On me pose plein de questions suite au billet sur les indemnités et je me rends compte que si on parle beaucoup de comment faire son entrée, personne ne parle de comment quitter un emploi. Ça semble un peu tabou.
IANAL: Je ne suis pas juriste. Je peux me tromper. En ce cas vous êtes invités me corriger dans les commentaires, je mettrai à jour avec plaisir.
La démission. C’est simple : Vous signalez à votre employeur que vous partez. Il vous faudra respecter un préavis, c’est à dire le prévenir à l’avance. Les durées classiques vont de un à trois mois. Pour les cadres c’est généralement trois mois. Attention : L’employeur n’est pas tenu de vous accorder de congés pendant cette période de préavis.
Cette durée peut être raccourcie d’un commun accord. N’hésitez pas à le demander, poliment. Il est fréquent que l’employeur accepte de couper à moins de trois mois, mais il est aussi fréquent qu’il ne l’annonce qu’au dernier moment, à la moitié du préavis. Inversement, si c’est l’employeur qui veut unilatéralement vous voir partir plus tôt que prévu, il sera tenu de quand même vous payer l’intégralité du préavis.
Parce que votre manager est un humain, même si le courant ne passe pas entre vous, essayez de le voir pour lui en annoncer votre démission en face à face. Si ce n’est pas envisageable, vous pouvez aller voir les ressources humaines, ou le président pour une petite boite. Faites-le, même si la relation est tendue. Si vraiment c’est la guerre, envoyez au moins un email informel poli disant que vous allez leur envoyer une démission par courrier.
Et donc… envoyez une lettre recommandée avec accusé de réception, datée, signée et adressée soit aux ressources humaines soit à votre président. Elle vous sécurisera quoi qu’il se passe ensuite. Indiquez dedans la date de départ que vous aurez calculé (le préavis commence à réception de la lettre, donc comptez deux jours après son envoi), elle évitera des ambiguïtés et ce sera à l’employeur de contester explicitement s’il en calcule une différente. Comme je suis personnellement un stressé de la vie, je la scanne et j’envoie la copie en parallèle par e-mail à partir de mon adresse personnelle, au cas où le courrier se perd mais aussi pour qu’on ne puisse pas en contester le contenu.
Maintenant le conseil : Sauf si vous avez déjà en main le contrat ou la promesse d’embauche d’un futur emploi… Ne. Faites. Jamais. Ça. Encore moins si c’est parce que ça se passe mal en interne.
1 : Passez par une rupture conventionnelle.
Avant les cadres et managers passaient par un faux licenciement accompagné d’une transaction. Aujourd’hui il y a la rupture conventionnelle qui est parfaite pour ça, passez toujours par là. Toujours. Ça vous ouvrira les droits chômage et la portabilité mutuelle si quoi que ce soit ne se passe pas comme prévu (genre vous avez un accident quelques jours après votre démission et non seulement il faut payer l’hôpital mais en plus ça fait capoter le job de vos rêves parce qu’ils ne veulent pas attendre, je l’ai déjà vu).
Et donc, la rupture conventionnelle. Officiellement c’est un licenciement par accord mutuel mais ça ne change pas grand chose : Vous annoncez que vous voulez partir mais que vous voulez le faire sous le régime de la rupture conventionnelle. Il n’y a pas de préavis mais il y a une procédure formelle à respecter qui met 4 à 6 semaines minimum.
Pas la peine de vous embêter avec la procédure, votre employeur vous guidera (et tant qu’il vous donne une copie de la convention signée, vous êtes à priori bordé de votre côté).
Le seul point à retenir c’est de ne laisser aucune trace écrite ou publique de la proposition ou de la négociation tant que la convention n’est pas terminée et signée. Tout se fait à l’oral tant qu’il n’y a pas accord. Ne vous inquiétez pas, l’employeur en fera tout autant de son côté.
En sortie c’est un licenciement. On vous paiera une indemnité légale. Le montant dépend de votre ancienneté et de votre convention collective. Pour les cadres syntec c’est 1/3 de mois de salaire par année d’ancienneté. Vous aurez le droit au chômage et à la portabilité de la mutuelle (demandez là, c’est important). Vu que c’est vous qui demandez à partir, je ne vois pas pourquoi l’employeur vous donnerait des indemnités supra-légales mais si c’est le cas pensez à jeter un œil au billet précédent.
On commencera parfois à vous dire « non, si vous voulez partir, démissionnez ». C’est logique, ça coûte des sous à l’employeur qui n’a rien demandé. En pratique il est peu probable que ce « non » tienne plus de deux mois, surtout si la relation est difficile. Sauf pour les SSII qui revendent les collaborateurs en régie, l’employeur n’a pas grand intérêt à garder quelqu’un qui veut partir et qui risque de ne plus être motivé. Certains proposeront par contre peut-être des arrangements à l’amiable (genre un préavis plus long, un effort particulier, ou éventuellement l’escamotage d’une période de congés payés équivalente au montant de l’indemnité à payer). À vous de voir.
Si toutefois le refus persistait, comprenez bien que vous aurez passé un cap. Quelle que soit votre attitude, l’employeur vous considérera probablement des années comme potentiellement sur le départ et moins impliqué, avec des conséquences sur les augmentations, les promotions, les affectations, et la relation de travail en général. C’est humain.
Ce n’est pas une raison pour jouer à ce jeu là ! Si vous restez, faites-le sérieusement et professionnellement, en gardant votre implication au travail et une relation cordiale. C’est juste une obligation morale vis à vis du contrat de travail et d’une démission que vous choisissez de ne pas donner. Si l’aspect moral ne vous touche pas, sachez que le milieu est petit. Vos collègues et votre employeur n’hésiteront pas une seconde à informer vos futurs collègues et employeurs qu’on ne peut pas faire confiance à vos engagements et à votre professionnalisme, et ils auront raison.
2 : Restez humain, professionnel et respectueux, avant comme après.
Certains mauvais employeurs ne respecteront pas cette dernière règle et passeront aux mesures de rétorsion ou de harcèlement pour vous faire démissionner maintenant que le sujet de départ à été abordé. Malheureusement ça arrive. Si c’est le cas faites intervenir les délégués du personnels ou la Direccte. Ça y mettra fin immédiatement et l’employeur aura vite fait de vous proposer une sortie pour éviter un conflit aux Prud’hommes.
Le départ. Encore une fois, restez cordial, professionnel et impliqué jusqu’au dernier jour. Mieux : Faites ce qu’il faut pour que faciliter votre future absence en documentant ce qui peut l’être et en formant vos collègues à vos tâches.
Pensez aussi à effacer toutes vos données personnelles de vos outils informatiques (les mots de passe du navigateur, vos mp3, photos ou fichiers personnels). Attention aussi aux documents professionnels sensibles : les fichiers ou emails avec des salaires ou des informations confidentielles, les emails aux délégués du personnel ou au syndicat, les comptes rendus d’entretien avec vos collaborateurs si vous êtes manager, etc. Ne comptez pas sur votre manager et votre service informatique pour être parfaits et éviter tout problème : Prenez les devants. Tout ça se prépare et ne se fait pas en une heure au dernier moment.
3 : Effacez vos données personnelles et vos donnés sensibles.
En sortie l’employeur vous remettra un certificat de travail, un solde de tout compte avec le paiement des jours de congé restant, et le chèque correspondant. Si ce n’est pas une démission, vous aurez aussi une attestation pour le pôle emploi et vos indemnités de licenciement.
Ne signez rien, et surtout pas un papier non prévu ou qui vous engage, surtout pas si on conditionne la remise des papiers décrits plus haut à un engagement quelconque, même si vous êtes en relation de confiance. Une fuite possible est de signer réception avec une formule du type « signature pour acter réception ce jour ; sous réserve de mes droits passés, présents et futurs ; ne vaut pas pour accord ou comme engagement » ou quoi que ce soit qui dit clairement que tout ça ne représenta pas un accord de votre part. Au pire, partez sans les papiers si on refuse de vous les remettre et envoyez une lettre recommandée pour les réclamer, c’est l’employeur qui sera en tort. Au cas où, même signé sans réserve, le solde de tout compte (et lui seulement) est encore contestable six mois.
4 : Ne signez rien lors de votre départ, surtout pas sous la pression.
De votre côté rendez tout le matériel professionnel en personne (ne le laissez pas sur le bureau) et exigez un reçu signé en échange. On évite bien des ennuis possibles, même avec un employeur de bonne foi.
5 : Exigez un reçu pour la remise de votre matériel professionnel.
Si ce n’est pas une démission et que ce n’est pas déjà fait, profitez-en pour demander immédiatement la portabilité de votre mutuelle (plus largement, des vos droits santé et prévoyance). Vous pourrez rester ainsi couvert pendant un an, aux mêmes conditions. Vous aurez à payer la part salariée que vous payez déjà, l’employeur continuera à payer la part employeur qu’il paye déjà.
6 : Demandez la portabilité de vos droits santé et prévoyance.
Oh, et même après votre départ, vous avez encore des obligations, morales, légales ou contractuelles. Respectez-les. Au niveau moral, n’allez pas d’un coup salir votre employeur précédent simplement parce que vous n’y êtes plus. Au niveau contractuel vous avez peut-être une clause de confidentialité (elle continue de s’appliquer), de non débauchage ou de non concurrence (cette dernière n’est valable que si on vous la compense financièrement).
11 réponses à “Je veux partir, laissez-moi partir !”
Je suis surpris de ta recommandation de ne pas démissionner et de demander une rupture conventionnelle… On entends souvent la critique des patrons qui déguisent des licenciements en ruptures, mais ce serait normal que les salariés déguisent les démissions en rupture ?
Comme tu le soulignes, la rupture conventionnelle nécessite un accord mutuel. Il m’est arrivé une fois (au début quand c’était encore récent) de refuser une rupture. La personne travaillait bien, on s’entendait normalement, et on avait besoin d’elle. Pourquoi accepter cela ?
Après, je suis d’accord que la rupture est rentrée dans les moeurs, et le coût reste modéré pour l’employeur (si on met en face le coût – temps, énergie, finance – quand la relation se détériore…). Et du coup, je trouve intéressante la proposition de Macron que les démissionnaires puissent avoir leurs droits au chômage aussi. On rendrait bien plus fluide le marché de l’emploi, en évitant toutes ces longues procédures pour cacher une évidence…
Tu notes que je refuse toute attitude de pression sur la négociation de rupture. Si tu n’acceptes pas, et bien tu n’acceptes pas et ce sera au salarié de faire son choix.
En pratique la rupture conventionnelle c’est un accord mutuel. Je ne vois aucune raison de ne pas chercher et demander cet accord. S’il y est ce n’est en rien un déguisement. Il y a forcément une des deux parties à l’initiative de la demande, les deux ne se retrouvent pas par magie autour de la table. Je ne vois pas pourquoi le salarié ne pourrait pas l’être.
Oui, la garantie des droits pour les démissionnaires a du sens. Après ça va aussi être une galère pour définir les règles et éviter les abus. Je ne vois aujourd’hui pas ce qu’il a en tête pour ce qui est du détail opérationnel. J’ai peur qu’il ne l’ait pas non plus et donc que ce soit beaucoup de vent.
Le processus de rupture conventionnelle a l’avantage de limiter un peu : L’employeur ne va probablement pas accepter une rupture conventionnelle à quelqu’un qui semble faire des périodes volontaires de chômage régulièrement une fois les droits acquis. À l’inverse, comme tu dis, le coût est assez modéré pour que refuser un départ qui se passe bien tienne surtout de l’idéologie. Je n’aime pas laisser l’employeur comme garant du système, mais je n’ai pas mieux à proposer.
J’aime surtout la rupture conventionnelle en ce qu’elle démocratise ce qui était déjà la norme pour les hauts salaires et les managers : le licenciement avec une transaction. C’était un système de cercle d’initié et du coup ça n’était pas acceptable.
Bien sûr le salarié peut aussi être à l’initiative. C’est le côté « systématique » dans ton billet qui me gêne (tu dis de ne « jamais » faire une démission…). Pour le reste oui c’est vrai que cela généralise ce qui était le privilège des hauts salaires auparavant.
S’il y a envie de départ, il faut proposer le mutuel et voir s’il peut être obtenu. Oui c’est quasi systématique. Pourquoi ne pas le faire si justement il y a une possibilité d’entente entre les deux ?
Le seul cas où pour moi ça n’a pas de sens/légitimité, c’est si le salarié a déjà son nouveau contrat ou sa promesse d’embauche future.
> envoyez une lettre recommandée avec accusé de réception[…]. Indiquez dedans la date de départ que vous aurez calculé (le préavis commence à réception de la lettre, donc comptez deux jours après son envoi)
Je pinaille mais ce n’est pas exactement ça. Ce qui compte c’est la date de première présentation et non la date de réception. La différence est en générale nulle… mais pas toujours lorsque l’employeur veut faire trainer les choses.
Il m’est même arrivé que, étrangement, mon recommandé mette presque une semaine à arriver et que, encore plus étrange, il n’y ait pas de date de première présentation ce qui décalait d’autant ma date de départ.
Soit dit en passant que ce n’est pas conforme et que l’employé de la poste s’est retrouvé bien démuni devant cette absence de date et m’avait montré les relevés internes où on voyait bien la lettre partir du dépôt tous les matins et revenir sans date de présentation…
Sinon merci pour ce billet et le côté rupture conventionnelle, de mon côté je suis toujours parti du principe que c’était ma décision propre et que démissionner était normal mais aussi une façon de l’assumer.
Il est également possible de remettre sa lettre de démission en main propres (en deux exemplaires, chacun devant être daté et signé par l’employeur, le préavis court à partir de là), c’est ce que j’ai fait :)
À noter qu’il existe quelques cas à la marge de démission ouvrant droit à des indemnités chômage.
Déménagement, suivi du conjoint ou du futur conjoint, harcèlement, démission durant la période d’essai d’un CDI, démission d’un contrat aidé pour suivre une formation… il existe encore une dizaine de cas.
Autre info importante sur le sujet, je vois de plus en plus de gens qui savent qu’un abandon de poste ouvre aussi les droits, et s’en servent pour faire du chantage : « soit vous acceptez ma rupture conventionnelle, soit j’abandonne mon poste et au pire, je me retrouve dans une situation équivalente à une démission ». Certains n’ont visiblement rien à foutre que cela constitute une faute grave…
Il existe des cas, mais c’est loin d’être évident :
– Harcèlement il va falloir le prouver, peut-être même gagner le procès. Une simple déclaration ne suffira probablement pas.
– La période d’essai du CDI, à ma connaissance c’est pour les 3 premiers mois seulement (pas toute la période d’essai), et il faut que le départ du boulot précédent soit jugé légitime (donc licenciement ou une des causes que tu donnes), et il ne faut pas avoir été inscrit au pole emploi entre les deux emplois. Les trois conditions sont cumulatives, ça limite…
– Le rapprochement de conjoint il faut qu’il y ait eu déménagement (malheureusement rejoindre un conjoint qui habite déjà à distance ne fonctionne pas).
L’abandon de poste c’est aussi un coup à perdre ses indemnités (en général on évite) mais aussi à se retrouver dans une situation où on ne perçoit pas de salaire tout en ne pouvant pas travailler ou percevoir d’allocations chômage (vu que toujours sous contrat)
Plutôt que l’abandon de poste, si ça se passe mal on peut plutôt faire des heures à 10 balles. Acte de présence. Ça peut durer longtemps mais on est payé.
C’est tout autant illégal et déloyal.
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