Ce qui me paraît le plus significatif dans les articles sur les émeutes londoniennes c’est le demi soutien de la population aux acteurs de l’émeute. Seules les conséquences sur les (petits) commerces semblent faire barrage.
Je retrouve ce que j’avais vécu lors des émeutes de Gare du Nord en 2007 : Le parti pris par défaut des gens n’est pas pour les émeutiers, mais clairement contre les forces de l’ordre. Tout ce qui peut être fait par ces derniers est forcément vu comme anormal, inacceptable, abusif. Tout ce qui peut leur arriver est vu comme mérité, voire soutenu.
La défiance n’est pas d’hier
Il y a toujours eu une défiance entre les individus et les représentants de l’ordre, elle fait même partie du rôle dissuasif de la force publique. Elle atteint toutefois depuis quelques temps une position consensuelle dangereuse.
J’ai peur de ce qui peut arriver dans une société où la population se sent instinctivement contre ceux qui sont censés la protéger. Je ne me permets pas ici de porter un jugement sur la position de chacun. Je me contente de constater que cet état ne peut qu’encourager chaque événement un peu fort à faire boule de neige et terminer en situation grave.
Nos forces de l’ordre ont le choix entre l’excès et l’inaction. L’excès car si l’intervention provoque en elle-même une opposition, elle doit être renforcée en conséquence, et finir plus violente qu’il ne serait nécessaire. L’alternative est l’inaction, en espérant que la situation se résolve d’elle-même. Les deux alternatives mènent à une dégradation sur le long terme, qui s’auto-alimente au fur et à mesure.
N’espérons pas le point de rupture
Si ce n’est une évolution des mentalités, quelle sortie a-t-on si ce n’est subir en attendant le point de rupture ? Le terme de révolution est malheureusement idéalisé dans nos livres scolaires, au point qu’on en oublie qu’il est quasiment toujours associé à la notion de guerre, civile qui plus est.
Même pour ceux qui attendent cette révolution, nous avons bien des moyens de la faire venir sans encourager la montée de la violence policière cumulée à un laissé faire domageable à la société. N’oublions pas que si nous permettons à une situation apaisée de s’installer, il n’appartiendra qu’à nous d’utiliser les politiques pour leur imposer une société différente.
Pensez-y quand vous dépréciez l’activité générale de la police et pas seulement un fait particulier, quand vous contribuez à géolocaliser les radars, quand vous utiliser une application qui piste le chemin des contrôleurs du métro, …. Si individuellement tout ceci est mineur, c’est ainsi qu’on sépare le peuple et ceux qui sont à son service. Rien de bien ne peut en sortir.
7 réponses à “22 v’la les flics”
amalgame du traitement de l’urgence et du long terme. Donc difficile de pouvoir donner une opinion valide.
Qu’entends tu par là ?
La réaction des individus face à une situation d’urgences (manifestation, violence, etc) n’est pas de même nature que la réaction face à une existence d’un système répressif pour certains et régulateurs pour d’autres. La société n’étant pas unidimensionnel, il n’est pas possible de dire « la police fait son travail, c’est tout. » La police fait partie des symboles de l’état. Pour ceux qui sont bénéficiaires de l’état (toi et moi notamment), la police protège nos « intérêts bourgeois. » Pour ceux qui sont exclus du système, la police est un système répressif car il aide à maintenir une régulation qui leur fait violence.
Quant à ce qui est d’aider la police ou les acteurs de l’émeute, je ne pense pas que ce soit si dychotomique. J’ai lu de nombreuses variations d’opinions. Je pense que plus les gens ont à perdre quelque chose dans l’enjeu plus ils vont se ranger du côté qui minimise la perte. (Note que je ne définis pas le côté.) Plus les gens sont distants des événements londoniens et plus notre participation et notre opinion tiennent de la fiction. C’est une histoire que l’on nous raconte, ce ne sont pas des événements que nous vivons.
Les haines réciproques me dérangent profondément. Ce n’est pas le fait de savoir si c’est moral ou pas de voler un magasin. Les grandes entreprises font des choses tout aussi violente en licenciant nombre d’employés du jour au lendemain. Non c’est dans chacun de ces cas les violences et haines qui sont construites entre les communautés.
Quel est le rôle de la police au niveau du citoyen et de la société au quotidien ? L’expression « force de l’ordre » est lourde de sens. Il suffit aussi de contrebalancer tout cela avec nos actions propres. Sommes nous prêts à investir de notre quotidien, de notre personne, de nos moyens financiers, de notre temps pour aider les plus démunis au risque de notre tranquilité.
Il faudrait aussi s’interroger sur les causes de cette dégradation. Deux exemples, loin d’être exhaustifs:
– l’évolution des missions, traduite par celle des mots pour désigner les agents. Des gardiens de la paix aux forces de l’ordre, ce n’est plus tout à fait la même chose. Je te conseille sur le sujet cet article de Benedicte Desforges : http://www.rue89.com/2010/06/0… (il me semble qu’une version plus longue existe sur son blog);
– l’évaluation de l’action policière d’un point de vue uniquement comptable, la fameuse politique du chiffre. Une patrouille peut faire le tour du quartier en faisant juste acte de présence. Cela suffira sans doute à éviter les actes délictuels, mais n’aura pas de répercutions chiffrées directes. Ils peuvent aussi verbaliser les vendeurs à la sauvette, les fumeurs de shit et faire quelques contrôles sur les gens présentant des « signes objectifs d’extraterritorialité » pour essayer de trouver des sans-papiers. Ça sera très bon pour leurs stats (nombreuses affaires, taux d’élucidation de 100%) mais désastreux en terme d’image;
Sur le fond, le point à creuser est à mon avis de savoir si dans les faits, la police est au service du peuple ou d’intérêts personnels / privés (ceux des politiciens qui l’instrumentalise pour élément électoral, ou ceux plus généralement des classes dirigeantes qui l’utilisent pour réprimer toute contestation de l’organisation actuelle de la société).
« Le partipris par défaut des gens n’est pas pour les émeutiers, mais clairement contre les forces de l’ordre. Tout ce qui peut être fait par ces derniers est forcément vu commeanormal, inacceptable, abusif. Tout ce qui peut leur arriver est vu comme mérité,voire soutenu. »
Ton accroche me dérange donc sur le fait que tu mets en relation « j’ai un apriori contre les forces de l’ordre » DONC « je considère que leur comportement est anormal et ce qui leur arrive mérité ». En faisant ainsi, tu nie la reflexion qui a amené à la conclusion en supposant qu’elle découlait forcément de l’apriori. Ce n’est pas forcément le cas.
Ayant personnellement le même apriori, je ne suis pas arrivé à la même conclusion. De même, je concois qu’on puisse arriver à cette conclusion, avec des aprioris différents.Dans une situation de crise comme celle-ci, je ne pense pas qu’on puisse simplifier le problème à qui a raison ou qui a tort et chercher un camp à blâmer.
Cela dit, je rejoins ta conclusion (même si je n’ai pas saisi le rapport avec les controleurs et les radars), un état où le peuple se défie de ceux qui sont censés le représenter et le protéger possède un sérieux problème de légitimité.
« le demi soutien de la population aux acteurs de l’émeute »Ou est ce que tu as lu/vu ca ? J’ai beaucoup lu de posts sur le sujet sur reddit et twitter, vu pas mal de vidéos de journalistes interviewant des gens dans la rue, et lu pas mal d’articles de journaux la-dessus, et j’ai constaté exactement l’inverse.En parallèle de ca, 2 remarques:- Critiquer la violence de certaines interventions des forces de l’ordre n’est PAS un soutien aux émeutiers- Dire qu’il faut essayer de comprendre les raisons pour lesquelles ils font ca, n’est PAS un soutien aux émeutiers.
Non Mat, j’ai lu plusieurs fois exactement ça. Une fois un journaliste qui raconte avoir entendu un truc du genre (je raconte de mémoire) « tu ferais mieux de bruler le commissariat plutôt que les commerces » et dans plusieurs articles l’attitude assez passive de la population, presque bienveillante.
Après nous sommes d’accord que ce ne sont que des faits rapportés, je ne les prends que comme tel.