Pour éviter de payer trop de cotisations sociales il suffit d’arrêter de rembourser la bobologie et les gaspillages, ou au moins de mettre une franchise de 1 ou 2 € pour responsabiliser le patient et éviter qu’il ne consulte pour rien. Non ?
La réalité est plus complexe que ça.
En n’allant pas consulter avant que ce ne soit grave, parfois on évite de consulter pour rien… et parfois on empêche de détecter un vrai problème à temps, ou d’empêcher que justement ça ne devienne grave.
L’effet est malheureusement connu, étudié et publié(*). Vouloir limiter les remboursements soins aux cas graves finit par coûter plus cher à la collectivité que de rembourser totalement les soins léger à tous. Bien entendu, au passage, on a dégradé la santé des plus pauvres. L’équilibre n’est pas qu’économique, il est aussi au niveau humain.
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Au moins pourrait-on éviter de rembourser les médicaments qui n’ont que peu d’effet, au moins les placebos type homéopathie, Non ?
Même ce qui semble évident ne l’est pas tant que ça.
Parfois ne pas avoir ce médicament peu efficace ou ce placebo, c’est se finir par en donner un autre, peut-être plus cher, peut-être avec des risques d’effets secondaires à prévenir ou à traiter. Ce peut aussi être voir le patient faire une seconde consultation ailleurs pour obtenir une ordonnance. C’est aussi oublier que le placebo a aussi un effet réel sur le patient, même s’il est d’origine psychologique. Les médecins sont humains, et ils gèrent des enjeux humains qui ne se traduisent pas si facilement par de simples calculs.
Bref, ne pas payer pour ce qui ne sert à rien peut au final coûter plus cher, aussi bien financièrement qu’en terme de santé.
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Mais on peut au moins réduire les gaspillages administratifs dans la CPAM et dans les hôpitaux, non ?
Devinez : C’est plus complexe que ça.
Là aussi il y a un équilibre. Faut-il plus de souplesse et donc avoir quelques gaspillages et une utilisation moins stricte des finances ? ou faut-il contrôler, mettre des processus de rationalisation au risque de payer les contrôle, ajouter de l’administratif, ne pas gérer les cas qui sortent des cases pré-établies ?
L’équilibre n’est pas évident, et a aussi un impact sur la qualité et le niveau des soins eux même. Tout tend à démontrer qu’on est allé trop loin dans la rationalisation des hôpitaux, dans les contrôles des médecins et dans la mise en cases administratives au niveau de la CPAM. Pourtant ceux qui veulent économiser en ajoutant souplesse et simplicité sont les mêmes que ceux qui veulent éviter les gaspillages en bobologie. Il va falloir choisir.
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J’insiste aussi : Pour ajouter à la complexité, il ne suffit pas de trouver l’optimum économique. Les choix économiques ont aussi un impact sur le niveau de santé, sur le niveau de solidarité.
Trouvez l’optimum économique au risque d’une baisse raisonnable du niveau de soins dans l’hôpital public rural. Peut-être que les plus aisés se paieront le trajet vers une clinique privée plus loin au lieu d’aller à l’hôpital public local. L’hôpital public local ayant moins de volume, on y ferme la maternité locale dont les coûts fixes seraient trop importants.
Tout le monde, plus riches inclus, verra le niveau de soin baisser moins raisonnablement que prévu : un peu à cause des temps de trajet en urgence, un peu à cause de l’incapacité d’aller voir ses proches aussi facilement qu’à l’hôpital local, et beaucoup à cause des risques de complication en cas de problème urgent faute de maternité locale.
Au passage, même si ça ne se verra pas sur les comptes de l’hôpital, tout le monde paiera aussi plus cher qu’initialement : à cause des distances nettement allongées, autant pour les patients que leur famille ou que les pompiers et ambulances, à cause des journées de congé pour faire le trajet, à cause des frais d’autoroute, à cause de l’absence de transport en commun pour aller si loin, etc.
L’exemple donné n’est pas si théorique que ça.
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Bref, Non notre système n’est pas parfait. Oui on peut améliorer les choses. Oui on doit continuer à le faire, et à tester d’autres solutions.
Maintenant la réalité est complexe et les solutions qui semblent évidentes ou de bon sens peuvent parfois bien détériorer les choses.
Le fait est que notre couverture de santé est plutôt dans le tout haut du panier par rapport à qui se fait ailleurs, pour un coût total plutôt inférieur à la plupart des pays occidentaux (attention à bien additionner ce qui est payé par les organismes publics mais aussi ce qui est payé à titre privé), et pour ce prix on a une solidarité certes imparfaite mais qui là aussi est loin d’être dégueulasse par rapport à ce qui existe ailleurs.
(*) Je n’ai pas les liens sous la main. Je me rappelle au moins une publication officielle du Canada et une du Royaume Uni, ainsi que d’autres études. Si quelqu’un retrouve certains de ces liens, je suis preneur.
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