Catégorie : Politique et société

  • Les inéga­li­tés de salaires dimi­nuent-elles vrai­ment ?

    Données brutes : Le ratio entre les 10% les mieux payés et les 10% les moins bien payés a tendance à se réduire. Il était de 3,4 en 1950, presque 4,2 en 1966, et tombe main­te­nant en dessous des 3.

    L’idée va plutôt contre les préju­gés. Les classes aisées ne le sont pas tant que ça, et on bascule vite dans les déciles les plus haut.

    Cette évolu­tion s’ac­com­pagne toute­fois d’une montée forte des dépenses obli­ga­toires comme le loge­ment ou le chauf­fage. Il serait inté­res­sant de regar­der si le ratio évolue dans le même sens si on ne prend en consi­dé­ra­tion que le revenu après dépenses obli­ga­toires. J’en suis moins convaincu mais je manque de chiffres.

    Par contre là où l’ana­lyse est inté­res­sante, c’est que si ça s’écrase entre le premier et dernier décile, c’est surtout au béné­fice des derniers centiles. Les reve­nus et le poids des 1 à 3% les mieux payés s’en­volent.

    En dix ans les moins riches ont évolué un peu plus vite que les classes moyennes. La répar­ti­tion est même éton­nam­ment homo­gène aux alen­tours de 6%. Seuls les trois premiers déciles béné­fi­cient d’un léger coup de pouce avec un gain montant jusqu’à 10%.

    Là où c’est éton­nant (ou pas), c’est que le gain se fait légè­re­ment plus fort à partir des 95%, puis encore plus à partir des 98%, pour culmi­ner à 11% pour le dernier centile. Les 2 à 3% les plus riches font une échap­pée diffi­cile à justi­fier. Mais quand on regarde encore plus en détail, le dernier millième (les 0,1% les plus riches) augmentent eux de 28%.

    Bref, l’apla­tis­se­ment du ratio entre le premier et le dernier décile n’est pas forcé­ment un bon signe, c’est juste le symp­tôme qu’une très faible mino­rité des plus riches est en train de lâcher tous les autres, qui se retrouvent dans le même bain que les classes moyennes. En regar­dant de loin la société semble plus égali­taire, en regar­dant de près c’est tout l’in­verse.

    1996 2006 Gain en euros Gain en %
    10 % touchent un salaire infé­rieur à : 1 251 1 382 131 10,5%
    20 %… 1 418 1 551 133 9,4%
    30 %… 1 572 1 702 130 8,3%
    40 %… 1756 1865 108 6,2%
    50 %… 1 931 2 050 119 6,2%
    60 %… 2 149 2 282 133 6,2%
    70 %… 2 448 2 599 151 6,2%
    80 %… 2 921 3 102 180 6,2%
    90 %…* 3 905 4 146 241 6,2%
    95 % … 5 102 5 471 369 7,2%
    98 %… 7 133 7 725 592 8,3%
    99 %… 8959 9 995 1 036 11,6%
    99,9 %… 19 374 24 800 5 426 28,0%
  • Retour sur terre, 50K

    Petite conver­sa­tion surréa­liste il y a quelques jours sur twit­ter à propos de « gagner 50K€ par an ». Entre ceux qui ne voient que la moitié de la conver­sa­tion et ceux qui ne se comprennent pas, j’ai promis de mettre quelques lignes ici.

    Tout d’abord les faits : Le revenu fiscal total médian est de 1474 € / mois pour une personne seule, 2410 € / mois pour un ménage. Avec un calcul gros­sier ça nous donne respec­ti­ve­ment 23 K€ annuels bruts pour un céli­ba­taire et 38 K€ annuels bruts pour l’en­semble du ménage (donc le cumul des deux reve­nus).

    Pour atteindre 50 K annuels bruts, nous sommes entre le sixième et le septième déciles. Dit autre­ment, si vous gagnez ça en cumu­lant l’in­té­gra­lité des sources de revenu de la famille, vous êtes dans le tiers français le plus aisé. Si vous comp­tez pour un foyer d’une seule personne, vous êtes dans les 10% les mieux payés à partir de 47 K€ annuels bruts.

    Entendre dire que c’est juste pour vivre ou même que ce n’est pas parti­cu­liè­re­ment confor­table, c’est juste une insulte aux deux tiers des français, voire plus. Il serait temps de se réveiller un peu et de regar­der autour de soi.

    Il n’y a aucun mal à gagner plus, à consi­dé­rer qu’on devrait gagner plus, ou à cher­cher à le faire. Par contre le mini­mum c’est de ne pas oublier ce que ça veut dire par rapport aux autres, et de se rappe­ler qu’on est aisé (voire riche).

    Et pour ceux qui pensent qu’il en va diffé­rem­ment sur Paris, que là bas il faut bien 50 K€ annuels pour vivre : Le revenu fiscal médian par ménage y est de 2 835 € / mois, soit envi­ron 45 K€ annuels bruts (cumulé pour l’en­semble du ménage). À 50 K€ cumulé sur le ménage, vous êtes au dessus de la moitié des pari­siens, qui sont eux-même large­ment au dessus de la moyenne française. Et si vous êtes céli­ba­taire, ça reste au dessus de 75% des pari­siens.


    Petite note avant commen­taires : Oui ce ne sont que des statis­tiques, mais on a l’ha­bi­tude de calcu­ler le seuil de pauvreté à partir du revenu médian, donc la statis­tique n’a pas aucun sens non plus dans ce cas précis.

  • Entre­prendre en France

    Mon passage au Blend Web Mix m’a un peu secoué la caboche. Déjà je me suis vu aller dans les salles « busi­ness » et « entre­pre­neur », moi qui n’ai toujours juré que par la tech­nique. Ça me fait un peu drôle.

    Mais aussi j’ai entendu les orateurs dire que la France était un des meilleurs endroits pour commen­cer et pour placer sa R&D. Ça a commencé dès le début et ça ne s’est pas arrêté avant la fin. On ne parle pas d’un seul inter­ve­nant isolé mais de l’es­sen­tiel de la scène, avec des entre­pre­neurs chevron­nés et busi­ness inter­na­tio­nal.

    Donc voilà, j’ai entendu ces gens dire que la France était un bon pays pour les star­tups, que les ingé­nieurs (infor­ma­tique) n’y étaient pas chers, que nous avions de l’aide et des subven­tions, que nous avions en paral­lèle assez peu de concur­rence, et de très bonnes infra­struc­tures. Et… pour finir de mettre une baffe à ceux qui râlent conti­nuel­le­ment sur cette France qui empêche tout busi­ness, on y a même entendu que la fisca­lité y était avan­ta­geuse. Oui Messieurs-dames.

    Alors quelques rappels :

    1. Oui on paye pas mal de charges sur les salaires, mais comparé à un salaire de déve­lop­peur sur une côte des États-Unis, le coût final reste encore facile deux fois moins cher, peut être trois fois moins si on prend en compte l’en­vi­ron­ne­ment autour du déve­lop­peur.
    2. Oui il est un peu plus diffi­cile de licen­cier en France (un peu seule­ment, pour quelques poignées d’in­gé­nieurs, on trouve des solu­tions) mais la loyauté est là en retour, et les employés français sont dans les plus produc­tifs.
    3. Oui personne ne veut payer des impôts et taxes, et il y aura toujours un pays où ce sera moins élevé, mais en retour on a des infra­struc­tures, un niveau d’édu­ca­tion moyen et des aides que n’ont pas la plupart des pays

    Visi­ble­ment amor­cer aux États-Unis c’est juste un ordre de gran­deur plus coûteux qu’en France si on en croit ceux qui ont essayé dans les deux pays. Voilà pour les idées reçues.

    Des fois il faut aussi jeter notre côté râleur et essayer de voir un peu plus loin.

  • Réjouis­sons-nous, un candi­dat FN sera élu

    Il semble que candi­dat FN ait fait au moins 40% sur la dernière canto­nale partielle dans le Var. Au lieu de crier, mena­cer et faire peur, ne pour­rait-on pas se réjouir ?

    Non, je ne parle pas de sombre calcul destiné à réveiller les consciences ou provoquer un sursaut « répu­bli­cain ». Il est simple­ment normal qu’il y ait des élus FN, et il devrait même y en avoir beau­coup plus. Ce serait juste et bien pour notre démo­cra­tie.

    Le Front Natio­nal fait régu­liè­re­ment 15 voire 20% aux élec­tions natio­nales, avec une concen­tra­tion plus forte dans le sud proche de la Côte d’Azur.Avec un ancrage local fort, le FN n’a pour l’ins­tant qu’un seul conseiller géné­ral sur 3900, et qu’un unique député sur 577 (trois si on compte les dépu­tés appa­ren­tés à un mouve­ment dont les idées sont proches).

    Oui, c’est le jeu des élec­tions majo­ri­taires, c’est ainsi. Il n’em­pêche que je ne peux me réjouir du résul­tat actuel, et qu’un élu FN de plus reste un pas impor­tant dans la bonne direc­tion. Comment donner l’im­pres­sion à ces 20% que la classe poli­tique est à même de les repré­sen­ter si un tel mouve­ment ne mène à rien ? Pourquoi n’y-a-t-il pas de débat d’idées au lieu de ce rejet pur et simple ?

    La démo­cra­tie c’est discu­ter avec son voisin, et pas seule­ment ceux avec qui on partage les idées. Auriez-vous simple­ment peur de la démo­cra­tie ? Croyez-vous que la démo­cra­tie ne se fait qu’entre gens qui s’ap­pré­cient ? Et si vous pensez que les élec­teurs FN votent unique­ment par rejet, le meilleur moyen de les faire reprendre le jeu démo­cra­tique collec­tif, c’est bien de leur montrer qu’ils ont autant de voix que les autres.

  • Fiction amazo­nienne

    Le parle­ment s’est enfin chargé du sujet brûlant des libraires. La concur­rence d’Ama­zon commençait à les mettre à risque dange­reu­se­ment.

    Il faut dire qu’A­ma­zon a un tel volume qu’il pouvait faire ce qu’au­cun libraire ne peut envi­sa­ger: Ache­ter de la surface au sol en centre ville pour y poser du stock au plus près des clients, payer des vendeurs-conseil à attendre ces clients toute la jour­née, et lais­ser ces derniers flâner et se lais­ser tenter sur place. Le volume de vente énorme créé par ce nouveau modèle de vente lui permet d’amor­tir très faci­le­ment tous ces coûts supplé­men­taires et de les offrir aux clients fidèles.

    Les libraires histo­riques qui faisaient de la VPC par écono­mie se retrouvent dépas­sés. Nous risquons de perdre tout notre riche réseau de libraires sur Inter­net si on ne les protège pas. Ceux qui ont tenté l’aven­ture en créant eux aussi des maga­sins physiques ont bien du mal à déga­ger une marge suffi­sante pour ne pas factu­rer les services en plus, comme l’ac­cès au maga­sin, au parking privé atte­nant, ou à la demi-heure de conseil person­na­lisé par un vendeur humain.

    Autant dire que l’ac­ti­vité d’Ama­zon agaçait depuis long­temps, surtout vue du point de vue du prix unique du livre. Offrir tous ces services indé­pen­dants en plus de la pres­ta­tion de vente et de remise du livre acheté était consi­déré par beau­coup comme un détour­ne­ment du prix unique du livre.

    Bien­tôt ce sera fini, les libraires avec maga­sin en centre ville ne pour­ront plus cumu­ler la remise de 5% sur le prix du livre et la gratuité des services atte­nants au maga­sin physique. Les libraires histo­riques (vpc) pour­ront enfin souf­fler et survivre.

    Ce qui est très marrant c’est qu’on peut réécrire l’his­toire actuelle dans l’autre sens, et que ça fonc­tionne encore mieux. Le problème n’est pas celui des frais de port, c’est celui de la défense d’un ancien modèle face au seul un acteur qui a inves­tit massi­ve­ment dans un nouveau modèle perti­nent, et qui acquiert en retour une masse critique dange­reuse. A-t-on vrai­ment choisi le bon style de réponse ?

  • Dimanche, prendre du recul

    L’his­to­rique c’est certai­ne­ment une dimen­sion reli­gieuse. Main­te­nant la ques­tion est celle d’un choix de société. Le dimanche c’est un moyen de permettre un équi­libre entre la vie sociale profes­sion­nelle et la vie sociale person­nelle. S’as­su­rer qu’il peut y avoir une vie famil­liale avec un jour de congé commun. S’as­su­rer qu’il puisse y avoir des acti­vi­tés sociale et cultu­relles avec des heures et des jours communs. S’as­su­rer qu’on peut faire une sortie avec des amis parce qu’on a un jour commun. C’est idiot mais ça permet beau­coup de choses ce dimanche.

    Il peut y avoir des excep­tions. Il doit même y avoir des excep­tions. Peut être même qu’il faille repen­ser les règles ou les assou­plir. Proba­ble­ment. Mais la règle elle-même reste sacré­ment utile et ne doit proba­ble­ment pas être vidée de son sens.

    Ce qui est certain c’est que les argu­ments que je vois passer ont des oeillères énormes. Oui c’est sur qu’ou­vrir le dimanche permet de l’ac­ti­vité écono­mique en plus et qu’il y a de toutes façons des volon­taires. Mais non seule­ment il faut un équi­libre entre ces argu­ments et le besoin social global, mais en plus si on cherche à aller voir plus loin, l’image est bien plus complexe que ça. Je ne suis ni pour ni contre, je suis juste excédé par ces argu­ments qui fina­le­ment n’ap­portent rien et ne prennent abso­lu­ment pas en compte de l’en­semble du sujet.

    Côté entre­prise

    Première ques­tion : Une partie de ceux qui viennent le dimanche se seraient orga­ni­sés pour venir un autre jour de la semaine avant ou après. Est-ce que le nombre de clients supplé­men­taires (ceux qui ne se reportent pas sur un autre jour) compense vrai­ment les frais d’ou­ver­ture le dimanche ?

    Si on ouvre le dimanche alors que les concur­rents ferment, c’est certain. Le cas de Casto­rama c’était surtout à cause d’un concur­rent qui n’avait pas eu la même auto­ri­sa­tion. Le gain est alors indé­niable.

    La réflexion s’étend même dans les autres domaines. On ira plus faci­le­ment faire des emplettes sur un maga­sin ouvert le dimanche si on n’a rien d’autre à faire. Le jour où on assou­plit la loi sur le travail le dimanche, tous les commerces seront en concur­rence et la spéci­fi­cité du dimanche risque de dispa­raitre. Dans ce cas les ventes vrai­ment créées par l’ou­ver­ture du dimanche (par oppo­si­tion aux ventes repor­tées le dimanche) sont-elles vrai­ment encore signi­fi­ca­tives ?

    Allons même plus loin. Si l’ou­ver­ture le dimanche est auto­ri­sée, les maga­sins seront globa­le­ment un peu forcés de suivre, parce que juste­ment les clients vont là où c’est ouvert au lieu de repor­ter leurs achats un autre jour. Même si l’ou­ver­ture le dimanche est clai­re­ment non rentable pour certains, ils le feront quand même car l’al­ter­na­tive serait pire. Il n’est même pas certain que l’éco­no­mie dans son ensemble en sortira du posi­tif.

    Côté sala­rié

    L’ar­gu­ment ultime c’est de dire que certains sala­riés sont pour. Au risque d’en­fon­cer des portes ouvertes, les sala­riés ne sont pas pour travailler le dimanche, ils sont pour vivre avec un revenu correct. Ils sont juste prêts à travailler le dimanche si c’est le seul moyen pour ça. Propo­sez leur d’être payés correc­te­ment le vendredi, et d’un coup il risque d’y avoir beau­coup moins de volon­taires pour le dimanche.

    Avec un argu­ment comme celui ci, on peut suppri­mer le salaire mini­mum (quel que soit ce salaire mini­mum, certains seront prêt pour travailler à 10% de moins s’ils ne trouvent pas d’em­ploi), les congés payés (prêt à avoir un jour de congé de moins), et à peu près toutes les mesures protec­trices mise à part l’in­ter­dic­tion de l’es­cla­vage (et encore, si j’en suis réduit à ça pour pouvoir donner un toit et une vie à mes enfants…).

    Les gens se portent rare­ment volon­taires pour le travail le dimanche, ils se portent volon­taires pour un salaire correct, ou même volon­taire pour accep­ter de renon­cer à plus que le voisin et avoir le poste.

    L’idée est aussi de prendre du recul. Si en travaillant norma­le­ment cela ne suffit pas et qu’il faut accep­ter de travailler le dimanche pour faire vivre la famille, c’est plutôt ça qu’il faut corri­ger et pas le travail le dimanche. Même chose pour les jobs étudiants (et une boutique ne tourne pas le dimanche avec *que* des étudiants, pas possible).

    C’est d’au­tant plus vrai que dans le travail le dimanche l’in­té­rêt est aussi d’avoir du coup un jour de semaine libre pour pouvoir faire ses emplettes tranquille en semaines. Bref, ils sont pour travailler le dimanche aussi parce que juste­ment les maga­sins sont fermés le dimanche. Ça se mord un peu la queue.

    Dimanche sacré

     

  • Aides à la presse

    […]les aides publiques à la presse écrite en ont pris pour leur grade. Une fois de plus. La Cour des comptes présen­tait son nouveau rapport sur la ques­tion[…]

    En 2013, le montant versé par l’État au titre des aides publiques directes à la presse s’élève à 534 millions d’eu­ros. Il faut y ajou­ter le coût estimé du taux préfé­ren­tiel de TVA (2,1 %) : si la TVA était porté à 5,5 %, l’État gagne­rait 200 millions d’eu­ros supplé­men­taires, et plus d’un milliard si le taux normal, de 19,6 %, était appliqué à la presse. Au total, les aides corres­pondent à pas moins de « 7,5 % du chiffre d’af­faires de la presse écrite ».

    À ça (on parle déjà d’un demi-milliard en aides directes) il faut ajou­ter des coti­sa­tions sociales réduites sur les salaires et des exoné­ra­tions de la CET (ex taxe profes­sion­nelle). L’ar­ticle de Media­part est frus­trant, car ce petit jeu dure depuis un moment et commence pour­tant à être connu. On a du mal à voir pourquoi ce nouveau rapport chan­ge­rait quoi que ce soit.

    J’ai plus marrant (ou pas) : Tele­rama + Tele 7 jours + Tele Star + Tele Loisirs + Tele Z + Tele­cable Satel­lite Hebdo + Tele Poche repré­sentent presque 35 millions d’eu­ros de subven­tions directes.

    Autant on peut discu­ter de l’uti­lité pour la démo­cra­tie d’avoir une presse d’in­for­ma­tion quoti­dienne ou hebdo­ma­daire, autant l’uti­lité sociale des programmes télé­vi­sés me semble moins évidente.

    Oh, et pitié, ne me sortez pas l’ar­gu­ment habi­tuel comme quoi le finan­ce­ment de ces jour­naux permet de finan­cer la distri­bu­tion des autres. Si c’était ça le problème il suffi­rait de finan­cer direc­te­ment les quoti­diens « utiles », ou éven­tuel­le­ment les socié­tés de distri­bu­tion. Dans les deux cas ça profi­te­rait aussi aux Tele-machin d’ailleurs, mais ça coûte­rait forcé­ment beau­coup moins cher.

    Il serait fran­che­ment bien d’y mettre un peu d’ordre. Je ne parle même pas du risque démo­cra­tique d’avoir une presse dépen­dante de subven­tions étatiques (et d’ailleurs vous n’y trou­ve­rez pas le palmi­pède bien connu).

  • Fin de notre monde

    Je fais un peu d’ar­chéo­lo­gie dans des « liens à lire » qui date de près de deux ans. Je tombe sur un article à propos de la catas­trophe de Fuku­shima, et une inter­view du direc­teur de la centrale :

    En voyant des travailleurs bles­sés reve­nir du lieu de l’ex­plo­sion, nous avons pensé que si l’en­ceinte de confi­ne­ment avait explosé, il y aurait des rejets radio­ac­tifs massifs et que la situa­tion serait hors de contrôle. Il y a eu ensuite une explo­sion affec­tant le réac­teur n°3 et par ailleurs nous n’ar­ri­vions pas à pomper de l’eau dans le réac­teur n° 2. On ne voyait aucune amorce de règle­ment de la crise. Dans le pire scéna­rio, nous pensions que les fusions [de combus­tible dans les réac­teurs] accé­lé­re­raient rapi­de­ment et échap­pe­rait à tout contrôle, signi­fiant la fin de notre monde.

    Il ne s’agit pas tant de critiquer tel ou tel aspect, mais voilà ce que peuvent penser des gens parmi ceux qui ont le plus de contrôle sur les instal­la­tions, et qui devraient avoir le plus confiance dans la robus­tesse de ces instal­la­tions. Deux scéna­rios, un « hors de contrôle » et un « fin de notre monde ».

    Mais à part ça nos instal­la­tions nucléaires sont maîtri­sées et rien de grave ne peut arri­ver.

  • Encou­ra­ger à copier, toute une éduca­tion

    Je rêve d’une école où on encou­rage les élèves à copier, à échan­ger leurs résul­tats et à colla­bo­rer. Est-ce qu’un élève qui a un besoin régu­lier d’un coup de pouce mérite vrai­ment une mauvaise évalua­tion si en groupe il arrive non seule­ment au même résul­tat mais enri­chit le groupe ?

    Il y a quelques temps je parlais de l’uti­li­sa­tion des docu­ments et des ressources numé­riques – pas pour faire des cours modernes, mais réel­le­ment en travail et en évalua­tion. Je crois que tout ça rejoint la même idée. On forme l’in­di­vi­duel alors qu’on devrait former une géné­ra­tion qui sache colla­bo­rer en société pour arri­ver à quelque chose.

    Tiens, pour ceux qui ont du temps : L’école à bout de souffle, vidéo d’une heure.

  • Publier la loi

    Si quelques data geeks ont tenté d’ex­plo­rer nos lois, ils ont vite vue la diffi­culté de suivre ce qu’il se passe. Legi­france met à dispo­si­tion toutes les données souhai­tées, mais allez-savoir ce qui est vrai­ment modi­fié par telle loi ou tel projet de loi…

    Imagi­nez voir simple­ment les diffé­rences entre diffé­rentes versions d’un même code, de voir faci­le­ment l’in­té­gra­lité des chan­ge­ments d’un projet de loi en cours ainsi que ce que donne­rait le code résul­tant. Mieux, imagi­nez qu’on puisse dupliquer les données pour créer des projets de loi, discu­ter les amen­de­ments actuels, etc.

    D’autres pays ont avancé. Les lois du Bundes­tag sont publiées sous github. Un projet débute aux US sur une loi parti­cu­lière, plus dans l’es­prit d’en propo­ser des modi­fi­ca­tions colla­bo­ra­tives.

    Tech­nique­ment ce n’est pas si compliqué : mettre les articles de loi dans des fichiers textes, le tout dans un dépôt git ; chaque décret ou loi promul­guée sous forme d’une nouvelle version du dépôt avec la réfé­rence qui va bien ; projets de loi ou amen­de­ments sous forme de branches et réin­té­gra­tion sous forme de pull-request. Le problème n’est pas là.

    En France ça reste compliqué, pour des raisons non tech­niques. La loi est forcé­ment un peu plus acces­sible que la moyenne des données publiques, mais on se heurte vite à la réalité. Nos insti­tu­tions consi­dèrent que le contenu des bases de Legi­france relève du droit des bases de données et que toute extrac­tion auto­ma­tique ou substan­cielle est soumise à licence… payante.

    Bref, récu­pé­rer nos textes de loi pour les compi­ler dans un dépôt, c’est 4700 € pour l’his­to­rique, plus 1500 € (par an ?) pour les mises à jour. Ajouté aux 400 € de frais de dossier on peut comp­ter près de 7000 € la première année, 1500 € les années suivantes. Est-ce que cela auto­rise toute forme de repu­bli­ca­tion ? Le site n’in­dique en fait aucun terme précis quant à la licence et aux droits accor­dés.

    Seul espoir : Dans la notice il est indiqué que le télé­char­ge­ment des PDF inté­graux n’est pas soumis à l’ob­ten­tion d’une licence. Je ne sais pas si le télé­char­ge­ment de tous les PDF, de façon auto­ma­ti­sée et régu­lière, peut passer sous ce critère. Je ne sais pas non plus si cette excep­tion auto­rise la redif­fu­sion (mais en même temps une fois l’ex­trac­tion auto­ri­sée, le droit lié aux bases de données ne devrait je pense plus faire obstacle à une repu­bli­ca­tion). Dans tous les cas le résul­tat serait forcé­ment dégradé puisqu’on peut voir les modi­fi­ca­tions succes­sives mais pas les attri­buer à tel décret ou telle loi.

    J’ai­me­rai bien que quelqu’un plus au fait de ces ques­tions puisse m’ai­der à y voir clair. Suivant le cas ça peut vouloir dire tenter un finan­ce­ment parti­ci­pa­tif, ou faire un premier proto rapide pour véri­fier que le projet a du sens. Qui se sent de parti­ci­per à un peu d’ex­plo­ra­tion avant-projet ? Qui a déjà tenté ou exploré des choses ? Je louche vers les gens de Regards Citoyens par exemple. Je ne voudrai dupliquer aucun effort, et surtout ne pas réin­ven­ter la roue déjà aban­don­née par d’autres pour de bonnes raisons. Tout contact, toute info et toute aide bien­ve­nue.