Les personnes recevant des aides publiques ne pourront plus dépenser leur argent à la piscine et dans les débits de boisson, ni en « piercings, massages, spas, tabac, ongleries, lingerie, salles d’arcades, croisières ou visites chez le psychiatre […] parcs à thèmes, centres équestres ou canins, entreprises du sexe, ou n’importe quel endroit interdit aux mineurs » […] il sera impossible aux personnes aidées de retirer plus de 25 dollars par jour en liquide à un distributeur [avec 85¢ de frais à chaque retrait]
[..] dans le Missouri, les républicains envisagent d’exclure la viande et les fruits de mer de la liste des denrées que l’on peut acheter avec des bons alimentaires
Culpabilisation et infantilisation des plus pauvres pour leur situation et le fait qu’ils bénéficient d’une aide de redistribution, au point de contrôler comment ils vivent et s’assurer qu’ils font bien preuve de pénitence et évitent de jouir de la vie qui leur est offerte.
Nous sommes probablement loin de ces excès en France (et ce n’est pas encore voté même là bas), mais l’esprit de culpabilisation et d’infantilisation y est de plus en plus, par exemple au Pôle Emploi.
Alors que nous devrions être fiers d’aider ceux qui en ont besoin, et de les voir en jouir. Question de choix.
En pratique, si certaines miettes tombent en bas, les finances qu’on donne aux plus riches profitent d’abord aux plus riches. Formulé ainsi personne ne s’en étonne, mais la fable qui voudrait qu’en soutenant les plus riches on relève toute la société a la vie dure. Elle ne s’appuie malheureusement sur rien de concret.
Wealth doesn’t trickle down. It trickles outwards – to tax havens.
Le problème c’est qu’on semble incapable d’oser dire « stop » à la classe supérieure, qui demande de plus en plus.
Évolution du salaire moyen horaire hors inflation des salariés du secteur privé aux Etats-Unis. Baisse depuis 2011.
En France, les grands patrons ont obtenu des allègements historiques de fiscalité pour aider à leur compétitivité et compenser des bas salaires vraisemblablement trop chers. En parallèle pourtant, la part des salaires dans le PIB ne fait que diminuer depuis 40 ans, les salaires commencent à diminuer aussi (à monnaie constante). Autant dire que non, ça ne permet pas d’améliorer l’emploi, ça permet surtout de consolider des dividendes et la course à la capitalisation.
Depuis 40 ans, la part du PIB reversée des salaires vers les dividendes représente 1,5x le PIB.
Les aides, baisses de fiscalité et déréglementations ne font qu’alimenter le haut de la pyramide. Les dividendes explosent pendant que les PDG font la mine du chat de Shreck en mettant tout sur le dos de la crise. Ça ne s’arrête pas. Ils osent tout, jusqu’à vouloir dénoncer l’obligation de motiver les licenciements.
Quant à la baisse des « charges » pour la compétitivité des entreprises, c’est tout simplement une baisse des cotisations sociales, dont les caisses sont pourtant déjà dans le rouge depuis des années. Il serait illusoire de croire que cela ne va pas faire baisser le niveau de vie et se santé de ceux qui sont le plus dans le besoin.
61% pour dire qu’il faut augmenter les minima sociaux, mais 58% pour refuser d’augmenter les impôts à cette fin. Blocage idéologique.
Tout le monde est bien d’accord sur le problème, mais dès qu’il s’agit de faire de la redistribution autrement qu’en donnant plus de sous aux plus riches, il y a un blocage idéologique. L’impôt c’est pourtant la base d’un système que même les plus riches étrangers nous envient (l’histoire en lien me tire une larme à chaque lecture). Je crains que ça ne dure pas, parce que pour ça il faut le financer et le consentement à l’impôt est au plus bas.
Le travail de communication des plus riches fonctionne, il obtient désormais le soutien même des plus pauvres : Au lieu de maintenir le niveau des recettes, on sabre dans les prestations et dans la redistribution. Pauvre monde, pauvre France. Nous déconstruisons en quelques années une dynamique qui a pris des dizaines d’années à se former.
La quantité de biens étant limitée, quand on allège les taxes, cotisations et impôts des plus riches, voire qu’on subventionne leurs activités, on ne fait que prendre aux plus pauvres pour cela. C’est tout bête mais bon à rappeler.
Et si pour vous commenciez à voir d’un bon oeil tout ce qu’on vous demande de payer pour la collectivité ? La seule question est de savoir quel modèle social vous soutenez, et si les transformations en cours ont votre soutien.
La lutte des classes existe, nous l’avons gagnée. — Warren Buffet
Les « riches », eux, savent très bien où ils en sont. Je ne compte plus le nombre de fois où j’en entendu « tu devrais être pour, c’est positif pour nous ». La phrase célèbre attribuée à Warren Buffet n’a jamais été aussi vraie.
Données brutes : Le ratio entre les 10% les mieux payés et les 10% les moins bien payés a tendance à se réduire. Il était de 3,4 en 1950, presque 4,2 en 1966, et tombe maintenant en dessous des 3.
L’idée va plutôt contre les préjugés. Les classes aisées ne le sont pas tant que ça, et on bascule vite dans les déciles les plus haut.
Cette évolution s’accompagne toutefois d’une montée forte des dépenses obligatoires comme le logement ou le chauffage. Il serait intéressant de regarder si le ratio évolue dans le même sens si on ne prend en considération que le revenu après dépenses obligatoires. J’en suis moins convaincu mais je manque de chiffres.
Par contre là où l’analyse est intéressante, c’est que si ça s’écrase entre le premier et dernier décile, c’est surtout au bénéfice des derniers centiles. Les revenus et le poids des 1 à 3% les mieux payés s’envolent.
En dix ans les moins riches ont évolué un peu plus vite que les classes moyennes. La répartition est même étonnamment homogène aux alentours de 6%. Seuls les trois premiers déciles bénéficient d’un léger coup de pouce avec un gain montant jusqu’à 10%.
Là où c’est étonnant (ou pas), c’est que le gain se fait légèrement plus fort à partir des 95%, puis encore plus à partir des 98%, pour culminer à 11% pour le dernier centile. Les 2 à 3% les plus riches font une échappée difficile à justifier. Mais quand on regarde encore plus en détail, le dernier millième (les 0,1% les plus riches) augmentent eux de 28%.
Bref, l’aplatissement du ratio entre le premier et le dernier décile n’est pas forcément un bon signe, c’est juste le symptôme qu’une très faible minorité des plus riches est en train de lâcher tous les autres, qui se retrouvent dans le même bain que les classes moyennes. En regardant de loin la société semble plus égalitaire, en regardant de près c’est tout l’inverse.
Petite conversation surréaliste il y a quelques jours sur twitter à propos de « gagner 50K€ par an ». Entre ceux qui ne voient que la moitié de la conversation et ceux qui ne se comprennent pas, j’ai promis de mettre quelques lignes ici.
Tout d’abord les faits : Le revenu fiscal total médian est de 1474 € / mois pour une personne seule, 2410 € / mois pour un ménage. Avec un calcul grossier ça nous donne respectivement 23 K€ annuels bruts pour un célibataire et 38 K€ annuels bruts pour l’ensemble du ménage (donc le cumul des deux revenus).
Pour atteindre 50 K annuels bruts, nous sommes entre le sixième et le septième déciles. Dit autrement, si vous gagnez ça en cumulant l’intégralité des sources de revenu de la famille, vous êtes dans le tiers français le plus aisé. Si vous comptez pour un foyer d’une seule personne, vous êtes dans les 10% les mieux payés à partir de 47 K€ annuels bruts.
Entendre dire que c’est juste pour vivre ou même que ce n’est pas particulièrement confortable, c’est juste une insulte aux deux tiers des français, voire plus. Il serait temps de se réveiller un peu et de regarder autour de soi.
Il n’y a aucun mal à gagner plus, à considérer qu’on devrait gagner plus, ou à chercher à le faire. Par contre le minimum c’est de ne pas oublier ce que ça veut dire par rapport aux autres, et de se rappeler qu’on est aisé (voire riche).
Et pour ceux qui pensent qu’il en va différemment sur Paris, que là bas il faut bien 50 K€ annuels pour vivre : Le revenu fiscal médian par ménage y est de 2 835 € / mois, soit environ 45 K€ annuels bruts (cumulé pour l’ensemble du ménage). À 50 K€ cumulé sur le ménage, vous êtes au dessus de la moitié des parisiens, qui sont eux-même largement au dessus de la moyenne française. Et si vous êtes célibataire, ça reste au dessus de 75% des parisiens.
Petite note avant commentaires : Oui ce ne sont que des statistiques, mais on a l’habitude de calculer le seuil de pauvreté à partir du revenu médian, donc la statistique n’a pas aucun sens non plus dans ce cas précis.
Je ne saurai trop me battre contre l’idée moderne de prendre exemple sur l’Allemagne concernant tout ce qui a trait à l’économie. Il y a de très bonnes choses à reprendre, mais c’est loin d’être un modèle à recopier.
L’Allemagne se porte bien, le chômage recule, insiste ainsi le ministre accusé d’avoir cherché à enjoliver les pages du rapport consacrées à la pauvreté. Pour l’association Caritas, les chiffres présentés mercredi sont alarmants, du fait notamment de l’absence d’ascenseur social dans le pays.
Bref, juste ne pas oublier que l’objectif c’est les gens, pas l’économie. Si pour l’économie il faut augmenter la pauvreté, des jobs à 1 € et une répartition des richesses défaillantes, peut être se fourvoie-t-on quelque part en chemin.