Catégorie : Conditions de travail

  • Se voir physique­ment quand on travaille à distance

    J’ai, en géné­ral, vu une nette amélio­ra­tion du travail indi­vi­duel et collec­tif corré­lée à la fréquence à laquelle les équipes se retrouvent physique­ment ensemble.

    Je crois qu’au­tant que possible, il est idéal pour le fonc­tion­ne­ment géné­ral des équipes d’être physique­ment ensemble une à deux fois par semaine.

    Avec l’en­tre­prise qui gran­dit, la prise en compte des cas indi­vi­duels, il n’est pas forcé­ment possible ni même souhai­table de s’or­ga­ni­ser ainsi. Là, je crois qu’au­tant que possible, il est utile de se retrou­ver physique­ment toutes les quatre à six semaines.

    Comme on parle d’équi­libres indi­vi­duels et collec­tifs, je crois fonda­men­ta­le­ment que ces deux para­graphes doivent plus s’ins­crire comme des guides dans un cadre de liberté que comme des règles formelles perma­nentes dans l’en­tre­prise. Le corol­laire est toute­fois que ça donne un rôle impor­tant au mana­ger pour inci­ter à chan­ger des compor­te­ments quand c’est néces­saire.

    Qu’on parle d’une petite entre­prise dans le premier cas ou d’une plus grosse dans le second cas, il faut le penser en amont. Ça veut proba­ble­ment dire penser la distance géogra­phique en fonc­tion de la fréquence des rencontres recher­chées, et s’as­su­rer que les candi­dats sont bien prêts à avan­cer dans la même direc­tion que le collec­tif exis­tant.

    Tout ça se pense, et se discute collec­ti­ve­ment. Il n’y a évidem­ment pas qu’une seule façon de faire, ni qu’un seul choix.


    Il est fréquent que je reçoive des réac­tions assez tran­chées quand je parle de télé­tra­vail. Je vais donc termi­ner par quelques préci­sions :

    1/ Je parle en géné­ral, pas au niveau indi­vi­duel de x ou de y. Chacun est forcé­ment diffé­rent. Il y a des personnes pour qui je ne vois pas forcé­ment cette diffé­rence, ou pas autant. Parfois je n’ai simple­ment pas de points de compa­rai­son.

    2/ Je ne parle que de ce que j’ai vu. C’est un partage d’ex­pé­riences avec des équipes de déve­lop­pe­ment logi­ciel dans des entre­prises tech de 10 à 300 personnes, avec ou pas le télé­tra­vail dans leur ADN, avec ou pas des règles fixées, avec ou pas des personnes rompues à l’exer­cice, avant et après COVID.

    3/ Je parle d’amélio­ra­tion du travail. Ça ne remet nulle­ment en cause qu’on ait des indi­vi­dus, des équipes et des entre­prises qui fonc­tionnent correc­te­ment en télé­tra­vail. Je l’ai même vécu.

    4/ Je parle d’une amélio­ra­tion du travail indi­vi­duel et collec­tif. Certains travaillent mieux de chez eux. D’autres non, ou pas sur la durée. Parfois on s’en rend compte, parfois ce sont les tiers qui le voient.

    Le collec­tif ne se résume toute­fois pas à la somme de l’in­di­vi­duel. Déve­lop­per un logi­ciel en équipe c’est souvent d’abord un travail social. Parfois tout le monde travaille parfai­te­ment indi­vi­duel­le­ment mais ce sont les inter­ac­tions, la cohé­sion, le cap commun, la compré­hen­sion de la stra­té­gie et des problèmes des autres, ou simple­ment plein de petits trucs autour du travail indi­vi­duel qui sont grip­pés. Il faut alors trou­ver un équi­libre entre l’in­di­vi­duel et le collec­tif.

    5/ Je parle d’une corré­la­tion à la fréquence mais je ne la crois pas linéaire. J’ai au contraire l’im­pres­sion qu’il y a des paliers, que j’ai donné plus haut. Il faudrait de grandes phases d’ex­pé­ri­men­ta­tions pour le confir­mer et je ne les ai pas faites.

    6/ Je parle de se retrou­ver physique­ment. Les écrits synchrones ou asyn­chrones, les échanges vidéos et les travaux en communs type pair progra­ming ont tous des béné­fices et sont tous perti­nents. Se retrou­ver physique­ment a toute­fois des béné­fices qui y sont propres.

    7/ Enfin, je parle de ensemble parce que je crois que juste­ment ce n’est pas limité à une équipe. Une partie du béné­fice vient de croi­ser plus ceux avec qui on n’in­te­ra­git pas quoti­dien­ne­ment, voire ceux qu’on n’au­rait juste­ment pas croisé autre­ment.


    Le seul scéna­rio que j’ai tendance à décon­seiller c’est une équipe hybride avec un cœur qui travaille en face à face et d’autres personnes à distance. Cela étant, même là, je ne dis pas que ce n’est pas possible. Je dis juste que ça me parait un équi­libre beau­coup plus déli­cat à trou­ver.

  • Petite satis­fac­tion du 15 avril 2023

    J’ai repensé hier aux 2 blagues que j’avais enten­dues au bureau il y a quelques temps, faites par la même personne.

    Sa première: « Ah mais Bana­nia, j’ai toujours cru que c’était un singe sur l’étiquette ». Il était telle­ment fier de lui…

    […] Pour la deuxième, il revient des WC et nous dit, très fier de lui : « J’ai croisé la femme de ménage aux WC. Heureu­se­ment qu’elle n’était pas dans une des cabines, car je l’au­rais chop­pée et fait une DSK »

    Je me rends compte que ça fait bien long­temps que je n’ai plus à subir ce type de remarques dans mon entou­rage pro et à faire un joli sourire crispé en retour.

    8 ans exac­te­ment. J’ai passé 5 ans asso­cié avec une personne dont je ne partage pas les valeurs, et ça fait du bien d’avoir oublié que ça existe.

    On a beau dire que les valeurs dans les entre­prises ne sont que des tartes à la crème, je suis convaincu qu’au contraire ça fait de grandes diffé­rences.

  • Rému­né­ra­tion et loca­li­sa­tion

    Je suis toujours surpris par les entre­prises qui adaptent les salaires à la zone géogra­phique pour des postes où la zone géogra­phique n’a pas d’im­por­tance.

    Dans la plupart des entre­prises on paye suivant une de ces deux formules :

    1. La valeur de rempla­ce­ment, c’est à dire le niveau à partir duquel l’em­ployeur a inté­rêt à recru­ter (et éven­tuel­le­ment former quelqu’un d’autre), et est en mesure de le faire ;
    2. La valeur ajou­tée, c’est à dire un pro-rata de ce que son travail génère comme valeur ou comme revenu.

    Et là, si on n’a pas parti­cu­liè­re­ment besoin que le sala­rié soit dans la ville la plus chère, pourquoi donne­rait-on une majo­ra­tion ?

    • Si on utilise la valeur de rempla­ce­ment, par défi­ni­tion l’em­ployeur aurait inté­rêt à recru­ter et former un nouveau sala­rié plutôt que de payer le coût de la vie de la ville la plus chère.
    • Si on utilise la valeur ajou­tée, l’em­ployeur se crée­rait une dette s’il payait plus que la valeur ajou­tée du sala­rié.

    J’ai l’im­pres­sion que ces diffé­rences de salaire en fonc­tion du coût de la vie sont prin­ci­pa­le­ment des restes des anciennes poli­tiques où on t’at­tache à un établis­se­ment précis, parce que tu entres sur un poste d’une équipe et que cette équipe est là. Dans cette logique chan­ger de ville c’est chan­ger d’équipe, de rôle, de missions.

    Cette façon de voir n’a plus de sens pour moi avec des équipes distri­buées, et encore moins main­te­nant que le télé­tra­vail prend plus de place. Savoir où vit chacun, dans quel bureau il travaille ou même s’il travaille réel­le­ment dans un établis­se­ment de l’en­tre­prise ou pas, n’a plus vrai­ment d’im­por­tance. C’est un choix privé, et pas de raison qu’on paye plus ou moins un collègue en fonc­tion de ses choix privés.


    Pour être franc je vois bien le sens de payer un salaire dépen­dant du coût de la vie, avec une vision très socia­liste du chacun en fonc­tion de ses besoins mais c’est du mili­tan­tisme. Ça prend en compte bien plus que la simple zone géogra­phique et ça veut surtout dire lâcher la déter­mi­na­tion du salaire par les deux points vus plus haut.

  • Poste de télé­tra­vail plus raison­nable

    Dans le billet précé­dent j’ai présenté les coûts d’un poste de télé­tra­vail, avec du maté­riel très haut de gamme.

    Mais Éric, personne n’achète cette gamme de maté­riel en réalité !

    En fait si. J’ai fait un petit sondage pour confir­mer et suivant les items il y a quand même 10 à 20% de gens qui répondent être finan­cés sur le haut de gamme. C’est abso­lu­ment non repré­sen­ta­tif mais ça suffit à dire que ça arrive.

    Main­te­nant, même pour ceux qui ont ce haut de gamme, ce n’est pas forcé­ment sur toute la liste pour autant.

    L’enjeu n’est pas tant de dire « c’est ça qu’il vous faut », même si ça pour­rait être légi­time, mais de pous­ser le curseur à fond pour montrer que même à ce niveau de gamme et en cumu­lant toute la liste, on arrive à une somme tout à fait raison­nable et accep­table (voire peu signi­fi­ca­tive).


    Ok, c’est dit, main­te­nant on fait quoi si on veut être plus modéré ?

    C’est là que je suis embêté parce que savoir sur quoi vous voulez appuyer est très person­nel.

    Les deux vrais coûts de ma grille person­nelle sont le fauteuil de bureau et l’écran. Le reste est acces­soire. Le problème c’est que c’est aussi ceux sur lesquels j’ai envie de faire le moins de conces­sions.

    Votre dos est le seul maté­riel qui ne se remplace pas

    Un vrai fauteuil ergo­no­mique coûte cher mais on parle de votre santé. Même finan­ciè­re­ment, si sur les 10 ans de la durée de vie garan­tie du siège vous avez cinq jours d’ar­rêt cumu­lés pour mauvaise posi­tion (mal de dos, migraines ou douleurs cervi­cales, tensions au poignet), vous venez de repayer votre siège. Oups.

    Les quatre réfé­rences que j’ai en tête sont toutes au-delà de 1000 €. On peut trou­ver moins cher en descen­dant en gamme mais je n’ai pas de réfé­rence à vous propo­ser. La solu­tion réel­le­ment recom­man­dée est souvent de partir sur de l’oc­ca­sion. On divise la facture par 2 ou 3 sans forcé­ment chan­ger la qualité.

    À défaut, cher­chez un fauteuil de bureau réglable mais évitez les baquets gaming qui semblent confor­tables, ils vous tuent souvent le dos à petit feu sans que vous vous en rendiez compte parce qu’ils confondent confort et bonne posi­tion ergo­no­mique.

    Inves­tir dans l’écran est vite rentable,
    même finan­ciè­re­ment

    J’ai pris un écran très cher. Juste en dessous il y a le Samsung 49G9 à 1150 € HT, qui corres­pond à 2x 27″ côte à côté. Pour faire bais­ser la facture vous pouvez aussi prendre effec­ti­ve­ment 2x 27″ qhd sépa­rés, ou même un seul 32″ 4k. Bref, on peut descendre entre 300 et 500 € HT sans être trop mauvais.

    Pour autant, si vous avez un enfant en primaire, obser­vez-le faire ses devoirs. Le gros du temps il le passe à alter­ner le regard entre son cahier et le livre, et reprendre la posi­tion dans la page à chaque fois.

    Vous c’est pareil chaque fois que vous bascu­lez entre des fenêtres qui ne sont pas visibles en même temps, ou que vous défi­lez verti­ca­le­ment sur une même fenêtre parce que tout ne s’af­fiche pas. On parle de milli­se­condes mais en perma­nence. Cumulé, en ajou­tant les quelques cas où vous mani­pu­le­rez effec­ti­ve­ment des tableurs ou des sche­mas extra­longs, ça finit assez faci­le­ment par justi­fier les 10 à 30 € de surcoût mensuel, c’est à dire un dixième de jour­née par mois.

    Au final tu es en train de justi­fier le haut de gamme et dire que c’est quand même ça qu’il faut ache­ter ?

    Un peu. Bon, pas sur tout.

    Le bureau j’ai pris un assis-debout élec­trique. On peut se passer de ce luxe. Je tiens juste à la hauteur réglable, toujours pour des ques­tions ergo­no­miques et de dos. Un bureau réglable à mani­velle on peut descendre à 250 €

    Le micro j’ai pris du très haut de gamme. On me dit que Tonor a une version sur bras arti­culé qui donnera quasi­ment aussi bien pour un quart du prix.

    On peut en dire autant sur la webcam liée à l’écran externe. N’éco­no­mi­sez pas trop, il est impor­tant qu’elle sache bien gérer la faible lumi­no­sité, mais on n’a pas besoin de 1080p pour la visio. On doit pouvoir trou­ver moitié moins cher.

    Je tiens cepen­dant sur le reste. Peut-être n’avez-vous pas besoin d’un casque audio à réduc­tion de bruit active, mais si c’est le cas alors il y a une telle diffé­rence d’ef­fi­ca­cité que le prix que j’ai donné se justi­fie. Peut-être rece­vez-vous déjà très bien le WiFi de votre box dans votre bureau, mais sinon il est indis­pen­sable d’amé­lio­rer ça.


    Ok, ça mène à combien tout ça ?

    Et bien ça dépend, juste­ment. Ça dépend de là où vous me faites confiance sur le « c’est justi­fié » et de là où vous avez déjà ce qu’il vous faut.

    Mettons qu’on ne touche pas à la chaise, qu’on passe à la gamme en dessous en écran, en bureau, micro, webcam, qu’on garde casque et réseau CPL et qu’on prend un éclai­rage moins cher, on vient de reti­rer 30 % à mon prix précé­dent et on tombe à envi­ron 60 € HT mensuels sur 5 ans pour quelqu’un qui a besoin de toute la liste.

    Mettons qu’on prenne un bon fauteuil Ikea simple, un écran unique, un casque correct mais sans anti-bruit, on peut tomber à ⅓ du prix et on tombe à envi­ron 30 € HT mensuels sur 5 ans pour quelqu’un qui a besoin de toute la liste.

    Si on se concentre sur le fait qu’une partie non négli­geable des dev seront déjà très équi­pés et n’au­ront pas envie d’avoir tout en double, on va tomber sur des prix moyens quasi­ment insi­gni­fiants.

    C’est même le message prin­ci­pal : J’ai fait une somme sur toute la liste pour l’exer­cice mais c’est peu repré­sen­ta­tif. En réalité il est probable que le coût moyen soit infé­rieur de moitié, et donc qu’il permette de conti­nuer à envi­sa­ger des choses de qualité sans avoir à affec­ter un budget mons­trueux.

    Bonus : Ce sera proba­ble­ment rentable pour l’en­tre­prise. Le vrai message est celui qui suit.

    Quelques milliers d’eu­ros amor­tis sur 5 ans ça n’est rien au regard d’une petite amélio­ra­tion d’ef­fi­ca­cité ou de moral d’in­gé­nieurs qui coûtent plus de 5 000 € par mois à l’en­tre­prise.

  • Poste de télé­tra­vail

    On avance dans beau­coup de boîtes sur le télé­tra­vail mais peu vont jusqu’au bout de la logique. On donne un ordi­na­teur portable, parfois un écran, et vogue la galère. En réalité j’ai besoin de bien plus et non je n’ai pas forcé­ment déjà le maté­riel de qualité dispo­nible pour ça.

    J’ai besoin d’un bureau à ma taille, d’un fauteuil de qualité pour rester huit heures par jour, d’être bien vu et bien entendu pour les visio, d’un wifi qui aille jusqu’à mon bureau, d’un clavier et d’une souris externes de qualité, ainsi que d’un casque pour bien entendre – à réduc­tion de bruit active si possible parce que je ne suis pas toujours seul dans l’ap­par­te­ment, et que je ne maitrise ni les travaux des voisins ni ceux dans la rue.

    Parfois j’ai des choses de la liste, parfois non, parfois pas d’une qualité suffi­sante, parfois j’ai simple­ment envie d’en avoir la pleine jouis­sance sans me dire que je suis contraint par l’usage profes­sion­nel, et je n’ai en tout cas aucune envie de prendre à mon compte le rempla­ce­ment ou la répa­ra­tion de maté­riels qui servent en réalité prin­ci­pa­le­ment pour mon acti­vité sala­riée.

    Bref, il est du rôle de l’en­tre­prise de four­nir un poste de travail de qualité pour le télé­tra­vail, de la même façon qu’elle le fait déjà pour ses propres locaux. Ça ne devrait pas être option­nel. Ça l’est d’au­tant moins quand l’ex­ten­sion du télé­tra­vail permet à l’en­tre­prise de payer moins de postes de travail dans ses locaux.


    Alors quoi ? J’ai fait l’exer­cice en cher­chant du très haut de gamme (voir ce second billet à ce sujet). Ça parait exagéré mais vous risquez d’être surpris dans la suite.

    € TTC€ HT
    Bureau assis-debout élec­trique
    Flexis­pot EC5 ou E6 (suivant la hauteur)
    + Plateau Ikea Linn­mon 150×75
    450375
    Fauteuil ergo­no­mique
    – Herman Miller Embody
    – RH New Logic 220
    – Kinnarps 9000
    – BMA Axia
    1 5001 250
    Webcam haute qualité
    Logi­tech StreamCam
    160135
    Micro HD + Bras arti­culé
    Blue Yeti­cas­ter
    230190
    Casque anti-bruit blue­tooth et filaire
    Bose 700
    320270
    Écran secon­daire très large haute déf.
    avec hub pour réduc­tion du câblage
    Dell U4021QW (40″ 21/9e)
    1 8001 500
    Clavier et track­pad ou souris blue­tooth275230
    Lampe de bureau150125
    Couple de boitiers CPL avec WIFI
    Devolo Magic 2 WiFi
    200170
    TOTAL5 100 € TTC4 240 € HT

    On peut faire tomber 25 % avec un envi­ron­ne­ment moins haut de gamme, ou reti­rer 60 % pour un envi­ron­ne­ment plus basique.

    La réalité c’est que si tout le monde n’aura pas besoin de toute la liste (ou même envie que toute la liste), on ne parle pas de quelques centaines d’eu­ros donnés pour accom­pa­gner le petit maté­riel.


    Et pour­tant, pour ce super haut de gamme qui va impac­ter confort et produc­ti­vité, même en affec­tant l’in­té­gra­lité du maté­riel même à ceux qui n’en ont pas besoin, en le renou­ve­lant à la fréquence ridi­cu­le­ment courte de 3 ans, on arrive à… 120 € hors taxes par mois.

    Sur un amor­tis­se­ment plus réaliste de 5 ans on tombe à 90 € hors taxes mensuels. À ce tarif c’est jouable même pour un indé­pen­dant.

    Mana­gers, entre­prises, direc­tions des ressources humaines, il est temps de vous réveiller et faire un pas raison­nable. Écono­mi­ser 100 € mensuels en ne four­nis­sant pas le maté­riel perti­nent à des sala­riés payés plus de 5 000 € coti­sa­tions sociales incluses. Les 100 à 300 € annuels pour du petit maté­riel qui sont souvent alloués à ce titre ne sont pas au niveau. C’est ridi­cule et mépri­sant.

    Même en ajou­tant une quote-part du chauf­fage, des charges et de la valeur loca­tive de l’es­pace utilisé (oui c’est légi­time), on arrive à moins de 250 € par mois.

    Un poste de travail dans les locaux de l’en­tre­prise, espace et services inclus, c’est beau­coup plus proche de 500 à 1 000 €. Autant vous dire qu’en réalité on ne parle pas de frais, on parle d’éco­no­mies.

    Même pour le télé­tra­vail partiel, pour peu que les présences moins impor­tantes permettent de reti­rer quelques postes ou qu’on vous demande de rembour­ser moins d’abon­ne­ment de trans­port, on s’y retrouve.


    Note : J’ado­re­rais monter un service clef en main pour les entre­prises qui gère l’équi­pe­ment des postes de télé­tra­vail. On n’est alors pas forcé­ment sur ces tarifs mais c’est dans tous les cas large­ment raison­nable pour une entre­prise qui inves­tit vrai­ment sur l’en­vi­ron­ne­ment de travail de ses sala­riés.

    Si ça vous inté­resse d’en parler (soit pour entre­prendre soit pour y sous­crire), faites moi signe. Si jamais il y a assez d’in­té­res­sés pour amor­cer l’idée d’un service de qualité, ça mérite atten­tion.

  • Inves­tir dans le télé­tra­vail

    Un des conseils si vous voulez tenter l’aven­ture du télé­tra­vail : Inves­tis­sez !

    Entre­prises

    Oui, il faut un ordi­na­teur portable effi­cace. Oui ça veut dire inves­tir plus que pour un PC fixe au bureau. Ça veut même dire inves­tir encore plus parce que lancer Zoom ça prend en soi des ressources non négli­geables.

    Je ne dis pas tout. L’or­di­na­teur portable c’est non seule­ment l’ou­til de travail du sala­rié mais aussi la seule repré­sen­ta­tion de l’en­tre­prise qu’il aura en face de lui. Exit les locaux et les autres employés, il aura cet ordi­na­teur portable et tout passera à travers.

    L’or­di­na­teur rame ? C’est comme si vous lais­siez des souris ou des fuites au plafond dans vos locaux. Chaque frus­tra­tion liée à cet outil ce sera un coup de canif dans l’image de l’en­tre­prise, sa volonté de s’y impliquer ou d’y rester, et son envie de faire des efforts en restant posi­tif.

    Trois para­graphes et ce n’est pas assez : Inves­tis­sez dans ce foutu ordi­na­teur portable. Mettez-y deux fois le prix que vous y auriez mis, renou­ve­lez-le aussi plus souvent.

    Et pour­tant, ce n’est pas tout. Ache­tez un écran secon­daire, grande taille et de qualité, même s’il n’y en avait pas au bureau.

    Ache­tez aussi une vraie chaise ergo­no­mique réglable. Pas celle à 100 €, une vraie. Là aussi, plus chère que dans vos locaux parce que le sala­rié aura poten­tiel­le­ment moins de raison de bouger de sa chaise pendant les heures de travail.

    Ajou­tez-y un bon casque et/ou un vrai micro qui permettent de commu­niquer sans bruit para­site. S’il y a un peu de bruit dans la rue ou chez les voisins, inves­tis­sez carré­ment dans un casque à réduc­tion de bruit active, les modèles effi­caces à 300 euros et plus.

    Si vous avez des sala­riés qui doivent réflé­chir ensemble, propo­sez-leur aussi un tableau blanc et une caméra grand angle pour parta­ger ce tableau blanc.

    Si on veut aller jusqu’au bout on peut même propo­ser un bureau assis-debout élec­trique.

    Oh ! et si une part impor­tante de l’ac­ti­vité se passe au télé­phone ou si des tiers ont besoin de les appe­ler, payez-leur un télé­phone et un numéro diffé­rent de leur person­nel. Oui c’est impor­tant.

    Oh, et je n’ai pas dit ? Finan­cez la moitié de l’ac­cès Inter­net, ainsi que la taxe foncière, du loyer, de la taxe d’ha­bi­ta­tion et des factures élec­tri­cité et chauf­fage au pro-rata de la place rapport à la place utili­sée dans le loge­ment.

    Déjà parce que c’est légi­time, mais aussi parce que ça peut inci­ter certains à dédier au bureau un espace dans le loge­ment, voire emmé­na­ger là où ils auront un tel espace.

    Croyez-moi, l’in­ves­tis­se­ment vaut le coup (et ce type de finan­ce­ment n’est pas soumis aux coti­sa­tions sociales).

    Sala­riés

    Je ne devrais pas le dire parce que ça peut inci­ter des entre­prises à ne pas inves­tir mais… Si l’en­tre­prise ne vous paye pas tout ce qui est plus haut et que vous avez le salaire qui vous le permet : Faites-le !

    Faites-le sur vos deniers ou chan­gez d’en­tre­prise pour une qui porte atten­tion aux condi­tions de travail des sala­riés ;-)

    J’in­siste parti­cu­liè­re­ment sur la connexion inter­net : Oubliez le wifi pourri. Si votre wifi est trop mauvais, utili­sez une connexion câble, éven­tuel­le­ment un boitier CPL si vous avez besoin.

    Au delà, réser­vez-vous un espace pour le bureau. Un lieu avec de la lumière natu­relle, une lumière élec­trique blanche et non jaune, un mini­mum d’es­pace, et si possible une porte qui ferme s’il y a d’autres personnes dans la maison.

    Ça peut être la cuisine, peu importe, mais évitez la chambre ou le salon. Diffé­ren­ciez là où c’est possible la pièce de repos et la pièce de travail.

    Oh ! et n’es­pé­rez pas gardez vos enfants pendant le télé­tra­vail. Niet, jamais, ou pas autre­ment qu’en mode urgence pour la jour­née le temps de trou­ver une solu­tion. En fait un bon critère pour­rait être « ne gardez pas vos enfants pendant le télé­tra­vail si vous ne les auriez pas emmené au travail ».

    Mais, Éric, ça coûte un pognon de dingue !

    Vous n’ac­cueille­riez pas vos sala­riés dans un coin non aménagé avec une juste table de cantine quelques tabou­rets et aucune sépa­ra­tion phonique avec vos salles de réunion. Pourquoi le faire avec des sala­riés en télé­tra­vail ?

    Côté entre­prise en comp­tant 3 ans de renou­vel­le­ment pour l’or­di­na­teur et le petit élec­tro­nique, 6 ans pour le reste, en prenant tout en très haut de gamme et premium, j’ar­rive à un amor­tis­se­ment… entre 800 et 1600 € hors taxe par an.

    Oui, on en est là. Moins de 1 500 € par an. Autant dire rien.

    Sur un sala­rié en présence, rien que le rembour­se­ment de la moitié de ses abon­ne­ments trans­port et le verse­ment trans­port addi­tion­nel auprès de la collec­ti­vité doivent arri­ver à peu près à ce niveau. Ne parlons même pas du coût de l’es­pace de vos bureau, des consom­mables, du mobi­lier, de l’en­tre­tien, des services géné­raux, de l’élec­tri­cité, de la sécu­rité, des assu­rances. Vous pour­riez payer 2x ça et faire encore des écono­mies.

    À ces niveaux là vous pour­riez même dire à vos sala­riés de prendre ce qu’ils veulent sans vraie limite et leur lais­ser comme un avan­tage en nature dans le solde de tout compte à leur départ.

  • Télé­tra­vail progres­sif

    Je n’aime pas la pola­ri­sa­tion autour du télé­tra­vail.

    C’est facile de se moquer et de trai­ter d’idiots tous ceux qui ne lâchent pas toutes les vannes. La réalité est, comme toujours, bien plus complexe.


    Il y a des socié­tés qui ne veulent pas de télé­tra­vail autre­ment que ponc­tuel, et c’est tout à fait respec­table.

    Parfois c’est juste un choix. Certains préfèrent sortir le soir avec les collègues, faire des jeux de société, ou être sur place ensemble. Ça ne dit pas que le télé­tra­vail est mal, juste tout le monde ne souhaite pas vivre ainsi.

    Vouloir complé­ter une équipe hors du télé­tra­vail n’est pas plus illé­gi­time que complé­ter une équipe en télé­tra­vail.


    Parfois les entre­prises ne savent simple­ment pas encore tout, et en ont conscience. Passer du présen­tiel au télé­tra­vail c’est quand même une sacré révo­lu­tion.

    Elles peuvent préfé­rer y aller par étapes, se confron­ter aux problèmes au fur et à mesure avec un impact limité.

    Il y a la stra­té­gie de commen­cer par du télé­tra­vail partiel et celle de limi­ter le télé­tra­vail total à certains sala­riés plus auto­nomes, voire qui ont déjà une première expé­rience dans une entre­prise précé­dente.

    J’ai parfois dit à des candi­dats « ici le télé­tra­vail on connait déjà, ce n’est pas impro­visé », parce qu’ils prennent bien moins de risques ainsi. Ça ne m’étonne pas que des entre­prises aient la même poli­tique dans l’autre sens, et préfèrent commen­cer avec des sala­riés qui savent déjà.

    Vous pouvez penser que c’est de la défiance, j’y vois de la sagesse. Celles qui me font peur sont plutôt celles qui se lancent sans savoir, sans réflé­chir, sans comprendre. Ce sont ces dernières qu’il faut éviter de rejoindre.


    Il ne suffit pas de dire « ok, à partir de demain on fait du télé­tra­vail ». Ce serait aussi simpliste que dange­reux.

    Du point de vue de l’en­tre­prise on parle de risques psycho­so­ciaux. Comment évite-t-on que quelqu’un ressente de l’iso­le­ment ? Comment évite-t-on qu’il se mette de lui-même la pres­sion ? Comment l’aide-t-on à gérer la sépa­ra­tion pro-perso quand il travaille de chez lui ? Comment détec­ter les prémisses d’un burn-out ?

    Comment commu­niquer dans cette nouvelle orga­ni­sa­tion ? Avec quel outil ? quelles pratiques ? Quelle gestion des noti­fi­ca­tions ? Comment sait-on à quel moment on peut inter­agir avec une personne et à quel moment on risque d’em­pié­ter sur sa vie perso quand on ne peut plus se baser sur la présence au bureau ?

    Comment former les mana­gers à une nouvelle approche et de nouveaux réflexes ? Comment gère-t-on la rela­tion avec son mana­ger en visio et par écrit ? Comment faci­li­ter l’in­té­gra­tion des nouveaux ? L’or­ga­ni­sa­tion est-elle iden­tique pour les sala­riés auto­nomes et ceux qui font de l’exé­cu­tion ? La culture infor­ma­tique est-elle suffi­sante dans tous les dépar­te­ments ? Comment les dépar­te­ments basés sur l’ému­la­tion locale vont-il chan­ger de culture ? Comment évite-t-on de tout faire explo­ser si certains groupes n’avancent pas vers le télé­tra­vail à la même vitesse et génèrent des jalou­sies ou des frus­tra­tions ?

    Comment assu­rer une instal­la­tion correcte au sala­rié ? Faut-il finan­cer écran, fauteuil et bureau ? si oui comment ? avec quelle poli­tique d’uti­li­sa­tion person­nelle vu que le sala­rié ne voudra pas forcé­ment tout dupliquer chez lui ? quelle poli­tique si c’est une utili­sa­tion person­nelle qui casse quelque chose ? Faut-il impo­ser un débit de connexion mini­mum ? une pièce sépa­rée des enfants le mercredi après-midi ? Faut-il finan­cer des espaces de cowor­king ?

    Comment gère-t-on les rencontres une fois de temps en temps dans l’an­née ? Avec quel budget pour les dépla­ce­ments ? Faut-il pour cela impo­ser un temps de trajet maxi­mum pour faci­li­ter ces dépla­ce­ments ?

    Admi­nis­tra­ti­ve­ment, se limite-t-on à la France ? Sinon quelles sont les règles et les impacts ? Un français peut-il télé­tra­vailler ponc­tuel­le­ment depuis ailleurs que chez lui ? depuis l’étran­ger ? qu’en dit l’as­su­rance ?

    Que fait-on si un sala­rié vit fina­le­ment mal le télé­tra­vail ? Faut-il un bureau local pour ceux-là ? Que faire avec ceux qui ne s’adaptent pas au télé­tra­vail des autres ? Comment évite-t-on de faire des groupes étanches entre ceux en télé­tra­vail et ceux en local ? Comment est-ce qu’on quali­fie l’adap­ta­tion au télé­tra­vail d’un nouveau colla­bo­ra­teur lors de sa période d’es­sai ?

    Et du point de vue du sala­rié, comment gérer les livrai­sons de colis qui inter­rompent une réunion impor­tante ? Comment gérer l’en­fant qui pleure ou qui solli­cite sur les horaires de travail ? Faut-il d’ailleurs impo­ser quelques heures de présence communes ou être plus souple ? Que fait-on si la connexion saute ? Sait-il régler son débit pour éviter que l’ado­les­cent à côté ne prenne toute la bande passante ?


    Honnê­te­ment il y a des réponses à tout ça. Il ne s’agit pas de dire que ce sont des problèmes bloquants ou que le télé­tra­vail est fonda­men­ta­le­ment plus problé­ma­tique que la présence.

    Ce sont par contre des enjeux qui ne s’ignorent pas, ou qui ne devraient pas s’igno­rer dans la tran­si­tion.

    Malheu­reu­se­ment ça ne s’in­vente pas forcé­ment. Une partie des réponses dépend de choix très subjec­tifs et on ne peut ni ne doit se conten­ter de suivre un livre ou un consul­tant.


    Bref, critiquer les entre­prises qui ne font pas leur révo­lu­tion en un claque­ment de doigts c’est espé­rer que ces entre­prises jouent aux appren­tis sorciers.

    S’il y a des entre­prises à éviter ce ne sont pas celles qui y vont avec prudence mais réelle ouver­ture, ce sont celles qui y vont sans réflé­chir, avec un big bang naïf.

    Ça peut très bien se passer et tomber en marche sans trop y penser, surtout dans une petite struc­ture, mais ça peut aussi merder grave­ment avec des consé­quences irré­pa­rables autant pour l’en­tre­prise que pour les sala­riés. Les entre­prises recom­man­dables cher­che­ront à anti­ci­per un peu.

  • Second retour sur le télé­tra­vail

    J’en avais fait un après trois mois. En voici un autre au bout de deux ans et quelques.

    Le fond n’a pas beau­coup changé alors je vous incite à d’abord lire le billet précé­dent. On y gagne en temps de trajet, en place. On change les inter­ac­tions sociales et les temps de respi­ra­tion. Ça joue autant sur le profes­sion­nel que sur le person­nel.

    Le résumé déci­deur après deux ans : Oui ça fonc­tionne. Non ce n’est pas pour autant toujours aussi idéal que certaines lectures le laissent penser. Rien d’éton­nant cepen­dant, le monde idéal n’existe pas. Après, savoir si c’est une bonne chose pour vous, ça va dépendre de vous.

    Le confort local

    Essen­tiel­le­ment j’ai changé mon bureau l’an­née dernière. J’ai un bureau assis-debout, essen­tiel pour les trop longues visio-confé­rences ou pour réflé­chir sans clavier. J’ai eu une vraie chaise de bureau pour rempla­cer ma chaise de cuisine droite en bois. J’ai aussi une enceinte de bonne qualité avec de la musique derrière moi quand j’en ai besoin pour me concen­trer. J’ai aussi pu bran­cher une confi­gu­ra­tion à trois écrans, et on y prend goût.

    Enfin, le télé­tra­vail c’est la capa­cité à faire une sieste de 20 minutes quand c’est néces­saire, ou de prendre 1h30 sur la pause de midi quand je ne tiens pas. À une période l’an­née dernière, je pense que j’au­rais dû me mettre en arrêt mala­die longue durée si je ne l’avais pas pu. À la place je l’ai rela­ti­ve­ment bien vécu et ça a été rela­ti­ve­ment trans­pa­rent pour mon employeur. Gagnant pour les deux.

    Bref, je suis encore et toujours convaincu que le télé­tra­vail doit s’ac­com­pa­gner de confort. C’est d’ailleurs une des moti­va­tions que j’en­tends fréquem­ment sur le télé­tra­vail : Avoir un vrai bureau et pas une place de poulailler dans l’open-space. À vous d’y donner corps, et ça peut faire toute la diffé­rence.

    Les entre­prises qui veulent fonc­tion­ner en télé­tra­vail feraient bien de finan­cer du maté­riel de façon massive (poste infor­ma­tique et écran, mais aussi bureau, chaise de travail, lampe, webcam addi­tion­nelle, tableau blanc, etc.) plutôt que cher­cher à écono­mi­ser sur ces postes budgé­taires.

    Peut-être que si les entre­prises présen­tielles travaillaient sur le confort local dans leurs bureaux, les ques­tions de télé­tra­vail se pose­raient diffé­rem­ment.

    L’iso­le­ment

    L’iso­le­ment joue très fort pour moi. Si j’avais un premier ressenti au bout de trois mois, ça prend toute son ampleur avec le temps.

    Je suis très intro­verti dans ma vie person­nelle. Je sors peu pour autre chose que de l’uti­li­taire, et encore moins depuis que j’ai un enfant à la maison. J’ap­pré­cie quand ça arrive mais je ne sais pas main­te­nir correc­te­ment les liens pour le montrer, ou m’or­ga­ni­ser pour prendre ces initia­tives. Avec le télé­tra­vail, désor­mais mes inter­ac­tions sociales de la semaine se limitent trop souvent à quelques bonjour quand j’amène mon fils à l’école.

    Ne voir que ma chambre, mon bureau, les tâches ména­gères et éduca­tives, ma femme et mon fils, ça pèse. Beau­coup. Les trajets profes­sion­nels à Paris une fois tous les deux mois sont presque une respi­ra­tion. Ils me permettent de voir les collègues mais sont aussi le prétexte à revoir les amis de là bas.

    Vous pouvez dire que c’est lié à mon orga­ni­sa­tion et à ma façon de vivre (*). C’est certai­ne­ment vrai mais il n’en reste pas moins que, dans ce contexte, l’iso­le­ment généré est diffi­cile à vivre. Le fait d’avoir un bureau avec des collègues en face à face, des pauses voire des jeux ou des discus­sions locales au détour du bureau, ça m’ap­por­tait quelque chose que je n’ai plus.

    Est-ce que le confort contre­ba­lance l’iso­le­ment ? La réponse est loin d’être tran­chée pour moi — et ne concerne que moi et ma situa­tion parti­cu­lière, vous aurez votre propre réponse en fonc­tion de votre propre contexte.

    Mon idéal serait proba­ble­ment un système de télé­tra­vail partiel une semaine sur deux ou plusieurs jours par semaine, avec quelques moments de rendez-vous fixes pour tout un ensemble de collègues.

    Le mana­ge­ment

    Je vois beau­coup de retours faire porter la respon­sa­bi­lité de la réus­site ou de l’échec du télé­tra­vail sur le mana­ge­ment. J’adhère à beau­coup de ce qui s’y dit sur la confiance, l’au­to­no­mie et la respon­sa­bi­li­sa­tion mais je trouve la conclu­sion un peu facile, et ne reflé­tant que rare­ment une expé­rience de mana­ger.

    Le télé­tra­vail me demande de repen­ser mon rôle, la façon dont je le mène. Factuel­le­ment, mon boulot en tant que mana­ger change beau­coup, mais s’il change ce n’est pas sur les ques­tions d’au­to­no­mie et de respon­sa­bi­li­sa­tion (qui sont dans mes orga­ni­sa­tions cibles qu’il y ait télé­tra­vail ou pas).

    Si ça change c’est qu’il est bien plus diffi­cile de sentir des signaux quand quelqu’un commence à ne plus être à l’aise. Il est de même diffi­cile de se rendre compte que telle ou telle remarque (de moi ou d’un autre) a été mal reçue et qu’il me faut inter­ve­nir. Il est tout autant diffi­cile de voir si tel ou tel chan­ge­ment est posi­tif ou néga­tif tant qu’il n’y a pas de forte douleur.

    Non seule­ment on ne voit que le formel, l’écrit et le résul­tat, mais en plus on agit par ces mêmes canaux. La petite discus­sion à la machine à café ne prend pas forme aussi faci­le­ment : C’est soit de l’écrit soit de la visio. Les rendez-vous 1–1 sont d’au­tant plus essen­tiels avec le télé­tra­vail.

    Je parle de ma posi­tion de mana­ger mais ça fonc­tionne dans les deux sens : Vu que je conçois mon rôle de mana­ger comme au service des autres, si c’est plus diffi­cile pour moi alors ça a aussi des impacts néga­tifs sur l’aide que je peux appor­ter, et donc sur les tiers non-mana­gers. J’ima­gine plus facile de perdre quelqu’un et de s’en rendre compte trop tard, et plus diffi­cile de résoudre un désa­li­gne­ment (*).

    Quand tout va bien c’est parfait et le télé­tra­vail ne génère aucune problé­ma­tique signi­fi­ca­tive. Quand quelque chose n’est pas idéal, le télé­tra­vail à temps plein complexi­fie l’hu­main, des deux côtés, et peut démul­ti­plier les problèmes ou les diffi­cul­tés (*).

    Orga­ni­sa­tion d’en­tre­prise

    Je ne l’ai pas abordé mais je n’ai d’ex­pé­rience que pour des équipes tech­niques de bon niveau et impliquées. Tel que je le vois, le télé­tra­vail n’est adapté que pour des gens diri­gés à la tâche d’exé­cu­tion sans aucune lati­tude ni aucun aléas (on peut donc simple­ment mesu­rer l’avan­ce­ment) soit des gens en totale respon­sa­bi­lité et auto­no­mie (indi­vi­duel­le­ment ou collec­ti­ve­ment).

    Quand je parle de respon­sa­bi­lité et d’au­to­no­mie je le prends avec un sens très étendu. Côté orga­ni­sa­tion, l’es­sen­tiel des problèmes ressen­tis viennent de situa­tions où les opéra­tion­nels n’étaient (ou ne se sentaient) pas libres de prendre les déci­sions qu’ils pensaient perti­nentes, ou qu’ils devaient justi­fier leur travail après-coup (le temps passé, les déci­sions prises, les aléas, la qualité obte­nue).

    La posi­tion inter­mé­diaire, à la fois donner des respon­sa­bi­li­tés et de la liberté mais pas toute l’au­to­no­mie pour faire les choix ou les comprendre, est une source de frus­tra­tion perma­nente. C’est déjà vrai sur une orga­ni­sa­tion locale (ne faites pas ça) mais ça s’y rattrape en partie par la proxi­mité. En télé­tra­vail les problèmes induits m’y semblent démul­ti­pliés (*).

    Le quoti­dien

    Ce n’est pas un vrai problème mais c’est quand même une surprise pour moi alors je le signale : Même dans une entre­prise tota­le­ment en télé­tra­vail depuis sa nais­sance il y a une demie-douzaine d’an­née, on perd encore du temps signi­fi­ca­tif avec les problèmes de son et de vidéo, on oublie parfois de faire de l’écrit, etc.

    De même, si on est plus au calme, il est plus fréquent que au moins un des inter­ve­nants ait des travaux chez lui, ses voisins ou dans la rue, une connexion qui tombe, un wifi taquin, un maté­riel en panne sans pièce de rechange, un démar­cheur qui sonne à la porte, un espace de cowor­king trop bruyant et aucune cabine d’iso­le­ment de dispo­nible, etc.

    Bref, les petits soucis du quoti­dien sont tout autant là en télé­tra­vail.

    Enfin, certains aiment bien l’asyn­chrone et l’écrit (moi le premier), mais je n’ai pas trouvé de solu­tion effi­cace pour rempla­cer les discus­sions autour d’un tableau blanc. Il existe des logi­ciels pour ça, mais sauf à payer à chacun une tablette avec stylet, ça ne sera jamais la même chose. Les réunions d’ar­chi­tec­ture sont clai­re­ment un point où on perd très nette­ment en effi­ca­cité.

    Encore une fois : Ça fonc­tionne mais rien n’est magique. Certains vous diront que c’est toujours mieux qu’une entre­prise qui n’a pas assez de salle de réunion. Savoir si c’est mieux qu’une entre­prise qui a des espaces adéquats, ça va être un choix plus person­nel.


    (*) Oui, moi aussi j’ai­me­rais une situa­tion idéale, où tout est parfait, où tout le monde est aligné, où la culture est parfai­te­ment parta­gée, où les désac­cords sont démi­nés, où il y a bien­veillance et colla­bo­ra­tion à chaque instant de la vie, où moi-même j’ai une hygiène de vie parfaite, pas de problème de santé ni de freins sociaux.

    Les retours qui disent que le télé­tra­vail ne pose aucun problème tant que le contexte est idéal et que sinon c’est la faute des problèmes autour, j’ai l’im­pres­sion d’y lire un « quand ça ne fonc­tionne pas c’est la faute des autres ».

    En pratique tout n’est pas toujours parfait. Parfois c’est la faute de l’or­ga­ni­sa­tion, parfois de la culture, parfois d’un contexte non maitrisé ou d’une personne parti­cu­lière. Parfois on y peut quelque chose, parfois nos leviers d’ac­tion sont plus restreints ou plus long terme. Peu importe. Ça arrive et ça doit être pris en compte. Une orga­ni­sa­tion qui ne fonc­tion­ne­rait que dans un contexte idéal est une mauvaise orga­ni­sa­tion.

    Du coup oui, je me permets de signa­ler ce qui est plus diffi­cile même si le problème n’exis­te­rait pas dans une situa­tion tota­le­ment idéale par ailleurs. J’ai tendance à dire qu’en tant que mana­ger c’est même mon boulot de penser à ça et d’y travailler.

  • Les petits avan­tages

    Je vois que certaines entre­prises tentent d’at­ti­rer les déve­lop­peurs en offrant des abon­ne­ments Spotify ou des accès à la salle de sport.

    J’avoue ne pas comprendre.

    Un déve­lop­peur c’est 2 000 à 4 000 € nets mensuels. Pensez-vous vrai­ment qu’il va choi­sir votre entre­prise à cause d’un abon­ne­ment qui lui coûtera moins de 10 € alors qu’à ce moment là il a encore des incer­ti­tudes de plusieurs centaines d’eu­ros sur ce que sera son salaire ?

    Je ne sais pas quel est le senti­ment des déve­lop­peurs ciblés, mais moi ça me donne­rait l’im­pres­sion d’être acheté avec des caca­huètes.

    Pire, je ne voudrais pas travailler avec des déve­lop­peurs qui prennent des déci­sions impor­tantes sur une base aussi peu perti­nente. C’est assez mauvais signe sur leur sérieux et sur la qualité de l’or­ga­ni­sa­tion qui en décou­lera.


    Abon­ne­ment Spotify, salle de sport, même les tickets restau­rants, la prise en charge de la mutuelle par l’en­tre­prise ou l’exis­tence d’un inté­res­se­ment sont sans inté­rêt à ce niveau.

    Je ne dis pas que ce n’est pas inté­res­sant en soi, mais un avan­tage finan­cier n’a de sens qu’au regard du salaire pour calcu­ler une rému­né­ra­tion globale. Repar­lez-en quand vous ferez une offre chif­frée.


    Il serait peut-être temps de reve­nir à des bases saines. Les déve­lop­peurs sont peut-être passion­nés mais s’ils viennent travailler pour vous c’est pour obte­nir un salaire.

    Offrez leur une vraie rela­tion profes­sion­nelle. Parlez-leur de rému­né­ra­tion, de missions, de condi­tions de travail et de temps de travail.

    Non, ce ne sont pas des concepts dépas­sés, c’est simple­ment la base de l’em­ploi que vous propo­sez.


    Si vos employés ont des enfants ou risquent d’en avoir dans les années qui viennent, ils seront proba­ble­ment inté­res­sés pour connaitre le nombre de jours de congés et de RTT. Ça permet de savoir s’il faut faire garder le petit pendant les vacances scolaires, ou si on peut parfois le faire soi-même.

    Dites aussi si leurs horaires sont flexibles pour aller amener le petit chez le méde­cin, assis­ter à la fête de l’école, ou rentrer plus tôt à la maison le jour où le conjoint a un empê­che­ment.

    Et d’ailleurs, c’est quoi les horaires habi­tuels ? Sera-t-il possible d’ame­ner le petit à l’école avant d’al­ler au travail ou de le prendre à l’école après le travail ? Une heure de garde chaque soir ça chiffre bien plus que votre abon­ne­ment Spotify à 10 €.

    Tout ça est infi­ni­ment plus impor­tant que tous vos petits avan­tages, même si c’est pour fina­le­ment dire que vous n’of­frez pas de congés et qu’il faut s’at­tendre à ne pas comp­ter ses heures ou avoir de conve­nances person­nelles. Au moins les choses sont claires dès l’an­nonce et tout le monde évitera de perdre du temps.


    Vous ne voulez pas parler salaire, ni congés, ni temps de travail ? Parlez au moins des condi­tions de travail.

    Il y a mille ques­tions possibles. Vous ne pouvez pas tout dire, ce n’est qu’une annonce, mais il y a forcé­ment quelques points posi­tifs à mettre en avant.

    Voilà quelques idées :

    Est-ce qu’on travaille dans un grand open space ou dans des petits bureaux ? De quel espace dispose chacun ? Est-ce qu’il y a des salles de réunion en nombre suffi­sant ?

    Est-ce que les postes sont du haut de gamme ou des vieux trom­blons pas chers ? A-t-on le choix entre windows, mac et linux ? Est-ce des postes portables ou fixes ? A-t-on un écran secon­daire ? peut-être deux ? De quelle qualité ? Est-ce une chaise de bureau pas cher ou un fauteuil ergo­no­mique ?

    Qui prend les déci­sions tech­niques ? Comment sont fait les arbi­trages fonc­tion­nels ? Est-ce que le déve­lop­peur inter­vient en bout de chaîne ou est-il impliqué dans la concep­tion ?

    Quel est le plan de forma­tion ? Il y en a-t-il un ? Est-ce que l’en­tre­prise permet ou incite à assis­ter à des confé­rences ? En orga­nise-t-elle ?

    Quelle est la rela­tion avec l’open source ? Est-ce que les codes sont rever­sés ? Selon quels critères ? Au nom de l’en­tre­prise ou au nom du déve­lop­peur ?

    Quel seront les évolu­tions de poste possible ? Comment le plan de carrière est-il suivi ? Par qui ?


    Bon, après si vous ne pouvez pas annon­cer de salaire, que vous ne voulez pas parler de temps de travail et que vos condi­tions de travail sont à peine passa­bles… vous avez un sérieux problème.

    Oui, bon, dans ce cas tentez d’of­frir un abon­ne­ment Spotify ou à la salle de sport. On ne sait jamais, sur un malen­ten­du…

  • La chaise de bureau

    J’ai fait un retour sur le bureau assis-debout. En même temps j’ai acheté une vraie chaise ergo­no­mique.

    Le retour est beau­coup plus mitigé.

    Forcé­ment c’est mieux que ma chaise de cuisine en bois. Indé­niable. Rien que pouvoir la régler à la bonne hauteur et avoir un peu de mousse sous les fesses est un vrai plus. Au delà… je ne sais pas. Peut-être n’ai-je simple­ment pas trouvé la bonne.


    J’ai longue­ment cher­ché, plutôt regardé sur du haut de gamme : Steel­case Think, Steel­case Please, HermanMiller Embody, Auto­no­mous ErgoC­hair. L’idée c’est qu’un haut de gamme d’oc­ca­sion vaut mieux qu’un milieu de gamme ou qu’un bas de gamme neuf. On peut trou­ver des chaises allant de 20 à 40% du prix neuf, en bon état.

    J’ai testé, trouvé quelque chose qui semblait me conve­nir avec une RH Logic 400, 2ndhnd la propo­sait à un prix raison­nable. Le support lombaire tota­le­ment réglable m’a plu.

    À l’usage je suis plus mitigé. La chaise est formi­dable, mais pas forcé­ment ce que je cher­chais. Il est diffi­cile en peu de temps de se faire une vraie idée lors des tests de comment on va se sentir sur le long terme. Aujourd’­hui je ne sais au point où je ne suis pas forcé­ment convaincu d’une diffé­rence signi­fi­ca­tive par rapport à des chaises de bureau milieu de gamme ailleurs.

    La frus­tra­tion est d’au­tant plus grande que j’ai eu l’oc­ca­sion de passer sur une chaise qui m’a beau­coup plu dans un bureau à parta­ger récem­ment. L’ar­rière de l’as­sise montait en même temps qu’on appuyait sur le dossier. Ça donnait une assise dyna­mique qui pendant deux jours m’a semblé très agréable (mais peut-être que là aussi, ça serait très diffé­rent sur le long terme).


    Pas de conclu­sion. Je reste convaincu qu’in­ves­tir dans un vrai fauteuil de bureau ergo­no­mique reste indis­pen­sable. Je n’ai pas forcé­ment trouvé la bonne, à voir si j’es­saie de la revendre pour en trou­ver une plus à mon goût.