Je ne suis plus abonné à rien. J’ai juste l’email hebdomadaire de lundi.matin (qui ironiquement arrive rarement le lundi matin mais que j’aime bien quand même).
Régulièrement, j’aimerais quand même accéder à du contenu de fond, longs, sérieux, avec des analyses poussées. Je trouve tout à fait légitime de payer pour accéder à ce type de contenus. L’enjeu c’est plutôt de savoir si je lirai derrière. J’ai tenté de m’abonner brièvement à Les Jours, et j’avais fini par résilier faute de réellement aller lire des choses dessus. Les séries TV ont pris la place. Arriverai-je à revenir à de la lecture ?
Les Jours
Le Monde Diplomatique
Le Monde
Régulièrement j’aimerais avoir un contenu un peu moins dans l’émotion que Twitter pour me maintenir au courant de ce qu’il se passe dans le monde. J’ai lundi.matin. J’avais envisagé brief.me qui était pas mal aussi mais, même si le principe de payer ne me gêne pas quand il y a un peu plus que des recopies de dépêches, le prix m’a fait hésiter et reculer. Le Courrier international m’attire parce qu’on est vraiment centré ailleurs que sur la France.
Brief.me
Courrier international
Lundi Matin
Le Monde
Régulièrement j’aimerais aussi pouvoir accéder aux contenus dont je trouve les liens sur les réseaux sociaux. J’avais Mediapart et Arrêt sur Images un moment mais c’est quand même très anxiogène. L’essentiel des liens mènent vers des scandales, des dénonciations, de l’émotion, et il faut faire doublement attention à vérifier ce qui y est dit, à tout prendre avec de l’analyse critique. C’est particulièrement vrai pour Mediapart à cause de leur ligne éditoriale, mais c’est plus général : Seuls les liens polémiques percent, et ce sont du coup ceux-ci que je veux ouvrir. N’est-ce pas finalement une bonne chose de ne pas y avoir accès ?
Mediapart
Le Monde
Next Inpact
Arrêt sur Images
Bref, je vais peut-être réactiver quelques abonnements. Le Monde entre dans les trois catégories, c’est un bon candidat, mais il ne m’apparait le plus intéressant dans aucune catégorie. « Moyen partout » n’est pas forcément idéal.
Si je prends l’ensemble je m’en sors à plus de 50 € mensuels. On va essayer d’être plus raisonnable.
Je peux déjà probablement rayer Arrêt sur Images et Next Inpact sur lequels j’ai trop peu de liens sur des sujets non couverts par le reste. Peut-être qu’il vaut mieux écarter Mediapart pour l’instant quitte à être frustré de ne pas pouvoir suivre quelques liens. Ça me permettra de moins entrer dans le climat de scandale permanent.
Ça en laisse beaucoup et il serait probablement une bonne idée de n’en retenir que deux ou trois parmi Le Monde, Les jours, Courrier international et le Monde Diplomatique. Mettons que je m’autorise dans les 15 à 20 € mensuel. C’est déjà pas mal en attendant de voir.
Vous avez des suggestions ? À quoi êtes-vous abonnés et pourquoi ?
Les prix sont arrondis pour plus de clarté et pour éviter de tromper le lecteur à coup de 90 centimes. (*) Ces prix peuvent baisser en cas d’abonnement multiple via La Presse Libre.
Je trouve intéressant tout ce qu’il s’est passé récemment. Je suis le fil de ma pensée mais les propos l’animateur eux-même ne sont pas ce que je veux aborder ici..
Il y a eu un témoignage précis, de première main, sur un fait d’intérêt public. À cette étape là personne n’en sait plus.
Ce témoignage s’est significativement diffusé. 2000 partages en 24h. On est très loin de ce qu’on peut qualifier de buzz sur Twitter, mais ce n’est pas rien non plus.
Il a fallu une vingtaine d’heures pour que les journalistes et les services du ministre recoupent suffisamment les faits puis montrent que le témoignage était faux.
Après avoir été confronté à ses dires par son encadrement, l’animateur est publiquement revenu sur ses déclarations en disant qu’il avait été induit en erreur.
S’ensuit une mini-polémique sur la diffusion de fausses informations.
Il est toujours bon de revenir en arrière pour en tirer les leçons en vue d’une prochaine fois. De ce que j’en lis autour de moi, on a toutefois tendance à juger les partages du témoignage d’origine à l’aune de la révélation du faux.
C’est là qu’à mon avis on fait erreur. Ce sont deux types d’information différents, à des niveaux différents.
Le premier niveau d’information c’est l’existence du témoignage et son contenu. Cette existence est une information à part entière. Même si ce n’est pas le scandale du siècle, elle est à priori d’intérêt public.
C’est ainsi que dans la presse vous trouvez des brèves reprenant une déclaration officielle, révélant un PV, pointant un fait qui pose question, etc. On les reconnait en ce qu’elles utilisent généralement des guillemets pour marquer qu’il s’agit d’une reprise.
Parfois la déclaration officielle est fausse ou trompeuse. Parfois les propos que rapportent le PV sont faux. Parfois la question posée a une réponse tout à fait légitime.
C’est malheureux quand ça arrive, on essaye de l’éviter, mais ça ne retire en rien l’intérêt public d’avoir relayé cette information en fonction de sa crédibilité et de l’intérêt public à ce moment là.
Ce qu’il s’est passé sur Twitter n’est pas différent. Il n’y a quasiment eu que des citations, avec ou sans commentaire. Les tiers ont tous vu les propos originaux, écrits au nom de cet animateur inconnu.
Tous ont pu se faire leur propre idée de la crédibilité du témoignage. Personne n’a été induit en erreur sur le fait que c’était un témoignage d’un inconnu et rien de plus.
Nulle part il n’y a eu présentation comme venant d’une source officielle, ou d’une quelqu’un ayant vérifié ou accrédité l’information.
Il n’y a pas eu tromperie ou fake news. Il y a juste eu le relai d’une information d’intérêt public, celle d’un témoignage potentiellement crédible mettant en cause une opération de communication.
Le second niveau d’information est venu de la presse. Je crois que c’est France Info qui a fait le premier article d’analyse (mis à jour depuis).
Ils ont fait ce qu’on attend d’eux. Ils ont vérifié, contacté les services du ministre, peut-être le camp de vacances. Les éléments relevés contredisent directement les déclarations de l’animateur.
On n’a toujours pas d’autres sources que les services du premier ministre concernant l’origine du dessin, mais on en a assez pour considérer que le récit de l’animateur était faux. Pas besoin d’aller plus loin sauf à ce que nouveaux témoignages apparaissent.
Cette information est différente de la première. On n’informe pas du témoignage, on va vérifier le fond.
Les deux niveaux ne se fusionnent pas et ne s’opposent pas forcément. Il est toujours vrai que l’animateur a fait ce (faux) témoignage, que ce témoignage semblait suffisamment crédible et d’intérêt public pour être repris. Il est tout aussi vrai qu’on sait désormais que les éléments principaux du témoignage étaient faux, et que donc il ne faut plus diffuser le témoignage d’origine ou ce qu’il prétendait.
Pourquoi est-ce important ? Parce qu’en assimilant les deux niveaux d’information on laisse penser que partager le premier témoignage revient à créer une fausse information. On oublie qu’il y a deux informations, à deux niveaux bien distincts.
Fallait-il attendre la vérification sur le fond avant choisir de partager l’existence du témoignage ?
Si dans l’idéal on ne peut être que d’accord, c’est oublier que la vérification n’a eu lieu que parce qu‘il y a eu cette diffusion significative préalable. Jamais ni les journalistes ni les services du ministre ne seraient intervenus sans le micro-buzz. Jamais les services du premier ministre n’auraient répondu à un citoyen non journaliste professionnel qui aurait voulu vérifier l’information.
Empêchez le premier niveau d’information tant que la presse de métier n’a pas officiellement étudié le fond, vous couperez aussi énormément de faits avérés qui n’auraient jamais eu la visibilité suffisante. Tiens, toute l’affaire Benalla vient d’un buzz similaire sur une courte vidéo à la place de la contre-escarpe, et dont certains avaient contesté la légitimité d’en faire un buzz à l’époque.
On ne peut pas espérer que ces buzz initiaux ne se fassent que sur des faits qui se révèlent vrais. Ça revient à dire aux gens « agissez mais ne vous trompez pas ». Ça ne fonctionne pas.
Il n’y a aucun comportement qui permet à la fois de mettre en lumière le vrai et de laisser sous silence le faux. On fait forcément des erreurs des deux côtés, tout est une question de positionner le curseur intelligemment.
Il ne reste du coup que le jugement de chacun : Est-ce que l’information me semble à la fois assez crédible et assez intéressante pour être partagée ?
Visiblement 2000 personnes ont pensé que oui. Ça a suffit pour qu’un journaliste s’en empare (ce qui est déjà étonnant, 2000 partages twitter ce n’est pas grand chose) et qu’on ait le fin mot de l’histoire sur le fond.
J’ai ensuite vu les correctifs et articles de presse largement diffusés. Rien que ça est assez propre à Twitter. Si les correctifs sont bien souvent bien moins visibles que les polémiques de départ, ils le sont toujours beaucoup plus sur Twitter que sur la plupart des autres médias.
C’est malheureux quand on diffuse du faux mais quelque part tout s’est passé comme ça aurait du, ou pas loin.
Nulle part le témoignage initial n’a été présenté comme autre chose qu’un témoignage unique. Il n’y a pas eu retraitement, il n’y a pas eu masquage de la source, il n’y a pas eu présentation faussée. Le correctif lui-même est arrivé dans un temps relativement rapide et la diffusion du faux s’est immédiatement arrêtée.
On est là dans un espace totalement différent de celui de la fake news. Il n’y a d’ailleurs probablement même pas eu intention de tromper de la part de l’auteur d’origine.
Et donc, puisqu’on fait un retour arrière : Ce témoignage était-il suffisamment crédible pour mériter une diffusion ?
On entre dans le subjectif. Je ne peux que donner mon propre avis, forcément biaisé.
Dans l’histoire récente on a entendu des élus et hauts fonctionnaires mentir sous serment devant une commission d’enquête. On a une porte-parole du gouvernement qui a dit assumer de mentir pour protéger le président. On a un procureur qui a fait une fausse déclaration officielle pour éviter de contredire les propos du président. On a des ministres, élus et représentants de tous bords qui font des pirouettes verbales à la limite de la mauvaise foi pour justifier tout et n’importe quoi. On a des opérations de communication à gogo, et les mises en scène n’y sont pas si rares.
De fait, les paroles officielles sont assez peu fiables dès qu’on est dans l’opération de communication. C’est malheureux, grave pour notre démocratie, pas spécifique au gouvernement ou au parti au pouvoir, mais c’est ainsi.
On était justement dans une opération de communication. Croire qu’on ait pu préparer une belle image à présenter à la presse n’est pas totalement délirant au regard de ce qui précède. Impossible de savoir si c’était vrai sans faire un travail de journaliste, mais c’était crédible et vraisemblable.
Le reste du récit, le vrai mpte personnel pas créé pour l’occasion ni réservé au militantisme, la façon de raconter, les détails sur d’autres points, disons qu’il n’y avait pas beaucoup de voyants au rouge.
À mon avis, si vous avons un problème majeur à régler, ce n’est pas tant de limiter la diffusion de fausses informations que de restaurer la confiance dans ce qui vient de nos élus, de notre administration et des personnes en position d’autorité.
Les deux sont liés. Si on ne peut plus croire ces sources là, on finit par ne plus rien croire, douter de tout ou prêter foi à tout, ce qui revient au même.
Malheureusement restaurer la confiance va être difficile et long, parce qu’aujourd’hui les pratiques sont au plus bas. Elles ont plutôt tendance à entamer ce qui reste de confiance qu’à restaurer ce qui manque.
Parce que le sujet est sensible il n’est jamais vain de rappeler : Ce sont mon opinion, mes pensées, mais ce ne sont que mon opinion et mes pensées, aujourd’hui, en fonction de ce en quoi je crois et avec ce que j’ai vécu.
Je ne prétends pas avoir La Vérité. Vous avez le droit d’avoir une position différente, de l’exposer. Je ne vous demande que de m’en concéder autant, avec respect et ouverture. Peut-être que nous évoluerons en échangeant. Ne venez ici que si vous êtes prêts à avoir le même état d’esprit.
Fallait-il la publier ? L’horreur de l’image d’aujourd’hui était-elle nécessaire pour faire passer l’information et la prise de conscience ? Franchement je n’en sais rien mais mon propre avis n’a que peu d’importance dans l’histoire.
Ça n’a que peu d’importance parce qu’il me semble essentiel qu’un journal d’information sérieux ait la liberté de faire ses propres jugements sur la question, et qu’aucune autorité morale ne puisse dire que tel ou tel sujet est trop choquant pour faire partie de l’information.
J’y tiens et ça me parait essentiel.
* * *
On m’aurait posé la question avant publication, j’aurais probablement jugé que la photo de l’enfant mort sur une plage il y a plusieurs mois étaient inutile et irrespectueuse. Vu ce qu’a déclenché cette photo, j’aurais eu tort. C’est le déclencheur de l’accueil de dizaines ou centaines de milliers de réfugiés et d’une prise de conscience d’une partie de l’opinion publique.
Cette image a certainement provoqué des traumatismes forts mais elle a aussi sauvé des vies. Trop peu par rapport à ce qui aurait été possible, mais des vies ont été sauvées.
Je ne me vois pas dire que les problèmes que peu causer l’image ou sa publication sont insignifiant face à son rôle et son impact sur la société. Ça n’aurait aucun sens. Les humains ne se jugent pas en comparant des chiffres dans un tableau. Mais justement : Je me refuse aussi à dire le contraire.
Parfois le journal fait un choix de publication radical. Des fois l’histoire montre qu’ils ont eu raison. Des fois ce n’aura pas été le cas. Des fois les avis divergent même après coup.
Je ne sais pas ce qu’il en sera pour l’image d’aujourd’hui mais je défie quiconque de prétendre savoir à coup sûr. L’impact et la nécessité sont bien difficiles à juger, même après coup.
* * *
Et puisque ça a été une partie de la discussion : Je comprends ce que veut dire déclencher des angoisses ou des états impossibles qui peuvent durer des semaines ou amener au suicide. Je ne le nie pas, je ne le diminue pas. C’est inimaginable de me croire le faire pour ceux qui ont connu mon passé. C’en est même insultant.
Mais en même temps je ne peux demander à la presse de masquer toutes les images et tous les sujets qui peuvent être un déclencheur chez quelqu’un. Je ne le souhaite même pas. Il ne resterait rien.
* * *
Je me rappelle qu’il y a à peine quelques années tout le monde défendait le droit à la publication de caricatures religieuses.
On ne parle pas ici de traumatismes mais ce n’est pas plus léger pour autant. Pour ces caricatures on a assumé le risques d’attentat et de morts. Plus loin, on a eu des morts à cause de ça. Des morts, et bien entendu tous les traumatismes qui vont avec pour les survivants.
Publier ces caricatures n’avait aucune autre motivation que de défendre le droit de les publier. Et pourtant, malgré les morts, malgré qu’on ne prétendait aider à sauver personne, je n’en connais pas un qui oserait aujourd’hui dire qu’on aurait du l’interdire.
Alors oui, je crois que de la même façon on ne devrait pas interdire ou même reprocher la publication d’une image d’horreur qui d’après leurs éditeurs ont un vrai but d’information, de prise de conscience et de mouvement d’opinion.
* * *
Je n’aurais probablement pas fait ce choix de publication mais je défend le droit à Libération de le faire. Même si ça pose plein de questions toutes aussi justes les unes que les autres. Même si ça cause des traumatismes forts à des gens. Même si ça tue. Parce que s’ils jugent que ça a la moindre chance de peser dans le débat public, ça peut aussi faciliter une intervention et sauver toute une population, directement aujourd’hui ou indirectement demain.
Oui c’est moche, et c’est une réflexion froide de ma part parce que justement ce cas ci ne me déclenche rien moi-même, mais je n’ai pas d’autre réponse que celle-ci.
Lot : après une dispute, une femme meurt écrasée par la voiture de son mari
— Le Parisien
Forcément ça ironise. On se moque du titre avec la voiture possédée qui écrase seule la femme, par pure coïncidence après une dispute de couple.
En réalité je trouve cette ironie assez moche.
Évidemment, intuitivement on y lit qu’il y a eu une dispute et que la femme a ensuite été volontairement écrasée par son mari.
C’est intuitif, probable, mais on n’en sait rien, pas à la simple lecture de l’article.
La police enquête et vérifie. C’est son boulot de justement ne pas se contenter de dire « c’est évident » sans savoir. Pas de fausse naïveté non plus puisqu’il est clairement dit que le mari est en garde à vue depuis hier. On peut se douter que la police a les mêmes présomptions intuitives que chacun de nous.
Entre temps, nous on ne sait rien, mais alors rien du tout. On n’a aucun témoignage, aucun récit de l’événement. On ne sait pas comment la femme a été écrasée. On ne sait même pas si le mari était au volant. En fait on ne sait même pas si quelqu’un était au volant ou si la voiture a été lâchée en roue libre sur une côte. C’est quand même peu pour prétendre l’évidence.
Sauter aux conclusions c’est faire justice sur des stéréotypes ou les probabilités, et ça n’est à l’honneur de personne.
* * *
Pour une fois l’article est au contraire très bien fait. On ne sait pas grand chose mais le journaliste expose les faits sans détour. C’est à peu près tout ce qu’il peut faire en l’état.
Aurait-il fallu qu’il titre « Il tue sa femme en l’écrasant à cause d’une dispute » alors qu’il n’a aucun élément pour ça à part l’évidente suspicion que tout le monde verra de toutes façons ?
Personne ne prétend que la voiture, possédée par je ne sais quel esprit, a sauté seule sur la victime. Le journaliste pousse l’idée d’une culpabilité de l’homme dès la première phrase de l’article, en hauteur double :
Un homme d’une soixantaine d’années est en garde à vue depuis jeudi et la mort de sa femme à Prayssac (Lot).
Difficile d’être plus explicite sur les faits sans confondre les probabilités avec la réalité. Pour une fois qu’un journaliste présente un article comme il faut sans biais ni sur-interprétation, n’allons pas lui reprocher.
Je n’ai – malheureusement – pas la solution au problème général mais je ne crois pas qu’ajouter des injustices en compense d’autres. Ce n’est que mon opinion, mais j’ai plutôt tendance à croire que les maux s’ajoutent entre eux.
J’aime beaucoup ce que font Les Décodeurs. Je soutiens très fort Samuel Laurent et son équipe qui s’en prennent plein la figure tout le temps sur le moindre sujet.
Le Decodex était une bonne idée, avec une bonne intention. Vous avez essayé et… ça s’est révélé au mieux hasardeux. Plus probablement c’était tout simplement une mauvaise idée. Il est temps de le ranger au placard et de célébrer une bonne initiative qui n’a pas fonctionné pour pouvoir tenter autre chose la prochaine fois. Persister n’apporte rien.
*
J’ai un problème avec l’axiome de base du Decodex, l’idée que la réputation du contenant doit permettre d’avoir – ou non – confiance dans le contenu.
Si je me base dessus, j’aurais plutôt du donner foi à l’article d’un journal fiable qui parle d’une consultante profileuse, aussi interviewée sur une chaîne d’information nationale. Dans le contenu elle parle de son don de sixième sens, à l’occasion de la sortie de son livre sur le sujet. Hum…
Je repère régulièrement des erreurs graves ou grossières dans mon domaine d’expertise dans des propos relayés sur les média très bien réputés. Je ne vois pas pourquoi il en serait différemment dans les domaines où je n’y connais rien. Ne parlons même pas des rubriques horoscope des hebdomadaires bien classés par le Decodex.
Inversement une question ou une information révélée sur le plus immonde site poubelle ou sur un blog totalement inconnu n’est pas forcément fausse pour autant. Toujours sur mon domaine d’expertise, l’informatique, les blogs sont souvent bien plus pointus que les média nationaux. J’ai l’impression que c’est parfois aussi vrai pour le droit.
*
Bref, la réputation du contenant ne me permet pas de juger de la fiabilité d’une information. Je dois faire appel à mon jugement. Si une information semble extra-ordinaire, je dois remonter vers la source, recouper et utiliser mon esprit critique.
Cette analyse est vraie que je commence à partir d’un site fiable ou non. Je ne dois pas l’apprendre aux journalistes des Decodeurs, je suis certains qu’ils vérifient et croisent leurs informations même quand elle vient d’une source à priori connue comme fiable.
Tout ça est long, parfois je ne le fais pas, généralement je ne le fais pas. Quand je ne le fais pas je prête foi à mes sites habituels, ceux que je connais et que j’ai déjà choisi en fonction de mon jugement décrit plus haut. Les autres, tous les autres, je les écarterai en attendant mieux.
Je ne me baserai certainement pas sur le simple fait que le contenant est marqué comme généralement fiable sur le Decodex. Je connais justement trop ce que ces sources peuvent faire comme erreurs sur mon domaine d’expertise pour leur faire une confiance aveugle sur le reste. Que le site ait bonne réputation ne veut pas dire que toutes les rubriques se valent, ou qu’il n’y ait pas des sujets aussi litigieux que l’horoscope (mais pas toujours aussi facilement identifiables).
*
Du coup, de quelle aide est le Decodex ?
Je connais bien un site et il a ma confiance ? Le Decodex ne me fera pas changer d’avis, que ce site soit indiqué comme fiable ou non. Les fan des sites litigieux risquent même de rejeter le Decodex dans son ensemble.
Je connais bien un site et il n’a pas ma confiance ? Je doute que je vais d’un coup apporter ma confiance à un contenu que j’y lis simplement parce que le Decodex me dit que le media a bonne réputation.
Je ne connais pas bien un site et il n’est pas classé fiable ? Je suppose que tous ceux qui seraient intéressés par le Decodex au point de l’utiliser sont aussi ceux qui vont considérer une information d’un media inconnu comme non fiable par défaut. Tout ça ne va rien changer.
En fait le seul cas où le Decodex aura une influence c’est le dernier cas : le site peu ou pas connu qui est classé comme fiable. Et là le seul risque c’est que ça m’incite à faire confiance sans vérifier… là où il y a peut-être un problème moins évident à remarquer que la profileuse un peu medium qui fait la promotion de son livre.
Bref. un peu le contraire de l’objectif poursuivi, non ?
C’était une bonne idée, je suis heureux qu’elle ait été lancée, je ne critiquerai pas les auteurs pour avoir essayé, maintenant il est temps de constater que c’est une impasse qui n’apporte rien de positif mais qui en plus pose des questions délicates sur qui classe, comment, et les biais que ça introduit.
Je résume pour ceux qui découvrent : Vous avez créé une page Wikipedia sur un sujet obscur maitrisé par une poignée de personnes et qui n’en intéresse probablement pas beaucoup plus. Dans cette page, vous avez mêlé du vrai et du (très) faux . Il s’est passé quelques semaines sans que le faux n’ait été détecté et corrigé.
Il est facile de se faire passer pour un chercheur qui publie un résultat qui gêne. En réalité vous avez surtout répété ce qui a déjà été fait vingt fois et ce dont, surprise, la plupart des utilisateurs de wikipedia auraient pu vous révéler le résultat à l’avance.
Bref, rien de neuf, d’inconnu, ni même de surprenant. Le problème n’est pas là.
* * *
J’ai un premier problème pour quelqu’un qui prétend avoir une démarche scientifique : Que comptiez-vous démontrer ?
Vous auriez pu choisir un sujet d’actualité ou qui prête à débat public, ce qui aurait collé avec le contexte des fake news que vous invoquez. François Fillon, Donald Trump, l’évolution du climat… il y avait le choix. Rien de tout cela ici.
Pour que le sujet ait un quelconque intérêt, il aurait fallu en prendre un avec un minimum d’audience. Si la page n’est pas lue, vous générez des résultats qui n’ont d’impact que sur vous-même. Forcément, ce n’est pas vraiment important et, comme expérience scientifique, ça se pose là.
Combien de lecteurs qui réellement souhaitaient s’informer ? Sur ceux là, combien qui se sont intéressés à la section avec de fausses informations ? Sur ceux là, combien ont réellement été trompés au final ? Voilà le chiffre qui aurait pu être intéressant.
Ici vous dites vous-même qu’il y aurait eu quelques dizaines de lecteurs en cinq semaines. Sur Wikipedia ça se traduit quasiment par zéro. Outre qu’on se demande sérieusement quel a été l’outil de mesure de l’audience, quelques dizaines c’est ce que j’aurais estimé pour ceux qui surveillent les nouvelles créations ou qui suivent les liens sortants des pages annexes qui ont été modifiées. On parle justement de modifications de forme sans toucher au fond.
Bref, le scénario choisi n’avait quasiment aucune chance d’apporter quelque chose faute d’avoir pris un sujet pertinent.
Non seulement le résultat était connu à l’avance mais vous avez choisi une expérience où il n’avait en plus aucun intérêt. Chapeau.
* * *
Maintenant le vrai problème que j’ai avec votre démarche, outre qu’elle était inutile et sans intérêt, c’est qu’elle s’attaque à des tiers.
Vous êtes journaliste au Monde. Avez-vous tenté de faire des erreurs volontaires dans un sujet obscur destiné au journal papier ? sur le journal en ligne ? Avez-vous même tenté de faire un faux sur votre blog et voir s’il serait détecté ?
Je doute que ce soit bien vu. Il s’en trouvera pour dire que ça montre les failles d’un journal qui se veut sérieux, ou que vous transformez après coup le contenu erroné en fausse expérience, ou qu’à tout le moins ils ne pourront pas se fier au contenu à l’avenir faute de savoir si c’est une nouvelle expérience. Ne parlons même pas du risque d’un mauvais buzz où les gens n’entendent parler que de l’erreur mais pas de l’explication qui suit.
Mon problème est là. Vous êtes journaliste professionnel. Vous savez que l’information a un impact, et que cet impact n’est pas neutre. Combien, même sans n’avoir rien appris de neuf et même si votre expérience ne montre pas cela, ne feront que renforcer l’image que Wikipedia n’est pas fiable sur les sujets d’importance ?
Et ça s’est fait pour quoi ? pour savoir qu’un contenu lu par personne sur un sujet connu par pas grand monde pouvait contenir des erreurs introduites volontairement et qui ne seraient pas corrigées en quelques semaines.
La ratio dommage / bénéfice m’horrifie. En tant que journaliste comme en tant que scientifique, c’est une donnée qui aurait du vous préoccuper.
* * *
Personnellement je retiens une chose : C’est la personne qui prétend étudier les fake news qui en est justement à l’origine. Ça permet de réfléchir et il n’y a pas de quoi être fier.
Pour rire, sur le Decodex, à propos de lemonde.fr, faut-il ajouter « publie de fausses informations sur les autres sites » ?
Résultat l’adresse IP de @lemondefr est bloquée pour 9 mois : ironiquement les créateurs de Décodex sont classés en rouge écarlate sur wiki…
Vous le savez déjà et personne ne changera d’avis mais ça me fait tellement hurler que j’ai besoin de l’écrire.
Un adulte en position d’autorité qui sodomise une fille de 13 ans après l’avoir fait boire et avoir mis de la drogue dans son verre, on peut tourner ça comme on veut mais ça n’est pas une question mineure.
Je ne suis pas pour des poursuites à vie. Quelle que soit l’horreur, on peut envisager de laisser dans le passé des faits regrettés vieux de 40 ans. Peut-être devrait-on quand même éviter de mettre en avant l’auteur qui est toujours officiellement en fuite.
Je rage par contre quand je lis Alain Finkelraut minorer les faits en considérant qu’à 13 ans ce n’est pas une enfant, ou que les faits puissent être moins grave parce que la victime a posé partiellement dénudée sur des photos pour Vogue. Lui n’a à priori pas changé d’opinion depuis les faits. Oui, ça date de 2009 mais que cet homme soit encore invité sur tous les plateaux TV uniquement pour mettre en avant ses opinions… ça me dépasse.
Quand le directeur adjoint de la rédaction de l’Express publie hier un texte où il critique « les pudibonds, les populistes et quelques féministes [qui] se trompent de combat » pour finir sur « En 1977, Polanski gênait. Hollywood, l’Amérique des Trump et des fake news d’alors, les pisse-froid, les médiocres, les aigris. Visiblement, il gêne toujours » … je m’inquiète pour ce que certains peuvent dire sans honte et exclusion sociale.
Argumenter le droit de changer et celui de laisser de côté des fautes du passé est une chose, les minorer ou les défendre en est une autre, et c’est inacceptable de le laisser dire sans honte dans l’espace public.
Stéphane Soumier ne ressemble pas du tout à la définition que je donne du journaliste. Il n’est en rien médiateur, c’est juste un militant, qui utilise sa position et sa visibilité médiatique pour relayer ses opinions et sa lecture du monde, en espérant convaincre des gens de penser comme lui. Cela ne veut pas dire que tout soit à jeter, ces éditorialistes peuvent avoir des analyses intéressantes, mais qui ne relèvent pas du métier de journaliste. Or, ils se présentent comme tels, ce qui crée une confusion. C’est une espèce malheureusement très répandue dans les médias, en particulier dans l’audiovisuel. C’est le cancer du journalisme, car ils discréditent toute la profession. Je ne suis absolument pas surpris qu’avec de tels gugusses, les journalistes soient, avec les politiques, dans le bas des classements sur la confiance accordée par les citoyens.
Quand les pigistes ont du mal à obtenir une carte de presse mais que le présentateur de la météo au 20h est appelé journaliste météo, on ne peut que confirmer qu’il y a un problème.
Comme partout, la visibilité médiatique a remplacé le travail de fond.
Ne nous étendons pas plus. Les deux hommes finiront, après moults interpellations publiques, par reconnaître l’inanité de la polémique, et par relayer notre article qui dément preuves à l’appui les propos de M. Meilhan.
Ils le feront sans commentaire, et sans retirer leurs tweets précédents, ni expliquer pourquoi ils ont choisi de faire confiance à ce texte plutôt qu’à celui de journalistes professionnels employés par une rédaction reconnue comme étant fiable. Tous deux semblent estimer qu’ayant relayé les deux points de vue, ils ont fait leur travail, et qu’il ne leur appartient pas de trancher.
C’est totalement nier l’impact de ce qu’on fait, se déresponsabiliser dans son rôle.
Une discussion d’hier menait au même sujet. Peu importe que nos politiques croient dans leurs promesses et dans leur cirque médiatique. À force de dire qu’il y a trop de fonctionnaires, que la sécu et le public ne fonctionnement pas, que les Droits de l’H et l’Europe sont un problème, que nous ne pouvons pas accueillir les immigrés, que l’Islam est dangereux… même si c’est pour ne rien en faire et accepter un démenti calme et posé dans un second temps, le mal est fait. L’idée fait son chemin, se propage, se renforce à chaque esclandre
Plus que par leurs actions ou inactions, les politiques font mourir notre devise par leurs paroles. Et les journalistes se tirent des balles dans le pied de la même façon oubliant leur rôle d’analyse et de filtre.
D’ailleurs, pourquoi aurais-je besoin de journalistes s’il s’agit uniquement de me référencer les différentes opinions subjectives de chaque polémique ?
Un internaute s’est amusé à chronométrer les contenus diffusés par BFMTV pendant quatre heures d’une journée (14 juin 2016) et faire une synthèse (graphique à l’appui !). C’est plutôt édifiant.
Sur 4h de programme, 2h43 sur le terrorisme, 34 minutes sur les manifestations de la loi travail, 45 minutes de publicité, 2 minutes de météo et … rien d’autre.
Nos médias deviennent un vrai problème pour le climat du pays.
L’enquête fait la clarté sur les agresseurs de la nuit de la Saint Sylvestre à Cologne. […]
Sur les 58 suspects, seuls trois d’entre eux sont originaires d’un pays en guerre: deux Syriens et un Irakien. Les 55 autres sont pour la plupart Algériens et Marocains et ne seraient pas arrivés récemment en Allemagne. Trois Allemands figurent aussi parmi les personnes arrêtées.
[…] Sur 1054 plaintes […] 600 autres plaintes concernent des vols.
Donc en réalité 95% ne venaient pas de migrants, et plus de la moitié n’avaient aucun caractère sexuel. L’impact restera pourtant longtemps et le démenti aura bien peu d’impact par rapport à l’emballement médiatique.
Des sources anonymes de la police avaient dit, début janvier dans les médias, que la plupart des agresseurs étaient des réfugiés syriens.
Des sources anonymes de la police.
Dans le meilleur des cas il s’agit d’un policier qui a exprimé un ressenti faussé via la très petite fenêtre de sa vision personnelle, et les média qui ont repris l’information sans chiffre objectif ou en extrapolant les maigres chiffres en question.
Dans le moins bon des cas il s’agit d’une manipulation de la source policière, ou pire, et des média qui ont joué à qui faisait le plus gros titre qui faisait vendre.
Ce qui est certain c’est que l’émotionnel sur le fait avant d’avoir le moindre chiffre officiel n’a rien amené de bon.
S’il faut un responsable clair, c’est au moins l’État allemand qui n’a jamais modéré les titres de la presse en donnant quelques chiffres ou annonçant l’absence de chiffres. Reste à comprendre pourquoi.