Catégorie : Politique française

  • Chan­ger le mode de scru­tin

    Ça n’est pas le problème actuel ni sa solu­tion — quoique — mais il y a une possible ouver­ture pour une prise de conscience sur ce vieux sujet toujours d’ac­tua­lité.

    Aujourd’­hui le parle­ment est une machine anti-démo­cra­tique. Le mode de scru­tin permet au parti domi­nant de gouver­ner seul, sans compro­mis ni concer­ta­tion, quand bien même ce parti est loin de lui-même repré­sen­ter une majo­rité de la popu­la­tion. Les grands partis alter­na­tifs sont écra­sés. Les petits partis n’y sont même pas repré­sen­tés.

    Ces dernières années c’était LREM qui avait cette majo­rité. Demain ce sera proba­ble­ment le RN. Indé­pen­dam­ment de leur poli­tique, repré­sen­tant entre 30 et 35 % de la popu­la­tion, il est clair qu’au­cun des deux ne devrait être capable de tout déci­der seul.

    Il est plus que temps de retrou­ver un fonc­tion­ne­ment démo­cra­tique et un parle­ment qui repré­sente la popu­la­tion. Ce n’est pas sans enjeux, ça impose aux élus de discu­ter entre eux, trou­ver des compro­mis et des solu­tions ensemble. C’est un chan­ge­ment total de poli­tique.


    Qu’est-ce que ça veut dire en pratique ?

    La façon simple d’ima­gi­ner ça c’est d’avoir un scru­tin de listes, natio­nal.

    Le défaut c’est qu’on ne repré­sente pas les spéci­fi­ci­tés des terri­toires. Il y a certes des choix indi­vi­duels mais en pratique, ne nous leur­rons pas, c’est déjà une élec­tion qui se fait sur des enjeux natio­naux.

    Les excep­tions sont essen­tiel­le­ment liées aux terri­toires d’outre-mer mais ils peuvent consti­tuer une liste natio­nale sans péna­lité si, juste­ment, on fonc­tionne vrai­ment à la propor­tion­nelle.

    Si on tient à garder un ancrage local, on peut envi­sa­ger un scru­tin de liste par région plutôt qu’un scru­tin natio­nal. C’est ce qu’on a pour les euro­péennes par exemple, mais je vois peu de béné­fice ici.

    On peut aussi garder un ancrage au niveau des dépar­te­ments en regrou­pant les circons­crip­tions par deux ou trois et en ajou­tant des listes pour compen­ser la propor­tion­na­lité au niveau natio­nal. C’est plus complexe et je ne suis pas convaincu que ça le justi­fie.

    Je préfère garder la repré­sen­ta­tion des terri­toires via le Sénat, dont le mode de scru­tin exacerbe déjà les spéci­fi­ci­tés locales.


    Une propor­tion­nelle c’est un chan­ge­ment total de poli­tique.

    Si personne n’a inté­rêt à s’al­lier, le risque c’est une multi­pli­ca­tion des listes avec 20 bulle­tins possibles. Il sera aussi temps de tester le bulle­tin unique (un grand bulle­tin avec toutes les options où on coche la bonne liste, plutôt que 20 bulle­tins indi­vi­duels parmi lesquels choi­sir) mais ça ne réglera pas tout.

    Je ne veux pas de seuil mini­mal (ce qui existe pour les euro­péennes). Je veux que les partis qui repré­sentent 5 % aient une voix au parle­ment. Ça repré­sente quand même plusieurs millions d’élec­teurs et presque 30 parle­men­taires poten­tiels.

    Il faut aussi garder une inci­ta­tion à ce que chacun ne lance pas une liste indé­pen­dante. Une possi­bi­lité est de trier les listes par leur impor­tance (par sondage, par propor­tion dans les élus actuels). Trop se divi­ser fait arri­ver bas dans la liste et personne n’y a inté­rêt. On peut aussi jouer sur les rembour­se­ments de frais de campagne, propor­tion­nels au nombre d’élus. Il y a des choses à imagi­ner.


    Le vrai problème c’est que le gagnant du mode de scru­tin n’a pas inté­rêt à le chan­ger, et que rien ne peut être fait sans lui.

    Hier c’était LREM, et ils n’ont jamais avancé vers la propor­tion­nelle malgré leurs promesses. Aujourd’­hui c’est le RN et j’ai peu d’es­poir qu’ils osent passer à une propor­tion­nelle qui les plafon­ne­rait à 30 ou 35 % alors qu’ils ne sont pas loin d’avoir une majo­rité abso­lue au parle­ment.

    Et pour­tant… On parle de séisme dans les médias mais tout ça serait très diffé­rent si on avait un parle­ment qui repré­sente vrai­ment la popu­la­tion plutôt que de cher­cher à savoir quel parti va rafler la mise.

  • Le monde tel qu’il aurait pu être. Samedi 18 novembre 2023.

    Projet de loi asile et immi­gra­tion. Un vent de contes­ta­tion se propage dans le groupe parle­men­taire de la majo­rité. Les parle­men­taires seraient allé trop loin, par exemple en empê­chant les deman­deurs d’asile de faire enre­gis­trer leur dossier avant d’être expul­sés, ou chan­geant les délais pour que les mena­cés d’ex­pul­sion n’aient pas le temps de saisir un juge à propos de leur situa­tion avant d’être effec­ti­ve­ment expul­sés.

    Le chef de groupe a prévenu : Il semble diffi­cile de rattra­per un texte qui est allé si loin dans le renon­ce­ment à nos valeurs huma­nistes. Si la commis­sion mixte pari­taire ne trouve pas une solu­tion radi­cale, la majo­rité votera contre ce texte.

  • Le monde tel qu’il aurait pu être. Jeudi 16 novembre 2023.

    Le gouver­ne­ment prend tout le monde de court sur la polé­mique des tickets restau­rants :

    Nous avons été élus pour la simpli­fi­ca­tion. Nous allons simpli­fier. Contraindre l’usage des tickets restau­rants alors que tout le monde dépense de toutes façons plus que ça chaque mois pour se nour­rir n’a aucun sens. Ça ne fait qu’ap­por­ter des contraintes et appor­ter des marges aux acteurs des tickets restau­rants au détri­ment des restau­ra­teurs et des épice­ries.

    Dès l’été, les employeurs auront la possi­bi­lité de finan­cer 5 € par jour travaillé hors du domi­cile, direc­te­ment payés en numé­raire avec le salaire, défis­ca­li­sés de la même façon que les anciens tickets restau­rants.

    Les restau­ra­teurs s’y retrou­ve­ront en évitant les 4% de marge payés aux inter­mé­diaires.

    Les sala­riés n’au­ront plus à jongler avec des tickets papier, de multiples cartes, et des règles contrai­gnantes à chaque achat.

  • Le monde tel qu’il aurait pu être. Mercredi 15 novembre 2023

    La CNIL a enfin rendu ses conclu­sions vis-à-vis de l’uti­li­sa­tion frau­du­leuse du fichier des coor­don­nées en prove­nance de l’es­pace sécu­risé agents publics afin de diffu­ser une propa­gande poli­tique sur les retraites.

    Elle a su éviter un simple rappel à l’ordre qui n’au­rait eu aucun effet. Elle a noté que le problème était d’au­tant plus grave qu’il était commis par un ministre en fonc­tion à l’aide de l’au­to­rité de son mandat mais à des fins de mili­tan­tisme hors du cadre de leur fonc­tion.

    Elle a donc trans­mis le dossier à la justice pour que le ministre soit pour­suivi person­nel­le­ment.

  • COR et projec­tions erro­nées

    « Éric, j’ai lu ton dernier billet mais quand même, le COR a merdé. Le gouver­ne­ment a suivi les hypo­thèses du COR et main­te­nant on lui dit que ça ne suffi­sait pas…

    Je suis étonné qu’on reproche à une projec­tion pluri-annuelle de ne pas s’être révé­lée exacte 1 an après.

    On parle d’un système complexe, qui prend en compte entre autres le chômage, l’in­fla­tion, la crois­sance, la fisca­lité et la situa­tion macro-écono­mique.

    Quand est la dernière fois qu’on a réussi à faire une projec­tion exacte sur même 1 an sur même un seul de ces indi­ca­teurs ? Est-il vrai­ment éton­nant qu’une projec­tion qui se base sur l’in­te­rac­tion de tous ces facteurs ne soit pas exacte ? Est-ce vrai­ment le problème ?

    On parle de plus d’un rapport fait par une instance qui ne décide rien des choix de fisca­lité et d’ac­tion qui auront été pris pendant cette année.

    Repro­cher au COR de ne pas avoir fait une projec­tion exacte c’est déjà très malhon­nête

    Mais bon, c’est encore plus malhon­nête quand le gouver­ne­ment arrive à repor­ter la faute sur cette projec­tion.

    La partie inté­res­sante c’est la période rouge 2021–2027, qui n’a qu’une seule hypo­thèse. Les scéna­rios diver­gents appa­raissent unique­ment à partir de là.

    Il va sans dire que les projec­tions écono­miques ne sont jamais assez précises pour fixer avec certi­tude les 5 ans à venir. Si ces 5 ans sont fixes c’est qu’on a choisi de prendre cette période comme une contrainte à l’ori­gine. C’est d’ailleurs dit expli­ci­te­ment dans le rapport.

    Devi­nez quelles sont les hypo­thèses de cette période contrainte ? Bingo ! Ce sont celles du gouver­ne­ment. Le même qui avait, dans une certaine mesure, les moyens d’ac­tion sur ces indi­ca­teurs.

    Ces hypo­thèses étaient fausses. Elles le sont toujours. Mais voir le gouver­ne­ment venir ensuite dire que si sa réforme était inadé­quate c’est la faute de la projec­tion erro­née du rapport… c’est un peu fort de café.

  • En COR un peu plus de retraites, dans le rétro­vi­seur

    Le débat sur la reforme des retraite revient alors qu’un rapport du Conseil d’orien­ta­tion des retraites dévoile que le passage à 64 ans ne suffi­rait pas à finan­cer le système.

    C’est facile pour les tenants de la majo­rité de dire « vous voyez, on avait raison, on n’est même pas assez loin » mais ce n’est pas ce qui a été dit.

    Ça dit unique­ment que la mesure choi­sie unila­té­ra­le­ment par le gouver­ne­ment ne semble pas atteindre l’objec­tif qu’ils s’étaient fixés. Ça ne dit rien de plus.

    Aller plus loin aurait peut-être pu être une solu­tion. Peut-être, parce qu’on touche à des systèmes complexes et que recu­ler des âges a aussi des consé­quences sur l’em­ploi, la santé, les mouve­ments sociaux et plein de choses. Ça n’est pas un simple curseur qu’on bouge.

    D’autres solu­tions tota­le­ment auraient peut-être aussi été viables et perti­nentes. Le COR ne dit pas laquelle est celle à adop­ter, c’est le rôle du poli­tique, il se contente de consta­ter que celle choi­sie ne fonc­tionne pas autant qu’i­ma­giné.


    « Ok Éric mais du coup c’est quoi ta solu­tion ?

    Je ne prétends pas avoir la solu­tion. Ça ne s’ima­gine pas dans un canapé.

    Je vois par contre de vrais débats sur le modèle de société qu’on souhaite ou pas. Ces débats n’ont pas vrai­ment eu lieu.

    • Les dépenses de retraite, avec le fonc­tion­ne­ment avant réforme, ne déra­paient pas en % du PIB. La plupart des hypo­thèses montraient même une réduc­tion des dépenses en propor­tion du PIB.
    • Les recettes, elles, dimi­nuaient forte­ment, au moins à court et moyen terme.

    Bref, on a un diffé­ren­tiel entre recette et dépense à court et moyen terme, et poten­tiel­le­ment à long terme en fonc­tion des hypo­thèses rete­nues. On peut faire plein de choses :

    • En rédui­sant le niveau des pensions, pour tous ou pour certaines caté­go­ries spéci­fiques
    • En recu­lant l’âge de départ, en augmen­tant le nombre de trimestres néces­saires, ou recu­lant l’âge de départ à taux plein, pour tous ou pour certaines caté­go­ries.
    • En augmen­tant la décote en cas de départ à la retraite anti­cipé avant d’avoir son nombre de trimestres, pour tous ou pour certaines caté­go­ries.
    • En augmen­tant les coti­sa­tions sala­riales, patro­nales, la CSG, ou un mix de tout ça pour tous ou pour certaines caté­go­ries.
    • En levant un impôt ou une taxe spéci­fique dédiée aux recettes des retraites
    • En prenant dans le budget de l’État, qui devra du coup faire d’autres choix budgé­taires à recettes équi­va­lentes.
    • En prenant dans le budget de l’État, qui devra reti­rer certaines baisses de fisca­lité prévues ou réali­sées.

    Bref, il y a plein de choses possibles et le « il n’y a pas le choix » était une vaste fumis­te­rie desti­née à cacher qu’ils avaient déjà fait le choix.

    Il y avait d’ailleurs même le choix de ne rien faire, c’est à dire ponc­tion­ner les réserves (consti­tuées dans les périodes favo­rables passées) et contrac­ter de la dette (à rembour­ser dans les périodes favo­rables futures)

    Un débat inté­res­sant aurait abordé ces ques­tions, qui sont des vrais choix de société qui peuvent être réel­le­ment discu­tés par tous sans forcé­ment d’ex­per­tise. L’ex­per­tise elle n’est néces­saire qu’en­suite, pour chif­frer ce que ça veut dire en fonc­tion des leviers qu’on a choisi d’uti­li­ser.

    De mon côté, l’idée qu’il ne s’agit pas vrai­ment d’aug­men­ter les dépenses mais d’ar­rê­ter de les bais­ser emporte majo­ri­tai­re­ment mon choix. Je ne vois pas pourquoi on voudrait bais­ser le niveau des retraites en % du PIB.

    Je me serais proba­ble­ment orienté vers un mix des cinq dernières, en commençant par arrê­ter cette folie du SNU.

    Je dis « proba­ble­ment » parce que je consi­dère que je n’ai pas été correc­te­ment éclairé sur ces diffé­rents choix, donc je pour­rai tout à fait m’orien­ter diffé­rem­ment le jour où je le serai.

  • Et si on arrê­tait l’as­sem­blée natio­nale et le sénat ?

    Non, je ne parle pas des parle­men­taires et de la repré­sen­ta­ti­vité (même si ça pour­rait être un bon sujet) mais des deux hémi­cycles et des « débats » publics qui s’y mènent.

    Tout est joué d’avance. Les parle­men­taires savent déjà quoi voter (quand ils votent). Heureu­se­ment d’ailleurs parce que je ne voudrais pas qu’un repré­sen­tant se fasse une idée en quelques secondes et vote immé­dia­te­ment tel ou tel texte parce qu’un orateur a bien tourné son inter­ven­tion sur le moment.

    Les vrais débats semblent être en commis­sion, et même là je suppose qu’en réalité le travail de fond ne se fait pas dans l’ins­tant.

    Qu’est-ce qui empêche de rempla­cer nos séances publiques par des allers-retours écrits et votes asyn­chrones ?

    On mettrait fin à l’obs­truc­tion parle­men­taire. Les repré­sen­tants aurait un espace quasi infini pour s’ex­pri­mer. Les votes se feront enfin avec poten­tiel­le­ment tout le monde (ou tous ceux qui veulent voter). Tout pour­rait être réel­le­ment public et archivé

    Ça n’em­pêche pas l’in­ter­ven­tion publique poli­tique. On peut même avoir des temps pour ça, renfor­cer l’obli­ga­tion de réponse du gouver­ne­ment aux ques­tions des dépu­tés (les délais sont aujourd’­hui large­ment dépas­sés).

    Et bon, nos élus savent déjà diffu­ser des textes et vidéos sur les réseaux, et toucher la presse. Quel béné­fice a-t-on à avoir ce spec­tacle dans l’hé­mi­cycle où chacun joue sa parti­tion comme dans un réci­tal ?


    Chaque fois que j’ai vu le sujet abordé par des assis­tants parle­men­taires je sais que la réponse a été « le fonc­tion­ne­ment actuel est néces­saire et perti­nent » mais je n’ai jamais compris pourquoi. Chaque fois, je comprends un peu moins.

  • Dis tonton, c’est quoi le problème avec le jeu antifa ?

    Il y a proba­ble­ment eu trop de lignes écrites mais j’ajoute les miennes pour savoir les retrou­ver sur un espace pérenne.

    Résumé rapide du contexte : La FNAC a retiré des ventes le jeu Antifa en réponse à une demande d’ex­pli­ca­tions d’un syndi­cat de police réputé proche de l’ex­trême droite.

    « Ce jeu est-il un appel à la violence ?

    Oui, non, ou en tout cas pas plus que la plupart des autres jeux de société.

    La plupart des actions du jeu sont plus qu’ac­cep­tables, et la méca­nique est des plus clas­siques : actions, gestion, hasard. Dans les cartes de plani­fi­ca­tion on retrouve le collage d’af­fiche, le tour­noi spor­tif, la commé­mo­ra­tion, etc. Même dans la caté­go­rie « riposte » on trouve rassem­ble­ment, mani­fes­ta­tion et occu­pa­tion des lieux.

    Liste de cartes d'activités.
- 5 petites cartes "activité" format carte de crédit avec vidéo, article, podcast, table de presse, pétition.
- 3 grandes cartes activité avec collage d'affiches, distribution de tracts, fresque murale.
- 4 cartes initiative avec concert de soutien, tournoi sportif, rencontre débat, commémoration.
- 4 cartes riposte avec manifestation, action offensive, rassemblement, blocage/occupation.
    Liste des plani­fi­ca­tions d’ac­ti­vi­tés

    J’en­tends que les dessins donne­ront des boutons aux dépu­tés du RN mais on est loin de la méca­nique décrite par ces derniers, qui était en réalité tirée de leurs fantasmes et pas tirée du jeu.

    Pour autant, oui on parle blocage/occu­pa­tion, oui il y a une carte « action offen­sive » et un élément « caca­tov ».

    « Ok donc c’est quand même violent et au moins se mettre dans la peau de personnes qui ne respectent pas la loi alors

    Je suis très étonné que ce soit un sujet. Une grande majo­rité œuvres vendues font réfé­rence à des situa­tions qui feraient passer le jeu antifa pour un jeu de Bisou­nours. Les livres et films qui nous font incar­ner un crimi­nel sont légion dans les rayon­nages.

    Même dans les jeux, on parle très souvent d’éli­mi­ner les autres joueurs. On a eu des jeux vidéos sur la guerre mondiale qui permettent aux joueurs d’in­car­ner les deux camps. Dans Coun­ter Strike on incarne aussi des terro­ristes.

    La problé­ma­tique n’est pas nouvelle. Je me rappelle aussi les contro­verses du jeu vidéo Carma­ged­don en 1997 dont l’objet est d’écra­ser le plus de passants possibles avec une voiture faite pour. C’était il y a 25 ans et Antifa aurait plutôt fait rire en compa­rai­son.

    Côté jeux de société j’ai dans mes cartons le jeu Bang! où doit tuer les autres joueurs avant d’être tué. Dans Mono­poly il faut mener l’ad­ver­saire à la banque­route. Dans Loups Garous il faut tuer des villa­geois. Dans Colt Express il faut voler un train et tirer sur les autres sans se faire prendre par le shérif. Dans Magic Maze il faut voler un super­mar­ché. Dans Sabo­teur on parle de sabo­tage. Dans Risk et dans Diplo­macy il faut faire la guerre et élimi­ner tota­le­ment le voisin. Ce n’est qu’un court extrait parmi des jeux primés ou célèbres.

    Le jeu Antifa a d’ailleurs été mis à l’hon­neur dans une sélec­tion FNAC au début du mois avec 5 autres jeux mili­tants. L’un de ces jeux orga­nise une révo­lu­tion. Un autre permet de prendre la place d’un dicta­teur.

    Diffi­cile de croire que le problème soit dans les cartes du jeu Antifa qui lui n’in­vite pas expli­ci­te­ment à la violence. Soyons honnêtes, tout ceci n’est qu’un prétexte pour autre chose.

    « Ce serait quoi le problème alors ?

    Tout est poli­tique.

    Le message qui a provoqué le retrait du jeu par la FNAC ne parle d’ailleurs pas d’in­ci­ta­tion à la haine ou à la violence. Il parle de « mettre en avant les antifa ». C’est ça le problème pour ce syndi­cat de police.

    Le fait que ce soient des dépu­tés du Rassem­ble­ment Natio­nal et un syndi­cat poli­cier proche de l’ex­trême droite qui veuillent bannir un jeu sur l’an­ti­fas­cisme n’est pas une coïn­ci­dence, c’est l’objet même de l’af­fron­te­ment.

    Qu’on y fasse droit est un problème (et que ce soit via une enseigne fondée par un anti­fas­ciste mili­tant rend la chose encore plus déli­cate).

    « Ce jeu là est donc poli­tique, ça change tout !

    C’est effec­ti­ve­ment un jeu ouver­te­ment mili­tant, dans une mouvance acti­viste qui s’au­to­rise à aller plus loin que deman­der genti­ment aux tiers d’ar­rê­ter d’être des fascistes. C’est même à l’ori­gine d’abord un maté­riel de forma­tion mili­tante réalisé sous forme de jeu. Je recom­mande l’émis­sion de David Dufresne avec l’au­teur du jeu, qui explique bien le contexte (on commence à parler du jeu à partir de la minute 45).

    Oui c’est poli­tique.

    Pour autant… On a des films poli­tiques. On a des chan­sons poli­tiques. On a des livres poli­tiques. Tout ça est souvent à la fois plus violent et bien plus expli­cite que ce jeu Antifa. On aurait pour­tant tout le monde vent debout si on imagi­nait les censu­rer. Ça s’est d’ailleurs déjà produit.

    On vend même à la FNAC des livres d’Hit­ler, de Musso­lini, de Soral et d’autres, dont certains dans des éditions à objec­tif ouver­te­ment fasciste qui là méri­te­raient poten­tiel­le­ment d’être reti­rés des ventes.

    Avoir des œuvres poli­tiques et/ou mili­tantes n’est pas le problème, et ne devrait pas l’être.

    « Mais là c’est un jeu. Un jeu n’a pas à être poli­tique !

    Vrai­ment ?

    La vraie diffé­rence est peut-être effec­ti­ve­ment liée qu’ici il s’agit d’un jeu de société et pas d’un livre ou d’un film. Dans l’ima­gi­naire c’est peut-être un terrain apoli­tique, ou du moins non-radi­cal.

    Ce serait une erreur. Je ne refe­rai pas une liste à la Prévert comme plus haut mais même l’ul­tra clas­sique Mono­poly est à l’ori­gine un jeu mili­tant anti-capi­ta­liste. Pourquoi faudrait-il bannir le message poli­tique de ces œuvres plus que d’autres ? À quel titre ?

    Je recom­mande à ce propos la lecture de Roma­ric Briand, auteur de jeux de socié­tés :« Que l’on puisse affir­mer au XXIème siècle que quelque chose comme le sport, comme le jeu-vidéo, comme le jeu de société ne doive ou ne puisse pas être poli­tique est propre­ment fasciste. » […] « La polé­mique a été analy­sée comme étant un affron­te­ment entre des fascistes et des anti­fas­ciste. L’autre affron­te­ment se trou­vait une fois de plus dans la confis­ca­tion de la parole poli­tique à un domaine de la vie publique. Hier le sport, aujourd’­hui le jeu, demain, vous verrez c’est la poli­tique qui ne sera plus poli­tique. » […] « Le désastre, c’est cette apoli­­ti­­sa­­tion rampante qui n’est qu’un autre nom du fascisme. »

    Que l’ex­trême droite veuille bannir les messages poli­tiques dans les œuvres cultu­relles ou ludiques, c’est une mauvaise chose mais c’est attendu. Qu’ils s’en prennent d’abord aux œuvres anti­fas­cistes devrait aler­ter très fort. Qu’on y fasse droit devient un problème majeur qui mérite mieux que les brèves de presse publiées jusqu’à aujourd’­hui.

  • Alors les Français cesse­ront de chan­ter ce refrain terrible

    Enfants, que l’Hon­neur, la Patrie
    Fassent l’objet de tous nos vœux !
    Ayons toujours l’âme nour­rie
    Des feux qu’ils inspirent tous deux !
    Soyons unis ! Tout est possible ;
    Nos vils enne­mis tombe­ront,
    Alors les Français cesse­ront
    De chan­ter ce refrain terrible.

    Quin­zième et dernier couplet de la Marseillaise

    Je ne connais­sais pas ce dernier refrain, n’ayant je pense appris que les six premiers à l’école. Je n’ar­rive pas bien à savoir à quelle date il a été ajouté et par qui mais je le trouve inté­res­sant.

    Il donne un espoir de fin, et en même temps cette même marche est sacra­li­sée comme hymne intem­po­rel, comme si l’his­toire de France se devait de faire perdu­rer son côté guer­rier et qu’on n’était pas capables de se recons­truire sur d’autres valeurs.

    Je n’ima­gine personne aujourd’­hui avec le courage poli­tique de dire que, sans nier le passer, il serait temps de cesser de chan­ter ce refrain terrible et de lier notre nation à d’autres aspi­ra­tions.

  • Détes­ta­tion et perte de cap

    Le RN a décu­plé sa présence à l’As­sem­blée natio­nale.

    Sur ceux qui se sont expri­més au second tour, 35% du groupe LREM/Ensemble! a préféré voter pour le RN plutôt que de voter pour l’al­liance de gauche NUPES. Il y a même eu des messages en ce sens par certains candi­dats.

    Sur ceux qui se sont expri­més au second tour, 43% du groupe NUPES a préféré voter pour le RN que de voter pour l’al­liance centriste Ensemble!.

    Dans les deux groupe, pas loin de la moitié de ceux qui ont voté au premier tour a préféré s’abs­te­nir de choi­sir entre le RN et son oppo­sant, et lais­ser élire l’ex­trême droite.

    Au-delà de la force de l’ex­trême droite elle-même, il y a un échec histo­rique de la part du reste du paysage poli­tique. Sans adhé­rer aux thèses du RN, à force de calculs court terme, de décla­ra­tions ambigües, de radi­ca­li­sa­tion vis-a-vis du parti d’en face, nombre de mili­tants ont perdu le cap.

    Report de voix au second tour des législatives.

Electeurs Ensemble! pour duel NUPES/RN: 
- Abstention 48%
- Nupes 34%
- RN 18%

Electeurs LR pour duel NUPES/RN:
- Abstention 37%
- Nupes 36%
- RN 27%

Electeurs RN pour duel NUPES/Ensemble!: 
- Abstention 51%
- Ensemble! 25%
- Nupes 18%

Electeurs Reconquête pour duel NUPES/Ensemble!: 
- Abstention 61%
- Ensemble! 24%
- Nupes 15%

Electeurs Nupes pour duel Ensemble!/RN:
- Abstention 45%
- Ensemble! 31%
- RN 24%

    Ce qui me frappe quand j’aborde le sujet, c’est le déni. L’autre est plus respon­sable, et donc parler du sujet de notre côté c’est faire leur jeu. Peu importe quel est l’autre, le discours est le même des deux côtés. Les deux se rejettent la respon­sa­bi­lité ainsi.

    S’il faut faire des compro­mis pour ensuite faire vivre le pays, nous sommes bien mal partis.