Pour réagir plus précisément sur les dysfonctionnement aux urgences, je peux en parler un peu, j’ai un peu suivi un service d’urgences pendant quelques années.
A l’entrée a été instauré l’IOA : l’infirmier d’accueil et d’orientation qui est en charge d’évaluer l’urgence des soins à apporter au patient, pas de diagnostiquer : le diagnostic est réservé au médecin. La principale difficulté là est de déterminer l’urgence à l’oeil et de réussir à convaincre des visiteurs d’aller voir leur médecin traitant (car les urgences ont une quasi obligation d’accueillir tous ceux qui se présentent de jour comme de nuit).
Puis quand on est aux urgences, il y a pleins de box de bobologie, quelques box de trauma (les vrais urgences), et le couloir… Là, ce qu’on y fait c’est être ausculté par un médecin, une infirmière, … et attendre… Attendre que qqn vienne vous traiter, attendre un résultat bio, attendre une place en radio, attendre le compte rendu radio
Chacune de ses attentes peut se justifier :
– attendre que qqn vienne traiter le patient : évidemment qu’il faut attendre un minimum de temps pour qu’un médecin vienne vous ausculter car il a : ausculté un autre patient avant, cherché une place dans un service, cherché à avoir une place en radio, cherché à recevoir rapidement un résultat bio, répondu à 3 demandes d’autres services concernant des anciennes venues, et tenter de rédiger les documents administratifs (compte rendu, transfert, diagnostics)… Idem pour les infirmiers et aide soignants qui font tout ce que le médecin ne fait pas : prise de sang, des constantes, …
– attendre un résultat bio, une place en radio, un compte rendu radio : dans un hôpital, il y a 4 gros demandeurs de plateau techniques : les urgences, les services d’hospitalisation, les blocs opératoire, les consultations, et les urgences. Et parmi tout ces cas, il y a un nombre constant d’imprévisibles et des cas toujours plus urgents (« on attend le résultat pour le bloc », AVC, …) bref, les plateaux techniques font avec ce qu’ils ont pour répondre à toutes les demandes dans l’urgence la plus adéquat. Sans compter la durée incompressible de certains examens (qd un examens dure 1h, pas facile d’attendre moins d’une heure) et le fait qu’on leur impose de « remplir » au maximum le planning pour amortir, justifier le matériel et le personnel (difficile pour un service de justifier l’utilisation d’un scanner, un appareil de laboratoire à 80% « au cas où il y a des urgences… »)
Les urgences doivent alors gérer un flux non maîtrisé d’entrées et un flux non maîtrisé de sortie (on garde le patient le temps de recevoir les résultats). N ‘importe quel chef de projet le reconnaîtra : pas facile de gérer un service qui ne maîtrise ni ses entrées, ni ses sorties…
On a pallié plus ou moins bien l’inconstance en entrée par un IOA et le SAMU qui régule plus ou moins les arrivées (oui le SAMU au téléphone joue aussi un rôle de régulateur). Reste à pallier l’inconstance des sorties, c’est à dire : les places en hospitalisation, la vitesse de rendu des résultats des examens. Et là, y a pas à chercher loin : il faut investir en lit, en machine, donc en personnel.
Aujourd’hui, et ce depuis plusieurs années (+15ans) nous sommes en mode « économie », c’est à dire qu’un investissement doit (normalement…) être justifié et indispensable. Et on voit bien que cet investissement est rare : de moins en moins de personnel, des moyens qui se restreignent, etc.
La raison en est simple : l’investissement permet une amélioration de la qualité de service, mais par conséquent le nombre d’usagers à ce service augmentera tout autant. Là où ça ne gêne en rien les services payants (transport public par ex), il n’en pas de même pour les services (presque) gratuits comme la santé : la Sécu investit pour améliorer le traitement de 1000 personnes qui viennent aux urgences, le service des urgences devient alors bon, ça se fait savoir, et le service doit alors faire face à l’arrivée de 2000 personnes qui espèrent toutes bénéficier de la même qualité de services que pour 1000 personnes.
Aujourd’hui les instances dirigeantes font un choix risqué entre investissement et risque sanitaire et nous en subissons les désagréments. Il y a des choses pour lesquelles on ne peut pas économiser, mais il faut également éviter d’en abuser, et je pense que c’est l’abus de santé (on vient aux urgences pour une grippe) qui devrait être remis en question. Malheureusement en France, on est têtu et on veut faire ce qu’on veut!

Et pour réagir à un propos : dans les hôpitaux la notion de « Direction de la Clientèle » existe depuis pas mal de temps… c’est ce qui oppose la vision administrative de la vision soignante.