Lot : après une dispute, une femme meurt écrasée par la voiture de son mari
— Le Parisien
Forcément ça ironise. On se moque du titre avec la voiture possédée qui écrase seule la femme, par pure coïncidence après une dispute de couple.
En réalité je trouve cette ironie assez moche.
Évidemment, intuitivement on y lit qu’il y a eu une dispute et que la femme a ensuite été volontairement écrasée par son mari.
C’est intuitif, probable, mais on n’en sait rien, pas à la simple lecture de l’article.
La police enquête et vérifie. C’est son boulot de justement ne pas se contenter de dire « c’est évident » sans savoir. Pas de fausse naïveté non plus puisqu’il est clairement dit que le mari est en garde à vue depuis hier. On peut se douter que la police a les mêmes présomptions intuitives que chacun de nous.
Entre temps, nous on ne sait rien, mais alors rien du tout. On n’a aucun témoignage, aucun récit de l’événement. On ne sait pas comment la femme a été écrasée. On ne sait même pas si le mari était au volant. En fait on ne sait même pas si quelqu’un était au volant ou si la voiture a été lâchée en roue libre sur une côte. C’est quand même peu pour prétendre l’évidence.
Sauter aux conclusions c’est faire justice sur des stéréotypes ou les probabilités, et ça n’est à l’honneur de personne.
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Pour une fois l’article est au contraire très bien fait. On ne sait pas grand chose mais le journaliste expose les faits sans détour. C’est à peu près tout ce qu’il peut faire en l’état.
Aurait-il fallu qu’il titre « Il tue sa femme en l’écrasant à cause d’une dispute » alors qu’il n’a aucun élément pour ça à part l’évidente suspicion que tout le monde verra de toutes façons ?
Personne ne prétend que la voiture, possédée par je ne sais quel esprit, a sauté seule sur la victime. Le journaliste pousse l’idée d’une culpabilité de l’homme dès la première phrase de l’article, en hauteur double :
Un homme d’une soixantaine d’années est en garde à vue depuis jeudi et la mort de sa femme à Prayssac (Lot).
Difficile d’être plus explicite sur les faits sans confondre les probabilités avec la réalité. Pour une fois qu’un journaliste présente un article comme il faut sans biais ni sur-interprétation, n’allons pas lui reprocher.
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Il y a un vrai problème où la presse écarte trop souvent la responsabilité des atteintes aux femmes ou aux minorités. Je fais toutefois la différence entre celui qui excuse et celui qui ne sait pas.
Je n’ai – malheureusement – pas la solution au problème général mais je ne crois pas qu’ajouter des injustices en compense d’autres. Ce n’est que mon opinion, mais j’ai plutôt tendance à croire que les maux s’ajoutent entre eux.
5 réponses à “Évidemment, ce n’est pas la voiture qui s’est vengée”
Mais ce que je me demande de plus en plus c’est : dans ce cas, est-ce vraiment utile d’en faire un article immédiatement ? Est ce que le journaliste ne pourrait pas attendre les conclusions de la police avant d’écrire l’article ? Au final, tu le dis toi-même, on ne « sait » rien si ce n’est qu’une femme est morte écrasée et qu’elle s’était disputée avec son mari…
Clairement pas, mais ça fait longtemps que les journaux cherchent à générer du trafic et pas à informer. C’est encore plus vraie sur le Web où l’espace est illimité. Tout ce qu’on peut publier qui peut faire des clics, on le fait
Mais si le journaliste ne fait pas un article immédiatement, quel intérêt de la faire dans deux ans quand la justice aura donné ses conclusion ? Il informe les voisins, les badauds qui passaient par là, et d’autres personnes qui pourraient apporter des circonstances atténuantes ou aggravantes : « La semaine dernière déjà, il l’avait menacé. »; ou « J’ai fournis des médicaments à cet homme »;
Sinon la presse ne remplie plus aucun rôle; Quand même, une femme est morte dans des circonstances inacceptables et ça mérite un article, c’est une information !
Sauf que l’article ne dit même pas qu’il s’agit de circonstances inacceptables justement. Pour ce qu’on en sait, même si c’est très peu probable, c’est peut-être un simple accident.
Quant à chercher des circonstances aggravantes ou atténuantes…
ça y est, tu as déjà décidé que le mari était coupable ? Tu donnes justement l’exemple de pourquoi non seulement il fallait éviter de sauter aux conclusions dans l’article (là ça n’aurait plus fait aucun doute dans la tête des gens) mais pourquoi ça peut même être gênant de l’avoir publié tout court. Bref, tu démontres le contraire de ce que tu affirmes.
La police sait faire une enquête de voisinage. Elle le fera forcément si elle envisage une suite pour le mari. Les voisins qui ont assistés à la scène savent très bien parler à la police sans avoir besoin d’un article dans le Parisien.
Quant aux autres… comme l’article ne dit pas qui et pas assez où… je ne vois pas ce que ça va bien pouvoir déclencher.
Sur le fait que les mots sont importants (une femme est violée, mais ne se fait pas violer), c’est aussi le même cas pour les accidents de la route : un piéton tué par une voiture folle.
Alors que le vrai titre est « Un piéton tué par un chauffard ».