Catégorie : Culture

  • C’est l’édi­teur qui fait la litté­ra­ture

    Tous les textes ne sont pas des livres. C’est l’édi­teur qui fait la litté­ra­ture.

    Mais surtout, on a besoin de cette média­tion [de l’édi­teur], pour se recon­naître, soi-même, comme auteur, et pour savoir que son texte est vrai­ment un livre.

    Ah cette petite phrase de la Ministre de la Culture qui a fait coulé tant d’en­cre…

    Certes l’idée expri­mée a du sens et ne mérite pas le ridi­cule : Le regard de l’autre et la recon­nais­sance de l’autre font souvent partie du chemin pour recon­naitre la valeur de son propre travail, ou aident à le parcou­rir.

    C’est pour­tant aussi un symp­tôme plus profond. Il y a derrière une ques­tion de classe sociale et de recon­nais­sance sociale. Là prend tout son sens la notion de l’édi­teur comme auto­rité établie pour faire la diffé­rence entre les auteurs et les Auteurs.

    Il y a les vrais avec une majus­cule et vali­dés par un éditeur, puis il y a les autres qui écrivent aussi mais qu’on ne peut quand même pas consi­dé­rer de la même façon. Chacun sa place ! L’idée trans­pa­rait très bien dans les propos de Jean-Marie Cavada au parle­ment euro­péen.

    La hiérar­chie entre les romans de gare et ce qui se veut grande litté­ra­ture n’est pas si loin. Elle a juste changé de visage. Quand la notion d’au­teur commence à inté­grer un juge­ment sur le contenu, sur le mérite ou sur une échelle de recon­nais­sance, on ne parle plus de créa­tion cultu­relle mais d’ordre social.

    Parti de cet axiome, on comprend bien mieux le niveau et la forme d’in­ter­ven­tion publique dans la culture et la radi­ca­li­sa­tion systé­ma­tique du droit d’au­teur : Toute diffu­sion large ou peu chère est une atteinte à cette hiérar­chie de classe, à ceux qui se voient au dessus ou à ceux qui valident cette struc­tu­ra­tion.

    Le fait que le droit d’au­teur profite aussi à tout un chacun est juste un effet de bord dans ce qui n’est fina­le­ment qu’une lutte des classes.

    Si on parle de perte de valeur et d’en­cou­ra­ger la créa­tion, on discute en réalité de domi­na­tion et de sacra­li­sa­tion. C’est encore plus flagrant quand on regarde ces mêmes discus­sions en vue d’ac­cords inter­na­tio­naux : Il y a ceux qui luttent pour créer et diffu­ser. En face il y a ceux qui luttent pour contrô­ler l’ac­cès et la recon­nais­sance.

    Je ne dis pas que cette façon de voir est consciente ou majo­ri­taire, mais elle fait bien trop souvent surface depuis quelques temps parmi ceux qui fina­le­ment décident de orien­ta­tions et équi­libres de la créa­tion et du droit d’au­teur. Les consé­quences ne sont pas insi­gni­fiantes.

  • Never trust a corpo­ra­tion to do a library job

    For years, Google’s mission inclu­ded the preser­va­tion of the past. […]

    In the last five years, star­ting around 2010, the shif­ting prio­ri­ties of Google’s mana­ge­ment left […] archi­val projects in limbo, or aban­do­ned enti­rely.

    On parle de la plus grande archive Usenet de l’époque, de Google Books qui tentait de scan­ner tous les livres de la planète pour archive, ou de la News Archive qui gardait des histo­riques de presse ayant jusqu’à 200 ans d’an­cien­neté.

    Two months ago, Larry Page said the compa­ny’s outgrown its 14-year-old mission state­ment. Its ambi­tions have grown, and its prio­ri­ties have shif­ted. […]

    As it turns out, orga­ni­zing the world’s infor­ma­tion isn’t always profi­table. Projects that preserve the past for the public good aren’t really a big profit center. Old Google knew that, but didn’t seem to care.

    Tout est dans le titre : Never trust a corpo­ra­tion to do a library job.

    The Inter­net Archive is mostly known for archi­ving the web, a task the San Fran­cisco-based nonpro­fit has tire­lessly done since 1996, two years before Google was foun­ded.

    Archives du web, mais aussi audio et vidéo diverses, musiques, films, enre­gis­tre­ments TV, livres et même vieux logi­ciels.

    Le problème c’est que notre société a tendance à consi­dé­rer que tout doit être rentable, que si ça a un inté­rêt de le faire alors ça doit pouvoir être vendu et géré par une société privée. Même l’État se désin­té­resse au fur et à mesure de ses missions légi­time en calcu­lant la renta­bi­lité finan­cière des projets.

    Nous faisons de l’ar­chéo­lo­gie pour connaitre notre passé, mais jetons notre présent au lieu de l’ar­chi­ver, alors que c’est tech­nique­ment faisable, et poli­tique­ment souhai­table.

  • Être un bon ministre de la Culture

    Être un bon ministre de la Culture

    Même si je n’ai pas toujours été tendre avec Fleur Pelle­rin, là, je dois dire que j’ap­puie le cap qu’elle trace. Il faut en finir avec un minis­tère de la Culture sans aucune ligne poli­tique, réduit à être un guichet à subven­tions publiques, desti­nés à des gens qui n’ont aucun sens de la bonne utili­sa­tion des deniers publics, et qui, bien souvent, se moquent éper­du­ment du « grand public ». Si certains veulent faire de l’art d’avant-garde, celui que seule une « élite éclai­rée » peut comprendre et appré­cier, qu’ils le fassent avec leur argent. Mais pas sur fonds publics. Le minis­tère de la culture doit être celui de la diffu­sion de la connais­sance, de la culture pour tous, à commen­cer par ceux qui en ont besoin. La Culture, ce n’est pas seule­ment les grands musées pari­siens et les happe­nings bran­chouille façon festi­val d’Avi­gnon. C’est aussi et surtout les biblio­thèques, les ateliers scolaires dans les musées ou les services d’ar­chives, l’édu­ca­tion artis­tique. Bref, ce qui s’adresse au grand public pour vulga­ri­ser, au sens noble du terme.

    Je ne suis pas d’ac­cord avec d’autres côtés, notam­ment le côté « ministre de l’in­dus­trie cultu­relle qui doit s’oc­cu­per davan­tage d’éco­no­mie que de créa­tion », mais le para­graphe cité est on ne peut plus bien­venu.

    Sans faire réduire tout au marché de masse et en faire l’apo­lo­gie, il est temps d’en finir avec la vue élitisme sous subven­tion de la culture.

    Le reste est chez Authueil.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-SA Ahmed

  • Alpi­nisme cultu­rel

    Alpi­nisme cultu­rel

    L’in­dus­trie cultu­relle s’est enga­gée dans une esca­lade légale et morale qui ferait pâlir n’im­porte quel alpi­niste chevronné. L’ou­tillage utilisé commence à être grave­ment risqué sur le long terme au niveau des liber­tés et de la vie de tous les jours. Même pour l’in­dus­trie elle-même, le durcis­se­ment de l’en­vi­ron­ne­ment légal de la propriété intel­lec­tuelle devient une balle qu’on se tire dans le pied. Chaque jour l’en­vi­ron­ne­ment juri­dique devient de plus complexe et plus incer­tain, la capa­cité d’in­no­va­tion et de créa­tion s’écrasent. Seuls les copy­right-bot et copy­right-troll sont floris­sants.

    On conti­nue à esca­la­der pour rien, en pensant que chaque nouvel ajout permet­tra de reve­nir magique­ment des années en arrière, ou du moins de frei­ner la chute inexo­rable. Bien entendu, en plus d’être dange­reux pour tout le monde, le pire c’est que ça ne fonc­tionne simple­ment pas. Personne n’a rien à y gagner.

    Cette guerre est perdue. Les batailles dure­ront peut être encore un, trois, cinq, dix, vingt ans, peut-être même plus, mais l’is­sue est inexo­rable : Si on conti­nue la fuite en avant jusqu’à ce que toute la cordée décroche, on va juste s’écra­ser en bas et on n’aura plus rien. Pas même une mauvaise alter­na­tive. Rien.

    Il est encore temps de s’ar­rê­ter, d’ima­gi­ner autre chose. Peu importe que cette autre chose soit insa­tis­fai­sant ou mora­le­ment injuste. La ques­tion n’est pas là. Elle n’est plus là. Il faut accep­ter d’ar­rê­ter de grim­per, accep­ter de redes­cendre pour aller ailleurs, même si ça nous coûte énor­mé­ment, parce que c’est la seule solu­tion pour conti­nuer de vivre.

    Justi­fier l’es­ca­lade par la volonté de faire survivre le modèle est un manque de recul flagrant, mais le faire au nom de la légi­ti­mité de sa cause c’est juste être hors sujet. Le poids écono­mique de l’in­dus­trie cultu­relle garan­tit de tenir encore quelques temps, surtout renforcé par le poids de l’État. Ça ne sera au final que du poids en plus lors du décro­chage. Il serait telle­ment plus rentable de profi­ter de ce refuge tempo­raire pour commen­cer à descendre et chan­ger de chemin…

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-SA par cris­tian ruberti

  • Archi­ver le web

    Archi­ver le web

    J’adore le prin­cipe de la wayback machine de l’ini­tia­tive Inter­net Archive. Ils indexent le web et gardent une archive des versions rencon­trées. On peut revoir les conte­nus qui ont disparu du web, ou consul­ter des anciennes versions de conte­nus qui ont changé entre temps.

    Et si on réuti­li­sait l’ini­tia­tive à titre person­nel ? Pouvoir retrou­ver les conte­nus déjà visi­tés, même s’ils ont été reti­rés ou ont été amen­dés. Avec un peu de bidouille on pour­rait même recher­cher à travers nos archives.

    C’est ce que propose l’IIPC avec le projet open­way­back. Pour ceux qui ne veulent pas utili­ser pywb.

    Je pense de plus en plus à me consti­tuer mon archive : Au moins avec les pages que je mets en favori, celles que je lie à partir de mon blog, les liens que j’en­re­gistre dans Pocket, que je lis dans mon flux Twit­ter ou que j’y pose moi-même. Peut-être même que ça vaudrait le coup d’en­re­gis­trer tout ce qui passe dans mon histo­rique de navi­ga­tion.

    Pour l’ins­tant je n’ai jamais sauté le pas, mais est-ce si complexe ? pas certain. Il suffi­rait d’un peu de temps, d’un peu de code et de stockage en assez grande quan­tité. Rien d’in­fai­sable.

    Entre temps, d’autres se mettent en tête d’ar­chi­ver le web, tout le web. Rien que ça. L’In­ter­net Archive n’est qu’une compo­sante parmi d’autres reliées grâce à Memento. L’Archive Team fait un travail paral­lèle : Eux réus­sisent à archi­ver les conte­nus de quelques services en vue avant qu’ils ferment, les conte­nus des redi­rec­teurs d’URL, et même les conte­nus FTP.

    Le web gros­sit à une vitesse formi­dable mais les possi­bi­li­tés de stockage restent suffi­sam­ment impor­tantes pour qu’ar­chi­ver le web soit du domaine du possible.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-ND par Pietro­mas­simo Pasqui

  • Ivres de la jungle

    Ivres de la jungle

    Auteur (un peu) connu ; chro­niqueur humo­ris­tique, en rupture du monde de l’édi­tion qui ne m’ac­corde pas de crédit malgré mon lecto­rat passé, et encore actuel, depuis quelques années (http://fr.wiki­pe­dia.org/wiki/Fran­cis_Mizio), je lance cette nouvelle forme de ce que jadis on appe­lait une sous­crip­tion.
    Ivres de la jungle, sur Ulule

    Dans tous les systèmes écono­miques alter­na­tifs pour la produc­tion cultu­relle, le finan­ce­ment parti­ci­pa­tif est un de ceux que j’ap­pré­cie le plus.

    C’est encore bancal car hors des usages, mais ça répon­dra à une partie des problé­ma­tiques bien mieux que les licences globales, rede­vances de copie privée, contri­bu­tion créa­tives et autres systèmes déri­vés d’une gestion collec­tive.

    Voyez ça comme un système de micro-mécé­nat, qui est juste le système qui a financé la culture sur quasi­ment toute l’his­toire humaine. La préva­lence du droit d’au­teur patri­mo­nial est un événe­ment assez récent qui n’a jamais été stable ou tota­le­ment satis­fai­sant.

    Ici ça prend de plus la forme d’une précom­mande, ce qui assure le créa­teur de sa rému­né­ra­tion mini­mum avant même la réali­sa­tion.

    On ne finan­cera pas tout par le parti­ci­pa­tif, il ne s’agit pas de faire mourir le droit d’au­teur pour autant, mais si vous voulez parti­ci­per à la liberté des auteurs et à la construc­tion d’un autre écosys­tème, c’est entre autres par là que ça se passe. Et c’est sacré­ment bien adapté à la problé­ma­tique du livre.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY par Mario Mancuso

  • Mon libraire n’est pas un super­mar­ché

    Mon libraire n’est pas un super­mar­ché

    • Il y a des librai­ries de bandes dessi­nées, qui font le choix de ne pas vendre de romans.
    • Il y a des librai­ries de romans, qui font le choix de ne pas vendre d’es­sais poli­tiques.
    • Il y a des librai­ries de polars, qui font le choix de ne pas vendre de science-fiction.
    • Il y a aussi des librai­rie qui font le choix de ne pas avoir d’éro­tique, ou de reli­gieux, ou d’édi­teurs avec des mauvaises condi­tions commer­ciales, ou…

    Et c’est très bien comme ça. Chaque commerce fait ses propres choix, construit son offre, son marke­ting. Mon libraire n’est pas un super­mar­ché qui vend n’im­porte quoi (cela étant dit, même les super­mar­chés font ce genre de choix).

    Non ce n’est pas un refus de vente

    Et en consé­quence, Non, un libraire n’a aucune obli­ga­tion de vendre quoi que ce soit, pas plus qu’un autre commerce (sauf à avoir pris un enga­ge­ment contrac­tuel parti­cu­lier en ce sens, mais c’est une autre histoire).

    Non, que le libraire refuse de vendre le livre X ou Y n’est pas un refus de vente, c’est un choix dans son offre. La notion de refus de vente est là pour proté­ger le client d’un arbi­traire :

    Rien n’oblige un commerçant à propo­ser à la vente un quel­conque bien ou service mais s’il le fait, il ne pourra pas vous en refu­ser la vente. Vis à vis de la loi, un libraire est un commerçant comme un autre, qui peut donc tout à fait ne pas propo­ser certains livres à la vente.

    Non ce n’est pas de la censure

    Est-ce de la censure alors ? Tout dépend de la défi­ni­tion que vous y appor­tez. En géné­ral quand c’est un choix volon­taire sans pres­sion on parle de choix édito­rial, la censure étant une acti­vité sous contrainte exté­rieure.

    Il faudrait aussi regar­der pourquoi le livre est exclu de la vente. Si c’est pour des ques­tions commer­ciales ou pour des ques­tions de qualité litté­raires, il est diffi­cile de parler de censure. La ques­tion ne reste que si c’est réel­le­ment pour exclure une idée ou une parole.

    Et même là, chaque libraire garde heureu­se­ment son choix de ce qu’il cautionne et de son marke­ting. Le problème ne commence que quand ce libraire a un poids tel que l’ex­clu­sion d’un livre en limite signi­fi­ca­ti­ve­ment l’ac­ces­si­bi­lité. En gros on parle d’Ama­zon, d’Apple (pour le numé­rique), de la Fnac, et c’est peut être tout. Éton­nam­ment, si ça râle sur les libraires qui ne veulent pas vendre le livre de V. Trier­wei­ler, on entend moins les gens sur Amazon qui refuse de vendre les livres critiques sur lui-même, ou Apple qui refuse l’éro­tique.

    Cela dit, concer­nant ce livre de Valé­rie Trier­wei­ler, les libraires sont surtout très hypo­crites quand ils annoncent ne pas vouloir le vendre.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-ND par Cait­lin ‘Cai­ty’ Tobias

  • Ne pas vouloir ou ne pas pouvoir ?

    Ne pas vouloir ou ne pas pouvoir ?

    J’ai vu passer des photos d’af­fiches mises par les libraires à propos du livre de Valé­rie Trier­wei­ler. Ça va de « La librai­rie n’a pas voca­tion à laver le linge sale de Madame Trier­wei­ler » à « Nous sommes libraires. Nous avons 1001 livres. Nous n’avons pas voca­tion à être la poubelle de Trier­wei­ler et Hollande. ‘Merci pour ce moment’ de compré­hen­sion. »

    Il y a peu de jours j’ap­prends aussi que parfois les sorties de titres à scan­dale sont sous embargo. Le libraire doit consti­tuer son stock sans connaitre ni le contenu ni même le titre ou l’au­teur. Ça se fait unique­ment dans la confiance dans les esti­ma­tions de l’édi­teur (c’est à dire dans la non-confiance de l’édi­teur envers ses libraires). Ce fut très proba­ble­ment le cas pour le livre de Valé­rie Trier­wei­ler.

    Bref, très proba­ble­ment les libraires ont pris le risque (ou pas) de comman­der avant de savoir ce que c’était. Quand le livre a fait « boom », il a été épuisé en quelques jours et il était trop tard pour y palier de toutes façons.

    La jolie histoire du libraire qui fait le choix de ne pas distri­buer un livre un peu revan­chard, elle s’éclaire d’une tout autre lumière désor­mais.

    Je ne dis pas que pour certains ce puisse être un vrai choix de déga­ger de la litté­ra­ture orien­tée romans et non des brûlots poli­tiques, mais dans l’en­semble, ça ressemble surtout à une habile manière hypo­crite d’ex­pliquer qu’ils n’en ont pas en stock et que malheu­reu­se­ment le livre est épuisé, qu’ils en ont marre qu’on leur demande ce qu’ils ne +p+euvent pas vendre.

    Une réim­pres­sion est relan­cée mais l’his­toire va se répé­ter. Pour l’ins­tant c’est encore les premiers jours, quasi­ment personne ne l’a lu. Les gens l’achètent parce qu’on en parle, sans savoir. Rien ne dit que l’in­té­rêt subsis­tera dans quinze jours quand l’ac­tua­lité sera passée à autre chose et que le bouche à oreille commen­cera à parler du contenu réel. Il serait normal que les libraires indé­pen­dants hésitent à comman­der du stock sur la réim­pres­sion à venir, quitte à rejouer le même scéna­rio.

    Entre temps… il est dispo­nible en numé­rique, chez tous ceux qui font du numé­rique (éton­nam­ment, là où la vente est possible, personne ne colle d’af­fiche comme quoi ils ne veulent pas le faire).

    D’un autre côté, notez que OUI, le libraire choi­sit les ouvrages qu’il commande, et c’est bien normal. Le stock coûte cher, les inven­dus aussi, la place est limi­tée. Bref, même s’il voulait faire autre­ment, le libraire choi­sit ce qu’il a en maga­sin (et donc ce qu’il vend). Mis à part Amazon (et encore), même les très gros libraires en ligne avec de gros entre­pôts ont cette problé­ma­tique de choix. Il y a une alchi­mie entre prévoir ce qui se vendra, déga­ger une couleur édito­riale, et mettre en avant des coups de coeur.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-ND par JOSE VICENTE JIMENEZ RIBAS

  • Livre, Recul sur l’oeuvre et adap­ta­tion

    Livre, Recul sur l’oeuvre et adap­ta­tion

    > Certaines alté­ra­tions vous ont-elles chagriné?

    Je répon­drai par une autre ques­tion. Combien d’en­fants a Scar­lett O’Hara dans « Autant en emporte le vent »? Dans le film, elle en a un, et trois dans le roman. Deux formes, une histoire. À chacune son dispo­si­tif. C’est très bien comme ça.

    Plus que le clas­sique « vous aimez bien tuer vos person­nages », c’est cette ques­tion qui m’in­té­resse. La réponse dénote non seule­ment d’un récul inté­res­sant sur sa propre créa­tion, où on en accepte des déri­va­tions et où tout n’est pas sacré, mais aussi sur la notion d’ad­pa­ta­tion au média.

    Le fait que l’au­teur ait commencé par écrire pour l’écran avant de rédi­ger son livre papier doit certai­ne­ment aider à ce recul. Même en s’au­to­ri­sant à passer sous silence bien des passages, la tenta­tive d’adap­ta­tion fidèle gâche à mon avis bien des passages de livres à l’écran.

    Échanges rappor­tés par Bibliobs

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-NC-ND par Gonga­shan

  • Culture, entre propriété indi­vi­duelle et bien commun

    Je lis Niel Jomunsi abor­der avec brio la ques­tion de la diffu­sion de ses oeuvres, de la copie et de son impact. Je n’ai limite rien à ajou­ter telle­ment c’est bien pensé et bien expliqué. Je ne saurai trop vous recom­man­der la lecture.

    Thierry Crou­zet répond, en parlant d’al­go­rithmes.  Je ne comprends pas cette vision et ce voca­bu­laire tech­nique.

    On copie. Pas d’al­go­rithme ou de magie à l’oeuvre du point de vue utili­sa­teur. Copier on le fait déjà avec des images, avec du texte, avec de la musique. On l’a toujours fait.

    On avait peur de l’im­pri­me­rie quand elle est arri­vée. Plus tard on a eu peur de la radio, avec des conte­nus gratuits ça serait la mort de la produc­tion phono­gra­phique. Puis on a eu peur des cassettes audio, puis des mêmes en vidéo, du photo­co­pieur, du graveur de CD, du rattra­page TV.

    Non, ce qui arrive n’est pas l’ef­fet de bord de la révo­lu­tion numé­rique. Ce qui arrive est l’évo­lu­tion natu­relle de notre société, conti­nue depuis des siècles. Le fait qu’on travaille avec du numé­rique n’est pas plus struc­tu­rant que le fait qu’on ait travaillé avec des photo­co­pieurs il y a 50 ans ou avec du plomb il y a 100 ans.

    Je ne dis pas que le partage numé­rique à grande échelle ne va rien chan­ger – au contraire – mais d’une part il faut arrê­ter de croire que la présence de conte­nus gratuits va dimi­nuer d’au­tant le budget cultu­rel – le passé a prouvé plusieurs fois que ce n’était pas le cas – d’autre part affir­mer que la rému­né­ra­tion à la copie est indis­pen­sable est forte­ment mécon­naitre notre histoire : Ce modèle actuel de rému­né­ra­tion à la copie est tout récent, la part la plus impor­tante de notre culture s’est forgée dans d’autres modèles.

     

    Pour la suite, désolé, mais je ne comprends pas l’ar­gu­men­ta­tion qui veut amal­ga­mer les caisses auto­ma­tiques, le trading haute fréquence et le droit de parta­ger un livre numé­rique à son voisin. Je ne dis pas que ce sujet est inin­té­res­sant, mais ça n’a un peu rien à voir à mon humble avis.

    Quand on parle de copie de conte­nus cultu­rels on ne parle pas d’au­to­ma­ti­sa­tion d’un travail manuel, on parle d’équi­libre entre l’in­té­rêt indi­vi­duel de l’au­teur (et de la chaîne d’édi­tion/produc­tion) et entre l’in­té­rêt collec­tif de la société. C’est un sujet qui n’est pas léger, mais ce n’est « que » ça : un équi­libre à trou­ver.

    Inter­dire les copies ? C’est chan­ger l’équi­libre pour se rappro­cher de l’in­té­rêt indi­vi­duel (puisque des copies et des prêts on en a toujours eu même avant le numé­rique).
    Lais­ser faire les copies ? C’est lais­ser l’équi­libre déri­ver vers le collec­tif. C’est une direc­tion qui est prise depuis des dizaines ou des centaines d’an­nées, bien avant le numé­rique, mais qui fait un bon inima­gi­nable aujourd’­hui.

    La ques­tion est juste là. Où se situe l’équi­libre entre l’in­di­vi­duel et le collec­tif ? Celui qui croit avoir une réponse simple a proba­ble­ment mal compris la problé­ma­tique.