Depuis quand est-ce acceptable d’attendre 4 à 7 heures aux urgences d’un hôpital ?
Si la question n’est pas de moi elle résonne très bien dans mon esprit. Ça aurait certainement pu arriver il y a 30 ans, mais je ne crois sérieusement pas que cela aurait été considéré comme « normal ».
Le tour de force
Quand j’ai posé la question autour de moi on m’a parlé catégorisation des urgences, de priorisation, de la surcharge des services avec des urgences non vitales, de ce que devrait être le travail d’un médecin urgentiste, de la possibilité de donner des anti-douleurs pour aller voir le lendemain son médecin généraliste quand ce n’est pas vital, etc.
Au final toutes ses réponses reviennent au même dans mon esprit : Nous catégorisons et nous justifions la baisse de qualité du service globale par la nécessité de traiter correctement la catégorie la plus vitale.
Cela revient simplement à dire que nous manquons de moyen pour traiter tout le monde correctement. Le tour de force communicationnel est d’être arrivé à ce que les conséquences de ce manque de moyen soit considéré comme « normal ».
Non ce n’est pas normal
Parce que non ce n’est pas normal. Que ça puisse arriver exceptionnellement à cause d’une affluence imprévisible je ne le nie pas. Que ce soit fréquent ou normal ça je ne peux pas être d’accord.
S’il y a du mauvais routage il doit être détecté et renvoyé ailleurs lors de l’accueil. Bien évidemment il n’est pas acceptable qu’un service d’urgence mette plusieurs heures avant de qualifier une arrivée. Visiblement ça arrive tout de même.
Expérience perso: j’ai attendu 4h une radio qui détecta un pneumothorax. Je suis passé de l’étiquette verte au bloc opé en 10min — Cyprien
Il n’est pas non plus normal d’attendre plusieurs heures après ce premier tri. Si le cas est jugé « retournez chez vous » ou « prenez rendez vous chez votre médecin pour la semaine prochaine » alors la question ne se pose pas. Si par contre le cas doit être traité avant de renvoyer le patient chez lui, alors attendre 4 ou 7 heures n’est probablement pas acceptable et ne doit donc pas être « normal » (dans le sens « non exceptionnel).
De la dégradation du service public
Vraisemblablement le délai d’attente aux urgence s’est allongé à un point qui n’aurait pas été jugé acceptable par le passé, et qui doucement est devenu plus fréquent au point qu’il soit considéré désormais comme « normal ».
Ce n’est pas un cas isolé. À mon arrêt de métro il y avait la place pour trois guichets de vente et conseil. Je suppose qu’à un moment il y avait eu trois personnes ou qu’au moins ça avait été envisagé. Je l’ai vu avec deux deux personnes aux heures de pointes, puis c’est passé à une seule. Par la suite ils ont fait des travaux et il n’y a plus physiquement qu’un seul guichet. Au fur et à mesure plusieurs employés se sont mis à refuser de vendre et ne faisant plus que le conseil et redirigeant vers les machines. Maintenant cet employé unique est aussi le gérant de la station donc souvent absent du guichet et inaccessible en cas de besoin. Je crois même avoir vu une station sans aucun guichet où on conseille désormais de se rendre à une autre station si on a besoin de quelqu’un. Tout ça en cinq ans à peine.
Pour La Poste c’est pareil. Je ne parle pas que du temps d’attente mais aussi du nombre d’agences en diminution, des horaires qui se réduisent, du nombre de tournées qui est passé de trois historiquement sur Paris à deux, puis à une seule. Maintenant on me donne même des avis de passage pré-remplis sans sonner à l’interphone pour tenter de me remettre le colis ou le recommandé. On entend aussi des gens parler de facteurs qui font parfois des demies tournées en stockant le courrier non important de l’autre moitié pour le donner le lendemain. Je ne serai pas étonné d’entendre demain La Poste proposer une tournée un jour sur deux seulement pour les courriers simples des particuliers.
On peut malheureusement multiplier facilement les exemples dans tous ou presque les services publics qui ont un accueil.
De la source du problème
Il ne s’agit pas de critiquer la prise en charge ou de prétendre réorganiser l’hôpital. Sans aucun doute possible, d’autres aspects du traitement des urgences ont sensiblement progressé dans le même temps : la technicité, l’efficacité, ou le nombre de problèmes couverts par exemple. Très probablement la nécessité de cette attente augmentée découle d’un choix politique d’affectation de moyens financiers ou humains, ou de priorités dans l’utilisation de ces moyens.
Je ne connais pas le domaine, la cause peut être autre (ou multiple) dans le cas des urgences. Par contre que ce problème de régression soit général m’incite à penser que c’est aussi un choix de société. C’est un choix non explicite, probablement non subi et non souhaité, mais un choix tout de même.
Voici la question qui résonne encore chez moi : Depuis quand est-ce acceptable ?
Implicitement : Est-ce réellement une bonne chose, ne pourrions-nous pas faire d’autres choix pour notre service public ?
Si vous voulez discutez de la pertinence de mon exemple d’urgence, de ce qu’est une urgence, de la justification des heures d’attente ou de leur légitimité, il y aura un autre billet. Merci de retenir vos commentaires à ce sujet pour ne pas mélanger les réflexions.
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