Depuis quelques années, une tendance révolutionnaire apparaît dans le domaine du développement : donner de l’argent aux pauvres.
[…]
Donner directement de l’argent aux personnes pauvres, sans lier ceci à quoi que ce soit (suivre une formation, acheter une vache, etc.) n’avait jamais été sérieusement considéré. Les pauvres manquent de self-control, ou de connaissances, était l’argument ; l’argent versé directement risque d’être gaspillé en dépenses somptuaires, à la satisfaction d’envies immédiates, un peu comme un enfant qui trouve une pièce de monnaie par terre.
Et là je me suis pris une baffe, parce que j’ai laissé la société m’inculquer ce paternalisme mal placé, cette vision que si quelqu’un est pauvre c’est forcément parce qu’il le mérite et ne sait pas gérer son argent. Il est pourtant évident que c’est faux, surtout avec le taux de chômage actuel et les différences entre les parcours de milieux socio-culturels différents.
Bref, ça la fout mal, et merci à cet article qui m’a un peu réveillé.
Je me suis rappelé en même temps une discussion avec quelqu’un d’une banque alimentaire : Les gens pensent qu’en donnant en nature à la sortie des supermarchés ils s’assurent que le don est utilitaire (pâtes, riz, huile, etc.) sur des besoins essentiels, et pas dilapidé dans des biens superflus. En réalité c’est le contraire puisque les dirigeants des œuvres sont bien comme tout le monde. Face à une demande impossible à satisfaire ils se résignent à prendre en quantité industrielle au plus bas coût, avec une qualité parfois finalement plus basse que celle des dons au supermarché.
Ça faisait rire mon interlocuteur de prendre les gens à leur propre piège. Cette qualité est en effet indispensable. On cherche à faire vivre les gens, pas juste à assurer l’alimentaire. Le contact humain est essentiel, mais aussi le plaisir.
Si le SDF à côté de vous utilise 5 € pour s’acheter une bouteille de bière, un paquet de cigarette ou autre chose, il est facile de le juger, mais pas facile d’être à sa place. Parfois c’est aussi indispensable que du pain et du jambon. Souvent même, et justement parce que la situation est insoutenable sinon.
Arrêtons le paternalisme mal placé, surtout si nous n’avons jamais été dans une situation similaire et que nous n’en connaissons rien.
Ce préjugé n’avait jamais été testé, jusqu’à il y a peu. […] Les effets ont été spectaculaires: la moitié d’entre eux avaient quatre ans après une activité professionnelle. Par rapport au groupe de contrôle, ils avaient plus d’actifs, travaillaient plus et avaient un revenu supérieur de 38%. L’effet a été d’autant plus marqué pour les femmes (qui ont encore plus de difficultés que les hommes à accéder au crédit dans de nombreux pays en développement). D’autres études ont confirmé ce résultat : donner tout simplement de l’argent aux pauvres, sans rien demander en même temps, fonctionne beaucoup mieux que de nombreux autres programmes de développement. Parce que cela ne demande aucune administration pour redistribuer, et ne nécessite aucun intermédiaire.
Comme le dit l’article ensuite, tout ne peut et ne doit pas passer en dons directs, mais si on les évite par paternalisme ou par crainte de mauvaise efficacité, il serait bon de revoir nos pré-jugés.
Et si on aidait les gens comme des adultes responsables plutôt que de les traiter comme des enfants dont il faut s’occuper ?
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