Catégorie : Culture

  • Comment la France veut contrer Netflix

    On note déjà par le titre que la France n’a pas pour objec­tif de four­nir un service meilleur ou aussi bon, ni de profi­ter d’une acti­vité écono­mique nouvelle, mais unique­ment de contrer et empê­cher quelque chose de neuf, et d’amé­ri­cain.

    Déjà ça part mal, et quand on aura dépassé ce stade, alors peut être qu’on pourra parler de French Tech, d’in­no­va­tion et de muta­tion numé­rique.

    Il [le CNC, centre natio­nal du cinéma, organe géré par le gouver­ne­ment] préco­nise des rappro­che­ments pour abou­tir à des offres visant l’au­dience la plus large possible ou un public plus restreint, dites offres de niche, afin de redy­na­mi­ser le secteur. Objec­tif : éviter que Netflix ne prenne une avance trop forte par rapport aux acteurs français.

    […]

    La première option des pouvoirs publics était la plus évidente : favo­ri­ser un rappro­che­ment, dans ce domaine, entre Orange et Canal+, deux des trois prin­ci­paux acteurs de la VoD en France (avec TF1). Cette option pouvait même appor­ter une solu­tion au cas Daily­mo­tion. Mais les négo­cia­tions ont échoué (lire ci-dessous). Le CNC a donc iden­ti­fié plusieurs entre­prises qui pour­raient servir de tête de pont face à Netflix. AlloCiné figure en tête.

    Bref, ça se confirme, et la méthode prévue c’est créer un masto­donte orga­ni­sa­tion­nel. La seule chose qu’on est capable de voir dans Netflix c’est la taille. Parler d’ex­pé­rience utili­sa­teur, de cible diffé­rente, d’ap­proche client ? Certai­ne­ment pas. On va juste créer une entité qui rapproche quelques énormes entre­prises et croire que d’un coup ça va appor­ter une solu­tion. Comme si c’était le problè­me…

    Quand c’est qu’on met des gens qui réflé­chissent à la tête des subven­tions gérées par l’État ?

  • Conte­nus français pour Netflix

    « Netflix a vrai­ment tout inté­rêt à être coopé­ra­tif avec le monde du cinéma et de l’au­dio­vi­suel français » car « il a besoin de conte­nus locaux pour déve­lop­per une offre suscep­tible de plaire au public français »
    Tribune de Genève

    Même si ça en donne l’im­pres­sion, ce billet n’est pas classé dans la caté­go­rie humour.

    Sérieu­se­ment, il existe des bonnes produc­tions en France mais de là à dire que ce que les gens attendent de Netflix ce sont de nouveaux conte­nus français, c’est vrai­ment se moquer du monde (ou se mettre le doigt dans l’œil jusqu’au coude).

    Si Netflix approche les produc­tions françaises c’est surtout pour se faire accep­ter par l’État, montrer patte blanche et passer par dessus une oppo­si­tion de tout le secteur. En soi Netflix, vu son public, pour­rait presque commen­cer avec unique­ment son offre US, même sans traduc­tion.

  • Je ne veux pas de médailles litté­raires monsieur Pivot

    Monsieur Pivot,

    J’ai un profond respect pour le travail que vous avez effec­tué et que vous effec­tuez toujours autour de la langue, de la litté­ra­ture et de l’écri­ture. Il y a un grand honneur à défendre des valeurs intem­po­relles tout en restant ouvert aux nouveau­tés. Aussi futile que cela puisse être, vous voir inves­tir twit­ter de manière éclai­rée est rafraî­chis­sant en cette période de clivage entre « le numé­rique est l’ave­nir » et « le numé­rique est dange­reux ».

    Quand je vous lis vouloir défendre la librai­rie ; je tends l’oreille. Tels qu’ils sont rappor­tés, vos propos récents m’ont fait trem­bler de tris­tesse.

    « Nous avons toute une poli­tique du livre que la ministre et le président du CNL ont raison de mener  », observe le récent président de l’Aca­dé­mie Goncourt. Et à ce titre que pour­rait faire l’Aca­dé­mie pour appor­ter sa petite pierre à ce grand édifice ? « En couron­nant de bons livres. En couron­nant des livres qui se vendent très bien », exulte, dans un franc sourire, Bernard Pivot.

    «  Regar­dez le dernier, [Pierre Lemaître, Au revoir là-haut, publié chez Albin Michel], il en est à plus de 500.000 exem­plaires !  » Selon les données Edistat, ce sera plutôt presque 300.000 exem­plaires, en réalité. Mais on comprend l’idée. « Les libraires sont plutôt contents que l’on ait couronné un livre qui se vend à 500.000 exem­plaires, plutôt qu’un livre qui se serait vendu à 50.000 exem­plaires. Notre action elle est là, elle n’est pas ailleurs.  »

    Est-ce donc là toute la mission de la librai­rie ? Le meilleur soutien qu’on puisse appor­ter à la librai­rie est-il de sacra­li­ser et d’ajou­ter des rubans rouges à ces livres qui se vendent si bien ?

    On enterre là tota­le­ment la librai­rie, et le libraire encore plus profond. Si ces derniers n’ont pour seul rôle que de mettre en avant les meilleures ventes et d’en assu­rer la distri­bu­tion, quel service rendent-ils ? Pourquoi n’irais-je pas au super­mar­ché ou sur Inter­net pour ache­ter le même livre ? Je n’ai que faire d’un maga­sin dédié si c’est unique­ment pour ache­ter les meilleures ventes.

    Si notre seule vision de la librai­rie est une auto­rité qui décerne les disques d’or en fonc­tion de leurs ventes passées ou probables afin de mieux accro­cher des médailles aux livres dans les vitrines des librai­ries, c’est certain que le numé­rique n’a pas sa place. On aidera encore quelques temps les libraires à atti­rer les badauds, mais ils fini­ront par mourir par manque de valeur ajou­tée pour le lecteur.

    Je vous pensais défen­seur de la litté­ra­ture. Les meilleures ventes en font partie, incon­tes­ta­ble­ment. Sauf à consi­dé­rer que tous les lecteurs sont des imbé­ciles, on peut même affir­mer que les fleu­rons de la litté­ra­ture se retrou­ve­ront le plus souvent dans ces meilleures ventes.

    Main­te­nant, où sont la décou­verte et le conseil ? Où est le soutien à la richesse et l’éten­due de la litté­ra­ture ? aux coups de cœur, à la capa­cité d’avoir en stock juste­ment autre chose que les cinquante meilleures ventes qui seront primées ? Où est la capa­cité de livrer à domi­cile ? Comment renou­ve­ler l’in­te­rac­tion entre le libraire et le lecteur à l’heure où la commu­ni­ca­tion passe de plus en plus en ligne ? Comment la librai­rie peut-elle parti­ci­per à l’ar­ri­vée du numé­rique et y appor­ter sa valeur ?

    Voilà les ques­tions que j’au­rais aimé vous voir abor­der. Ajou­ter un prix litté­raire de plus à un paysage qui n’en compte que trop, cela ne va que renfor­cer le fossé entre l’offre librai­rie et les attentes des lecteurs. Le TOP 50 n’a jamais aidé les disquaires à vivre leur muta­tion, il les a au contraire enchaî­nés dans un modèle tota­le­ment déphasé par rapport à leur époque.

    À l’in­verse, si on voit le libraire comme un pres­crip­teur, quelqu’un qui découvre, fait décou­vrir, qui conseille, y compris et surtout juste­ment en dehors des sentiers battus et des grands prix litté­raires pour lesquels personne n’a besoin de lui, quelqu’un qui sait trou­ver le livre adapté au lecteur en fonc­tion de son carac­tère et d’un échange sur la litté­ra­ture, alors peut-être que nous aurons une vraie défense de la librai­rie à long terme.

    Et dans cette vision, on se moque bien que le livre soit en papier et en numé­rique. Par contre le numé­rique peut appor­ter des formats diffé­rents. Il peut permettre de remettre les nouvelles et les textes courts au goût du jour. Il peut permettre de publier des ovnis litté­raires qu’il serait risqué de publier immé­dia­te­ment en papier.

    « Oh, je ne crois pas. À mon avis non. Nous lisons des livres sur papier. Les bons livres… ils peuvent être numé­riques… mais ils seront toujours sur papier. Je ne crois pas à cette histoire du livre qui ne serait que numé­rique et qui n’au­rait pas de version papier. Je ne crois pas du tout à cela. »

    Je vais prendre le contre-pied. Les bons livres… ils peuvent être sur papier… mais ils seront toujours en numé­rique. Tout simple­ment parce qu’il n’y a aucune raison pour qu’un bon livre ne soit pas publié aussi en numé­rique.

    Par contre le numé­rique et son faible coût de publi­ca­tion peuvent entrai­ner un foison­ne­ment, une richesse qu’on n’a jamais vus en papier et qu’on ne pourra jamais voir. Il s’agit de la litté­ra­ture ouverte à tous pour la lecture mais aussi pour l’écri­ture. Il y aura du mauvais, voire du très mauvais, mais il y aura aussi du bon voire du très bon qui n’au­rait pas éclos sans cette faci­lité.

    Le numé­rique c’est aussi la possi­bi­lité de renou­ve­ler les formats en publiant des nouvelles et formats courts, oubliés des librai­ries et des éditeurs. C’est aussi la possi­bi­lité de sortir tant de textes trop risqués en édition papier, de la poésie au nouveau roman en passant par des ovnis trop déca­lés pour imagi­ner les mettre en tête de gondole dans les maga­sins.

    Nous avons eu une grande révo­lu­tion en passant des livres reco­piés manuel­le­ment à l’im­pri­me­rie, une petite révo­lu­tion avec l’avè­ne­ment du poche. Chacune a permis d’élar­gir la litté­ra­ture, sa diffu­sion, et sa richesse. Ce que le numé­rique promet, c’est un élar­gis­se­ment d’un ordre de gran­deur supé­rieur.

    Personne n’en veut au papier, pas plus que le poche n’a fait dispa­raître le grand format, mais si on enseigne aux libraires que là n’est pas leur avenir, ils vont se conten­ter de faire du commerce d’arbres morts décou­pés en fines lamelles, plus ou moins mis en avant en fonc­tion du nombre de leur passages à la TV ou de médailles litté­rai­res… et finir par mourir.

    Permet­tons-leur de ne plus vendre du papier mais de conseiller de la litté­ra­ture. Là non seule­ment le support n’est pas primor­dial, mais il est évident qu’il y aura un bouillon­ne­ment dans le numé­rique qu’il serait suici­daire de lais­ser à Amazon.

  • Poli­tique cultu­relle : numé­ri­sa­tion du patri­moine

    Petite vision de ce qu’il se fait en Norvège et compa­rai­son avec le système ReLire français.

    Les deux projets ont pour objec­tif de numé­ri­ser les livres publiés dans leur pays avant 2001 pour leur redon­ner une vie et assu­rer la diffu­sion du patri­moine cultu­rel.

    Les simi­la­ri­tés s’ar­rêtent ici.

    La Norvège finance une numé­ri­sa­tion publique, et en donne ensuite un accès public (unique­ment aux admi­nis­trés), gratui­te­ment. Seuls les auteurs sont rému­né­rés, de façon forfai­taire. Ceux qui veulent s’en exclure le peuvent.

    La France subven­tionne les numé­ri­sa­tions qui seront faites par les éditeurs, et en donne ensuite l’ex­ploi­ta­tion aux éditeurs, exploi­ta­tion qui ne pourra pas être gratuite. Les béné­fices vont à moitié pour l’édi­teur et pour les auteurs (via une gestion collec­tive) après rembour­se­ment des frais de numé­ri­sa­tion (donc les non rentables ne touchent rien). Ceux qui veulent s’en exclure ont six mois pour le faire à partir d’une date qu’on ne leur annonce pas.

    Il y a comme une diffé­rence flagrante dans la vision de la mission des deux biblio­thèques natio­nales ou des deux minis­tères de la culture. Les deux visions ont des moti­va­tions respec­tables, mais elles sont tota­le­ment oppo­sées

    Il y a aussi du très posi­tif à signa­ler : La BNF a annoncé l’ou­ver­ture de sa base biblio­gra­phique, et ça c’est un très grand pas dans la bonne direc­tion.

  • Ce n’est pas de la culture

    III. À propos des produc­tions de l’es­prit et des valeurs qui les accom­pagnent.
    ☆ 1. Ensemble des acquis litté­raires, artis­tiques, arti­sa­naux, tech­niques, scien­ti­fiques, des mœurs, des lois, des insti­tu­tions, des coutumes, des tradi­tions, des modes de pensée et de vie, des compor­te­ments et usages de toute nature, des rites, des mythes et des croyances qui consti­tuent le patri­moine collec­tif et la person­na­lité d’un pays, d’un peuple ou d’un groupe de peuples, d’une nation. La plura­lité des cultures humaines. La culture chinoise. La culture gréco-latine. La culture française, germa­nique, anglo-saxonne. Cultures régio­nales. Les cultures préco­lom­biennes. La culture bantoue. La culture occi­den­tale, orien­tale, afri­caine. Une culture dispa­rue. Une culture qui ne cesse de s’en­ri­chir. Le problème de la coexis­tence des cultures. 
    ☆ 2. Ensemble des valeurs, des réfé­rences intel­lec­tuelles et artis­tiques communes à un groupe donné ; état de civi­li­sa­tion d’un groupe humain. Culture popu­laire. Culture de masse. Permettre l’ac­cès de tous les citoyens à la culture. Spécialt. Minis­tère de la Culture (ou préfé­ra­ble­ment Minis­tère des Affaires cultu­relles), qui a pour attri­bu­tions d’as­su­rer la conser­va­tion et l’ex­ploi­ta­tion du patri­moine, d’or­ga­ni­ser les ensei­gne­ments artis­tiques et de favo­ri­ser la créa­tion et la diffu­sion des produc­tions de l’art. Maison de la culture, établis­se­ment public ayant pour mission de permettre l’ac­cès du plus grand nombre à la culture et de favo­ri­ser la créa­tion litté­raire et artis­tique.

    Diction­naire de l’Aca­dé­mie Française, 9ème édition

    S’il existe une idée majeure dans la notion de culture, c’est la notion de collec­ti­vité et de biens communs. Les oeuvres ne peuvent se récla­mer de la culture que si nous envi­sa­geons qu’elles parti­cipent à cette collec­ti­vité et ce bien commun, aujourd’­hui ou au moins demain.

    À y regar­der, mis à part quelques oeuvres qui ont dépassé leur auteur – souvent avec l’ac­cord de ce dernier – notre culture popu­laire est essen­tiel­le­ment compo­sée de légendes, contes et oeuvres qui ont plus d’un siècle et demi. Suis-je le seul à y voir un problème ?

    À vouloir garder les oeuvres comme des proprié­tés privées indé­fi­ni­ment sous contrôle, ou pendant des géné­ra­tions, nous sortons du domaine cultu­rel pour se canton­ner à celui du diver­tis­se­ment ou de l’en­sei­gne­ment privé.

    Inté­res­sant aussi de noter que le Minis­tère de la Culture a pour attri­bu­tion l’ex­ploi­ta­tion, et la diffu­sion. Qu’on m’ex­plique pourquoi on ne semble pour­tant penser désor­mais la culture que sous forme d’al­lon­ge­ment et de renfor­ce­ment du mono­pole d’au­teur, d’ex­clu­sion des oeuvres de la sphère collec­tive.

    Peut-être est-ce profi­table aux auteurs et globa­le­ment à la créa­tion – même si j’en doute pour cette dernière – mais… Culture ? le terme n’est plus adapté. Nous faisons exac­te­ment l’op­posé. Nous ne parta­geons plus, nous ne béné­fi­cions plus à la collec­ti­vité, nous ne consti­tuons plus de biens communs. Il est temps de chan­ger.

  • Fiction amazo­nienne

    Le parle­ment s’est enfin chargé du sujet brûlant des libraires. La concur­rence d’Ama­zon commençait à les mettre à risque dange­reu­se­ment.

    Il faut dire qu’A­ma­zon a un tel volume qu’il pouvait faire ce qu’au­cun libraire ne peut envi­sa­ger: Ache­ter de la surface au sol en centre ville pour y poser du stock au plus près des clients, payer des vendeurs-conseil à attendre ces clients toute la jour­née, et lais­ser ces derniers flâner et se lais­ser tenter sur place. Le volume de vente énorme créé par ce nouveau modèle de vente lui permet d’amor­tir très faci­le­ment tous ces coûts supplé­men­taires et de les offrir aux clients fidèles.

    Les libraires histo­riques qui faisaient de la VPC par écono­mie se retrouvent dépas­sés. Nous risquons de perdre tout notre riche réseau de libraires sur Inter­net si on ne les protège pas. Ceux qui ont tenté l’aven­ture en créant eux aussi des maga­sins physiques ont bien du mal à déga­ger une marge suffi­sante pour ne pas factu­rer les services en plus, comme l’ac­cès au maga­sin, au parking privé atte­nant, ou à la demi-heure de conseil person­na­lisé par un vendeur humain.

    Autant dire que l’ac­ti­vité d’Ama­zon agaçait depuis long­temps, surtout vue du point de vue du prix unique du livre. Offrir tous ces services indé­pen­dants en plus de la pres­ta­tion de vente et de remise du livre acheté était consi­déré par beau­coup comme un détour­ne­ment du prix unique du livre.

    Bien­tôt ce sera fini, les libraires avec maga­sin en centre ville ne pour­ront plus cumu­ler la remise de 5% sur le prix du livre et la gratuité des services atte­nants au maga­sin physique. Les libraires histo­riques (vpc) pour­ront enfin souf­fler et survivre.

    Ce qui est très marrant c’est qu’on peut réécrire l’his­toire actuelle dans l’autre sens, et que ça fonc­tionne encore mieux. Le problème n’est pas celui des frais de port, c’est celui de la défense d’un ancien modèle face au seul un acteur qui a inves­tit massi­ve­ment dans un nouveau modèle perti­nent, et qui acquiert en retour une masse critique dange­reuse. A-t-on vrai­ment choisi le bon style de réponse ?

  • Et si on arrê­tait avec la rede­vance télé­vi­suelle ?

    Sérieu­se­ment, chaque année on redis­cute de l’as­siette de la rede­vance télé­vi­suelle.

    Ça en devient ridi­cule, surtout avec la fron­tière qui s’at­té­nue entre la télé­vi­sion « à l’an­cienne » et les nouveaux écrans permet­tant de récep­tion­ner les mêmes émis­sions. Je ne connais pas les chiffres mais je ne serai pas étonné que la gestion de cette rede­vance coûte une somme non négli­geable : véri­fier qui a coché la case, faire des contrôles, gérer le flux des décla­ra­tions des vendeurs pour noti­fier de qui achète un poste de télé­vi­sion, etc.

    Je ne parle même pas du temps poli­tique gâché à savoir si les cartes tuner doivent être décomp­tées. Même chose pour les magné­to­scope et enre­gis­treurs numé­riques compor­tant un tuner, les box inter­net permet­tant de rece­voir la tv, les forfaits smart­phone avec option tv inclue… et j’en passe.

    Je ne parle même pas de ceux qui ont l’im­pres­sion de payer pour des chaînes qu’ils ne regardent pas et qui se plaignent du niveau des programmes ou de l’ab­sence de diffé­rence avec TF1 (je remarque juste que ceux qui se plaignent de l’ab­sence de diffé­rence sont aussi ceux qui souhaitent arrê­ter la rede­vance, ce qui ne me semble pas cohé­rent dans l’in­ten­tion). Notons tout de même que la rede­vance paye aussi nombre de radios, par exemple France Info.

    Un rôle public ?

    Alors de deux choses l’une. Soit on consi­dère la TV publique comme juste des chaînes et des programmes en plus, soit on consi­dère que ça a une utilité publique un peu plus grande que ça.

    En effet, même si ce rôle s’at­té­nue année après année, la TV publique peut être vue encore comme une garan­tie contre la prise de contrôle de l’opi­nion publique par un nombre restreint de patrons de chaînes TV. Ce medium a une influence gigan­tesque, et la présence d’une TV publique permet de poser une réfé­rence et d’évi­ter de poten­tiels déra­pages. Là bas la TV publique n’a pas suffit à contre­ba­lan­cer, mais ceux qui ont jeté un oeil à Media­set sur la TV italienne doivent comprendre de quoi je parle.

    Tenir ce rôle n’im­pose pas d’avoir des conte­nus haute­ment intel­lec­tuels, juste de jouer un rôle neutre si jamais le privé commence à vouloir « créer l’opi­nion » au lieu de la reflé­ter. Au contraire d’ailleurs : Pour que ce rôle fonc­tionne il faut une TV publique avec une audience du même ordre de gran­deur que la TV privée. Si les gens demandent des jeux idiots et des séries poli­cières, alors donnons des jeux idiots et des séries poli­cières.

    Rien n’em­pêche de cher­cher un rôle secon­daire cultu­rel ou éduca­tif avec une chaîne un peu plus orien­tée sur les conte­nus et un peu moins sur l’au­dience. Si vous recon­nais­sez France 5 / Arte dans ce para­graphe et France 2 / France 4 dans le précé­dent, ce n’est peut être pas une coïn­ci­dence.

    Étendre ou arrê­ter

    La parti­cu­la­rité de la seconde vision, avec un vrai rôle public, c’est que la TV publique béné­fi­cie à la société dans son ensemble, pas qu’à ses spec­ta­teurs. On paye l’école, les musées, les routes, l’éclai­rage public même si on ne s’en sert pas person­nel­le­ment. Dans le pire des cas on en béné­fi­cie indi­rec­te­ment avec toute la société. La TV publique peut être simple­ment vue de la même façon.

    Donc voilà, si nous croyons à ce rôle public, assu­mons le et arrê­tons les frais avec cette rede­vance condi­tion­née par des critères en discus­sion perma­nente et qui ont de moins en moins de sens avec l’évo­lu­tion tech­no­lo­gique : Passons direc­te­ment à un impôt payé par tous, progres­sif, proba­ble­ment fusionné dans l’im­pôt géné­ral.

    Et sinon ? et bien sinon c’est que nous avons simple­ment des chaînes de diver­tis­se­ment avec abon­ne­ment obli­ga­toire, ce qui est tous sauf satis­fai­sant. Arrê­tons ce qui n’a plus de sens et vendons le reste. Dans tous les cas oublions cette idée de rede­vance.

    Note : Je parle de TV mais il en va de même pour la radio, qui éton­nam­ment est payée unique­ment par ceux qui ont une télé­vi­sion, c’est dire la cohé­rence.

    La situa­tion actuelle est juste impos­sible où certains regardent sans payer, d’autres payent sans regar­der, et les derniers regardent mais n’ont pas l’im­pres­sion d’en avoir pour leur argent par rapport au privé. Faire payer un bien public n’a de sens que si les gens comprennent pourquoi ils payent.

  • Impact de la léga­li­sa­tion des échanges non marchands

    Une nouvelle étude vient confor­ter l’idée que la contre­façon de biens imma­té­riels n’a d’im­pact néga­tif ni sur la créa­tion ni sur l’in­dus­trie cultu­relle, au moins concer­nant les échanges non marchands.

    Cette dernière étude nous vient de la Commu­nauté euro­péenne elle-même, en se concen­trant sur la musique. En fait, malgré les décla­ra­tion publiques et poli­tiques, le fond ne fait plus tant débat que ça : L’im­pact lié aux échanges entre parti­cu­liers est au pire peu signi­fi­ca­tif sur le marché global.

    Pour­tant je trouve que certains vont un peu vite dans les inter­pré­ta­tions et conclu­sions :

    Si on consi­dère que la contre­façon n’a que peu d’im­pact globa­le­ment pour l’in­dus­trie, je ne crois pas avoir vu beau­coup de chiffres sur la répar­ti­tion des reve­nus. Il est tout à fait légi­time de penser que si le montant d’achat global n’est pas entamé, il puisse se repor­ter sur d’autres oeuvres ou d’autres types de pres­ta­tion.

    Quel est l’im­pact sur la diver­sité de la créa­tion ? sur la rému­né­ra­tion de certaines caté­go­ries d’ac­teurs écono­miques ? ou plus simple­ment comment cette répar­ti­tion évolue­rait-elle si on ouvrait large­ment les échanges non marchands ?

    Dans le même esprit, les études se basent sur le contexte actuel où les échanges non marchands ont un frein impor­tant du fait de leur illé­ga­lité en soi (très impor­tant pour une grande partie de la popu­la­tion) mais aussi de ce qu’im­plique cette illé­ga­lité au niveau de la visi­bi­lité de l’offre non marchande pour monsieur tout le monde, de la confiance qu’on peut accor­der ou non à ces acteurs non offi­ciels ou non recon­nus, de leur répu­ta­tion, de la peur du gendarme, etc.

    Les résul­tats actuels peuvent-ils vrai­ment être consi­dé­rés comme conti­nus si on légi­time ces échanges non marchands et que les offres corres­pon­dantes passent en concur­rence directe des offres marchandes avec le prix comme seul diffé­rence ou presque ?

    Bref, sauf à avoir manqué des éléments, ces études ne me paraissent pas être un élément perti­nent pour déci­der de la léga­li­sa­tion ou non des échanges non marchands. Ce serait large­ment les sur-inter­pré­ter.

    Je ne tire que deux conclu­sions sur ces études :

    • Il n’est pas légi­time de deman­der des dommages et inté­rêts déme­su­rés aux coupables de ces partages non marchands
    • Inves­tir des sommes déme­su­rées ou aller jusqu’à enta­mer les équi­libres des liber­tés civiles pour frei­ner cette contre­façon n’a aucun sens écono­mique.

    Je garde aussi deux faits essen­tiels qu’il serait dommage d’ou­blier :

    • Rien ne tuera la créa­tion, et surtout pas la capa­cité de chacun d’ac­cé­der et s’ap­pro­prier des conte­nus.
    • Si on n’uti­lise pas l’argent pour ache­ter ces biens cultu­rels, il sera utilisé pour d’autres biens cultu­rels, ou d’autres biens tout court. L’éco­no­mie globale ne tombera pas pour autant.
  • La culture Tele Z

    Je me suis retenu de parler ici du projet de numé­ri­sa­tion de docu­ments du domaine public à la BNF. D’autres le font mieux que moi et le sujet mérite mieux qu’un discours simpliste.

    L’idée que pour nos poli­tiques l’ac­ti­vité écono­mique prime sur le bien commun n’est pas neuve. Main­te­nant on ne peut pas donner des exclu­si­vi­tés sur le domaine public sous prétexte de manque de finan­ce­ment, et en paral­lèle subven­tion­ner pour 23 millions Tele Z, Télé 7 jours et autres Télé Star sur le budget de la culture. J’as­sume mon côté idéa­liste mais diffu­ser et numé­ri­ser le patri­moine public non seule­ment me parait plus impor­tant, mais aussi a plus de chances d’avoir des retom­bées à long terme.

    Oui, je sais, tout n’est pas compa­rable et les objec­tifs sont diffé­rents. Reste que le téles­co­page des deux infor­ma­tions fait assez mal.

  • Sur la réforme du droit d’au­teur

    Les ques­tions de copy­right et droit d’au­teur déchaînent les passions. Le texte de deux membres du Parti Pirate suédois va bien entendu faire de même. Le risque c’est que les réac­tions se forgent avant même la lecture unique­ment sur l’ori­gine du texte.

    Alors voilà, je vous recom­mande quand même la lecture. Je vais même aller plus loin : La lecture est indis­pen­sable. La ques­tion n’est pas de savoir si on adhère à la vision. Même si ces thèses vous font horreur, il y a quelques points et anec­dotes qui néces­sitent réflexion.

    La moitié des conclu­sions de section sont magni­fiques de clarté. Le lien plus haut contient mes mises en valeur mais voici quelques morceaux choi­sis (numé­ro­tés pour faci­li­ter les commen­taires) :

    1. ***

    Si vous pensez que ce serait une bonne chose si tous les échanges illé­gaux de fichiers dispa­rais­saient, c’est votre droit. Mais ça ne change rien à la réalité.

    2. ***

    Il n’y a pas besoin de dédom­ma­ger qui que ce soit parce que le progrès tech­no­lo­gique améliore ce monde.

    3. ***

    Aucun modèle écono­mique ne vaut mieux que nos droits civiques.

    4. ***

    Le copy­right améri­cain découle donc d’un équi­libre entre l’ac­cès du public à la culture et l’in­té­rêt de ce même public à la créa­tion de la culture. C’est essen­tiel. Le public est la seule aune de l’in­té­rêt du copy­right.

    Les déten­teurs de mono­pole, bien que béné­fi­ciant eux aussi du copy­right, ne sont pas des inté­res­sés légi­times, et n’ont pas leur mot à dire dans l’in­ter­pré­ta­tion de la loi, [..]

    Ce point doit être souli­gné. Beau­coup croient que la Cons­ti­tu­tion des États-Unis justi­fie l’exis­tence d’un mono­pole du droit de copie pour que les artistes puissent gagner leur vie. Litté­ra­le­ment parlant, là n’est pas la ques­tion ou l’in­té­rêt du copy­right.

    5. ***

    Pour comprendre l’ab­sur­dité des requêtes de l’in­dus­trie du droit d’au­teur, on doit se deman­der quels droits nous consi­dé­rons acquis dans le monde analo­gique. Ces droits doivent aussi s’ap­pliquer au monde numé­rique, puisqu’au moins en théo­rie, la loi ne fait pas de diffé­rence entre les moyens de commu­ni­ca­tion.

    6. ***

    La peine capi­tale n’a pas réussi à ralen­tir le pira­tage des fabriques des nobles. Même ceux qui connais­saient des arti­sans exécu­tés et tortu­rés conti­nuèrent à pira­ter sur le même rythme.

    7. ***

    Times Labs a analysé le marché de la musique améri­cain pendant les cinq dernières années, en se basant sur les données de la société anglais PRS. La conclu­sion du graphique est très claire :

    Les labels gagnent moins d’argent, les artistes plus, et le montant total est constant.

    8. ***

    Voici quelques faits qui n’ont pas eu lieu lorsque l’in­dus­trie de distri­bu­tion de glace devint obso­lète :

    – Aucun proprié­taire de réfri­gé­ra­teur ne fut pour­suivi en justice pour « produc­tion de son propre froid », igno­rant ainsi les socié­tés de distri­bu­tion de froid.

    – Aucune loi ne fut propo­sée pour rendre les compa­gnies d’élec­tri­cité passibles de pour­suites dans le cas où l’élec­tri­cité qu’elles four­nis­saient aurait été utili­sée d’une manière pouvant porter préju­dice au travail de vendeur de glace.

    – Personne ne demanda une taxe mensuelle aux proprié­taires de réfri­gé­ra­teur au profit du syndi­cat des vendeurs de glace.

    – Il n’y a pas eu de proli­fé­ra­tion de coûteux panels d’ex­perts pour soute­nir combien les vendeurs de glace étaient impor­tants pour l’éco­no­mie toute entière.

    Par contre, la distri­bu­tion mono­po­lis­tique devint obso­lète et l’éco­no­mie en géné­ral béné­fi­cia de cette décen­tra­li­sa­tion.

    9. ***

    35% des télé­char­ge­ments sur Inter­net sont de la porno­gra­phie. L’in­dus­trie porno­gra­phique possède exac­te­ment la même protec­tion du droit d’au­teur que les autres produc­tions audio­vi­suelles. Si les paie­ments d’un forfait cultu­rel sont consi­dé­rés comme un « dédom­ma­ge­ment » pour le télé­char­ge­ment d’œuvres proté­gées par le droit d’au­teur, alors 35% de l’argent devrait immé­dia­te­ment reversé à l’in­dus­trie porno­gra­phique. Pensez vous que les poli­tiques devraient créer un tel système ?

    […]

    Mais si vous souhai­tez exclure le porno d’un système forfai­taire, vous n’au­rez pas seule­ment à créer un « Bureau euro­péen de la mora­lité et des bons goûts », ou quelque chose de simi­laire pour déli­mi­ter ce qui est de la porno­gra­phie ou de l’art. Plus essen­tiel­le­ment, vous ne pouvez plus utili­ser l’ar­gu­ment que le forfait cultu­rel est une “compen­sa­tion” ou est relié au droit d’au­teur.

    Il devient plutôt au mieux une subven­tion cultu­relle aléa­toire, au pire un système de prélè­ve­ment non maîtrisé.

    10. ***

    Les droits d’au­teur et de copie sont des limi­ta­tions des droits de propriété. Ce sont des mono­poles privés accor­dés par le gouver­ne­ment qui limitent ce que l’on peut faire avec des choses que l’on a acquises léga­le­ment.

    […]

    Défendre le copy­right en arguant que les droits de propriété sont sacrés est comme défendre la peine de mort pour meurtre avec la justi­fi­ca­tion que la vie est sacrée. Il peut y avoir d’autres argu­ments, valides, pour défendre ces limi­ta­tions des droits de propriété — mais cette chaîne logique parti­cu­lière ne tient pas.

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