« Mais pourquoi tous les cyclistes râlent à chaque message de prévention incitant à porter un casque ?
En fait le problème n’est pas dans le casque, ou pas que.
On a le même type de réaction sur l’incitation aux vêtements réfléchissants, la présence de catadioptres sur les roues et l’interdiction des oreillettes à vélo ⁽⁵⁾.
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Le fond c’est qu’on a un vrai problème en France concernant la sécurité des cyclistes en ville et sur les routes. Ouest France se faisait encore l’écho il y a quelques jours d’un cycliste qui, caméra à l’appui, fait état en 1000 km parcourus, d’une mise en danger toutes les 9 minutes, 658 sur le seul mois de juin.
Là dessus nos autorités sont le plus souvent silencieuses. On adorerait des campagnes d’affichage pour le respect bandes cyclables ⁽¹⁾ et des sas vélo ⁽²⁾, pour le respect des distances lors des dépassements, pour informer de la priorité aux voies cyclables croisées lorsqu’un véhicule tourne à gauche ou à droite au carrefour, etc.
À la place d’aider à diminuer ces comportements dangereux, nos autorités rabâchent continuellement des messages blâmant les cyclistes parce qu’ils ne se protègent pas assez.
Forcément, ça agace.
La gestion des poids lourds en ville est une bonne illustration de cette politique. Faute de visibilité, les poids lourds renversent facilement cyclistes et piétons en ville, avec des morts à la clef. Londres et Milan ont imposé aux poids lourds d’ajouter des rétroviseurs et des caméras pour retirer tout angle mort, avec d’excellents résultats sur la mortalité. En France on a préféré imposer un autocollant demandant aux tiers de faire plus attention à ne pas se faire écraser.
La politique de sécurité réduite au report de faute sur les victimes, c’est juste inacceptable.
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« Ok mais c’est quand même une bonne chose de faire de la prévention, non ?
Ce n’est pas tant que la prévention sur la visibilité et les protections individuelles soit une mauvaise chose ⁽³⁾, c’est que cette prévention remplace une vraie politique de sécurité.
Un bon indicateur c’est que les messages de prévention actuels sont critiqués aussi par les cyclistes qui mettent effectivement des casques et des vêtements fluo ⁽⁴⁾, voire qui en font eux-mêmes la promotion. Les mêmes messages, au milieu d’une vraie politique qui change la donne pour la sécurité des cyclistes, feraient bien moins de vagues.
Cette politique de report de faute sur les victimes a des effets bien connus de neutralisation de la culpabilité et d’inversion de responsabilité.
Le problème, dans l’esprit collectif, n’est plus le chauffard qui occupe un double-sens cyclable pour l’arrêt boulangerie ni celui qui fait un dépassement à moins d’un mètre, mais le cycliste qui ne porte pas de caque ou de gilet réfléchissant.
On en est au point où quand un cycliste finit avec la colonne vertébrale brisée suite à un choc avec un chauffard motorisé, le journaliste qui relate les faits se sent obligé d’ajouter si le cycliste portait ou non un casque, comme si ça aurait changé quoi que ce soit.
C’est toute une culture qui porte quotidiennement atteinte à la sécurité des cyclistes qui a été créée, pas à pas, par cette politique de « prévention ». Isolément les messages peuvent avoir du sens. Dans le cadre actuel, ils peuvent être dangereux. Rien de moins.
⁽¹⁾ Je sais que ça ne parait rien (justement faute d’avoir une politique de communication adaptée de la part de nos autorités) mais l’occupation des bandes cyclables, y compris pour « juste deux minutes » est un vrai danger pour les cyclistes. Il impose un report sur la voie plus à gauche, avec des usagers motorisés qui souvent ne l’anticiperont pas voire chercheront à avoir un comportement punitif à l’encontre du cycliste. Quand c’est une bande cyclable à contre-sens, ça demande de se déporter à contre-sens de la circulation, sans visibilité, et c’est un danger mortel immédiat.
⁽²⁾ Le sas vélo, malgré toutes ses imperfections, permet au cycliste de démarrer en amont des autres véhicules, en étant visible de ceux-ci. Il diminue les accidents, et particulièrement vis-a-vis des véhicules qui veulent tourner à droite. C’est aussi l’espace qui permet aux cyclistes de se positionner à gauche au carrefour avant de tourner, chose extrêmement difficile en circulation.
⁽³⁾ C’est un autre débat, mais même isolément, si la plupart sont pleinement justifiés, certains ne sont pas pertinents. En particuliers, l’incitation au port du casque (portez-en un) n’est pertinente que jusqu’au point où ça risque de faire renoncer au vélo une partie des usagers. Là, même si c’est contre-intuitif, il a été démontré qu’elle a un effet contre-productif sur la sécurité réelle des cyclistes. Bref, la réalité est parfois compliqué parce qu’il y a des impacts croisés partout.
⁽⁴⁾ L’auteur de ces lignes porte toujours un casque, a 78 (!) réflecteurs sur son vélo en plus de ceux ajoutés sur son casque, déjà jaune fluo à la base et de lampes avant et arrière allumées 24/24 même en plein jour. Il prend sans concession parti pour le port du casque, pour imposer des lumières efficaces la nuit… et pourtant lutte activement contre la politique de communication actuelle des autorités à ce niveau (je vous l’avais dit, parfois les choses sont compliquées).
⁽⁵⁾ À lire uniquement après avoir lu le billet lui-même : L’interdiction des oreillettes à vélo est d’ailleurs un bon symptôme de l’enjeu. C’est intéressant de voir que l’automobile a le droit d’être totalement insonorisée et étanche aux bruits extérieurs. Qu’un automobiliste soit sourd aux simples coups de sonnette d’un vélo ne pose aucun problème. On a même l’interdiction pour les vélos d’installer un vrai klaxon pour se faire entendre. Par contre, vous trouverez mille messages de « prévention » et opérations de verbalisation de la police à l’encontre des cyclistes portant des oreillettes, y compris des oreillettes à conduction osseuse laissant donc totalement l’oreille ouverte à l’environnement sonore extérieur. De fait, le cycliste doit faire attention à ceux qui risquent d’être un danger pour lui, et même l’apparence de ne pas le faire lui sera reprochée. L’automobiliste qui représente le danger, lui, n’a lui aucune obligation de rester ouvert au seul dispositif sonore autorisé sur un vélo. Tout ça ne dit pas qu’avoir des oreillettes est une bonne idée mais ça illustre bien la politique publique.
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