J’ai écouté – avec retard – le magazine Envoyé Spécial sur le chômage et la pénurie de main d’œuvre. Vous pouvez passer votre chemin, rien n’y est dit, ou presque.
Par contre on y conte encore une pénurie de main d’œuvre pour une série de boulots payés au SMIC, souvent en temps partiel non choisi, et avec des horaires atypiques (genre quelques heures, puis une énorme pause mais pas suffisante pour te permettre de rentrer chez toi pour une autre activité, puis encore quelques heures, dont une partie le soir ou très tôt le matin) et très mal considérés socialement.
Un boulot dont personne ne veut, dont l’offre est structurellement insatisfaite, dans le modèle libéral, logiquement les conditions ou la compensation devraient être améliorées pour tenter d’inverser un peu la tendance, ou au moins pour que les quelques personnes aillent chez vous plutôt que chez le voisin. Mais non, ces jobs restent au niveau du minimum légal et on préfère se plaindre du manque de personnel.
Un peu de réalisme : Le niveau d’éducation a sensiblement augmenté depuis 50 ans. La majorité des gens peuvent prétendre à des emplois qualifiés (et trop souvent refusent le reste), potentiellement intéressants. Il n’y a cependant pas tant que ça de boulots intéressants sur le marché par rapport à la demande. Inversement il y a plein de boulots pourris, souvent sans qualification particulière nécessaire. Quelqu’un m’explique pourquoi les boulots pourris sont encore moins bien payés que les boulots intéressants ? N’est-ce pas là une échelle de valeur purement idéologique ?
Dans un monde vraiment libéral, en occident (niveau d’éducation assez élevé) le personnel de ménage nettoyant un bureau serait souvent mieux payé que la personne qui travaille dans ce bureau. Que cela fasse un peu cogiter les chantres du libéralisme bien assis dans leur bureau avec leur salaire confortable.
8 réponses à “Petite échelle de rémunération”
> Quelqu’un m’explique pourquoi les boulots pourris sont encore moins bien payés que les boulots intéressants ?
Parce qu’ils ne nécessitent souvent aucune formation, aucun savoir-faire, aucun long apprentissage et qu’ils sont prodigieusement répétitifs (d’ailleurs on les remplace progressivement par des machines) On loue la force de ses bras, c’est tout. Ramasser le muguet, bientôt les pommes, ensuite le raisin. Ah, et puis retourner les lourds fromages en 3-8, les bras manquent, les bras manquent… (pas mal de petits boulots pour les étudiants d’ailleurs, aussi).
> N’est-ce pas là une échelle de valeur purement idéologique ?
Je n’en sais trop rien. C’est basé sur une économie de la rareté (tiens, la revoilà :-) ) : il y a des millions de bras, moins de cerveaux.
Sauf que c’est de moins en moins vrai dans nos pays : Le niveau d’éducation est assez haut. On manque bien plus de gens qui acceptent de faire des boulots pourris que de gens avec un niveau d’éducation ou de compétences type bac+2. On en vient d’ailleurs à demander des bac+2 super spécialisés pour tout et n’importe quoi.
Bref, on est loin de l’économie de la rareté justement, on est dans un système basé sur des jugements de valeurs et pas dans une économie de marché.
La nuance est subtile, comme tu dis on manque de gens qui « acceptent » de faire des boulots pourris, pas de gens qui « peuvent » faire des boulots pourris. Sûrement pour cela que même si il y a peu de gens pour ces métiers peu qualifiés, leur rémunération reste faible…
Il y a surement une partie de jugement de valeur, mais pas que. Le fait est que c’est peu valorisé car n’importe qui pourrait le faire. Du coup, passé une certaine valeur, il y a un compromis entre « je prends sur mon temps » ou « je paie pour le faire faire ». La valeur qu’on associe à ces travaux pénibles est sûrement lié à la valeur qu’on estime de son propre temps ?
Pour l’anecdote, pour avoir habité dans une région sinistrée, on y demandait un bac + 3 minimum pour un poste de caissière à temps partiel.
On n’est donc même plus sur un échelle de valeur idéologique, mais sur un effondrement de la valeur des qualifications et compétences, et là ça touche directement le système éducatif et qualifiant.
Oups, posté trop vite, [suite].
L’ironie étant que dans cette région, des postes qualifiés ne trouvaient pas employés, ils trouvaient pourtant de nombreux candidats… Aussitôt ignorés avec une certaine politesse administrative parce qu’ils ne remplissaient pas toutes les cases du profil type recherché.
Le plus drôle (pour peu qu’on puisse utiliser ce mot ici, au troisième degré) étant que pas mal de profils types ainsi recherchés ne pouvaient pas exister, simplement parce qu’il aurait fallu au candidat de 35 ans surdiplomé (bac +4-5) avoir commencé à travailler à 20 ans pour remplir la condition d’expérience.
Ça vous parait gros ? Eh bien les conseillers pôle emploi doivent souvent faire face à ce genre d’ incohérences démentes, le faire remarquer timidement à l’employeur, qui ne daigne même pas la prendre en compte et additionne la fine bouche à la sourde oreille.
Voilà où nous en arrivons donc.
Le problème de la sur-qualification à l’embauche et de la sous-qualification à l’emploi est traité par Franck Lepage dans sa conférence « inculture » dispo gratuitement sur le net.
Et pour les rôles de maires / députés / sénateurs…
Combien de candidats par poste ?? Parfois 10. Pourtant, leur rémunération ne baisse pas.
La problématique est très différente. Pour les maires, 90% sont très mal payés pour le boulot. Les quelques maires de très grande ville sont payés correctement mais ce n’est pas délirant non plus.
Députés, sénateurs, maires des quelques 10 grandes villes, il y a un autre critère important : Faire en sorte qu’ils soient moins sensibles à la corruption. Ca peut paraitre con mais je suis sérieux. Il est extrêmement important que nos députés soient très bien payés.