Allez, je fais suite à notre court échange sur twitter ;-)

Je suis graphiste. On parle aussi de propriété intellectuelle pour le graphisme. Or si on appliquait le même système de droits à cette profession il faudrait que chacun paye pour regarder un dessin, une affiche, une étiquette, un prospectus etc. Il y aurait une « sacem » à payer pour tous les diffuseurs (entreprises, afficheurs, tv, sites web, tout moyen de diffusion visuel) Il y aurait une taxe pour copie privée sur tout ce qui pourrait servir de support à la reproduction d’un graphisme : disques durs, ordis etc , et matériels en tout genre (comme la musique) mais également ramettes de papier, carnet, stylos, pinceaux et tout ce qui peut permettre de reproduire un graphisme… L’auteur du smiley serait l’homme le plus riche du monde (lui ou ses ayants droits !). Ca serait absurde ! C’est pourtant ce qui est déployé pour la musique, le cinéma et la littérature.

Bref tout ça pour dire que bizarrement ce problème de droit d’auteur ne concerne la « création culturelle » qu’à partir du moment où elle devient un produit de consommation entre les mains d’industries (souvent multinationales). La création artistique a bon dos dès lors qu’il s’agit de remplir l’escarcelle de ces industries.

Lorsque je produis un visuel je suis payé pour. Je ne touche pas de droits chaque fois que quelqu’un pose les yeux sur mon « oeuvre ». Je vends mon travail et j’en vis honnêtement. Je suis un maillon de l’industrie du web. C’est un boulot. J’ai fait une école d’art et j’ai décidé d’en faire mon métier. Dès lors je ne me suis plus considéré comme « artiste » mais comme « graphiste ». C’est une profession.

A partir du moment où un écrivain, un musicien ou tout autre « artiste » décide d’en faire sa profession et de mettre son talent au service d’une industrie pour créer des produits destinés à la consommation de masse il me paraitrait tout à fait normal qu’il soit simplement salarié. Il écrit un livre. Il bosse un certain temps pour cela. Il est payé pour. Son talent et son succès lui donnent l’opportunité de négocier le salaire qui lui semble juste. Et voilà. Car aujourd’hui les écrivains, musiciens, cinéastes etc qui travaillent pour l’industrie culturelle obéissent aux consignes de leur éditeur (« tu me vires ces deux chapitres, tu me réécris la fin pour plaire à la ménagère de – de 50 ans et on pourra en tirer 20000 le mois prochain ! »).

Les véritables créateurs, ceux qui demeurent artistes et refusent de faire des concessions à l’industrie, sont rapidement marginalisés. Mais ils ne meurent pas. Car en tant qu’artistes leur but est de s’exprimer. Non de vendre des produits. Ce qu’ils cherchent c’est un public Quitte à diffuser leurs oeuvres gratuitement. Ou a trouver des subventions publiques.

Il est important de réfléchir à un juste système de rémunération des artistes. Des vrais. Le droit d’auteur tel qu’il est étendu aujourd’hui me semble disproportionné mais il passe surtout à côté des vrais artistes. Ceux qui touchent le plus sont ceux qui fabriquent les « produits culturels » les mieux formatés pour le grand public. C’est un talent certes. Comme un artisan peut connaître son métier. Mais peut-on encore parler de « création » ?

Le droit d’auteur et la propriété intellectuelle (ne parlons pas d’art !) sont des concepts qui ont été vidés de leur sens par l’industrie culturelle. Ca mérite d’être réfléchi. Mais il me semble qu’une vaste partie des artisans de la production « culturelle » de masse devrait dépendre tout simplement du code du travail et non du code de la propriété intellectuelle.