On parle de petites maisons d’édition avec les Éditions Métaillié, mais d’éditeurs qui voient juste. Il semble étonnant que ce soit ces petites maisons d’édition qui ont le plus à perdre et qui risquent toute la société qui avancent le plus rapidement pour jeter les DRM.
Ça ne sert à … rien
Mais en même temps, quand on nous parle de DRM on oublie trop que … ça ne sert à rien : Il faut cinq minutes montre en main pour cracker les DRM Adobe ou Amazon après une brève recherche sur Internet. Mieux, on trouve des modules intégrables à Calibre, l’outil de gestion de bibliothèque numérique personnelle. Une fois installés, on manipule les livres sous DRM comme s’ils étaient sans DRM. Le verrou étant retiré de façon transparente quand on y touche la première fois.
Autant dire que ça ne bloque pas les « pirates », ceux qui veulent faire de la contrefaçon de masse par p2p ou megaupload, ceux dont on nous parle à la télévision pour nous faire peur.
Mais alors on s’en moque ?
Le problème c’est que si ça ne gêne en aucune façon les « pirates », les honnêtes gens souffrent, eux. On les empêche d’extraire les paragraphes qu’ils trouvent intéressant, de lire leur contenu sur leur télévision, de partager un livre à leur fils ou leur parent, et, ce qui suffirait en soi, on rend la procédure d’installation horriblement complexe. Un part importante des retours et des appels au support technique des libraires numérique vient de là : Les DRM.
Encore plus gênant et bien connu, on restreint les usages en annihilant toute pérennité aux contenus.Si les DRM sont simples à supprimer aujourd’hui pour les malhonnêtes, il n’est pas dit que cela reste ainsi quand la question de la pérennité se posera vraiment.
Comme si cela ne suffisait pas, ces solutions coûtent plusieurs dizaines de milliers d’euros uniquement en mise en place, et ajoutent un surcoût à chaque livre supérieur à l’augmentation de TVA tant décriée sur le livre papier.
Mais alors pourquoi ?
Les pirates savent casser le système, les éditeurs savent qu’il n’offre aucune protection, les auteurs savent que c’est une plaie pour les lecteurs, et ces derniers commencent à comprendre que tout cela se fait à leur détriment. Le tout est de comprendre pourquoi nous jouons toujours à ce jeu.
Le problème c’est qu’il reste quelques acteurs pour faire perdurer le système, tout en affichant une communication de façade anti-DRM légèrement résignée. Je parle là des deux gros acteurs dominants que sont Amazon et Apple.
Ils sont les seuls à y gagner, et à encore faire perdurer le système. Il suffirait qu’Amazon commence à faire payer la mise en place du DRM (comme Adobe le fait) afin de compenser les pertes de valeur, l’augmentation du coût du support technique et simplement les investissements de R&D correspondants, pour que d’un coup les éditeurs y réfléchissent à deux fois. Il suffirait que l’un des deux fasse pression comme ils l’ont fait sur la musique pour ne plus accepter que des formats ouverts, pour que les éditeurs finissent pas l’accepter, même s’ils renâcleraient quelques temps.
À la place ils préfèrent sponsoriser le système en offrant le DRM en cadeau qu’on n’ose pas refuser (sinon n’importe quel piratage deviendra la faute du responsable qui a pris cette décision). Leur modèle est celui du client captif et le système du DRM ne fait qu’assoir ce modèle. Le DRM et l’incompatibilité fait partie de leur valeur ajoutée et de leur rentabilité, au point qu’ils tentent d’imposer les DRM l’air de rien tout en prétendant lutter contre et offrir le choix.
Maintenant vous savez.
C’est dommage parce qu’au moins Amazon fait beaucoup pour le livre numérique, et y réussit très bien. Il suffirait qu’ils cherchent l’intérêt du lecteur… mais pour l’instant ce n’est pas leur propre intérêt.
6 réponses à “Mais… pourquoi des DRM ?”
J’ai le sentiment que les DRMs sont une sorte d’alibi permettant aux distributeurs de contenus de rassurer les éditeurs de se lancer dans le numérique en leur promettant que leurs offres seront protégées.
Le milieu de l’édition voit arriver ces nouvelles technologies avec avec un sentiment d’effroi : il est si facile de copier un fichier texte, cela veut dire qu’ils vont être diffusé à tout va et sans possibilité de contrôler ?
Alors, oui, Amazon et Adobe fournissent les outils techniques qui donnent l’illusion à ces éditeurs que tout est sous contrôle et qu’ils peuvent se lancer dans le gouffre numérique sans crainte.
Mais que ce soit pour le cinéma, la littérature ou la musique, il faut que les éditeurs comprennent que désormais on ne paiera pas forcément pour l’accès à l’oeuvre mais essentiellement pour le plaisir que celle-ci aura provoqué chez le spectateur/lecteur/auditeur. N’est-ce pas là la réelle valeur d’une oeuvre ?
Enlever les DRM ET baisser les prix, sinon cela n’empêchera pas le piratage.
Amazon ne met aucune DRM sur ses mp3, je ne vois pas pourquoi c’est lui qui pousserait l’air de rien pour en mettre sur les livres.
Cela rassure certainement les éditeurs, mais je pense vraiment que c’est le prix qui impose les DRM. Baissez le prix, rendez-le légitime, c’est à dire en rapport avec ce que c’est et ce que ça coûte, les DRM tomberont d’elles-mêmes. Et qui bloque sur les prix ? Les éditeurs pardi.
Bon là, d’accord on aborde aussi une autre histoire, celle du rapport de force pour savoir qui va empocher la nouvelle répartition de ce nouveau prix, où Amazon n’est pas très net…
Je ne suis pas certain que la comparaison avec le mp3 soit la bonne. Le marché est différent. La même enseigne peut être pour ou contre les DRM suivant ses propres intérêts, suivant si elle est dominante ou pas, suivant si c’est un marché déjà ouvert ou encore en construction, etc.
Nous sommes pleinement d’accord que nous avons un problème de prix, et que ce problème de prix vient en grande partie des éditeurs. Quand un livre numérique se retrouve plus cher que le poche papier du même titre, c’est injustifiable.
Maintenant clairement tout est fait pour garder un écosystème fermé sur le Kindle. L’histoire de Bragelonne n’est pas non plus sortie d’un chapeau. Le fait qu’il semble (au premières réponses faites par Amazon) que la non information sur la présence de DRM sur la boutique Amazon soit volontaire n’est pas neutre.
Sur un marché encore non installé, où l’innovation est un argument fort, et où on cherche à rentabiliser les investissements matériels et logiciels sur la vente des contenus, retenir le client captif par DRM ou par des formats fermés, fait bien partie de la stratégie. Sur une reflexion purement économique, ils ont bien raison de faire du DRM sur les livres et du format ouvert sur la musique.
Peut être qu’Amazon serait heureux de pouvoir travailler sur des formats ouverts et sans DRM. J’en doute, mais je veux bien l’entendre. Pourtant, même si c’est malgré eux, c’est encore parce qu’ils proposent cela un peu trop facilement qu’on entretient la boucle avec les éditeurs.
C’est quoi l’histoire de Bragelonne ?
Le format propriétaire, oui, avec le matériel propriétaire qui le lit et un environnement tellement bien fait et complet (site, contenu, exhaustivité de choix, prix, qualité de service, cloud, etc.) qu’on n’a pas besoin d’aller voir ailleurs : c’est ça l’écosystème Amazon. Le DRM là-dedans, vous croyez qu’ils en ont besoin ?
J’ai même l’impression que la notion de DRM pourrait bientôt évoluer vers une notion de « cookie » qui n’empêcherait pas un usage mais qui renseignerait sur les usages.
La question de Bragelonne est entre autres résumée sur http://readingandraytracing.blogspot.com/2011/11/insatisfait-par-les-reponse-amazon.html
Quand Amazon déclare que le text to speech l’oblige à mettre en place des DRM, je ne peux pas croire qu’il s’agisse d’une contrainte technique totalement décorrélée d’un choix stratégique au départ.
Sinon, oui, DRM, système fermé, format propriétaire, pour moi c’est la même logique, effectivement.
Savoir s’il en ont besoin, c’est une position stratégique à laquelle il n’est pas facile de répondre. On pourrait provoquer en disant qu’ils n’en ont plus besoin, ou que c’est une assurance que des gens comme Kobo ou B&N ne gênent pas la position dominante.
Il faut bien voir que ces questions de DRM ne favorisent que les dominants. Dire que les dominants n’en ont pas besoin c’est un peu opposé.
Tout n’est pas noir ou blanc (merci à sebago qui m’a rappelé ça aujourd’hui), mais oui, je crois bien que si le DRM n’est pas souhaité en tant que tel (ce qui reste à voir), il est présent parce que tout à fait dans la stratégie globale d’écosystème fermé et intégré (qui oui : est excellent en terme de qualité et d’excellence technique).
[…] Ok. À titre personnel je n’aime pas les DRM. Il faut quelques minutes pour cracker un DRM classique d’ebook, et on trouve même presque sans chercher des outils qui le font de façon transparente. Quand bien même cela fonctionnait, je doute que ce qu’on en attend puisse à mon humble avis peser plus lourd dans la balance que les dégâts d’interopérabilité et de pérennité que le système occasionne. Bref, pourquoi jouer à ça ? […]