Je fais du télétravail depuis presque trois mois désormais. Il est peut-être temps pour un retour sur expérience, non ?
Spoiler pour les pressés : Je suis mitigé.
J’y ai gagné
Un vrai bureau assez profond, pas de circulation autour de moi, personne pour voir mon écran, de la lumière naturelle et un agencement pour qu’elle ne m’éblouisse pas, un chauffage suffisant que je peux régler localement…
Ça devrait être un minimum partout mais ça ne l’est pas. Le faible investissement dans les espaces de travail de la plupart des boites que j’ai croisé fait que c’est le premier point positif qui me vient à l’esprit.
La fin des temps de trajet. Bien entendu, comparé à mes trajets Paris-Lyon le gain est énorme mais difficile de considérer que c’est lié au télétravail. Comparé à mon précédent boulot sur Lyon disons que j’y gagne peut-être 30 minutes par jour. C’est moins fantasmagorique que sur le papier parce que je mutualisais mes trajets avec l’accompagnement du petit à l’école ou les courses du soir. Là je dois sortir exprès pour.
C’est aussi difficile
Bosser de chez soi c’est avoir un bureau chez soi. J’y ai perdu la chambre d’ami et je ne m’y attendais pas. Rien n’a changé, il y a toujours eu un bureau encombré, et on dépliait le canapé-lit au besoin. Sauf que désormais je dois dire aux amis de me laisser la pièce avant 9h le matin et de ne pas y revenir avant 19h le soir, et de ne pas laisser trainer leurs affaires personnelles entre les deux parce que j’occuperai la pièce. Pas glop.
Ok, j’y ai gagné en temps de trajet mais pendant ce temps je lisais, je regardais des séries, parfois j’avais la tête encore au boulot ou au contraire j’anticipais sur le programme de la maison, parfois je me reposais simplement la tête. Aujourd’hui je passe du travail à la famille sans transition et c’est intensif. Il me manque cruellement de ce sas de décompression qu’était le temps de trajet. Limite si faire une marche dehors de dix minutes avant et après le travail rien que pour ça n’aurait pas du sens.
Les interactions de travail sont aussi toutes plus complexes. Beaucoup passe à l’écrit et la visio pose beaucoup moins de difficultés qu’anticipé. Tant que les gens ont un casque audio pour éviter l’écho et que tout le monde est à distance, ça va. Pour les réunions où une part significative des collaborateurs sont dans une même salle de réunion locale, là par contre c’est très difficile de se maintenir.
Si la visio se passe bien, il faut toutefois penser à la lancer et c’est là que ça pêche. Dans un même bureau on passe facilement voire l’autre pour discuter ou s’isoler dans une salle de réunion. Sans face à face on a tendance à rester plus longtemps à l’écrit avant de lancer la visio.
On perd aussi la facilité de comprendre si le collègue est disponible ou pas, s’il est d’humeur, quand est le bon moment pour parler. C’est au point ou si la personne n’est pas connectée je ne sais pas toujours si elle est en dehors de ses heures, si elle est concentrée sur le projet, ou si elle est en congés et que ce n’est pas indiqué sur le calendrier.
La vraie différence, enfin, c’est surtout qu’on ne voit pas l’humeur des gens, qu’on n’a pas les discussions de machine à café, qu’on ne ressent pas la même chose. Le lien social est absent, ou presque.
J’avais pensé que l’isolement social me pèserait moins qu’à d’autres. Je suis assez introverti, je participe peu à la machine à café (d’autant que je ne bois pas de café, je ne fume pas, je ne bois pas d’alcool… mine de rien ça limite les prétextes). Et pourtant… ne pas avoir parfois un délire dans le bureau entre deux collègues, une discussion passionnée à midi, un espace informel le soir… ça manque beaucoup.
La force de l’écrit et de la visio font qu’on y réserve le productif. Il y a 8 ou 9 journées d’équipes avec tout le monde sur Paris dans l’année pour créer du lien. C’est bien, c’est utile, mais ça ne remplace pas tout.
Et le reste ?
Et bien le reste ne change pas vraiment. Les informaticiens sont déjà assez isolés. Je ne vois pas de pair programming mais j’imagine qu’on doit pouvoir monter des choses en ce sens. Il y a juste d’autres choses à faire avant.
Idem pour les meetup et autres réunions de veille technique. Ça devra prendre une forme différente, je ne peux pas vous dire laquelle aujourd’hui mais je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas trouver une forme adaptée.
Et les horaires… Tout le monde fantasme sur les horaires et la liberté qui va avec. En réalité ça ne change pas grand chose là non plus. Si l’employeur est à cheval sur les horaires au bureau il le sera sur la présence en ligne. S’il est plus cool il pourra l’être dans la même mesure pour du télétravail, pas forcément beaucoup plus. Dans tous les cas on interagit avec des tiers, ce qui impose d’être connecté aux mêmes heures. Rien que le daily du matin cadre bien la journée.
4 réponses à “Petit retour sur le télétravail”
Hello
Depuis 6 ans et demi en télétravail 4/5J.
Personnellement le point fort est de ne plus avoir de collègues en live, surtout les commerciaux et les chargés de compte qui sont au tél en permanence. Quand aux devs, on fait quasiment tout par texte, même si on n’est dans la même pièce…
L’absence d’échange live fait qu’on est plus focalisé sur le taf (et si l’autre n’est pas d’humeur à bosser, et bien justement la distance permet de passer plus facilement outre, vu qu’on n’est pas là pour ça) Evidemment c’est réciproque.
Pour les sas entre le travail et la vie privée, le matin je fais 45 min de dessin aussi souvent que je peux avant la réunion audio (jamais de vidéo) du matin, qui se transforme toutefois souvent en tâches ménagères ou administratives.
Le soir ce sont les devoirs des enfants qui font office de sas.
Le principal truc que j’ai dû gérer c’est la prise de poids surtout depuis que les enfants vont à l’école tous seuls. Depuis 3 ans je me suis mis à la course à pied 3 fois par semaine (et même ainsi je ne suis pas aux 10 000 pas/jour)
Merci pour ce retour d’expérience.
Personnellement je fais du remote depuis plus de 5 ans et… je ne reviendrai jamais en arrière, ou alors il faudrait que ce soit bien compensé. Pour tout plein de bonnes raisons.
Je voulais répondre concernant le lien social. Bien qu’étant un gros ours introverti qui aime (trop parfois) rester au chaud dans sa caverne, j’ai toujours insisté pour venir sur place une journée par semaine.
Une des raisons est qu’il est plus facile de débattre sur des points de désaccord quand on connaît physiquement les gens. Enfin c’est ce que je ressens
Et ensuite, ce fameux lien social. Tout en allant sur place qu’une fois par semaine, je me suis créé des relations fortes avec des gens, qui sont de mes amis aujourd’hui. Pour un ours, ça n’a pas de prix :)
Et il m’est arrivé plus d’une fois de ne pas toucher mon ordi de la journée en allant sur place. C’était l’occasion de faire des réunions, de faire du peer programming, de transmettre du savoir (quand j’étais en mesure de le faire). Et aussi toujours déjeuner à l’extérieur pour se connaître mieux que manger en 5mn, et assez souvent aussi aller boire ne serait-ce qu’un verre après le boulot.
Voilà, c’est ma recette pour du remote qui crée du lien social. Et tu sais quoi ? Les liens que j’ai gardé avec beaucoup de ces gens sont plus forts et plus nombreux que ceux avec les gens quand je bossais 100% sur place !
Twidi
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