J’en vois encore qui poursuivent le mythe du vote électronique plus simple qui débloquera la démocratie. Y compris des ingénieurs qui travaillent dans les réseaux.
Sauf que remplacer le papier est loin d’être évident. Le système papier est simple, difficile à corrompre, et difficile à tracer. Ça fait beaucoup. Mais surtout tout le processus est transparent ainsi que vérifiable par le citoyen, ce qui est un pré-requis essentiel.
Pour le vote électronique il faut garantir :
- Que le logiciel fait ce qu’on attend de lui (sans défaut)
- Que le matériel fait ce qu’on attend de lui (sans défaut)
- Que le logiciel n’est pas malicieux ou corrompu
- Que le matériel (microcodes inclus) n’est pas malicieux ou corrompu
- Que le logiciel exécuté soit celui prévu, que le matériel prenne bien en compte le logiciel demandé, que personne n’a été capable d’injecter un autre logiciel, que personne n’a pu modifier le logiciel avant ou pendant le vote
- Que le matériel utilisé (microcodes inclus) soit celui prévu, que personne n’a été capable de le modifier avant ou pendant le vote
- Que les données de vote résultat sont celles produites par le logiciel et le matériel prévus
- Que personne n’est capable de tracer les votes pour les rendre nominatifs
- Que s’il y a une quelconque anomalie, elle puisse être détectée et/ou limitée dans son effet
Aucun de ces points n’est réellement vérifiable par le citoyen moyen.
À vrai dire même les professionnels ne se risqueraient pas à donner une quelconque garantie. En réalité on ne va même pas jusque là. Au mieux, ce qu’ils font aujourd’hui c’est certifier qu’ils n’ont pas identifié de problème majeur, ce qui est nettement différent.
Si on y met vraiment les moyens, les points 1 et 3 peuvent être vérifiés avec un niveau de confiance pas si déconnant mais ça n’aura de toutes façons aucune utilité tant qu’ont est totalement à poil devant les risques 4 et 5 et qu’on doit faire une confiance aveugle à ceux qui certifient les différentes parties de la chaîne.
Même le point 6, sécuriser plus de 150 000 machines depuis leur conception jusqu’à leur répartition dans près de 70 000 emplacements différents en France et à l’autre bout du monde, est loin d’être évident. Si tant est qu’il soit possible de le faire en se protégeant contre des organisations de la taille d’États, c’est typiquement invérifiable par le citoyen moyen et demande de faire confiance à une entité qui contrôlera tout ça (aie, qui ? pas le gouvernement en place j’espère).
Dit autrement : Vous n’avez aucune garantie que le résultat du vote tel que publié corresponde aux intentions de vote des électeurs, ou que les opérations de vote aient été anonymes. Aucune.
Personne n’a à ce jour et à ma connaissance trouvé une solution à ce problème dans le cadre d’un vote électronique. Si c’était le cas ça aurait déjà fait grand bruit rien que par le nombre de personnes qui se seraient attelées à vérifier le système et par le nombre d’études et papiers de recherche le confirmant.
Gênant, quand même.
Et si vous pensez avoir la solution, après avoir avec humilité considéré que si ça vous semble simple c’est probablement que vous vous trompez quelque part vu le nombre de personnes très intelligentes qui sont déjà passées sur le sujet, je vous invite à faire une grande communication publique dans la presse avec le détail de mise en œuvre que tout le monde pourra vérifier pour confirmer.
Vous voulez des exemples ?
Les machines utilisées ces dernières années étaient très mal sécurisées. Si vous cherchez sur Internet vous trouverez une université qui a réussi à faire chanter un hymne national à une machine de vote, de nombreuses personnes qui montrent comment modifier la machine dans l’isoloir du bureau de vote, des machines à voter qui donnent plus de votes que d’électeurs ou même qui élisent des gens qui n’étaient pas dans les candidats, des résultats illisibles, des machines qui contenaient déjà des votes avant le début de l’élection, des résultats objectivement faux (genre « tous les votes pour un candidat qui fait quelques pourcents ailleurs »), et je passe de meilleures histoires encore.
Le pire c’est que tout ce qu’on a vu sur ces ordinateurs de vote est assez grossier, souvent résultat de défauts de conception ou d’organisation tout aussi grossiers.
En réalité le problème n’est pas un manque de moyen, c’est que le système est objectivement quasiment impossible à garantir et à sécuriser. Je serai très heureux que vous trouviez une solution mais des gens meilleurs que nous s’y sont cassés les dents plus d’une fois.
Toutes les solutions entrevues jusqu’à présent soit mettent à mal le secret du vote, soit ne sont qu’une automatisation mineure et peu pertinente du système papier actuel.
Et surtout, pourquoi ?
Parce que finalement, le coût des élections papier est énorme, mais les machines à voter ont coûté encore plus cher.
Le seul défaut théorique du papier tient dans la lenteur pour obtenir des résultats, c’est à dire quelques heures. Est-on prêt à mettre en danger nos élections pour ne plus attendre quelques heures une fois par an en moyenne ?
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