Je trouve qu’on s’emballe vite dans l’histoire entre François Bon et Gallimard.
Pour l’histoire elle-même, François Bon semble avoir fait une erreur. Une erreur de bonne foi, compréhensible vu la complexité des questions de durées de droit d’auteur, mais une erreur tout de même. Bloquer la diffusion d’un titre qui contrevient aux droits en cours, c’est certainement la procédure standard et probablement ce qui me semble le plus sage. Ça permet d’aborder la question sereinement sans se dire que le problème est en cours. La publication n’était pas à quelques jours près de toutes façons.
De l’autre côté on peut aussi reprocher à Gallimard d’avoir contacté les diffuseurs mais ni l’éditeur ni l’auteur de la traduction, d’autant qu’il s’agit ici de la même personne. Une issue autre aurait peut être pu être envisagée – au moins sur la forme si ce n’est sur le fond – si ça avait été fait directement et avec un ton sans confrontation. Ce n’est pas comme si François Bon avec sa maison d’édition numérique connue était un pirate avec jambe de bois au sol et poignard entre les dents.
Comme trop souvent il n’y a pas un gentil d’un côté et un méchant de l’autre, ce serait trop simple. C’est d’autant plus vrai quand finissent par se mêler des histoires personnelles et des ressentis liés au papier contre numérique, alors que fondamentalement il ne s’agit pas de ça.
On s’emballe, et je suis déçu de voir que ça s’emballe encore plus dans la communauté web. Au final on ne fait que radicaliser les positions d’un problème sommes toute mineur et résoluble, au point qu’il soit désormais difficile de concilier qui que ce soit.
Mais surtout cette radicalisation empêche d’aborder les questions de fond sur le droit d’auteur, les contrats d’édition et le numérique.
Parce que finalement, plus que l’histoire de cette traduction et des petites erreurs de chacun, cette histoire soulève beaucoup de sujets : Pourquoi un tel classique n’est-il pas disponible en numérique ? Pourquoi une traduction qui semble mauvaise à autant de monde dans le milieu n’a-t-elle pas été remplacée si des gens avaient le souhait de le faire ? Une exclusivité si longue est-elle pertinente ? Pourquoi un tel classique est-il encore sous monopole d’auteur après si longtemps ? La durée du droit d’auteur est-elle vraiment adaptée à notre monde où la diffusion va désormais si vite ?
Et si nous discutions plutôt de tout ça ? Tout ça n’est lié ni à Hemigway ni à François Bon, ni à Gallimard. Ce n’est pas non plus une question de David contre Goliath : C’est une question de choix de société, et ça c’est d’un coup bien plus intéressant.
“De mon vivant, aurais-je le droit de lire une autre traduction de l’œuvre d’Hemingway que celle de Jean Dutour ?”
Par contre, ça se discute à tête reposé, pas à chaud après un événement qui fait de l’écho.
Laisser un commentaire