Catégorie : Économie

  • Le monde tel qu’il aurait pu être. Lundi 27 novembre 2023.

    « On n’avan­cera pas à base de promesses floues et non contrai­gnantes

    On ne sait pas offi­ciel­le­ment qui a lancé cette phrase dans les concer­ta­tions en amont de la COP28 mais elle a tout changé.

    Une coali­tion de pays, donc la commu­nauté euro­péenne, a accepté le prin­cipe d’un pacte majeur qui va chan­ger le paysage écono­mique.

    Pour faire partie de la coali­tion, chaque pays doit consa­crer au mini­mum 2 points de son PIB aux inves­tis­se­ments pour réduire son empreinte clima­tique et avoir une feuille de route qui mène à des émis­sions nettes à zéro.

    Ces enga­ge­ments sont contrai­gnants. Chaque année les enga­ge­ments et les résul­tats des diffé­rents pays seront étudiés par la coali­tion avec un vote à la majo­rité. Si les résul­tats ou enga­ge­ments ne sont pas à la hauteur, le pays devra mettre en œuvre des actions correc­trices sous 12 mois et sera exclu de la coali­tion si le prochain vote est néga­tif.

    Les pays de la coali­tion s’en­gagent à mettre en place une taxe clima­tique de 0.5% sur tous les biens et services qui vien­draient de l’ex­té­rieur de la coali­tion. Cette taxe vien­dra abon­der un fond dédié aux inves­tis­se­ments clima­tique.

  • Le monde tel qu’il aurait pu être. Mercredi 22 novembre 2023

    L’ADEME passe à l’of­fen­sive avec sa nouvelle campagne de commu­ni­ca­tion qui pose des ques­tions sur les habi­tudes de consom­ma­tion. On parle enfin de ne pas ache­ter ce dont on n’a pas besoin, et pas unique­ment des petits gestes pour ache­ter avec un verni écolo.

    L’Al­liance du commerce, orga­ni­sa­tion profes­sion­nelle qui regroupe les grands maga­sins, quelques enseignes très connues et d’autres dans le domaine de l’ha­bille­ment ou de la chaus­sure a réagit très défen­si­ve­ment en mettant en demeure l’ADEME :

    […] Il incite à ne rien ache­ter. Ne rien ache­ter, c’est tuer l’em­ploi, tuer le commerce physique, tuer la mode ! […]

    Les acteurs du commerce et de la mode mettent en demeure l’Ademe de reti­rer son spot

    Loin de rentrer dans cette logique du chan­tage à l’em­ploi, le gouver­ne­ment a déclaré, dans un discours plein de cohé­rence, qu’ils « visaient un système écono­mique durable et que ça ne passait pas par faire la promo­tion d’une consom­ma­tion de l’inu­tile », et que « sur le long terme nous avons tout inté­rêt au contraire à faire une force d’avoir des emplois centrés sur des besoins réels et un apport de valeur qui ne se voit pas que sur le chiffre d’af­faire ».

    Le ministre de l’éco­no­mie, dans un second temps, a ajouté qu’ils étaient prêts à accom­pa­gner les tran­si­tions vers des acti­vi­tés pérennes qui ont une réelle valeur ajou­tée pour le pays et ses habi­tants.

  • 117 milliards d’eu­ros

    — La fortune de Bernard Arnault est esti­mée à 117 milliards. Vous vous rendez compte de combien ça fait ? Ça permet de redis­tri­buer […] euros à […] pendant […] ans !

    — Ça n’est pas compa­rable ! Ça ne permet pas de manger. On ne mange pas des actions !

    Diable ! Bien sûr que ça se compare. C’est même tout le prin­cipe de la monnaie.

    Non on ne mange pas les actions, pas plus qu’on ne mange les billets et les pièces (enfin pas moi). On est juste en train de défi­nir une valeur d’échange commune qui permet­tra ensuite d’ob­te­nir de la bouffe (ou autre chose).

    C’est un peu comme la fameuse compa­rai­son de 1 kg de plomb à 1 kg de plumes. Certes ça fait beau­coup de plumes, mais on peut bien compa­rer les deux et ça pèse bien autant.

    Ici c’est la même chose. La monnaie c’est la mesure pivot. Si on a pour 117 milliards d’eu­ros d’ac­tions, ça « vaut » par défi­ni­tion autant que 117 milliards d’eu­ros de petits pois ou 117 milliards d’eu­ros en rési­dences secon­daires. C’est exac­te­ment ce que ça veut dire.

    Tant qu’il y a à la fois des gens qui veulent vos actions et des gens qui veulent se sépa­rer de bouffe, réfri­gé­ra­teurs, machines à laver & co, l’éco­no­mie permet d’échan­ger tout ça.

    — Ce sont des titres, pas des espèces ! Ça n’a rien à voir !

    Je crois que c’est la réponse la plus WTF qu’on m’ait faite.

    Nous payons avec des titres tous les jours, pour ache­ter le pain à la boulan­ge­rie ou nos légumes au marché.

    Ça fait long­temps que la mani­pu­la­tion d’es­pèces n’est plus le seul moyen de paie­ment. Aujourd’­hui on utilise massi­ve­ment des CB, encore un peu des chèques, mais aussi des tickets restau­rants, des bons d’achat, des cartes prépayées, etc.

    Tout ça est lié à des comptes en banques, qui eux même ne sont pas des gros coffres avec la même valeur en billets et en pièces.

    Et d’ailleurs, même quand on paye avec des billets et des pièces, ce n’est plus la valeur du papier ou du métal qui compte, mais ce qu’il y a écrit dessus. Oui, on a bien un titre, qui peut être échangé ailleurs contre autre chose.

    Refu­ser de consi­dé­rer la valeur des titres dans notre société moderne, c’est vrai­ment un argu­ment insensé. On peut éven­tuel­le­ment appliquer une décote liée l’ab­sence de liqui­dité mais on parle là unique­ment d’un coef­fi­cient sur la valeur qu’on attri­bue au patri­moine, ça ne remet nulle­ment en ques­tion le prin­cipe.

    — On ne peut pas ache­ter du pain et du fromage avec !

    Non, on ne peut pas, ou pas faci­le­ment. L’époque du troc est termi­née depuis long­temps.

    Par contre on peut vendre une action à quelqu’un qui veut l’ache­ter, et ache­ter du pain et du fromage avec ce qu’on a eu en échange. La monnaie et l’éco­no­mie moderne c’est exac­te­ment ça.

    Est-ce qu’on peut vendre 117 milliards d’eu­ros d’ac­tions ? Le volume d’échange trimes­triel est bien au-delà de 30 000 milliards d’eu­ros. Ça passe inaperçu.

    Est-ce qu’on peut vendre les 117 milliards d’eu­ros d’ac­tions LVMH de Bernard Arnault ? En consi­dé­rant que tout est en actions LVMH, ce qui est proba­ble­ment faux, ça repré­sente la 50% de la société. En une fois ça parait impos­sible.

    Il s’échange toute­fois 60 milliards d’eu­ros d’ac­tions LVHM chaque année. Mettons qu’on peut augmen­ter les échanges de 5% sans provoquer une panique, on peut tout solder en 40 ans. Évidem­ment on peut aller plus vite si on accepte d’avoir une influence notable sur les cours (certai­ne­ment à la baisse).

    Main­te­nant, si on veut s’ache­ter du pain et du fromage, on peut aussi se conten­ter des divi­dendes. De 2012 à 2018 LVMH a distri­bué des divi­dendes chaque année, pour une somme repré­sen­tant quelque chose comme 3,5% de la valeur moyenne de l’ac­tion sur l’an­née (je n’ai pas le chiffre exact, j’ai un ordre de gran­deur moyen calculé au jugé à partir de courbes).

    Sur 117 milliards ça fait 4 milliards par an, en espèces sonnantes et trébu­chantes cette fois ci. Un sacré plateau de fromages.

    — Mais c’est vola­tile, ça peut ne rien valoir demain !

    Les inves­tis­seurs n’étant pas fous, ils tiennent compte de ça dans la valo­ri­sa­tion qui fonde leurs inten­tions d’achat et vente, donc dans le cours de bourse. Bref, c’est déjà inté­gré dans le calcul (en même temps que les espoirs de gains, parce qu’en ce moment LVMH semble plutôt au contraire croitre vite).

    Mais, surtout, allez dire ça aux fonc­tion­naires qui voient leur point d’in­dice gelé. Ils vous explique­ront que même les euros n’ont pas une valeur si constante que ça en vue d’une conver­sion en pains et fromages.

    Allez aussi voir les Espa­gnols, qui vous explique­ront la varia­tion de la valeur de leur maison. Allez voir les Chypriotes, qui ont vu une ponc­tion massive sur tous leurs comptes en banque pour éviter la faillite de ces dernières. Tiens, parlez aussi aux grecs (d’un peu tout).

    Bref, oui, les valeurs asso­ciées aux choses changent avec le temps. La bourse est plus vola­tile que certains autres biens ou services mais ce n’est pas comme si le reste était stable. Les proba­bi­li­tés sont diffé­rentes mais les espoirs aussi. Comme nous disions, la valo­ri­sa­tion tient déjà compte de tout cela.

    Et bon, on parle de vendre, donc les risques futurs concernent surtout les ache­teurs, pas le vendeur. Si vrai­ment ça ne valait rien, je suppose que de toutes façons Bernard Arnault n’au­rait pas de quoi se plaindre si on l’en spoliait ;-)


    Note : Bien entendu qu’on ne propose concrè­te­ment pas de spolier Bernard Arnaud et liqui­der arbi­trai­re­ment son patri­moine de 117 milliards d’eu­ros là comme ça de but en blanc. La cita­tion géné­rique d’ori­gine permet de prendre conscience de ce que repré­sentent les nombres, puis discu­ter de répar­ti­tion et accu­mu­la­tion des richesses, de mérite indi­vi­duel, et du modèle de société que nous voulons.

  • Patients, usagers, clients

    Choi­sis­sez le mot que vous préfé­rez mais je n’ai aucun mal à parler de client là où on fait payer à l’usage. Je suis autant client de mon taxi que de mon TER. Je suis client (je paye) et usager (j’uti­lise) des deux.

    J’ai l’im­pres­sion que les profes­sions de santé sont encore plus atta­chées au terme patient. Un méde­cin libé­ral fait pour­tant autant commerce de son savoir et de son exper­tise qu’une autre profes­sion. Ils parlent d’ailleurs eux-même de clien­tèle quand il s’agit de revendre un cabi­net et de le valo­ri­ser. Les profes­sion­nels de santé libé­raux sont d’ailleurs très remon­tés contre l’idée d’être des fonc­tion­naires non libres de choi­sir leur clien­tèle et leurs condi­tions.

    Ça ne m’em­pêche pas d’être patient ou usager, et parfois d’être aussi un client. Les termes ne sont pas exclu­sifs. Le terme de client n’est pas sale, le commerce pas honteux. À vouloir les bannir, j’ai l’im­pres­sion des mêmes arti­fices de langue de bois que nos poli­tiques.

  • « Conforme à un ensemble de critères sociaux et envi­ron­ne­men­taux »

    Je fais le tour des propo­si­tions des diffé­rents groupes pour les Euro­péennes.

    Je filtre en ne rete­nant que ce qui concerne vrai­ment l’Eu­rope. Je rage chaque fois élec­tion en voyant combien même les partis qui se disent pro-euro­péens font majo­ri­tai­re­ment campagne sur des sujets natio­naux.


    J’ai à mon grand éton­ne­ment trouvé pas mal de choses inté­res­santes côté PCF. J’ai aussi trouvé une réplique magni­fique de leur candi­dat :

    — « Vous l’uti­li­sez Face­book, vous utili­sez Google […] Vous pour­riez ne pas colla­bo­rer avec ces géants
    — « Regar­dez, des tas d’édi­to­ria­listes du Figaro qui dénoncent le fonc­tion­ne­ment de la sécu­rité sociale, utilisent la sécu­rité sociale donc si vous voulez qu’on joue à ce petit jeu là […]

    PCF sur twit­ter, extrait de LCP

    La propo­si­tion qui m’in­té­resse est pour une fois de la France Insou­mise.

    « Tout produit péné­trant dans le marché commun est conforme à un ensemble de critères sociaux et envi­ron­ne­men­taux.

    La France Insou­mise, sur Twit­ter

    Ça n’a l’air de rien mais si je devais soute­nir deux pistes de travail sur l’Eu­rope, elle ferait partie des deux (l’autre serait une refonte démo­cra­tique dans les insti­tu­tions).

    Aujourd’­hui on parle de salaire mini­mum en Europe et on parle d’in­ten­tion écolo­gique, mais ça reste d’im­pact quasi­ment nul. Toute avan­cée se heur­tera forcé­ment au mur de la concur­rence mondiale.

    Dans cette vision on a l’im­pres­sion que le social et l’éco­lo­gie se font forcé­ment au détri­ment de notre inté­rêt. Malheu­reu­se­ment, s’il y a une chose que la gouver­nance euro­péenne actuelle ne semble pas prête à faire, c’est bien handi­ca­per notre posi­tion­ne­ment écono­mique.


    Si je dois voir une vraie solu­tion, c’est forcé­ment en impo­sant que toute la planète respecte les mêmes règles.

    Ça semble impos­sible mais il n’y a aucune raison sérieuse.

    On impose déjà à tous les produits et services vendus en Europe de respec­ter certaines règles, géné­ra­le­ment écono­miques et de sécu­rité. Ces règles prennent parfois en compte les impacts des produits après leur vente (sécu­rité, toxi­cité dans le temps, recy­clage, etc.).

    On ne peut pas refu­ser l’en­trée des produits construits dans des pays avec des normes sociales et écolo­giques basses. Par contre je ne vois rien qui empê­che­rait de règle­men­ter les ventes en Europe en fonc­tion de normes écolo­giques et sociales des produits — peu importe leur prove­nance — soit en consi­dé­rant une inter­dic­tion des produits et services ne respec­tant pas un mini­mum, soit avec une taxe progres­sive sur ce critère.

    Le vrai enjeu c’est de consi­dé­rer toute la vie du produit, depuis l’ex­trac­tion des matières premières jusqu’à sa vie de déchets. On ne compte donc pas que ce qui est réalisé sur le sol euro­péen mais tout ce qui concourt à la vente ou son achat sur notre sol, direc­te­ment ou indi­rec­te­ment.

    Bref, on pour­rait, avec un peu de volonté.

    On peut commen­cer par des normes exces­si­ve­ment basses, qui fina­le­ment sont respec­tées quasi­ment partout en Europe. On évite­rait donc trop de débat interne.

    Voilà d’un coup que les normes écolo­giques et sociales des pays euro­péens devien­draient un avan­tage écono­mique sur leur marché (nous les respec­tons déjà, nous rédui­sons l’avan­tage concur­ren­tiel de réali­ser les mêmes biens et services sans prendre en compte les impacts écolo­giques et sociaux de façon délo­ca­lise).

    Ça favo­ri­se­raient en même temps la montée sociale et écolo­gique des autres pays au lieu de favo­ri­ser leur exploi­ta­tion (ça coute encore proba­ble­ment moins cher de produire ailleurs dans le monde, mais ça leur impose quand même d’éle­ver leurs pratiques s’ils veulent parti­ci­per, géné­rant une concur­rence vers le haut).

    Charge à nous ensuite de monter ces normes au fur et à mesure, année après année.


    De quoi je parle ?

    • Le nombre de kilo­mètre parcouru sur toute la vie du produit, matières premières incluses
    • Le carbone généré
    • Un revenu mini­mum absolu, rela­tif au prix des denrées et services primaires locaux, ou rela­tif au revenu moyen, pour tous les sala­riés et pres­ta­taires concer­nés, directs et indi­rects
    • Pour les mêmes travailleurs, des garan­ties sur l’ac­cès aux soins, les filets de sécu­rité, la non discri­mi­na­tion, la liberté syndi­cale, etc.
    • L’im­pact écolo­gique de produc­tion en terme de rejets toxiques, de trai­te­ment, de protec­tion des milieux natu­rels
    • L’im­pact écolo­gique en terme de recy­clage
    • La durée de vie moyenne du produit ou la période garan­tie
    • La répa­ra­bi­lité du produit

    Ce ne sont que des grands sujets, c’est forcé­ment très flou juste pour exemple, mais si nous arri­vons à même imagi­ner avan­cer sur un socle vrai­ment mini­mum-mini­mum qui se conver­tisse en loi euro­péenne sur tous les produits et services vendus en Europe, ça serait énorme.


    En pratique chacun auto-certi­fie ses propres actions et se charge de deman­der les mêmes certi­fi­ca­tions de la part de tous ses four­nis­seurs, qui eux-même devront faire de même pour s’auto-certi­fier.

    Évidem­ment il y aura plein de faux dans la chaine. Je ne demande même pas d’obli­ga­tion de résul­tat, juste d’obli­ga­tion de moyens et d’at­ten­tion.

    À chacun de mettre en œuvre des mesures raison­nables et crédibles pour s’as­su­rer de la véra­cité et de la vrai­sem­blance des garan­ties de ses four­nis­seurs, et être respon­sable en cas de problème mani­feste, de problème connu, ou de manque de contrôle en cas de défaillance à répé­ti­tion.

    C’est peu, mais c’est juste énorme par rapport à l’(in)exis­tant et ça ouvre la voie à des pour­suites en justice pour les maillons euro­péens qui ne jouent pas assez le jeu sur le contrôle et les garan­ties sur toute leur chaîne amont.


    Suis-je tota­le­ment à l’ouest ? Ça me parait à la fois faisable tech­nique­ment, respec­tueux des trai­tés inter­na­tio­naux pour­tant très libé­raux, béné­fique à notre écono­mie, et béné­fique à notre situa­tion sociale et écolo­gique comme à celle des pays qui sont aujourd’­hui nos poubelles à ce point de vue.

    J’ai pu louper plein de choses, y compris de l’évident, mais du coup je veux bien vos lumières.

  • [Lecture] Dette: la sonnette d’alarme est tirée

    Rien, en effet, n’ex­prime mieux la faillite de la gouver­nance mondiale que d’avoir aban­donné la gestion des consé­quences de la crise à ceux qui avaient contri­bué à en créer les condi­tions par une poli­tique moné­taire systé­ma­tique­ment biai­sée en faveur de l’injec­tion de monnaie.

    « Appren­tis sorciers », les diri­geants des prin­ci­pales banques centrales, à commen­cer par la Réserve fédé­rale des États-Unis, appa­raissent surtout comme des pompiers pyro­manes. Leur réponse à la crise d’un modèle de crois­sance fondé sur l’en­det­te­ment expo­nen­tiel des prin­ci­paux agents écono­miques, publics et privés, aura été de doubler ou tripler la mise, les préten­dus « gardiens de la monnaie » trans­for­mant en quelques années les bilans de leurs véné­rables insti­tu­tions en gigan­tesques fonds spécu­la­tifs, gorgés d’ac­tifs de qualité souvent douteuse (voir graphique ci-dessous). De 2007 à 2017, les actifs des banques centrales des pays du G7 ont bondi de 3 000 à près de 15 000 milliards de dollars. « La dimen­sion de la bulle créée par la poli­tique de taux d’in­té­rêts néga­tifs et d’as­sou­plis­se­ment quan­ti­ta­tif a conduit Bill Gross à compa­rer la situa­tion finan­cière actuelle à l’émer­gence d’une super­nova, l’ex­plo­sion massive qui se produit à la fin du cycle de vie d’une étoile », écrivent les auteurs.

    « La pompe à phynance » du G7. © yardeni.com

    Toute­fois, la dette n’est que virtuelle, de même que la valo­ri­sa­tion des actifs. Tout ça n’est que du papier.

    Notre société est riche. Riche en compé­tence, en savoir faire, mais  aussi en produc­tion et en ressources.

    La dette, fina­le­ment, c’est surtout une préoc­cu­pa­tion par peur de faire écla­ter le système en cours. Par quoi le rempla­ce­rait-on ? Qui y gagne­rait ? Il est certain que les plus riches et ceux qui maîtrisent actuel­le­ment la gouver­nance ont tout à y perdre. Il est évident que la tran­si­tion vers autre chose se fera dans la douleur pour tous, et peut-être encore plus pour les plus faibles.

    On peut tenter d’y réflé­chir, ou attendre d’être au pied du mur.

  • De l’im­por­tance des indi­ca­teurs

    Les Déco­deurs du jour­nal Le Monde font un retour sur la situa­tion à la fin du mandat de François Hollande.

    Je ne discu­te­rai pas des chiffres eux même, chacun se fera son avis. Ce qui me gêne c’est qu’on parle unique­ment d’in­di­ca­teurs écono­miques : crois­sance, chômage, défi­cit, pouvoir d’achat, consom­ma­tion, propriété, entre­prises.

    Je crois que c’est la diver­gence majeure que j’ai avec les poli­tiques centristes : Je ne crois pas que le but ultime soit de faire fonc­tion­ner l’éco­no­mie. Les citoyens ne sont pas au service de l’éco­no­mie. Ce devrait être l’in­verse.

    Je veux voir des indi­ca­teurs comme le taux de pauvreté, comme le nombre d’ex­clus ou de sans abri,  l’ac­cès à l’eau, à l’ali­men­ta­tion, à la santé, voire comme l’ef­fi­ca­cité des soins et la fréquence de refus des soins pour des raisons finan­cières, le niveau d’édu­ca­tion, les liber­tés civiles, celle de la presse, la démo­cra­tie, ou même un indi­ca­teur de qualité de vie et de bonheur.

    Ce n’est pas une lubie d’idéa­liste. On peut tout à fait amélio­rer les indi­ca­teurs écono­miques cités en haut en dégra­dant les indi­ca­teurs sociaux cités en bas. Ça a d’ailleurs été le cas dans d’autres pays autour de nous pour résoudre le chômage : créer des travailleurs pauvres avec une soli­da­rité mini­mum.

    Tant qu’on évaluera nos poli­tiques avec des indi­ca­teurs pure­ment écono­miques, ne nous éton­nons pas si la solu­tion est de privi­lé­gier les entre­prises par rapport aux gens.

  • PIB, crois­sance, bonheur, mais surtout écolo­gie

    J’avais déjà abordé la ques­tion des gestion­naires. Aujourd’­hui je m’in­té­resse à deux critères au niveau poli­tique : Le bonheur des gens et l’éco­lo­gie. En fili­grane derrière je parle d’iné­ga­lité, de soli­da­rité, d’édu­ca­tion, de services publics, d’in­fra­struc­tures, de mutua­li­sa­tion, de règle­men­ta­tion dras­tiques sur la pollu­tion et de réduc­tion de la consom­ma­tion d’éner­gie.

    C’est certai­ne­ment ridi­cule et tota­le­ment naïf pour ceux qui promeuvent une vision écono­mique, mais je ne vois pas une seconde comment deman­der plus de travail à du person­nel soignant en hôpi­tal qui se dit épuisé et qui a déjà une duré de vie ampu­tée de 7 ans à cause de ça.

    J’ai deux vidéos à vous montrer. La première n’est qu’une intro­duc­tion mais est impor­tante. Dites-moi en sortant de la seconde comme vous pouvez ne pas tout centrer sur le bonheur et l’éco­lo­gie ?

    * * *

    Bref, en ce moment des candi­dats qui parlent bonheur et écolo­gie, il n’y en a pas 150 malheu­reu­se­ment. S’il n’y en a aucun de parfait, il y en a par contre plusieurs qui ne s’en préoc­cupent qu’à la marge, ou dont ce n’est pas la prio­rité assu­mée.

  • Du plafon­ne­ment des indem­ni­tés prud’­hom­males

    E. Macron reprend encore l’idée du plafon­ne­ment des indem­ni­tés prud’­hom­males en cas de licen­cie­ment.

    L’idée c’est de limi­ter la respon­sa­bi­lité de l’en­tre­prise quand elle viole la loi ou le contrat de travail. En creux ça veut aussi dire que la victime de ces illé­ga­li­tés ne serait pas indem­ni­sée à hauteur du préju­dice. C’est déjà la partie la plus faible des deux mais tant pis pour elle si elle est victime, à elle d’as­su­mer.

    Je ne comprends même pas dans quel monde on peut imagi­ner ça légi­time ou même souhai­table. Quelqu’un m’ex­plique ?

    * * *

    Qu’on ne me dise pas que les plafonds sont étudiés en fonc­tion de cas pratiques et ne chan­ge­ront rien en réalité. Si ça ne chan­geait rien, il n’y aurait pas besoin de les mettre en œuvre.

    Lors des discus­sions précé­dentes le ministre avait dit faire en sorte que le plafond corres­ponde en théo­rie à la moyenne des indem­ni­sa­tions de la caté­go­rie. Par défi­ni­tion ça veut dire qu’à peu près la moitié des indem­ni­sa­tions sont réduites, mais que les autres ne sont pas augmen­tées pour autant. Bref, ça change, et pas qu’un peu.

    En pratique je me rappelle que dans mon cas il était prévu que le plan­cher d’in­dem­ni­sa­tion mini­mum de 6 mois de salaire devienne un plafond d’in­dem­ni­sa­tion maxi­mum. Je ne sais pas vous mais pour moi ça chan­geait tout.

    * * *

    Je n’achète pas non plus l’ar­gu­ment d’amé­lio­ra­tion de l’ef­fi­ca­cité et des délais. Quand les parties sont d’ac­cord il y a déjà un proces­sus de conci­lia­tion avec des barèmes de réfé­rence. Si on cherche à faire des plafonds c’est bien que ça ne fonc­tionne pas.

    Il faudra toujours juger qui a raison, et évaluer le dommage (ce serait un plafond, pas un forfait). Les délais seront toujours énormes rien que pour obte­nir la première audience de conci­lia­tion qui ne sert à rien. Si on veut raccour­cir les délais il y a de quoi faire, et ça ne se joue pas sur les montants des indem­ni­tés.

    * * *

    Si la mesure est soute­nue c’est surtout pour les entre­prises, pour faci­li­ter le calcul qu’elles font déjà : « si je licen­cie alors que je n’ai pas le droit, combien ça va me coûter ».

    Là il s’agit non seule­ment de sécu­ri­ser finan­ciè­re­ment une action qu’on sait déjà illé­gale, mais en plus d’en dimi­nuer le montant.

    De là à dire qu’on fragi­lise les droits et qu’on renforce l’en­tre­prise face au sala­rié, il n’y a qu’un pas. Et ‘op, je le fran­chis.

    * * *

    Le dernier argu­ment c’est celui du pauvre gérant de TPE qui fait des erreurs de bonne foi.

    Outre que le plafon­ne­ment couvre surtout tous les autres cas, j’ai toujours du mal à voir pourquoi ce serait au sala­rié d’as­su­mer l’er­reur et de payer le dommage créé par son employeur, fut-il de bonne foi.

    En cette période de chômage de masse le sala­rié (lui aussi souvent pauvre) est-il à ce point en posi­tion aisée pour qu’on doive lais­ser les consé­quences à sa charge ?

    Aidons ces gérants de TPE via une ligne de support juri­dique, propo­sons-leur une assu­rance gérée par le privé ou par l’État pour gérer ce genre de problèmes, mais en aucun cas il n’est légi­time de faire payer la victime qui est déjà celle qui est le plus en posi­tion de faiblesse.

     

    * * *

    Tout ça répond à une seule logique bien connue du libé­ra­lisme contem­po­rain : Il faut privi­lé­gier l’en­tre­prise sur l’in­di­vidu, l’en­tre­pre­neur sur le sala­rié, l’éco­no­mie sur la vie person­nelle. L’idéo­lo­gie jamais confir­mée dans l’his­toire, c’est que ça profi­tera in fine à la popu­la­tion, quitte à sacri­fier quelques années voire quelques géné­ra­tions le temps que ça s’équi­libre.

    Merci mais non merci.

  • The reso­lu­tion of the Bitcoin expe­riment

    I’ve spent more than 5 years being a Bitcoin deve­lo­per. The soft­ware I’ve writ­ten has been used by millions of users, hundreds of deve­lo­pers […]

    The funda­men­tals are broken and whate­ver happens to the price in the short term, the long term trend should proba­bly be down­wards. I will no longer be taking part in Bitcoin deve­lop­ment and have sold all my coins.

    — Mike Hearn

    On y parle un peu de ques­tions tech­niques mais on se rend compte aussi que fina­le­ment les projets sont extrê­me­ment dépen­dants des humains.

    Quel est l’ave­nir souhaité pour le projet ? Il y a-t-il un consen­sus ? Quels en sont les impacts ?

    the block chain is control­led by Chinese miners, just two of whom control more than 50% of the hash power. At a recent confe­rence over 95% of hashing power was control­led by a hand­ful of guys sitting on a single stage.

    CVhkEhtUAAAl0LH[…] Even if a new team was built to replace Bitcoin Core, the problem of mining power being concen­tra­ted behind the Great Fire­wall would remain. Bitcoin has no future whilst it’s control­led by fewer than 10 people. And there’s no solu­tion in sight for this problem: nobody even has any sugges­tions. For a commu­nity that has always worried about the block chain being taken over by an oppres­sive govern­ment, it is a rich irony.

    Rien que ça empêche assez bien d’en­vi­sa­ger un avenir, mais si vous voulez un résumé plus complet :

    Think about it. If you had never heard about Bitcoin before, would you care about a payments network that:

    • Couldn’t move your exis­ting money
    • Had wildly unpre­dic­table fees that were high and rising fast
    • Allo­wed buyers to take back payments they’d made after walking out of shops, by simply pres­sing a button (if you aren’t aware of this “feature” that’s because Bitcoin was only just chan­ged to allow it)
    • Is suffe­ring large back­logs and flaky payments
    • … which is control­led by China
    • … and in which the compa­nies and people buil­ding it were in open civil war?

    I’m going to hazard a guess that the answer is no.