Je parle souvent salaire. J’en courage mes pairs à ne pas laisser les rémunérations se tirer vers le bas et au contraire à valoriser leurs compétences.
On vit parfois tellement dans une bulle qu’il est difficile de se rappeler que ce n’est pas le cas de tous. À force de considérer mutuelle, RTT et gadgets technologiques comme allant de soi, on perd de vue qu’on reste des privilégiés.
100 € par jour, c’est franchement insuffisant
Ma dernière réaction vient de réactions à une offre d’emploi pour un indépendant à 100 € / jour sur le mode « ça ne permet pas de vivre » ou « ça devrait être interdit ».
Dans l’histoire l’indépendante a très bien fait de refuser, voire de se scandaliser. C’est une rémunération inacceptable par rapport à la valeur ajoutée et totalement hors des standards du marché.
Mais c’est plus que ce que gagnent la plupart des salariés
Pourtant, après un calcul rapide pour retirer les cotisations sociales auto-entrepreneur (18,4 % dont la retraite) et cinq semaines de congés, on est au dessus du salaire médian, quelque part dans le sixième décile. Sixième décile ça veut dire qu’on gagne plus que 60 % des salariés français.
Si on souhaite comparer avec un salarié en ajoutant une compensation de 25 % pour l’assurance chômage et du temps de traitement administratif ainsi qu’un remboursement de transport de 50 € par mois, on reste dans le cinquième décile, au dessus du salaire médian français.
En comparant avec un salarié un peu plus avantagé qui a une mutuelle d’entreprise, 8 jours de RTT et une petite cotisation de retraite complémentaire, on tombe au milieu du quatrième décile, c’est à dire qu’on gagne plus que 45 % des salariés français.
Comme Julien insiste *très* fortement pour que je compte tout : Je n’ai pas compté l’assurance chomage parce que pour moi ça fait parti du choix assumé de se mettre indépendant au départ (échanger sécurité contre liberté et capacité de faire plus). J’ai du coup toutefois fait le calcul. En retranchant l’assurance chomage on reste sur le tout début du quatrième décile. En comptant en plus des frais fixes de matériel on tombe alors dans la moitié haute du troisième décile. C’est nettement plus bas mais on reste sur le même ordre de grandeur/comparaison. Cela ne change pas le fond du discours, cependant.
C’est encore plus que ce qu’ont la plupart des français
Mon propos n’était pas de comparer la rémunération d’un travailleur mais bien le fait de pouvoir vivre ou pas avec. Si on ne prend pas en compte que les salariés mais aussi les chômeurs et non actifs, la rémunération arrive vite au dessus de celle d’une grosse majorité de la population. Je ne serai même pas étonné qu’on se trouve dans le tiers le plus riche (mais si j’ai vérifié précisément mes chiffres jusque là, ici c’est une estimation purement arbitraire de ma part).
De se rappeler de la réalité
Qu’on soit clairs, mon propos n’est pas de dire qu’on vit bien avec une telle somme, ou que l’offre de travail était honnête ou intéressante. Ce n’était pas le cas. Mais il ne faut pas non plus oublier que ce qu’on attend sont une rémunération et des prestations de privilégiés.
La grande majorité des gens vivent avec beaucoup moins que ça. Refuser un nivellement par le bas est une chose, oublier qu’on reste dans la sphère des privilégiés, ça c’est indécent.
Note finale pour les réactions :
L’exactitude du calcul m’indiffère et ce n’est pas le propos. Sauf si vous pensez descendre au premier ou second décile, en utilisant des chiffres vérifiés et pas des estimations au jeté, cela ne change rien à mon billet.
De même, je ne souhaite pas comparer le niveau de prestations entre un salarié et un indépendant. Je sais qu’il y a des garanties différentes dans les deux cas, je ne m’intéressais qu’à la réalité de ce qu’est réellement gagner peu. C’est d’autant plus vrai qu’ici être indépendant est un choix déjà fait, acté.
Enfin, même si je le dis au début je sais que ça risque de ne pas être lu si je ne le rappelle pas : Je ne défends certainement pas la proposition de l’employeur. Elle est inacceptable pour ce type de prestations, totalement en hors des habitudes du marché, et sans rapport avec la valeur ajoutée attendue sur la prestation. Je félicite l’indépendante concernée de l’avoir refusé et elle a tout mon soutien. C’est juste la forme des réactions autour qui m’ont gêné, certainement pas le fond.
Merci de garder la même ligne dans les commentaires. Vous êtes bienvenus à discuter de ces trois points par twitter si vous voulez ou en répondant chez vous avec un simple lien ici dans les commentaires, mais ici je dépublierai sans ménagement ce qui est posté ici et qui dévie trop du propos initial.
9 réponses à “Savoir se rappeler comment vivent les autres”
« Mais c’est plus que ce que gagnent la plupart des salariés »
… c’est purement et simplement… FAUX. pourquoi ? car on ne parle PAS de rémunération salariée justement. Oui, 100€/j en salarié c’est plus que ce que gagne bien d’autres salariés.
C’est la seule conclusion que tu puisses tirer de ton article. tu ne peux pas faire abstraction du chômage, retraite, DIF, investissements obligatoire etc…
Tous les calculs sont dans ce billet :
http://www.mariejulien.com/?po… 3eme paragraphe
Pour développer : un € à la fin du mois, selon tes calculs, c’est équivalent, certes, sauf que l’argent touché par le salarié lui a ouvert toutes sortes de droits, que l’indépendant lui devra se payer APRÈS (formation, matériel, chômage) Donc on ne parle pas du même argent, même si la somme est la même.
1€ net de salarié lui « offrira » pour, mettons, l’équivalent de 1.50€ en prestations sociales, formation etc…
1€ touché par un indé et il devra encore se payer son matos etc…
Sans compter qu’un salarié travaille tout le mois et est payé pour tout le mois, alors qu’un indé travaille tout le moi mais tout son travail ne fait pas l’objet d’une facturation (25% du temps environ)
On ne pars donc pas du tout sur les même bases. il me semble que c’est là le B-A-BA.
Julien je déteste quand tu es de mauvaise foi. Je sais très bien que 100€/j de salaire ce n’est pas 100€/j d’honoraires. J’ai calculé à l’année, en retirant les fériés, les 5 semaines de congés, les RTT, et en lissant le reste avec 25% de jours non facturés. Là dessus j’ai retiré les cotisations sociales, j’ai ajouté une retraite complémentaire, des frais de transport, une mutuelle. Même s’il me manquait des choses, sous entendre que je compare avec 100€/j de salaire, c’est de la mauvaise foi et tu le sais très bien vu que tu as suivi mes recherches de calcul.
D’ailleurs tu parles de retraite mais j’ai justement compté le régime de base plus une complémentaire, je suis au dessus de ce que pas mal de gens ont. J’ai même plutôt été large avec cet aspect d’ailleurs.
Pour le DIF je le compte dans les 25% travaillés non facturés (en plus des congés et RTT), mais je crois que tu te fais des illusions sur comment c’est appliqué dans les entreprises.
Pour les investissements obligatoires si on parle de l’informatique ils existent mais ils ne changeront pas fondamentalement le calcul pour des travaux en régie, d’autant que je vois mal quelqu’un travaillant dans l’informatique ne pas avoir de PC personnel, qu’il soit indépendant ou non. Quoi qu’il en soit ça ne fera pas changer de tranche à ce niveau.
Reste le chômage mais là justement, tu sors de la comparaison de ce qu’on gagne pour vivre pour passer en comparaison des avantages de chaque statut et tu te trompes de propos. Je ne dis nulle pas que c’est pareil ou équivalent, juste que pour vivre, non, on n’est pas dans les plus pauvres, loin de là. Le choix d’être indépendant, avec les avantages et désavantages spécifiques, il est déjà fait là.
Mais encore une fois, tu te trompes de combat. Je ne prétends pas dire que l’indépendant est aussi bien qu’un salarié. Je veux juste rappeler que non, on est loin du seuil de pauvreté.
« sauf que l’argent touché par le salarié lui a ouvert toutes sortes de droits »
Toutes sortes c’est trop vague. Quels droits ? j’ai répondu à ce que tu as cité plus haut.
Je n’ai compté que les différences financières, vu que je ne parle que de niveau de vie. Mais encore une fois, je ne souhaite pas comparer les avantages, juste le niveau de vie. Je ne suis pas en train de comparer l’indépendant et le salarié, tu te trompes de billet.
« 1€ net de salarié lui « offrira » pour, mettons »
Je n’aime pas ce « mettons » arbitraire. C’est pour ça que je suis allé chercher le montant exact des cotisations, des impôts, de la mutuelle, de la retraite complémentaire, etc. Là pour moi c’est vide ce « mettons ».
« un indé travaille tout le moi mais tout son travail ne fait pas l’objet d’une facturation (25% du temps environ) »
Nous sommes d’accord, c’est compté dans le calcul, avec exactement ce ratio.
Le smic est à 1073€ net Toucher ça donne droit au chômage + formation + une certaine sécurité + l’outil de travail et l’investissement à la charge de l’entreprise + l’assurance à la charge de l’entreprise + les taxes, et ça tombe tous les mois.
À combien se chiffre tout ça ? Difficile de faire un calcul exact, mais on comprends bien qu’il s’agit de + de 1073€ (rien que le prix d’une formation et du matos pour le licences) Allez, ramené à l’année, mettons que ces avantages coutent 500€/mois (bien que certains avantages soient difficilement chiffrables).
Un indépendant qui veut les « mêmes » 1073€ que le salarié devra donc débourser mettons 1573€ + ses charges, qu’il doit de toutes manières payer. arrondissont à 1600€/mois.
Combien faut-il facturer pour s’assurer 1600€/mois ? 18 jours dans le mois, si on enlève les week-ends et les congés payés, ça ferait du 88€/jours.
oui MAIS un freelance ne facture pas 100% des jours travaillés, mais plutôt 75%, donc 13-14 jours facturés.
OH SURPRISE, pour « toucher le SMIC » l’indépendant devra donc facturer 123€/jour et encore là c’est si il facture avec la régularité d’une horloge 75% de son temps, en faisant abstraction des coups dur, du développement de son entreprise etc…
Même si on ne parle pas en terme de viabilité, c’est la preuve par A+B que l’hypothèse initiale « 100€/j en free ne te permet pas de vivre » est vraie selon les standards de salaire minimal obligatoire (bien que le terme de salaire n’ait rien à foutre ici, mais ADMETTONS)
Après on peut dire que des gens avec moins que ça « arrivent à vivre » si on veut jouer sur l’expression, on appelle ça des travailleurs pauvres, mais si il y a un minimum ça n’est peut être pas pour rien.
Dire que un free qui touche 100€/j est « au dessus du salaire médian, quelque part dans le sixième décile » relève de la plus totale science fiction.
Car ces 100€ n’ont rien à voir avec justement les salariés avec lequel tu le compare.
Comme ça continue sur Twitter, Je continue à penser que le chomage ne devrait pas être intégré parce que ça fait partie du choix de se mettre indépendant au départ : on échange la sécurité contre la liberté.
Ceci dit comme sinon j’ai l’impression qu’on n’en sortira pas je suis allé chercher les montants des cotisations chômage en cumulant les part salarié et employeur. J’ai retranché ça du montant. Même dans le dernier cas, on reste dans le quatrième décile, donc un niveau de vie supérieur à 40% des salariés.
En étant très large dans les frais fixes on pourrait peut être descendre dans le haut du troisième décile et rester au dessus de plus de 35% dans le meilleur des cas. Bref, ça ne changera pas le fond du discours.
Mais si tu veux vraiment tout comparer, compares aussi que le salarié en France fait pas mal d’heures sup ou de présence (genre découpage forcé bien pourri du temps de travail) non comptées. Il se trouve aussi pour beaucoup dans des PME, donc sans les 8 jours de RTT que j’ai attribué. À ce niveau de salaire il n’est pas cadre donc n’a généralement pas droit à la part de retraite complémentaire que moi je lui ai compté et encore moins à la mutuelle.
Bref, je n’ai pas prétendu faire une comparaison à l’euro près, mais je suis définitivement dans les bons ordres de grandeurs *pour ce que je mesure*, peut être même au dessus
. Sauf à ce que tu viennes avec des points précis que j’ai oublié.
Tout ça est bel et
J’ai l’impression qu’il manque quand même les investissements que fait l’indépendant (outil de travail, prospection commerciale, etc). Si on en tient compte, 100€/jour, il ne reste vraiment plus grand chose…
Je n’ai pas compté initialement l’outil de travail, simplement parce que l’exemple partait d’une indépendante déjà installée. Je ne suis pas certain que le surcout de l’outil de travail par rapport à ce qu’un informaticien aurait de toutes façons acheté personnellement soit si significatif, mais lissé sur trois ans ça ne fera pas changer de décile, loin de là.
Pour la prospection, je considère que ça fait partie des 25% de temps travaillé mais non facturé. C’est donc tout à fait compté.