­sier est lié à la diver­sité des genres. Le fait qu’on peut y lire un soutien du fémi­nisme ou la prise de contrôle d’un index bour­sier est certai­ne­ment voulu. L’en­tre­prise publi­ci­taire joue avec les codes, c’est son busi­ness. C’est l’objet même de la statue de la fillette.

    Les plus mauvaises langues pour­ront même dire qu’il y a volonté de mélan­ger les deux dans la statue pour que la bourse prenne sa revanche en se drapant de blanc. On peut même penser que ça consti­tue une insulte encore plus grande à ce dernier niveau de lecture.

    On peut inver­se­ment dire qu’un index bour­sier qui défend la diver­sité des genres est un symbole double­ment fémi­niste et que c’est ça qu’on attaque, que la reprise des anciens symboles mascu­lins fait partie du combat, ou qu’un sujet non lié au fémi­nisme aurait peut être été attaqué autre­ment.

    Tout ça n’est pas disso­ciable, et c’est bien pour ça que c’est complexe. Choi­sis­sez votre camp. Ou pas. Les deux versions ne sont d’ailleurs pas exclu­sives les unes des autres.

    Ce que je trouve inté­res­sant c’est comment la plupart des gens réagissent suite à un seul niveau d’in­for­ma­tion, comme si la ques­tion était simple et méri­tait une indi­gna­tion sans nuances. J’ai peur qu’il en soit autre­ment.

    (discours honteu­se­ment inspiré de l’ana­lyse de greg­fal­lis.com)