Catégorie : Pauvreté

  • Ques­tion de redis­tri­bu­tion… et de modèle social

    Ques­tion de redis­tri­bu­tion… et de modèle social

    En pratique, si certaines miettes tombent en bas, les finances qu’on donne aux plus riches profitent d’abord aux plus riches. Formulé ainsi personne ne s’en étonne, mais la fable qui voudrait qu’en soute­nant les plus riches on relève toute la société a la vie dure. Elle ne s’ap­puie malheu­reu­se­ment sur rien de concret.

    Wealth doesn't trickle down. It trickles outwards - to tax havens.
    Wealth doesn’t trickle down. It trickles outwards – to tax havens.

    Le problème c’est qu’on semble inca­pable d’oser dire « stop » à la classe supé­rieure, qui demande de plus en plus.

    Aux États Unis, on se rend compte que des grands groupes payent plus en indem­ni­tés à leur PDG qu’à la commu­nauté via le fisc. Au niveau mondial ce sont 211 000 personnes qui détiennent 13% du capi­tal plané­taire, y compris les éner­gies fossiles, les loge­ments, les terres, les moyens de produc­tion… C’est 0,004% de la popu­la­tion et ce déséqui­libre va gran­dis­sant.

    Évolution du salaire moyen horaire hors inflation des salariés du secteur privé aux Etats-Unis. Baisse depuis 2011.
    Évolu­tion du salaire moyen horaire hors infla­tion des sala­riés du secteur privé aux Etats-Unis. Baisse depuis 2011.

    En France, les grands patrons ont obtenu des allè­ge­ments histo­riques de fisca­lité pour aider à leur compé­ti­ti­vité et compen­ser des bas salaires vrai­sem­bla­ble­ment trop chers. En paral­lèle pour­tant, la part des salaires dans le PIB ne fait que dimi­nuer depuis 40 ans, les salaires commencent à dimi­nuer aussi (à monnaie constante). Autant dire que non, ça ne permet pas d’amé­lio­rer l’em­ploi, ça permet surtout de conso­li­der des divi­dendes et la course à la capi­ta­li­sa­tion.

    Depuis 40 ans, la part du PIB reversée des salaires vers les dividendes représente 1,5x le PIB.
    Depuis 40 ans, la part du PIB rever­sée des salaires vers les divi­dendes repré­sente 1,5x le PIB.

    Les aides, baisses de fisca­lité et déré­gle­men­ta­tions ne font qu’a­li­men­ter le haut de la pyra­mide. Les divi­dendes explosent pendant que les PDG font la mine du chat de Shreck en mettant tout sur le dos de la crise. Ça ne s’ar­rête pas. Ils osent tout, jusqu’à vouloir dénon­cer l’obli­ga­tion de moti­ver les licen­cie­ments.

    Entre temps, rien ne s’ar­range. Les gens lais­sés sur le carreau sont de plus en plus nombreux : +44% de SDF en 10 ans. Le pire est peut être de se rendre compte que 25% d’entre eux ont pour­tant un emploi.

    Quant à la baisse des « charges » pour la compé­ti­ti­vité des entre­prises, c’est tout simple­ment une baisse des coti­sa­tions sociales, dont les caisses sont pour­tant déjà dans le rouge depuis des années. Il serait illu­soire de croire que cela ne va pas faire bais­ser le niveau de vie et se santé de ceux qui sont le plus dans le besoin.

    Les pauvres sont trop pauvres, mais ne les aidons pas avec nos impôts
    61% pour dire qu’il faut augmen­ter les minima sociaux, mais 58% pour refu­ser d’aug­men­ter les impôts à cette fin. Blocage idéo­lo­gique.

    Tout le monde est bien d’ac­cord sur le problème, mais dès qu’il s’agit de faire de la redis­tri­bu­tion autre­ment qu’en donnant plus de sous aux plus riches, il y a un blocage idéo­lo­gique. L’im­pôt c’est pour­tant la base d’un système que même les plus riches étran­gers nous envient (l’his­toire en lien me tire une larme à chaque lecture). Je crains que ça ne dure pas, parce que pour ça il faut le finan­cer et le consen­te­ment à l’im­pôt est au plus bas.

    Le travail de commu­ni­ca­tion des plus riches fonc­tionne, il obtient désor­mais le soutien même des plus pauvres : Au lieu de main­te­nir le niveau des recettes, on sabre dans les pres­ta­tions et dans la redis­tri­bu­tion. Pauvre monde, pauvre France. Nous décons­trui­sons en quelques années une dyna­mique qui a pris des dizaines d’an­nées à se former.

    La quan­tité de biens étant limi­tée, quand on allège les taxes, coti­sa­tions et impôts des plus riches, voire qu’on subven­tionne leurs acti­vi­tés, on ne fait que prendre aux plus pauvres pour cela. C’est tout bête mais bon à rappe­ler.

    Et si pour vous commen­ciez à voir d’un bon oeil tout ce qu’on vous demande de payer pour la collec­ti­vité ? La seule ques­tion est de savoir quel modèle social vous soute­nez, et si les trans­for­ma­tions en cours ont votre soutien.

    La lutte des classes existe, nous l’avons gagnée.
    — Warren Buffet

    Les « riches », eux, savent très bien où ils en sont. Je ne compte plus le nombre de fois où j’en entendu « tu devrais être pour, c’est posi­tif pour nous ». La phrase célèbre attri­buée à Warren Buffet n’a jamais été aussi vraie.

    Photo d’en­tête sous licence CC BY-SA Doctor Ho

  • Les inéga­li­tés de salaires dimi­nuent-elles vrai­ment ?

    Données brutes : Le ratio entre les 10% les mieux payés et les 10% les moins bien payés a tendance à se réduire. Il était de 3,4 en 1950, presque 4,2 en 1966, et tombe main­te­nant en dessous des 3.

    L’idée va plutôt contre les préju­gés. Les classes aisées ne le sont pas tant que ça, et on bascule vite dans les déciles les plus haut.

    Cette évolu­tion s’ac­com­pagne toute­fois d’une montée forte des dépenses obli­ga­toires comme le loge­ment ou le chauf­fage. Il serait inté­res­sant de regar­der si le ratio évolue dans le même sens si on ne prend en consi­dé­ra­tion que le revenu après dépenses obli­ga­toires. J’en suis moins convaincu mais je manque de chiffres.

    Par contre là où l’ana­lyse est inté­res­sante, c’est que si ça s’écrase entre le premier et dernier décile, c’est surtout au béné­fice des derniers centiles. Les reve­nus et le poids des 1 à 3% les mieux payés s’en­volent.

    En dix ans les moins riches ont évolué un peu plus vite que les classes moyennes. La répar­ti­tion est même éton­nam­ment homo­gène aux alen­tours de 6%. Seuls les trois premiers déciles béné­fi­cient d’un léger coup de pouce avec un gain montant jusqu’à 10%.

    Là où c’est éton­nant (ou pas), c’est que le gain se fait légè­re­ment plus fort à partir des 95%, puis encore plus à partir des 98%, pour culmi­ner à 11% pour le dernier centile. Les 2 à 3% les plus riches font une échap­pée diffi­cile à justi­fier. Mais quand on regarde encore plus en détail, le dernier millième (les 0,1% les plus riches) augmentent eux de 28%.

    Bref, l’apla­tis­se­ment du ratio entre le premier et le dernier décile n’est pas forcé­ment un bon signe, c’est juste le symp­tôme qu’une très faible mino­rité des plus riches est en train de lâcher tous les autres, qui se retrouvent dans le même bain que les classes moyennes. En regar­dant de loin la société semble plus égali­taire, en regar­dant de près c’est tout l’in­verse.

    1996 2006 Gain en euros Gain en %
    10 % touchent un salaire infé­rieur à : 1 251 1 382 131 10,5%
    20 %… 1 418 1 551 133 9,4%
    30 %… 1 572 1 702 130 8,3%
    40 %… 1756 1865 108 6,2%
    50 %… 1 931 2 050 119 6,2%
    60 %… 2 149 2 282 133 6,2%
    70 %… 2 448 2 599 151 6,2%
    80 %… 2 921 3 102 180 6,2%
    90 %…* 3 905 4 146 241 6,2%
    95 % … 5 102 5 471 369 7,2%
    98 %… 7 133 7 725 592 8,3%
    99 %… 8959 9 995 1 036 11,6%
    99,9 %… 19 374 24 800 5 426 28,0%
  • Retour sur terre, 50K

    Petite conver­sa­tion surréa­liste il y a quelques jours sur twit­ter à propos de « gagner 50K€ par an ». Entre ceux qui ne voient que la moitié de la conver­sa­tion et ceux qui ne se comprennent pas, j’ai promis de mettre quelques lignes ici.

    Tout d’abord les faits : Le revenu fiscal total médian est de 1474 € / mois pour une personne seule, 2410 € / mois pour un ménage. Avec un calcul gros­sier ça nous donne respec­ti­ve­ment 23 K€ annuels bruts pour un céli­ba­taire et 38 K€ annuels bruts pour l’en­semble du ménage (donc le cumul des deux reve­nus).

    Pour atteindre 50 K annuels bruts, nous sommes entre le sixième et le septième déciles. Dit autre­ment, si vous gagnez ça en cumu­lant l’in­té­gra­lité des sources de revenu de la famille, vous êtes dans le tiers français le plus aisé. Si vous comp­tez pour un foyer d’une seule personne, vous êtes dans les 10% les mieux payés à partir de 47 K€ annuels bruts.

    Entendre dire que c’est juste pour vivre ou même que ce n’est pas parti­cu­liè­re­ment confor­table, c’est juste une insulte aux deux tiers des français, voire plus. Il serait temps de se réveiller un peu et de regar­der autour de soi.

    Il n’y a aucun mal à gagner plus, à consi­dé­rer qu’on devrait gagner plus, ou à cher­cher à le faire. Par contre le mini­mum c’est de ne pas oublier ce que ça veut dire par rapport aux autres, et de se rappe­ler qu’on est aisé (voire riche).

    Et pour ceux qui pensent qu’il en va diffé­rem­ment sur Paris, que là bas il faut bien 50 K€ annuels pour vivre : Le revenu fiscal médian par ménage y est de 2 835 € / mois, soit envi­ron 45 K€ annuels bruts (cumulé pour l’en­semble du ménage). À 50 K€ cumulé sur le ménage, vous êtes au dessus de la moitié des pari­siens, qui sont eux-même large­ment au dessus de la moyenne française. Et si vous êtes céli­ba­taire, ça reste au dessus de 75% des pari­siens.


    Petite note avant commen­taires : Oui ce ne sont que des statis­tiques, mais on a l’ha­bi­tude de calcu­ler le seuil de pauvreté à partir du revenu médian, donc la statis­tique n’a pas aucun sens non plus dans ce cas précis.

  • Pauvreté en Alle­magne: un rapport embar­ras­sant pour le gouver­ne­ment

    Je ne saurai trop me battre contre l’idée moderne de prendre exemple sur l’Al­le­magne concer­nant tout ce qui a trait à l’éco­no­mie. Il y a de très bonnes choses à reprendre, mais c’est loin d’être un modèle à reco­pier.

    Les 10% d’Al­le­mands les plus fortu­nés se partagent 53% de la richesse natio­nale. Les 50% les plus pauvres ne possèdent que 1% de la richesse du pays,

    […]

    L’Al­le­magne se porte bien, le chômage recule, insiste ainsi le ministre accusé d’avoir cher­ché à enjo­li­ver les pages du rapport consa­crées à la pauvreté. Pour l’as­so­cia­tion Cari­tas, les chiffres présen­tés mercredi sont alar­mants, du fait notam­ment de l’ab­sence d’as­cen­seur social dans le pays.

    Bref, juste ne pas oublier que l’objec­tif c’est les gens, pas l’éco­no­mie. Si pour l’éco­no­mie il faut augmen­ter la pauvreté, des jobs à 1 € et une répar­ti­tion des richesses défaillantes, peut être se four­voie-t-on quelque part en chemin.