Catégorie : Culture

  • « Tu n’es pas un artiste »

    [á propos d’IA] Tu n’es pas un artiste. Tu es un produc­teur qui ne paye pas d’ar­tistes, et qui utilise à la place un logi­ciel qui les vole.

    Je ne suis telle­ment pas d’ac­cord avec ça…

    (spoi­ler : je n’uti­lise pas d’IA pour créer)

    Utili­ser un logi­ciel ne change rien à ma vision de l’ar­tiste. J’ai l’im­pres­sion d’un combat dépassé tel qu’on aurait pu en avoir entre les peintres et les photo­graphes.

    Celui qui utilise l’IA pour géné­rer un texte ou une image, qui réflé­chit à ce qu’il veut faire géné­rer, pourquoi, qui va relan­cer le modèle et modi­fier sa demande jusqu’à obte­nir ce qui lui convient, c’est pour moi tota­le­ment une démarche artis­tique, qui mène à un œuvre de l’es­prit au même titre que celui qui utilise d’autres outils.

    J’at­tri­bue même plus de notion de créa­tion à la situa­tion du para­graphe précé­dent qu’à celle d’un photo­graphe repro­dui­sant des portraits conve­nus suivant un agen­ce­ment de lumière iden­tique à n’im­porte qui d’autre.

    Et sur le vol ?

    Outre que je ne cautionne pas le terme de vol quand il n’y a pas sous­trac­tion du bien volé, je ne vois rien de vrai­ment inédit là non plus.

    Aucun artiste ne crée ex-nihilo. Tous vont dévo­rer des tonnes d’œuvres, en reco­pier des traits ou les détour­ner, s’en inspi­rer ou s’en éloi­gner, et alimen­ter leur propre vision à partir de là. S’il existe une période puis un courant poin­tilliste, un réalisme, un roman­tique, un pop-art et plein d’autres, c’est bien avec ce méca­nisme.

    Celui qui prétend créer autre­ment qu’a­près s’être alimenté des œuvres des autres manque au mieux de recul, au pire d’hon­nê­teté.

    Ce que fait l’IA c’est indus­tria­li­ser ce proces­sus, rien de plus.

    Alors oui, certains vont abuser de l’ou­til et pous­ser l’ins­pi­ra­tion trop loin, en s’ins­cri­vant trop dans le détour­ne­ment du style d’un tiers, voire dans le détour­ne­ment d’une œuvre. C’est juste vrai aussi pour les artistes sans IA, et pas toujours volon­tai­re­ment.

    Tout au plus on peut imagi­ner qu’il y a une ques­tion finan­cière vu que les œuvres servant à l’ap­pren­tis­sage des IA ne sont pas ache­tées alors que celles servant à l’ap­pren­tis­sage des artistes le sont partiel­le­ment. Il ne me semble pas impos­sible d’y trou­ver des solu­tions si vrai­ment on le doit (ce qui ne me semble pas une évidence).

    Et pour­tant

    S’il devait y avoir un vrai problème avec l’IA, pour moi ce n’est pas la ques­tion des artistes ou des œuvres mais celle de la consom­ma­tion éner­gé­tique. Je ne sais pas si les usages artis­tiques génèrent vrai­ment un volume signi­fi­ca­tif mais l’IA en elle-même reste un problème éner­gé­tique majeur.

    Même en igno­rant la ques­tion éner­gé­tique, le seul problème à la réuti­li­sa­tion des œuvres c’est le risque de tour­ner en rond. Ces outils sont intrin­sèque­ment faits pour que leurs créa­tions restent dans l’éco­sys­tème pré-exis­tant. Ce n’est après tout que de la prédic­tion statis­tique très élabo­rée. Si la masse d’œuvres faites à l’aide de l’IA dépasse un certain seuil, ça va s’auto-alimen­ter et il devien­dra diffi­cile de créer des œuvres qui sortent du lot.

    Bon, au pire ça fera reve­nir l’uti­lité et l’im­por­tance des artistes humains.

  • « PHP 5 avancé » en chiffres

    Je vois les auteurs racon­ter leur histoire, leurs rému­né­ra­tions. Je n’ai pas trop envie de m’y mélan­ger vu que je n’ai jamais été auteur profes­sion­nel ni n’ai jamais cher­ché à l’être. Mes enjeux d’au­teur du dimanche sont bien diffé­rents. Ajou­tez y que j’ai écrit dans à propos de tech­nique infor­ma­tique, très loin des auteurs de romans et de bande dessi­née.

    Pour autant, c’est aussi l’oc­ca­sion parce que je ne crois pas avoir déjà fait un tel bilan. Peut-être que ça inté­res­sera certain d’entre vous. Dites-moi s’il y a des ques­tions auxquelles je ne réponds pas.

    Atten­tion, ce n’est repré­sen­ta­tif de rien d’autre que de mon cas person­nel. J’ai même tendance à penser que mon histoire entre dans l’ex­cep­tion à plus d’un titre. Le fait qu’il y ait des gros chiffres dans la suite ne doit certai­ne­ment pas vous amener à penser que les auteurs roulent habi­tuel­le­ment sur l’or.

    Six éditions et quatre colla­bo­ra­teurs

    Travail à quatre mains avec Cyril Pierre de Geyer. Le premier chapitre a été fait en février 2003 pour une publi­ca­tion de 700 pages en juin 2004.

    PHP a pas mal évolué et le livre serait rapi­de­ment devenu obso­lète. Nous avons du mettre à jour le livre régu­liè­re­ment. Il y a eu une édition par an jusqu’en 2008 puis une sixième de 870 pages en 2012.

    La troi­sième édition a été reti­rée sur un format « best-of » en 2007, en paral­lèle de la vente de la quatrième dans son format d’ori­gine. J’avoue que ça me semble toujours étrange, d’au­tant que si nous en avons fait une quatrième édition plutôt qu’un reti­rage c’est que l’évo­lu­tion de PHP rendait l’an­cienne version moins perti­nente.

    Nous avons été épaulé par Hugo Hamon pour les relec­tures et l’in­dexa­tion de la cinquième édition. La sixième édition a été parta­gée avec un troi­sième auteur, Frédé­ric Hardy. Il est en petit sur la couver­ture, je le regrette aujourd’­hui.

    Les tirages et les ventes

    Le premier tirage était prévu à 3000 exem­plaires. Vus les chiffres de vente je suppose qu’il en a plutôt été tiré 3200 (ou alors on a vendu des livres qui n’exis­taient pas). Les chiffres des éditions suivantes ne tombant même pas proches de multiples de 250, j’ima­gine qu’on en imprime toujours un peu plus au cas où et que le chiffre final n’est pas tota­le­ment maitri­sable.

    La seconde édition a été tirée à envi­ron 3700 exem­plaires, la troi­sième et la quatrième ont toutes les deux fait entre 3200 et 3300 exem­plaires, plus envi­ron 4000 exem­plaires pour la best-off. La cinquième a béné­fi­cié de deux tirages, proba­ble­ment respec­ti­ve­ment 3400 et 2000 exem­plaires. La dernière a été tirée à quelque chose comme 3800 exem­plaires, proba­ble­ment en deux fois.

    Au total j’ai quelque chose comme 26 500 ventes sur les 12 ans de vie du livre.

    Le travail d’écri­ture

    Diffi­cile d’es­ti­mer le temps passé en écri­ture tant il était très frac­tionné, d’au­tant que ce n’était pas mon acti­vité prin­ci­pale. Sur les 16 mois de travail de l’édi­tion initiale, j’ai quand même du y passer une bonne majo­rité des soirs et week-end, et quelques mois quasi­ment à temps plein. À cela il faut bien entendu ajou­ter le travail de mon co-éditeur.

    Chose éton­nante pour moi, nous n’avons pas utilisé de logi­ciel ou de format de fichier spéci­fique à l’édi­tion, juste du Micro­soft Word avec une feuille de styles interne : un fichier par version et par chapitre nommé d’après l’au­teur a avoir créé la version, le tout dans un FTP.

    Les autres éditions ont été un effort variable, plus fort pour les premières que pour les dernières. On parle quand même géné­ra­le­ment de plusieurs mois pendant des soirs et des week-ends.

    Je n’ai aucune idée du travail total en équi­valent temps plein 35h sala­rié. Si je devais donner un chiffre je dirais proba­ble­ment un an équi­valent temps plein sala­rié, mais en réalité ça peut faci­le­ment être la moitié moins ou moitié plus.

    Malgré la moti­va­tion des premiers temps, faire ça en paral­lèle d’un job très prenant n’est pas aisé, surtout au moment des relec­tures. La colla­bo­ra­tion entre auteurs n’a pas toujours été évidente non plus. Ça parait évident après coup mais écrire à deux quand on ne se connait pas vrai­ment et qu’on ne se voit jamais en face à face, c’est forcé­ment un peu diffi­cile.

    La rému­né­ra­tion

    La rému­né­ra­tion est de 10% du hors taxe pour les ventes françaises grand format (4% sur les ventes à l’étran­ger, 5% sur le format poche — l’édi­teur a souhaité en sortir un une année, nous avons refusé), à parta­ger entre les auteurs initiaux, sans aucune avance, sur des livres qui ont varié de 35 à 45 € pour la collec­tion prin­ci­pale, 25 € pour le best-of.

    Même en allant cher­cher dans les archives, je suis encore aujourd’­hui inca­pable de dire combien j’ai gagné que ce soit en net ou en brut. J’ai des comptes de vente, des détails de coti­sa­tions, des avis de paie­ment et des résu­més de sommes à décla­rer au fisc. Rien ne se recoupe vrai­ment, quand je n’ai pas deux docu­ments d’un même type tota­le­ment diffé­rents pour une même année.

    Disons que la somme encais­sée avant impôts sur le revenu doit être entre 40 et 47 000 euros nets depuis le premier verse­ment en 2005. Précis hein ?

    Ramené à un an de travail c’est effec­ti­ve­ment très bien payé, surtout par rapport à ce que je lis à propos de auteurs en litté­ra­ture, en jeunesse ou en bande dessi­née. Même dans la four­chette haute, en comp­tant deux ans de travail en équi­valent temps plein, ça reste bien au dessus du SMIC. Cela dit il était loin d’être dit que ça rému­nè­re­rait autant, et ce que ça m’a apporté a large­ment dépassé le finan­cier. Je ne pensais pas à l’argent. Je ne m’étais en fait même pas fait de prévi­sion quand j’ai dit oui, et je n’au­rais pas su dire si je m’at­ten­dais à 1 000 ou 10 000 euros.

    Cette somme est après paie­ment de la TVA, de la CSG et CRDS, ainsi que d’une coti­sa­tion de 1% à l’Agessa. Tout ça est prelevé pour moi en amont par l’édi­teur. Pas de retraite, pas de prévoyance, et avec dans les 4000€ par an en moyenne je n’au­rais proba­ble­ment eu aucune couver­ture sociale si je n’avais pas eu un emploi sala­rié en paral­lèle.

    Pour l’im­pôt sur le revenu je déclare ce que l’édi­teur me dit en trai­te­ments et salaires. C’est peut-être idiot ou anor­mal, je n’ai jamais su (on m’a donné des réponses diffé­rentes à chaque fois que je deman­dais ce que devait faire un auteur de loisir) mais du coup c’est imposé sur le barème progres­sif.

    Autant Hugo (en relec­teur) que Frédé­ric (en co-auteur sur la dernière mise à jour) ont été rému­né­rés sur une base fixe, payée par l’édi­teur en plus de nos droits d’au­teur.

    L’édi­teur

    J’en­tends beau­coup de choses sur les éditeurs. Person­nel­le­ment moi j’ai plutôt eu une très bonne expé­rience d’Ey­rolles. Muriel, tu as été vrai­ment super, Karine aussi, et j’ou­blie certai­ne­ment des gens. Je n’ai eu à me plaindre de personne, au contraire.

    Si je devais repro­cher quelque chose, c’est le refus total de consi­dé­rer une durée limi­tée pour la version numé­rique du livre. Je crains cepen­dant qu’il en soit de même pour l’es­sen­tiel des éditeurs et mon co-auteur a de toutes façons refusé toute vente numé­rique par peur du pira­tage (qui a tout de même eu lieu, visi­ble­ment par des fuites des PDF internes desti­nés à l’im­pri­meur, avec les marques de découpe). Oh si, si je devais pinailler, il y a briè­ve­ment eu une mise en vente de la quatrième édition sous forme numé­rique malgré le refus expli­cite au contrat, mais ils y ont mis un terme quand on l’a fait remarquer.

    Je ne m’éten­drai pas sur ce point mais on a même eu une diffi­culté de répar­ti­tion des droits entre co-auteurs à un moment. Non seule­ment l’édi­teur a aidé à sa réso­lu­tion mais il a aussi pris le diffé­ren­tiel à sa charge pour solder le passé. Ok, vu les ventes ils pouvaient se le permettre, mais rien ne les y obli­geait non plus.

    PHP 7 avancé

    Aujoud’­hui PHP 5 avancé n’existe plus. Il y a eu réécri­ture partielle pour construire PHP 7 avancé mais consi­dé­rant les diffi­cul­tés de colla­bo­ra­tion, on a décidé de ne pas forcé­ment le refaire ensemble. Je suis toujours sur la couver­ture en grisé mais j’ai passé la main aux excel­lents Pascal Martin et Julien Pauli, au moins pour les deux premières éditions (la seconde arrive parait-il sous peu).

  • Une inscrip­tion obli­ga­toire en biblio­thèque

    « Une inscrip­tion obli­ga­toire en biblio­thèque est une démarche qui s’ins­crit dans la logique de droits cultu­rels. »

    Ques­tion de vision de la culture. Moi j’at­tends le contraire, qu’il n’y ait pas besoin d’ins­crip­tion préa­lable, que quiconque puisse emprun­ter dans une biblio­thèque de passage avec une simple carte d’iden­tité.

    Qu’on ne me parle pas de vol et de contrôle. Ce n’est pas comme si les preuves de domi­cile deman­dées lors des inscrip­tions étaient fiables. Ce n’est pas comme si les biblio­thèques enclen­chaient des procé­dures judi­ciaires pour récu­pé­rer les livres. Si besoin était – ce qui n’est pas aussi évident qu’il n’y parait – il suffi­rait d’un proces­sus natio­nal pour que les biblio­thèques puissent se retour­ner contre les usagers à partir de cette carte d’iden­tité.

  • Éditeurs, arrê­tez de prendre en otage la connais­sance ! (1e cati­li­naire)

    j’ai mis au programme une dizaine de livres – tous publiés après 2011 ! – et la quasi-tota­lité d’entre eux est introu­vable […] indis­po­nibles chez le four­nis­seur – en six mois, impos­sible de les avoir […]

    Les maisons d’édi­tion ne distri­buent pas, même pas dans la forme la plus simple : rendre le livre dispo­nible sur une plate­forme de vente en ligne (voire même sur leur propre site). Et la plupart ne propose pas de version numé­rique.

    […]

    Il faut d’abord souli­gner que ces livres sont très souvent le fruit de recherches payées par l’uni­ver­sité, qui ensuite – direc­te­ment (biblio­thèques) ou indi­rec­te­ment (étudiants, profes­seurs) – les rachète. L’au­teur n’est pas payé par la maison d’édi­tion, mais par son employeur : l’uni­ver­sité. De plus, la plupart du temps, l’édi­teur est payé pour son travail – par les finan­ce­ments publics concer­nant les publi­ca­tions savantes.

    […]

    La réponse est simple : pourquoi se soucier de diffu­ser un livre lorsque l’on est déjà payé ? […] Pourquoi perdre du temps et risquer de l’argent pour distri­buer ? […]

    En bref, nous payons les maisons d’édi­tion avec de l’argent public pour prendre en otage la connais­sance que nous produi­sons avec des fonds publics.

    — via The conver­sa­tion

    Juste­ment à l’heure où le SNE essaye de convaincre qu’ou­vrir les publi­ca­tions scien­ti­fiques ou ne pas avoir une période d’ex­clu­si­vité longue risque­rait de casser l’édi­tion scien­ti­fique, qui fonc­tion­ne­rait parfai­te­ment.

    Certes, aujourd’­hui on se demande pourquoi lais­ser aux éditeurs ce privi­lège : les correc­tions et la mise en forme peuvent être faites au sein de l’uni­ver­sité – les maisons d’édi­tion demandent d’ailleurs déjà en partie l’aide non payée des univer­si­taires pour l’éva­lua­tion des manus­crits – et la diffu­sion peut se faire pratique­ment gratui­te­ment sur le web. Pourquoi alors paye-t-on les éditeurs ? Cela aurait du sens si le travail de diffu­sion était excel­lem­ment fait et que les conte­nus deve­naient véri­ta­ble­ment visibles et acces­sibles. Mais c’est dans les faits tout le contraire.

  • Ils contrôlent ce que vous avez le droit de lire… et ils ont peur que ça change

    Mais pourquoi donc Google déci­de­rait-il de ce que je lis ? La société n’est même pas une part de marché signi­fi­ca­tive dans les ventes de livres par rapport à Amazon, Apple ou Kobo.

    Google ne peut donc être au mieux qu’un bouc émis­saire facile, parce que dans l’air du temps. À moins que ce qui dérange ne soit la capa­cité des réseaux à influen­cer nos déci­sions d’achats via la recom­man­da­tion en pair à pair ? Mais qui cela gêne-t-il ?

    Le réflexe est de plutôt regar­der qui, aujourd’­hui, décide de ce que j’ai le droit de lire. Il y a en effet un groupe de quelques acteurs qui décide de l’es­sen­tiel de ce que nous avons le droit de lire, c’est à dire à vue de nez 80% des livres.

    Ils décident quels auteurs seront publiés et lesquels seront mis en avant via la promo­tion sur les plateaux TV ou l’en­voi des exem­plaires de presse aux critiques (et à quel critique). Ils peuvent déci­der ou non d’ali­men­ter les libraires pour que leurs livres soient vendus, y compris de force (si, si), et négo­cient les mises en avant sur les tables ou les têtes de gondole. Ils contrôlent ensuite les droits de lecture via des systèmes infor­ma­tiques sur vos appa­reils numé­riques : qui a a le droit de lire, de copier, combien de fois, combien de temps. Ils peuvent enfin déci­der à tout moment d’ar­rê­ter les ventes sur un canal de distri­bu­tion choisi, de repu­blier ou non, d’ar­rê­ter ou non la publi­ca­tion d’un livre. Ils peuvent même empê­cher un auteur mécon­tent de tout ce qui précède de publier son contenu ailleurs. Rien que ça.

    Pour rappel, quelques éditeurs masto­dontes incon­tour­nables repré­sentent 80% de l’in­dus­trie du livre en France. Aujourd’­hui ce sont eux qui contrôlent ce que vous avez le droit de lire… et ils ont peur que ça change.

    Quelqu’un s’étonne-t-il que ce soit donc en réalité le syndi­cat natio­nal de l’édi­tion (SNE) qui soit en fait à l’ori­gine de la phrase citée en début de billet et contrôle la campagne média­tique asso­ciée ? Ce ne sont pas les auteurs qui sont en danger ici, mais la posi­tion privi­lé­giée de quelques gros éditeurs. Que certains auteurs et petits éditeurs se laissent trom­per en parti­ci­pant est bien malheu­reux.

    Bien évidem­ment ils ne décident pas vrai­ment quels livres vous avez le droit de lire. Personne ne le peut, et Google non plus. Par contre ils font plus qu’in­fluen­cer quel livre vous sera acces­sible et sous quel jour il vous sera présenté.

  • Rede­vances : le gouver­ne­ment veut limi­ter la libre circu­la­tion des connais­sances

    Le droit d’au­teur ne couvre que les créa­tions intel­lec­tuelles origi­nales, et unique­ment jusqu’à 70 ans après la vie de l’au­teur. Plus exac­te­ment, le droit moral sur l’œuvre persiste mais l’ex­clu­si­vité d’ex­ploi­ta­tion dispa­rait. Chacun est donc libre d’en faire des copies, des réuti­li­sa­tions ou des détour­ne­ments, y compris au sein d’une nouvelle œuvre, y compris à titre commer­cial.

    Le critère d’ori­gi­na­lité est plus diffi­cile à appré­cier mais on consi­dère aujourd’­hui que pour être proté­gée, un œuvre doit être une créa­tion impré­gnée de l’es­prit de son auteur. Une photo­gra­phie fidèle d’un objet, fut-elle tech­nique­ment complexe et coûteuse, ne relève pas du droit d’au­teur. Il en va de même des créa­tions banales (la carte postale de la tour Eiffel en pied et sans recherche parti­cu­lière) ou fortuites (par exemple une photo dont le contenu n’est pas direc­te­ment ou indi­rec­te­ment décidé par le photo­graphe). Dans ces diffé­rents cas, vous n’êtes pas l’au­teur de l’œuvre, mais unique­ment l’opé­ra­teur d’un travail tech­nique de maté­ria­li­sa­tion, chose qui n’est pas couverte par le droit d’au­teur.

    Très logique­ment, la numé­ri­sa­tion ou la copie numé­rique fidèle d’une œuvre dont l’au­teur est mort depuis plus de 70 ans est tota­le­ment libre. Vous avez non seule­ment le droit d’en créer une, mais vous avez aussi le droit de réuti­li­ser libre­ment et sans contrainte les copies réali­sées par d’autres.

    * * *

    On peut penser que c’est tout aussi vrai léga­le­ment mais encore plus vrai mora­le­ment pour la copie fidèle d’une œuvre déte­nue et héber­gée par un musée public. En fait non : L’État se bat contre, en faisant entrer les copies numé­riques qu’il réalise dans la défi­ni­tion d’infor­ma­tion publique, qui elles sont proté­gées en tant que telles. L’in­ter­pré­ta­tion semble fran­che­ment hasar­deuse mais c’est celle souvent soute­nue.

    Les poli­tiques récentes d’Open Data, au niveau français comme euro­péen, mettent à mal ce stra­ta­gème. L’au­to­ri­sa­tion de réuti­li­sa­tion des données publiques tend en effet à deve­nir la norme.

    Libé­rer des copies d’œuvres publiques déte­nues par le public ? surtout pas ! Le gouver­ne­ment prévoit donc un nouveau projet de loi pour chan­ger tout ça : Les données cultu­relles publiques devien­draient une excep­tion au prin­cipe de libre circu­la­tion, ouvrant même la porte à de poten­tielles droits exclu­sifs au profits de tiers pendant jusqu’à 10 ans (ah les fameux parte­na­riats public-privé, qui dépos­sèdent le public au profit du privé et où o’ finit par payer deux fois la factu­re…)

    Formi­dable idée où le public serait privée de la libre utili­sa­tion d’un copie numé­rique d’une œuvre cultu­relle du domaine public… à partir du moment où juste­ment elle est déte­nue par une orga­ni­sa­tion publique (donc payée par nos impôts). On marche sur la tête.

    Il n’est pas trop tard pour faire du bruit et influen­cer tout ça. La quadra­ture du net est un bon point de départ. Ne lais­sons pas faire s’il vous plait.

  • Pourquoi j’ai donné 2 ans de travail et combien ça m’a rapporté ?

    Avant le prix libre : 1 an et demi, 90 télé­char­ge­ments, prix de 9,99€, dons asso­cia­tion 0€, licence non libre, argent gagné : 621€.

    Après le prix libre : 8 mois, 1619 télé­char­ge­ments, prix moyen 9€, dons asso­cia­tion 366€, licence libre, argent gagné : 870€.

    En passant mon livre à prix libre j’ai donc : permis à tout le monde de le lire, gagné plus d’argent

    Viser la lune

    Expé­rience qui n’en­gage que le cas spéci­fique mais qui reste inté­res­sante. C’est toute la ques­tion du passage à un nouveau modèle de diffu­sion. Les anciens se plain­dront que le prix moyen par livre vendu a baissé et que le prix par livre lu est ridi­cule.

    Ça me rappelle trop les ques­tions d’abon­ne­ment, que ce soit pour le livre ou la musique. Compa­rer les prix à la page lue ou au morceau écouté n’a aucun sens. Si plus de gens lisent ou écoutent : tant mieux. La seule ques­tion est de savoir quel est le revenu final en valeur abso­lue. Et si 10 000 lectures gratuites n’ont géné­rées qu’une seule lecture payante, on reste gagnant.

    La grande ques­tion c’est de savoir ce qu’il en aurait été si on avait choisi l’autre modèle. Et là personne ne saurait avoir la réponse.

    Mais voilà, est-ce qu’il y a une influence tempo­relle, que le livre aurait explosé par la suite même s’il avait gardé le modèle initial ? Est-ce que l’au­teur a refait un peu de commu­ni­ca­tion et mise en visi­bi­lité qui a mieux fonc­tionné ? Est-ce que les gens se sont lais­sés convaincre via le don à l’as­so­cia­tion qui aurait aussi pu être fait et mis en avant via l’an­cien modèle ? Est-ce qu’il y a simple­ment eu un coup de chance sur le second cas (ou de malchance sur le premier) qui a fait qu’il y a eu boule de neige mais qui n’est pas direc­te­ment lié au modèle de commer­cia­li­sa­tion ? Bien malin celui qui prétend avoir une réponse ferme.

    Il reste que l’ex­pé­rience est inté­res­sante, et qu’il n’y a rien à critiquer quand elle est en tout point posi­tive comme ici.

    Ah, si, tout de même : vendre un livre sans en fixer le prix est inter­dit en France. Pas une expé­rience à promou­voir donc, car malheu­reu­se­ment illé­gal (même s’il peut y avoir des astuces à tenter pour contour­ner).

  • Systeme anti copie de merde, où l’art de tuer la poule aux oeufs d’or

    Rupture de stock sur le DVD, mais cela ne l’ar­rêta pas, même face au prix exor­bi­tant de la chose, le petit cochon ayant été brisé en consé­quence, elle se rabat sur la version Bluray

    […]

    Nous avons, dans notre logis, accès à 2 lecteurs Bluray: un clas­sique lecteur de salon qui fait home cinéma et l’autre sur la Free­box. Le premier est de marque Samsung (HT-C5500) qui est supposé se mettre à jour par inter­net pour béné­fi­cier des toutes dernières avan­cées de la tech­no­lo­gie. Sauf que bien sûr, le fabriquant a décidé qu’il était main­te­nant trop vieux (5 ans) donc plus de mise à jour. L’autre lecteur est celui de la Free­box qui est tout le temps à jour à chaque allu­mage. Ni l’un ni l’autre n’a pu lire ne serait-ce que le menu d’ac­cueil du Bluray.

    […]

    Par contre pour le film The mortal instru­ments, non seule­ment on ne peut pas le mettre sur le télé­phone, histoire de regar­der en boucle les scènes préfé­rées avec les copines au collège, mais pire que ça, elle ne peut même pas le voir. Et tout ça pourquoi ? Pour éviter le télé­char­ge­ment illé­gal ?

    MOUUUUUUAAAAAAAAA je me gausse, je me bidonne de rire, je me gondole d’hi­la­rité. Le film est dispo­nible au télé­char­ge­ment sur n’im­porte quelle plate-forme de torrent ou de strea­ming le lende­main de sa sortie en DVD ou en Bluray, quelque soit le système de protec­tion anti copie.

    […]

    Et au final, vous croyez que ma fille va recas­ser sa tire­lire pour prendre le risque d’ache­ter un film la prochaine fois ? Sérieu­se­ment ? Elle était une consom­ma­trice en puis­sance, qui adore possé­der les objets, les livres, les DVD, les photos. Là, elle va être un peu vacci­née.

    — Cédric Augus­tin

    Connu, vu et revu, mais on s’en­fonce jour après jour. On n’en est même plus à dégoû­ter ceux qui veulent ache­ter : On en est à les forcer à utili­ser le circuit de contre­façon. Ceux qui n’ont jamais eu aucune envie d’ache­ter, eux, n’ont jamais été gênés. Allez compren­dre…

    Prix adéquat, retrait des protec­tions qui ne gênent que les honnêtes gens, ça serait un mini­mum pour permettre à la machine de fonc­tion­ner… s’il n’est pas trop tard parce que c’est plus d’une géné­ra­tion qu’on a ainsi perdu.

  • Un Insta­gram de Fleur Pelle­rin et le musée d’Or­say auto­rise enfin les photos

    Le musée inter­dit les photo­gra­phie. La ministre prend une photo­gra­phie. Le musée change de poli­tique suite à la polé­mique. Inin­té­res­sant… sauf la fin :

    « A la demande de la ministre de la Culture et de la Commu­ni­ca­tion, le président des musées d’Or­say et de l’Oran­ge­rie a pris la déci­sion de lever l’in­ter­dic­tion de photo­gra­phier dans les espaces des deux musées. Cette déci­sion est appli­cable immé­dia­te­ment.

    L’usage du flash, des perches à selfies et des trépieds reste cepen­dant pros­crit. Des restric­tions peuvent aussi être prévues dans les expo­si­tions tempo­raires à la demande des prêteurs. »

    Sauf que cette dernière restric­tion est juste­ment l’objet du débat. La loi précise expli­ci­te­ment que l[e droit d]’auteur ne saurait inter­dire les copies à usage privée du copiste, dont les photo­gra­phies.

    Quand l’in­ter­dic­tion est moti­vée par d’éven­tuelles ques­tions pratiques (occu­pa­tion de l’es­pace, circu­la­tion, etc.) il y a débat, mais inter­dire les photos parce que le déten­teur souhaite en garder le mono­pole, c’est typique­ment un abus du droit d’au­teur, un copy­fraud, avec la béné­dic­tion des musées publics qui ont théo­rique­ment pour rôle la diffu­sion de la culture.

    Il y a défi­ni­ti­ve­ment du chemin à faire…

     

  • Minis­tère des déten­teurs de droits

    Parce que la culture se réduit à son exploi­ta­tion écono­mique, le minis­tère devient celui de déten­teurs des droits.

    Neil Jomunsi

    Une simple phrase qui donne un telle­ment bon éclai­rage sur le pourquoi des excès au nom du droit d’au­teur et sur la règle­men­ta­tion qui n’avan­tage ni la masse des auteurs ni les citoyens dans leur ensemble.