[Santé] La réalité est complexe

Pour éviter de payer trop de coti­sa­tions sociales il suffit d’ar­rê­ter de rembour­ser la bobo­lo­gie et les gaspillages, ou au moins de mettre une fran­chise de 1 ou 2 € pour respon­sa­bi­li­ser le patient et éviter qu’il ne consulte pour rien. Non ?

La réalité est plus complexe que ça.

En n’al­lant pas consul­ter avant que ce ne soit grave, parfois on évite de consul­ter pour rien… et parfois on empêche de détec­ter un vrai problème à temps, ou d’em­pê­cher que juste­ment ça ne devienne grave.

L’ef­fet est malheu­reu­se­ment connu, étudié et publié(*). Vouloir limi­ter les rembour­se­ments soins aux cas graves finit par coûter plus cher à la collec­ti­vité que de rembour­ser tota­le­ment les soins léger à tous. Bien entendu, au passage, on a dégradé la santé des plus pauvres. L’équi­libre n’est pas qu’é­co­no­mique, il est aussi au niveau humain.

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Au moins pour­rait-on éviter de rembour­ser les médi­ca­ments qui n’ont que peu d’ef­fet, au moins les place­bos type homéo­pa­thie, Non ?

Même ce qui semble évident ne l’est pas tant que ça.

Parfois ne pas avoir ce médi­ca­ment peu effi­cace ou ce placebo, c’est se finir par en donner un autre, peut-être plus cher, peut-être avec des risques d’ef­fets secon­daires à préve­nir ou à trai­ter. Ce peut aussi être voir le patient faire une seconde consul­ta­tion ailleurs pour obte­nir une ordon­nance. C’est aussi oublier que le placebo a aussi un effet réel sur le patient, même s’il est d’ori­gine psycho­lo­gique. Les méde­cins sont humains, et ils gèrent des enjeux humains qui ne se traduisent pas si faci­le­ment par de simples calculs.

Bref, ne pas payer pour ce qui ne sert à rien peut au final coûter plus cher, aussi bien finan­ciè­re­ment qu’en terme de santé.

* * *

Mais on peut au moins réduire les gaspillages admi­nis­tra­tifs dans la CPAM et dans les hôpi­taux, non ?

Devi­nez : C’est plus complexe que ça.

Là aussi il y a un équi­libre. Faut-il plus de souplesse et donc avoir quelques gaspillages et une utili­sa­tion moins stricte des finances ? ou faut-il contrô­ler, mettre des proces­sus de ratio­na­li­sa­tion au risque de payer les contrôle, ajou­ter de l’ad­mi­nis­tra­tif, ne pas gérer les cas qui sortent des cases pré-établies ?

L’équi­libre n’est pas évident, et a aussi un impact sur la qualité et le niveau des soins eux même. Tout tend à démon­trer qu’on est allé trop loin dans la ratio­na­li­sa­tion des hôpi­taux, dans les contrôles des méde­cins et dans la mise en cases admi­nis­tra­tives au niveau de la CPAM. Pour­tant ceux qui veulent écono­mi­ser en ajou­tant souplesse et simpli­cité sont les mêmes que ceux qui veulent éviter les gaspillages en bobo­lo­gie. Il va falloir choi­sir.

* * *

J’in­siste aussi : Pour ajou­ter à la complexité, il ne suffit pas de trou­ver l’op­ti­mum écono­mique. Les choix écono­miques ont aussi un impact sur le niveau de santé, sur le niveau de soli­da­rité.

Trou­vez l’op­ti­mum écono­mique au risque d’une baisse raison­nable du niveau de soins dans l’hô­pi­tal public rural. Peut-être que les plus aisés se paie­ront le trajet vers une clinique privée plus loin au lieu d’al­ler à l’hô­pi­tal public local. L’hô­pi­tal public local ayant moins de volume, on y ferme la mater­nité locale dont les coûts fixes seraient trop impor­tants.

Tout le monde, plus riches inclus, verra le niveau de soin bais­ser moins raison­na­ble­ment que prévu : un peu à cause des temps de trajet en urgence, un peu à cause de l’in­ca­pa­cité d’al­ler voir ses proches aussi faci­le­ment qu’à l’hô­pi­tal local, et beau­coup à cause des risques de compli­ca­tion en cas de problème urgent faute de mater­nité locale.

Au passage, même si ça ne se verra pas sur les comptes de l’hô­pi­tal, tout le monde paiera aussi plus cher qu’i­ni­tia­le­ment : à cause des distances nette­ment allon­gées, autant pour les patients que leur famille ou que les pompiers et ambu­lances, à cause des jour­nées de congé pour faire le trajet, à cause des frais d’au­to­route, à cause de l’ab­sence de trans­port en commun pour aller si loin, etc.

L’exemple donné n’est pas si théo­rique que ça.

* * *

Bref, Non notre système n’est pas parfait. Oui on peut amélio­rer les choses. Oui on doit conti­nuer à le faire, et à tester d’autres solu­tions.

Main­te­nant la réalité est complexe et les solu­tions qui semblent évidentes ou de bon sens peuvent parfois bien dété­rio­rer les choses.

Le fait est que notre couver­ture de santé est plutôt dans le tout haut du panier par rapport à qui se fait ailleurs, pour un coût total plutôt infé­rieur à la plupart des pays occi­den­taux (atten­tion à bien addi­tion­ner ce qui est payé par les orga­nismes publics mais aussi ce qui est payé à titre privé), et pour ce prix on a une soli­da­rité certes impar­faite mais qui là aussi est loin d’être dégueu­lasse par rapport à ce qui existe ailleurs.

 

(*) Je n’ai pas les liens sous la main. Je me rappelle au moins une publi­ca­tion offi­cielle du Canada et une du Royaume Uni, ainsi que d’autres études. Si quelqu’un retrouve certains de ces liens, je suis preneur.


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Commentaires

2 réponses à “[Santé] La réalité est complexe”

  1. Avatar de Éric
    Éric

    Et pour compléter, au moins sur l’hôpital, on a très largement dépassé le point où les économies et la rationalisation sont contre-productives. C’est vrai au niveau humain chez les personnels soignants, au niveau administratif et financier, et bien entendu au niveau de la qualité des soins.

  2. […] pire c’est que ça finit par coûter plus cher à la collectivité en plus d’être un désastre pour les […]

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