Catégorie : Transport

  • Lumières à vélo

    J’ai­me­rais une régle­men­ta­tion stricte sur les éclai­rages vendus avec les vélos. Aujourd’­hui l’obli­ga­tion de présence d’éclai­rage sur les vélos neufs ne sert quasi­ment à rien. La plupart des lampes restent au placard parce qu’on ne pense pas à les mettre sur le vélo ou qu’elles sont à vide¹.

    Il ne faut pas qu’on se pose plus de ques­tions pour allu­mer un éclai­rage à vélo qu’on ne le fait dans d’autres véhi­cules ou pour chez soi. Pour ça il faut que l’éclai­rage soit là à demeure et qu’il ait une alimen­ta­tion perma­nente :

    • Un éclai­rage fixé sur le cadre, démon­table mais non amovible. Il est toujours là, sans avoir à penser à le prendre avec nous.
    • Une alimen­ta­tion sur dyna­mo², option­nel­le­ment sur la batte­rie prin­ci­pale du vélo pour les VAE. Il est toujours prêt à être allumé, sans avoir à réflé­chir ou prévoir à l’avance.
    • Un tampon qui permet de garder l’éclai­rage actif quelques minutes à l’ar­rêt.

    Rien ne vous empêche d’ache­ter un éclai­rage amovible rechar­geable, à la place ou en paral­lèle de l’équi­pe­ment d’ori­gine, mais l’éclai­rage est là par défaut, dispo­nible quand on en a besoin. La plupart l’uti­li­se­ront au lieu de lais­ser la lampe d’ori­gine au placard (en tout cas c’est le but).

    Ça ne suffit évidem­ment pas, parce qu’aujourd’­hui on nous vend des LED faiblardes et inutiles ou des torches surpuis­santes qui vont éblouir tout le monde. Les alle­mands font beau­coup mieux que nous et il y a des idées à reprendre.

    Il faut régle­men­ter plus forte­ment tous les éclai­rages en vente dès lors qu’ils sont desti­nés à des vélos et qu’on n’ex­clut pas leur usage sur la chaus­sée publique :

    • Une inten­sité suffi­sante : L’Al­le­magne propose un mini­mum 30 lux mesu­rés à 10 mètres pour la lampe avant. On peut impo­ser 10 lumens pour la lampe arriè­re³,⁴.
    • Inten­sité conti­nue : La lampe ne doit pas propo­ser de mode cligno­tant⁵. On sait que sinon il finira par être utilisé.
    • Non éblouis­sante : Pour un fais­ceau prin­ci­pal dirigé pour tomber au sol à 10 mètres au moins devant le vélo, l’in­ten­sité qui passe au-dessus de l’ho­ri­zon ne doit pas dépas­ser 10 lux à 5 mètres⁴.

    Enfin, parce que tout ça ne fonc­tionne que si c’est bien utilisé :

    • L’éclai­rage prin­ci­pal des cyclistes doit être fixé sur le cadre, en excluant tout posi­tion­ne­ment sur le casque ou sur le cycliste lui-même. Il est tota­le­ment impos­sible d’avoir un flux correc­te­ment orienté s’il suit la posi­tion du cycliste.
    Une lumière trop haute éblouit les autres usagers.

Une lumière trop basse a une faible portée.

Une lumière optimale éclaire loin sur une grande surface mais sans dépasser l'horizon.

    1: Oui les vélo­taf­feurs, pas besoin de me dire que vous vous rechar­gez systé­ma­tique­ment vos lumières et qu’elles sont systé­ma­tique­ment dans votre sac. Si vous étiez repré­sen­ta­tifs, on ne parle­rait même pas du sujet et la FUB n’au­rait pas besoin de lancer une grande campagne « cyclistes, brillez ! » chaque année.

    2: Je sais ce que vous vous dites mais il faut oublier l’image des lampes et les dynamo d’il y a 50 ans.
    Avec les LED, une dynamo est capable d’ali­men­ter correc­te­ment votre éclai­rage même à faible vitesse. On trouve des phares à dynamo qui montent à 70 et 100 lux, c’est à dire plus que ce que vous trou­vez sur 90% des vélos la nuit.
    Pour ceux qui n’aiment pas les dynamo sur jante dites « dynamo bouteille », on fait main­te­nant des dynamo zéro main­te­nance direc­te­ment embarquées dans le moyeu de la roue avant.
    Ne dédai­gnez quand même pas les formats bouteille qui ne coûtent pas grand chose et qui auront au final une fiabi­lité plus grande que votre capa­cité à toujours penser à char­ger vos batte­ries. Le très haut de gamme en termes de puis­sance et d’ef­fi­ca­cité éner­gé­tique (Peda­cell, Velo­gi­cal) est même au format bouteille.

    3 : Je parle de lumens et de lux et ce n’est pas inter­chan­geable. Les lumens c’est l’in­ten­sité émise par la lampe. Les lux c’est l’in­ten­sité reçue sur une surface (qu’on mesure donc à une distance déter­mi­née s’il s’agit de déter­mi­ner l’ef­fi­ca­cité d’une lampe). Il n’y a pas de formule pour passer de l’un à l’autre, puisque ça dépend de la foca­li­sa­tion de la lumière émise.

    4 : Chiffres assez arbi­traires pour l’illus­tra­tion, on peut en trou­ver d’autres.

    5 : Oui, vrai­ment. D’une part c’est inter­dit à l’avant, d’autre part c’est dange­reux pour vous comme pour les autres. Pour vous, le cligno­tant ne laisse pas la possi­bi­lité aux yeux de faire le focus et donc empêche l’ap­pré­cia­tion des vitesses et des distances (on sait qu’il y a quelque chose, mais pas où ni si c’est proche).
    Pour les autres, le cligno­tant attire l’at­ten­tion, ce qui empêche de l’avoir sur le reste de la situa­tion (que les moto­ri­sés voient les autres cyclistes ou piétons, que les autres cyclistes ou piétons voient les dangers autour).
    En règle géné­rale les lumières cligno­tantes qui n’ont pas ce dernier problème sont aussi celles qui sont trop faiblardes.

  • Ça prend combien de place un cycliste ?

    Le gaba­rit mini­mum est histo­rique­ment indiqué à 60 cm. C’est aussi la largeur du dos au niveau des épaules pour un homme avec un bon manteau.

    Le gaba­rit stan­dard d’aujourd’­hui est plutôt à 70 cm. Mon vélo orienté trek­king a un guidon de 68 cm de large et j’ai un rétro­vi­seur qui dépasse. Le clas­sique VTT Rockri­der de Décath­lon a même un guidon de 72 cm. Un vélo de voyage chargé aura aussi 25 cm de sacoche de chaque côté en plus de 10 cm de porte-bagages et d’un peu de marge pour les crochets et les sangles.

    Gaba­rit statique : 60 à 80 cm

    Ne rete­nez pas ce chiffre. Il ne sert que pour passer une porte ; et encore, vous voudrez proba­ble­ment un peu de marge.

    Un vélo en mouve­ment ne file pas tout droit. Il prend un peu plus de place parce qu’on penche d’un côté ou de l’autre, que le coude peut sortir, que ça bouge en fonc­tion du revê­te­ment et du main­tien de direc­tion.

    Les aména­geurs publics comptent 20 cm de chaque côté pour déter­mi­ner ce qu’ils appellent le gaba­rit dyna­mique. C’est un mini­mum qui dépend de la situa­tion. En plein effort, sur mauvais terrain ou à faible vitesse, on peut comp­ter plus.

    Gaba­rit dyna­mique : 100 à 140 cm

    À ça il faut ajou­ter les marges de sécu­rité, parce que personne de frôle les trot­toirs, et parce qu’il faut une zone pour permettre un mini­mum d’écart. Les mêmes aména­geurs prennent 25 cm de chaque côté pour obte­nir l’es­pace de confort.

    Si vous cher­chez pourquoi les docu­ments d’amé­na­ge­ment conseillent des pistes cyclables de 1m50, main­te­nant vous savez.

    Là aussi, ce n’est pas de trop. Quand je demande l’écar­te­ment au trot­toir à des cyclistes chevron­nés, on ne parle plutôt de 60 cm et pas des 45 décrits ici pour chaque côté entre le gaba­rit dyna­mique et espace de confort.

    Espace de confort : 150 à 200 cm

    Bien entendu tout ça ne couvre pas les cas spéci­fiques.

    Un enfant deman­dera plus d’es­pace. Un cycliste qui longe une paroi aussi. Longer des véhi­cules en station­ne­ment demande de s’écar­ter au mini­mum d’un mètre pour éviter la zone d’em­por­tié­rage. Démar­rer au feu rouge impose un peu plus d’es­pace libre pour la tenue du premier mètre.

    Enfin, il y a la distance régle­men­taire d’un mètre (en agglo­mé­ra­tion) ou d’un mètre et demi (hors agglo­mé­ra­tion) à garder quand on dépasse un cycliste.

    Les cas spéci­fiques : + 20 à + 150 cm

  • Est-ce impor­tant de porter un casque à vélo ?

    Porter un casque à vélo est utile ⁽¹⁾. Si tout le monde était casqué, on sauve­rait certai­ne­ment des vies.

    Savoir si c’est perti­nent ou impor­tant est une ques­tion un peu plus complexe ⁽²⁾, qui dépend du risque, de son accep­ta­tion, et de l’im­por­tance qu’on donne à la contrainte du port du casque.

    Bref, on est dans l’hu­main et le subjec­tif.

    Pour placer un curseur sur un enjeu subjec­tif, en géné­ral on opère par compa­rai­son. Ici on pour­rait compa­rer le risque de trau­mas crâniens graves évitables avec d’autres acti­vi­tés :

    • La présence de nombreuses acti­vi­tés non casquées avec un risque évitable plus impor­tant pous­se­rait plutôt en faveur de l’ab­sence de casque à vélo.
    • La présence de nombreuses acti­vi­tés casquées avec un risque évitable moins impor­tant pous­se­rait, elle, plutôt en faveur du port du casque à vélo.

    Aujourd’­hui je n’ai pas trouvé d’étude de risques compa­rés. Je serais très heureux si on pouvait m’en poin­ter ⁽³⁾.

    « Ok, mais alors, il faut porter un casque ou non ?

    En l’ab­sence de compa­rai­sons un mini­mum chif­frées, il ne reste que l’ap­pré­cia­tion subjec­tive qui dépend du vécu de chacun.

    De mon côté je ne vis pas le port du casque comme une contrainte et j’ai une accep­ta­tion assez faible des risques inutiles. C’est ce qui me motive à porter un casque à vélo en quasi toutes occa­sions où ça m’est acces­sible ⁽⁴⁾, et à le recom­man­der autour de moi.

    D’autres vivent le casque comme une contrainte plus forte, peu importe leurs raisons, ou/et ont une accep­ta­tion du risque plus grande que la mienne. Pour peu qu’ils soient correc­te­ment infor­més sur le sujet, je n’ai rien à leur apprendre et je n’ai aucune raison de tenter de croire mon point de vue plus légi­time.

    Trou­vez-moi des études de risques compa­rés et ma poli­tique chan­gera peut-être. Entre temps j’ai une forte convic­tion en faveur du port du casque mais qui n’est qu’une convic­tion person­nelle et pas un savoir étayé, donc pas de leçons à donner ni de publi­cité à faire.

    Et, toujours entre temps, le trop plein de commu­ni­ca­tion autour du casque a tendance à faire du report de faute sur les victimes (victim blaming), avec de réels effets néga­tifs sur la sécu­rité.

    La seule chose de certaine et étudiée de façon suffi­sam­ment objec­tive, c’est que l’obli­ga­tion du port du casque à vélo, elle, ne serait pas une bonne idée.


    (1). Même sans chiffres, il y a des bles­sures graves à la tête, porter un casque peut évidem­ment en préve­nir certaines et sera donc forcé­ment utile dans l’ab­solu. Ce n’est même pas un vrai­ment un sujet de discus­sion.

    Il y a aussi des effets néga­tifs (déshu­ma­ni­sa­tion, dépas­se­ments plus proches, moindre adap­ta­tion aux risques) mais les liens que j’ai récolté ne laissent pas appa­raître d’ef­fet clair et incon­tes­table de nature à remettre en cause les effets posi­tifs.

    (2). Et c’est logique, parce que sinon on pour­rait porter un casque pour monter les esca­liers (le risque existe, le casque serait objec­ti­ve­ment utile), pour se prome­ner dans la rue, et même pour les petits trajets en voiture. L’uti­lité n’im­plique pas forcé­ment la perti­nence. La ques­tion est de placer le curseur.

    (3). Je vous préviens, ça va être plus diffi­cile qu’une règle de trois. Le vélo c’est plein d’ac­ti­vi­tés très diffé­rentes : spor­tif, utili­taire, loisir, voyage, en agglo­mé­ra­tion ou hors agglo­mé­ra­tion, etc. Les risques n’y sont pas du tout les mêmes.

    (4). J’uti­lise le casque si je peux en avoir un faci­le­ment sous la main mais je pren­drai le vélo même en son absence (par exemple sur des trajets en vélo libre service).

  • Victim blaming casqué

    « Mais pourquoi tous les cyclistes râlent à chaque message de préven­tion inci­tant à porter un casque ?

    En fait le problème n’est pas dans le casque, ou pas que.

    On a le même type de réac­tion sur l’in­ci­ta­tion aux vête­ments réflé­chis­sants, la présence de cata­dioptres sur les roues et l’in­ter­dic­tion des oreillettes à vélo ⁽⁵⁾.

    Le fond c’est qu’on a un vrai problème en France concer­nant la sécu­rité des cyclistes en ville et sur les routes. Ouest France se faisait encore l’écho il y a quelques jours d’un cycliste qui, caméra à l’ap­pui, fait état en 1000 km parcou­rus, d’une mise en danger toutes les 9 minutes, 658 sur le seul mois de juin.

    Là dessus nos auto­ri­tés sont le plus souvent silen­cieuses. On adore­rait des campagnes d’af­fi­chage pour le respect bandes cyclables ⁽¹⁾ et des sas vélo ⁽²⁾, pour le respect des distances lors des dépas­se­ments, pour infor­mer de la prio­rité aux voies cyclables croi­sées lorsqu’un véhi­cule tourne à gauche ou à droite au carre­four, etc.

    À la place d’ai­der à dimi­nuer ces compor­te­ments dange­reux, nos auto­ri­tés rabâchent conti­nuel­le­ment des messages blâmant les cyclistes parce qu’ils ne se protègent pas assez.

    Forcé­ment, ça agace.

    La gestion des poids lourds en ville est une bonne illus­tra­tion de cette poli­tique. Faute de visi­bi­lité, les poids lourds renversent faci­le­ment cyclistes et piétons en ville, avec des morts à la clef. Londres et Milan ont imposé aux poids lourds d’ajou­ter des rétro­vi­seurs et des camé­ras pour reti­rer tout angle mort, avec d’ex­cel­lents résul­tats sur la morta­lité. En France on a préféré impo­ser un auto­col­lant deman­dant aux tiers de faire plus atten­tion à ne pas se faire écra­ser.

    La poli­tique de sécu­rité réduite au report de faute sur les victimes, c’est juste inac­cep­table.

    « Ok mais c’est quand même une bonne chose de faire de la préven­tion, non ?

    Ce n’est pas tant que la préven­tion sur la visi­bi­lité et les protec­tions indi­vi­duelles soit une mauvaise chose ⁽³⁾, c’est que cette préven­tion remplace une vraie poli­tique de sécu­rité.

    Un bon indi­ca­teur c’est que les messages de préven­tion actuels sont critiqués aussi par les cyclistes qui mettent effec­ti­ve­ment des casques et des vête­ments fluo ⁽⁴⁾, voire qui en font eux-mêmes la promo­tion. Les mêmes messages, au milieu d’une vraie poli­tique qui change la donne pour la sécu­rité des cyclistes, feraient bien moins de vagues.

    Cette poli­tique de report de faute sur les victimes a des effets bien connus de neutra­li­sa­tion de la culpa­bi­lité et d’in­ver­sion de respon­sa­bi­lité.

    Le problème, dans l’es­prit collec­tif, n’est plus le chauf­fard qui occupe un double-sens cyclable pour l’ar­rêt boulan­ge­rie ni celui qui fait un dépas­se­ment à moins d’un mètre, mais le cycliste qui ne porte pas de caque ou de gilet réflé­chis­sant.

    On en est au point où quand un cycliste finit avec la colonne verté­brale brisée suite à un choc avec un chauf­fard moto­risé, le jour­na­liste qui relate les faits se sent obligé d’ajou­ter si le cycliste portait ou non un casque, comme si ça aurait changé quoi que ce soit.

    C’est toute une culture qui porte quoti­dien­ne­ment atteinte à la sécu­rité des cyclistes qui a été créée, pas à pas, par cette poli­tique de « préven­tion ». Isolé­ment les messages peuvent avoir du sens. Dans le cadre actuel, ils peuvent être dange­reux. Rien de moins.


    ⁽¹⁾ Je sais que ça ne parait rien (juste­ment faute d’avoir une poli­tique de commu­ni­ca­tion adap­tée de la part de nos auto­ri­tés) mais l’oc­cu­pa­tion des bandes cyclables, y compris pour « juste deux minutes » est un vrai danger pour les cyclistes. Il impose un report sur la voie plus à gauche, avec des usagers moto­ri­sés qui souvent ne l’an­ti­ci­pe­ront pas voire cher­che­ront à avoir un compor­te­ment puni­tif à l’en­contre du cycliste. Quand c’est une bande cyclable à contre-sens, ça demande de se dépor­ter à contre-sens de la circu­la­tion, sans visi­bi­lité, et c’est un danger mortel immé­diat.

    ⁽²⁾ Le sas vélo, malgré toutes ses imper­fec­tions, permet au cycliste de démar­rer en amont des autres véhi­cules, en étant visible de ceux-ci. Il dimi­nue les acci­dents, et parti­cu­liè­re­ment vis-a-vis des véhi­cules qui veulent tour­ner à droite. C’est aussi l’es­pace qui permet aux cyclistes de se posi­tion­ner à gauche au carre­four avant de tour­ner, chose extrê­me­ment diffi­cile en circu­la­tion.

    ⁽³⁾ C’est un autre débat, mais même isolé­ment, si la plupart sont plei­ne­ment justi­fiés, certains ne sont pas perti­nents. En parti­cu­liers, l’in­ci­ta­tion au port du casque (portez-en un) n’est perti­nente que jusqu’au point où ça risque de faire renon­cer au vélo une partie des usagers. Là, même si c’est contre-intui­tif, il a été démon­tré qu’elle a un effet contre-produc­tif sur la sécu­rité réelle des cyclistes. Bref, la réalité est parfois compliqué parce qu’il y a des impacts croi­sés partout.

    ⁽⁴⁾ L’au­teur de ces lignes porte toujours un casque, a 78 (!) réflec­teurs sur son vélo en plus de ceux ajou­tés sur son casque, déjà jaune fluo à la base et de lampes avant et arrière allu­mées 24/24 même en plein jour. Il prend sans conces­sion parti pour le port du casque, pour impo­ser des lumières effi­caces la nuit… et pour­tant lutte acti­ve­ment contre la poli­tique de commu­ni­ca­tion actuelle des auto­ri­tés à ce niveau (je vous l’avais dit, parfois les choses sont compliquées).

    ⁽⁵⁾ À lire unique­ment après avoir lu le billet lui-même : L’in­ter­dic­tion des oreillettes à vélo est d’ailleurs un bon symp­tôme de l’enjeu. C’est inté­res­sant de voir que l’au­to­mo­bile a le droit d’être tota­le­ment inso­no­ri­sée et étanche aux bruits exté­rieurs. Qu’un auto­mo­bi­liste soit sourd aux simples coups de sonnette d’un vélo ne pose aucun problème. On a même l’in­ter­dic­tion pour les vélos d’ins­tal­ler un vrai klaxon pour se faire entendre. Par contre, vous trou­ve­rez mille messages de « préven­tion » et opéra­tions de verba­li­sa­tion de la police à l’en­contre des cyclistes portant des oreillettes, y compris des oreillettes à conduc­tion osseuse lais­sant donc tota­le­ment l’oreille ouverte à l’en­vi­ron­ne­ment sonore exté­rieur. De fait, le cycliste doit faire atten­tion à ceux qui risquent d’être un danger pour lui, et même l’ap­pa­rence de ne pas le faire lui sera repro­chée. L’au­to­mo­bi­liste qui repré­sente le danger, lui, n’a lui aucune obli­ga­tion de rester ouvert au seul dispo­si­tif sonore auto­risé sur un vélo. Tout ça ne dit pas qu’a­voir des oreillettes est une bonne idée mais ça illustre bien la poli­tique publique.

  • Le gilet jaune fluo à vélo

    Ce n’est pas un problème de visi­bi­lité.

    https://twit­ter.com/camil­leMAILHE/status/1660333432533024771
    https://twit­ter.com/fiets­pro­fes­sor/status/1490073619980079113
    https://twit­ter.com/Jordi_Velo/status/1600230793187426304
    https://twit­ter.com/Maitre_Eolas/status/1599107111073767425

    « Oui mais ça aide quand même ! »

    Bien entendu que ça peut aider. Mettez des éléments réflé­chis­sants là où on vous voit mal. Ayez des lumières à vélo dès le crépus­cule, y compris en ville.

    La ques­tion n’est pas là. Ce que les illus­tra­tions disent c’est que le problème sur la route n’est prin­ci­pa­le­ment pas un problème de visi­bi­lité, que se foca­li­ser là dessus c’est préfé­rer culpa­bi­li­ser la victime plutôt que de résoudre le fond.

    Le gilet ne proté­gera pas le cycliste ou le piéton face à un conduc­teur qui fait n’im­porte quoi avec son véhi­cule.

  • On vous a volé votre vélo ?

    J’en suis désolé. Je compa­tis, ça m’est arrivé aussi et je l’ai toujours mauvaise. Je redif­fu­se­rai un message avec plai­sir s’il y a moyen de le retrou­ver. Ça arrive.


    Je suis par contre très curieux d’en savoir plus, pour comprendre la réalité des vols.

    1. Avec quel(s) anti­vol(s) était-il atta­ché ? idéa­le­ment les modèle exact parce qu’il existe des U, des chaînes et des bordo de résis­tance très diffé­rentes. À défaut, au moins le type (U, chaîne, pliable, fer à cheval, boa, câble simple) et l’épais­seur.

    2. Comment l’an­ti­vol a-t-il été cassé ? Si c’est avec un coupe boulons, une disqueuse, une scie, en croche­tant, en décou­pant le support, ou encore autre chose. Si vous ne savez pas, parfois ça peut se voir sur la photo de l’an­ti­vol ouvert. Sur les pliables c’est inté­res­sant de savoir s’il a cédé à la jonc­tion ou en décou­pant dans une lame. Sur les U c’est inté­res­sant de savoir s’il y a eu besoin de deux coupes, et si on a l’im­pres­sion que ça a été pincé (coupe boulons) ou scié. Si c’est le support qui a été cassé, quel était-il ?

    3. Où était-il ? Visible ou non ? dans une ruelle ou dans une avenue passante ? à quelle heure ? Est-ce que le vol a eu lieu à la vue de tous ou caché ? Est-ce qu’il y avait d’autres vélos ? plus chers ? moins bien ou mieux atta­chés ?

    4. Quel vélo était-ce ? En terme de prix esti­ma­tif, élec­trique ou pas, en bon état ou pas, etc.

    5. Votre assu­rance a-t-elle accepté la prise en charge ? Quelle est cette assu­rance ?


    Pas de honte. On a tous une fois mal atta­ché son vélo, voire pas atta­ché du tout. Parfois par fatigue ou par erreur, parfois en étant un peu trop opti­miste. Le respon­sable sera toujours le voleur, pas vous.

    L’idée c’est d’avoir une meilleure vision des risques réels en fonc­tion des anti­vols et des condi­tions.

  • Réunion de concer­ta­tion

    J’étais ce soir à une réunion de concer­ta­tion pour la VL 12 de Lyon.

    Je n’ose penser au temps à l’argent qu’on met là dedans. Je ne parle pas des VL elles-mêmes mais de ces réunions de concer­ta­tion obli­ga­toires.

    Ça ne sert stric­te­ment à rien. Les pas-contents sont là pour dire qu’ils ne sont pas contents, ce qu’on savait et qu’ils expriment déjà autre­ment. Les respon­sables poli­tiques font les réponses qu’ils ont déjà donné vingt fois et que les pas-contents connaissent déjà. Les très-contents disent qu’ils sont très contents, sans vraie inno­va­tion, juste pour faire contre-poids et ne pas faus­ser la repré­sen­ta­tion.

    Les vrais argu­ments posés, les études, les discus­sions avec les repré­sen­tants de x ou de y, tout ça se fait ailleurs.

    On encou­rage juste les gens à râler, mais peut-être est-ce bien l’objet : donner un espace pour que chacun s’ex­prime, histoire que ça passe et qu’ils voient qu’ils sont écou­tés.


    La métro­pole de Lyon a un espace parti­ci­pa­tif dédié en ligne, et j’ai l’im­pres­sion que c’est le même topo, avec un contenu encore moins exploi­table et encore plus chro­no­phage à dépi­ler.

    C’est obli­ga­toire mais tota­le­ment vain. Et si on mettait notre argent, notre temps et nos efforts dans plus utile ?

  • Tu pour­rais contour­ner au lieu de râler là, non ?

    Certai­ne­ment. Parfois je pour­rais. Je le fais souvent même.

    Parfois je ne le fais pas.

    On ne peut pas déplo­rer le compor­te­ment des tiers vis a vis des cyclistes et des infra­struc­tures cyclables, le fait d’être régu­liè­re­ment mis en danger, et dire en même temps qu’il faut passer son chemin silen­cieu­se­ment.

    On ne chan­gera pas les choses en faisant avec. Pour chan­ger les choses il faut donner de la visi­bi­lité, il faut inter­pel­ler lors des problèmes. Il faut refu­ser le status quo.

    Oui, c’est bien du mili­tan­tisme. Ce n’est pas un gros mot.
    J’en suis même fier.

    La réalité c’est qu’on a un problème de culture vis-a-vis du vélo.

    À force d’ac­cep­ter que tout le monde occupe les infra­struc­tures cyclables à tout instant en disant que le vélo n’a qu’à s’adap­ter, on finit par trou­ver ça normal. Le test du bus n’en est qu’une illus­tra­tion.

    Le cycliste « fait avec », contourne encore un auto­mo­bi­liste arrêté sur la bande cyclable « pour deux minutes », puis un jour un malheu­reux concours de circons­tances fait qu’un camion passe juste­ment à ce moment là. La suite se termine à l’hô­pi­tal pour les chan­ceux, au cime­tière pour les autres.

    Des histoires comme celle-ci on en a aussi pour les portières ouvertes un peu vite, pour l’ab­sence de véri­fi­ca­tion des angles morts, pour les sas vélo pas libres, pour les prio­ri­tés des pistes lors des croi­se­ments, pour le respect de la distance laté­rale lors des dépas­se­ments et pour la plupart des faits de tous les jours consi­dé­rés comme « pas bien grave ».

    Ce qui diffé­ren­cie l’in­frac­tion banale de la rubrique nécro­lo­gique c’est souvent juste un mauvais concours de circons­tances que personne ne pouvait prédire.

    Or, juste­ment, je refuse de tout réduire à un mauvais concours de circons­tances. Le problème est plus haut, dans la culture et dans la bana­li­sa­tion. Tant qu’on ne résout pas ça, les mauvais concours de circons­tances conti­nue­ront.

    Pour chan­ger les choses il faut donner de la visi­bi­lité. Il faut inter­pel­ler lors des problèmes. Il faut refu­ser de lais­ser faire.

    Pourquoi est-ce que je ne laisse pas couler tout ce qui est banal ? Parce que c’est juste­ment contre cette bana­li­sa­tion que je lutte.

  • Le test du bus

    Le test du bus (ça fonc­tionne aussi avec un tram), c’est un test pour mettre en lumière les biais vis-a-vis des cyclistes et du vélo dans la percep­tion des conflits routiers.

    Le test en lui même est assez simple. Il suffit de rejouer la scène à l’iden­tique en remplaçant le vélo par un bus et les infra­struc­tures dédiées aux cycles par des infra­struc­tures dédiées aux bus. Le cycliste sur sa voie cyclable devient un bus sur sa voie réser­vée bus (ou un tram sur ses rails).

    Une fois la scène rejouée, les fautes qu’on repro­chait au cycliste sont-elles toujours repro­chées au conduc­teur du bus ?

    La diffé­rence de percep­tion est telle­ment majeure que, suite à une idée origi­nale d’un améri­cain, certains cyclistes français ce sont mis à faire des montages des vidéos de leur dash­cam en ajou­tant une image de tableau de bord de voiture ou de bus.

    Le résul­tat est géné­ra­le­ment frap­pant. La même vidéo qui déclen­chait une horde de reproches au cycliste génère des commen­taires tota­le­ment oppo­sés dès qu’on ajoute un tableau de bord en surim­pres­sion.

    Parfois on va jusqu’à avoir les mêmes commen­ta­teurs qui donnent des conclu­sions oppo­sées suivant la version de la vidéo.

    Ça ne fonc­tionne pas à tous les coups. Nombre de personnes ont tendance à cher­cher à défendre bec et ongles leur décla­ra­tion initiale, et faus­ser le résul­tat.

    Le coup du tableau de bord en surim­pres­sion commence lui aussi à être connu, et le montage basique saute faci­le­ment aux yeux pour qui fait un mini­mum atten­tion.

    Il reste qu’en géné­ral se deman­der « et si ça avait été un bus ? » (ou un tram) permet de montrer de vrais biais, et de démon­ter beau­coup d’in­ver­sions de respon­sa­bi­lité.

  • Ce que je veux à vélo

    Ça bouge, mais pas encore assez vite, ni partout.

    Des voies de circu­la­tion adap­tées

    Des voies de circu­la­tion adap­tées à la vitesse et la densité de circu­la­tion des moto­ri­sés, à la densité de circu­la­tion des non moto­ri­sés, ainsi qu’à la présence ou non de poids lourds. Le plus souvent c’est au moins des bandes cyclables, idéa­le­ment des pistes cyclables.

    Cela implique la fin des trot­toirs parta­gés avec les piétons, y compris ceux qui ont une sépa­ra­tion à base de pein­ture.

    Des inter­sec­tions sécu­ri­sées

    Des inter­sec­tions sécu­ri­sées avec au mini­mum des sas vélos et céder le passage cyclistes (avec tout le côté impar­fait de ces deux dispo­si­tifs) mais les grosses inter­sec­tions méritent ce qu’on appelle des carre­fours à la hollan­daise.

    Cela implique au mini­mum la fin des bandes cyclables sur le bord exté­rieur des ronds points.

    Une conti­nuité cyclable

    Une conti­nuité cyclable au niveau de ce qui existe pour les autres types de véhi­cules, c’est à dire pas de fin de bande ou fin de piste sans raison ou dès qu’il y a une inter­sec­tion.

    Au mini­mum, cela implique la fin des pistes qui commencent ou finissent en impo­sant au cycliste de mettre pied à terre pour avan­cer.

    Des prio­ri­tés expli­cites

    Un marquage expli­cite pour toutes les traver­sées cyclables, de façon a préci­ser qui est prio­ri­taire et éviter tous les conflits basés sur l’in­com­pré­hen­sion ou la mécon­nais­sance des règles, autant par les cyclistes que par les auto­mo­bi­listes, situa­tion souvent empi­rée par des marquages maladroits qui ajoutent à la confu­sion.

    Idéa­le­ment ça veut dire aussi ne pas ajou­ter un stop ou un céder le passage par prin­cipe aux cyclistes à chaque inter­sec­tion en consi­dé­rant que c’est forcé­ment à eux de s’adap­ter à tous les autres.

    Une verba­li­sa­tion des abus

    Une verba­li­sa­tion systé­ma­tique des occu­pa­tions de voies cyclables et des mises en danger lors des dépas­se­ments ou des inter­sec­tions. Au mini­mum ça implique une campagne de commu­ni­ca­tion pour chan­ger les compor­te­ment.

    Idéa­le­ment ça veut aussi dire accep­ter les plaintes ou signa­le­ments basées sur des photos ou vidéos où la situa­tion est mani­feste, et que ces signa­le­ments mènent à des actions réelles, comme ça se fait dans d’autres pays.

    Rouler au milieu de voie

    L’au­to­ri­sa­tion expli­cite aux cyclistes de rouler au milieu de leur voie de circu­la­tion, en toute occa­sion, et idéa­le­ment des picto­grammes vélo en milieu de voie sur les voies où le dépas­se­ment règle­men­taire par une voiture est impos­sible.

    Rendre obli­ga­toire le forfait mobi­lité durale

    On pour­rait rendre obli­ga­toire aux entre­prises de finan­cer la mobi­lité durable au même montant que ce qu’ils financent l’abon­ne­ment de trans­port en commun local.

    Aujourd’­hui les entre­prises doivent rembour­ser la moitié de l’abon­ne­ment de trans­port en commun aux sala­riés mais le forfait mobi­lité durable pour ceux qui choi­sissent le vélo reste encore facul­ta­tif.

    Rendre obli­ga­toire ce finan­ce­ment permet de lever la contrainte du finan­ce­ment du vélo (le vélo, son entre­tien, sa sécu­rité, et les tickets de trans­port en commun ponc­tuels) comme alter­na­tive au trans­port en commun quoti­dien.


    Certains points demandent des inves­tis­se­ments lourds, notam­ment quand on parle d’in­fra­struc­tures. D’autres demandent un chan­ge­ment poli­tique complexe, notam­ment quand je propose d’ac­cep­ter les signa­le­ments photo et vidéo.

    Une fois ça dit, l’amé­lio­ra­tion de la verba­li­sa­tion, les prio­ri­tés expli­cites lors des traver­sées cyclables, la possi­bi­lité de rouler en milieu de voie, ça ne coûte pas grand chose et c’est du registre du « simple ».

    Je ne vois aucune raison de ne pas avan­cer.