Comme visiblement cette suite de billets est lue avec grand intérêt, il fallait bien faire le contre-point du précédent, même si j’espère qu’il concernera moins de monde.
Je vais lever le suspense. Tout tient dans une seule recommandation :
Faites-vous accompagner.
Toute autre attitude est une erreur monumentale.
Le délégué du personnel.
Pour les cas simples, ou pour les affaires internes des grandes entreprises, ou si vous ne savez pas encore trop où vous allez. Il est là pour ça, assurera la confidentialité de tout ce que vous lui direz, et aura généralement un minimum d’expérience (s’il n’en a pas, il aura probablement le support de son syndicat pour aiguiller). Il aura aussi connaissance de plus de choses que vous dans la société pour comprendre le contexte.
Normalement leurs nom et coordonnées sont affichés et communiqués. Si vous ne savez pas vous pouvez demander au collègue qui a l’air le plus porté sur ces questions à côté de vous, lui saura surement. Au pire demandez aux ressources humaines, à votre manager, à votre président.
Vous en aurez plusieurs. Le syndicat d’appartenance n’a aucune influence (ne choisissez pas en fonction de vos opinions politiques). Ils vous défendront tous pareil. Choisissez plutôt en fonction de son collège (cadre ou non cadre, il aura une meilleure compréhension des tenants et aboutissants de la situation) et pour qu’il soit dans le même bureau que vous (ça sera quand même plus simple pour discuter).
Si vous pouvez, évitez toutefois d’impliquer quelqu’un de trop proche, genre le collègue de la même équipe sur le bureau d’à côté. Vous éviterez de le mettre dans une situation délicate et vous aurez quelqu’un de plus objectif.
L’accès aux délégués du personnel est gratuit (il ne vous fera pas cotiser au syndicat) et vous n’avez aucun compte à rendre à personne à ce sujet.
Le conseiller du salarié.
C’est l’équivalent du délégué du personnel si la société n’en a pas, c’est à dire si elle n’a pas 11 salariés depuis assez longtemps.
La Direccte de votre département tient une liste nominative accessible sur son site web. À défaut vous pouvez la demander en mairie et à l’inspection du travail.
Vous aurez une liste de noms, syndicat, téléphone, email et ville. Les critères de choix sont similaires à ceux du délégué du personnel. Choisissez donc préférablement un syndicat cadre / non cadre suivant votre situation. Si vous avez le choix, regardez comme second critère si l’un d’eux est dans un domaine proche du votre (taille d’entreprise, métier, etc.). Parfois le point de contact email est directement une boite partagée du syndicat et ce sont eux qui sélectionneront la personne disponible la plus adaptée.
Écrivez en précisant votre situation (ce qui vous arrive) et le contexte (société, métier, date, vos coordonnées). Soyez succinct, on vous proposera un rendez-vous pour parler ensuite.
Là aussi, ces conseillers sont là pour vous et rien ne vous sera demandé en échange. Ils auront leur expérience, celle du syndicat, et l’employeur n’aura aucun moyen de pression sur eux. C’est presque l’idéal.
L’avocat en droit social.
Si vous commencez à parler indemnités significatives ou s’il y a des enjeux importants, faites intervenir un avocat. Avocat et délégué du personnel ne sont pour autant pas exclusifs l’un de l’autre, d’autant qu’ils n’interviennent pas au même niveau ni avec les mêmes capacités. Ne vous passez en tout cas jamais d’avocat dès que ça commence à envisager un tour aux Prud’hommes.
L’avocat explorera le dossier, vous conseillera sur la voie légale, pourra faire les négociations en votre nom puis si vous en arrivez là monter et défendre votre dossier devant la justice.
Outre son propre travail, l’avocat est aussi excellent en ce qu’il fait l’intermédiaire. Dorénavant les négociations et les échanges passeront pas lui au lieu de vous impliquer directement. Il va permettre de dépassionner le débat, vous retirer beaucoup de stress et éviter que la situation ne s’envenime.
Pour le choix c’est plus compliqué : Demandez autour de vous si des connaissances avec un contexte similaire ont déjà eu un avocat pour du droit social. Famille, collègues, amis. Si besoin demandez au délégué du personnel ou au syndicat (éventuellement via l’intermédiaire d’une connaissance syndiquée).
La différence avec le conseiller du salarié et le délégué du personnel, c’est que l’avocat est payant. J’ai vu autour de 1500 € + 8% des indemnités après paiement de la TVA mais ça dépend forcément du travail à faire et des indemnités qu’on peut espérer. Dans tous les cas c’est un tarif qui se négocie après avoir entendu la première proposition de l’avocat. Faites-le, vraiment. Ça ne le choquera pas.
Si l’avocat arrive à négocier des indemnités directement avec l’employeur il est envisageable de trouver un accord où l’employeur paye directement l’avocat sur cette somme plutôt que ce soit à vous de le faire. Ça revient au même pour tout le monde mais vous vous économisez les 20% de TVA.
IANAL : Si vous avez bien lu ce qui précède, la suite est inutile. Vous avez quelqu’un pour vous accompagner. C’est lui l’expert en qui vous devez avoir confiance, pas moi. Ce qui suit n’est qu’à titre informatif, et je peux me tromper.
Partir. Si votre employeur veut vous voir partir, au mieux vous n’aurez plus sa confiance, plus de projets stratégiques, plus de promotion, plus d’augmentation de salaire, une mauvaise relation et pas mal de stress. C’est une situation détestable pour tout le monde, collègues compris.
La plupart de ceux qui me lisent sont cadres ou informaticiens. Vous retrouverez du travail, quitte à chercher quelques mois. Mieux vaut probablement partir en bonne entente en négociant une indemnité significative que de jouer le pourrissement. Personne n’a rien à y gagner.
Je sais, ce n’est pas juste, mais la question n’est pas là.
Le seul objectif de toute la suite c’est gérer ce départ pour qu’il se passe aux mieux tout en compensant correctement le préjudice qu’il vous porte.
La rupture conventionnelle. Je vous dis plus haut d’accepter de partir, mais vous avez le droit de refuser la rupture conventionnelle si vous n’arrivez pas à vous mettre d’accord sur un montant d’indemnités acceptable.
Ça veut juste dire que l’employeur va peut-être vous licencier sur un autre motif et risquer de perdre aux Prud’hommes, ou qu’il pense que ça ne lui coûtera pas forcément plus cher au final.
Si d’aventure il vous garde mais vous met au placard ou qu’il y a harcèlement, prenez immédiatement contact avec un avocat. Vous partirez probablement quand même, mais la procédure n’a plus rien à voir.
Le licenciement économique. On vous proposera un contrat de sécurisation professionnelle (CSP). Acceptez-le.
Ça ne vous empêchera pas de contester le licenciement (en fait vous passerez même sur un circuit spécifique aux Prud’hommes qui vous raccourcira significativement les délais de jugement) et ça n’a que des impacts financiers très positifs.
C’est même tellement positif que vous pourriez tout à fait être perdant en contestant le licenciement aux Prud’hommes : Parfois le Pôle Emploi demande le remboursement des avantages du CSP si le licenciement économique est cassé, et ce remboursement peut être inférieur aux indemnités que vous percevrez (l’employeur le sait, il n’hésitera pas à en jouer).
Plus exactement ça vous permet de ne pas avoir de délai de carence (pas même pour vos congés payés), d’être indemnisé à hauteur de 75% de votre salaire brut au lieu de 57%, et de bénéficier d’une prime de reclassement si vous retrouvez un emploi dans les 12 mois. En échange vous partez immédiatement sans préavis.
N’oubliez d’ailleurs pas la prime de reclassement. Il faut la demander dans les temps et le Pôle Emploi ne sera pas forcément coopératif ou pro-actif à vous la proposer. Ça représente la moitié des allocations restant à courir sur la première année. Si vous trouvez un emploi stable au bout de 2 mois, c’est donc une prime « gratuite » de 5 mois de salaire. Pas négligeable.
La procédure. Quel que soit le licenciement, il y a une procédure à suivre. Globalement la responsabilité est sur l’employeur, et chaque faute pourra vous ouvrir droit à indemnité. Respectez scrupuleusement toutes vos obligations, notez et tracez tout ce qu’il se passe. Faites faire des écrits à la personne d’en face et n’en donnez pas vous-même.
Vous aurez intérêt à être accompagné du délégué du personnel ou du conseiller du salarié à la moindre étape, même informelle, même si l’employeur veut vous en dissuader (c’est valable aussi dans l’autre sens pour l’employeur et son responsable RH).
Au pire ils dépassionneront les débats ou vous permettront de ne pas être agressés. Ils seront aussi témoin de ce qu’il se passe, pourront faire respecter les règles et établir des comptes rendus officiels que vous pourrez utiliser.
Les indemnités. Sauf si l’employeur est totalement dans son droit à vous licencier, sans aucune ambiguïté, et qu’il n’attend vraiment rien de vous, vous pouvez probablement négocier des indemnités.
Pour l’employeur c’est généralement un calcul basique avec ce qu’il risque de payer si jamais vous allez aux Prud’hommes, la probabilité que vous avez de gagner, et la probabilité que vous y alliez effectivement. Ce que vous pensez « mériter » ou pas n’entre nullement dans l’équation. Si vous demandez trop, il préférera prendre le risque. Si vous demandez moins et qu’il n’est pas borné, il paiera sans trop hésiter.
À vous de voir ce que vous pourriez gagner aux Prud’hommes si le licenciement est contesté. Pour une ancienneté de 2 ans dans une société de plus 11 personnes, c’est 6 mois de salaire brut minimum (Les choses ont changé. Désormais il y a des barèmes limitants mais ça ne vaut pas s’il y a harcèlement et les Prud’hommes commencent à ne pas les respecter en les considérant non conformes aux traités internationaux. Renseignez-vous). Vous pouvez ajouter aussi un peu si on vous demande un effort spécifique pendant la période de transition, ou s’il y a eu des irrégularités dans le suivi de la procédure.
Ne négligez cependant pas l’impact humain de faire une procédure longue et pénible au Prud’hommes si c’est juste pour 10% de plus. Un accord amiable est une meilleure solution si vous pouvez l’obtenir.
La négociation. Si vous avez un avocat, il peut s’en charger. Ça vous permettra d’éviter de vous mettre en situation difficile, d’autant que l’employeur a probablement non seulement la position de force mais aussi plus d’expérience que vous à ce jeu.
Dans l’idéal, refusez de faire la première proposition. C’est lui qui veut vous voir partir, il est logique que ce soit à lui de proposer quelque chose de sérieux (si ce n’est pas sérieux dites « non » et attendez quelque chose de sérieux). Dans tous les cas : négociez. L’employeur prévoit que vous le ferez, donc il commence bien en dessous au début.
Le reste des règles de négociation classiques s’appliquent : Sachez faire des concessions mais ne descendez pas trop vite, connaissez la limite de rupture de la personne d’en face, connaissez aussi la votre mais ne la laissez pas deviner à votre interlocuteur, ne dites pas oui trop facilement, soyez prêts à dire non, faites le si vous en êtes là.
Alternativement, si vous ne savez pas négocier, que vous n’avez pas d’avocat pour le faire, attendez la première proposition et faites une contre-proposition « à prendre ou à laisser » et tenez-vous y contre vents et marées. Par contre soyez prêts à ce qu’il n’y ait pas entente au final.
Enfin, attention au piège de l’indemnité supra-légale, préférez un autre moyen de compensation.
Les Prud’hommes. L’employeur se moque royalement d’aller aux Prud’hommes. Mieux : Ça lui donne un délai de paiement et ça montrer au prochain salarié qu’il ne cèdera pas facilement.
Pour vous par contre, il est probablement préférable de trouver un accord avec l’employeur et finir en se serrant la main plutôt que d’aller aux Prud’hommes, quitte à avoir des indemnités un peu plus faibles. Ça sera long (1 an dans le meilleur des cas, potentiellement 2, le double s’il y a appel), stressant et usant moralement. Ne le sous-estimez pas.
Vous avez le droit de vous passer d’un avocat et d’y faire des jolies bulles de chewing-gum, mais ne faites ni l’un ni l’autre même si vous avez un dossier impossible à perdre. Prenez un avocat (et jetez votre chewing-gum).
Votre présence est importante mais l’avocat parlera à votre place. L’employeur n’y sera probablement pas. Vous y passerez une demie-journée, en semaine, et vous n’aurez pas le choix de la date.
Soyez professionnel. Quoi qu’il arrive, restez sérieux, professionnel, honnête et cordial. Même si ce n’est pas juste, même si la personne d’en face ne l’est pas, même si vous êtes dans votre droit. Assumez votre contrat du mieux de vos possibilités et de l’intérêt de l’entreprise tant que vous y êtes assujetti.
Dans tous les cas, ne faites jamais la bêtise de cacher des choses, de faire perdre des dossiers, de faire du sabotage ou du refus de travail. Non seulement ça va sérieusement handicaper vos chances d’en sortir quoi que ce soit de positif, mais ça peut aussi handicaper votre avenir professionnel.
Ne reprochez pas non plus à vos collègues ou à toute la société le litige que vous avez avec votre manager, votre président ou le département des ressources humaines. Vous avez le droit d’avoir un litige qui tourne mal tout en reconnaissant que les autres employés sont des gens biens et que la société a du positif.
Ça vaut aussi dans l’autre sens pour les collègues et les autres managers : Que quelqu’un ait un différent avec la direction de la société ne doit pas vous entraîner à prendre partie, à le considérer comme un traitre ou à rompre les contacts positifs que vous aviez avec lui. N’ajoutez pas un harcèlement ou une punition involontaires à une situation qui est déjà difficile à vivre pour tout le monde.
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