J’ai toujours pensé que la position des éditeurs vis à vis des DRM était au moins en partie irrationnelle et sans motivation de fond. Certains veulent des DRM, ils savent pourquoi, comment, et ce que ça implique, mais je ne crois pas qu’ils soient majoritaires.
J’ai trouvé de bons exemples aujourd’hui en cherchant des livres peu chers : Platon, Blaise Pascal, Epicure, Rousseau, Descartes, Sénèque, Voltaire et Aristote sont distribués sous DRM. La liste est malheureusement loin d’être exhaustive
Pour les gens ayant une répulsion naturelle avec la littérature, on parle d’auteurs morts depuis des siècles, parfois pas si loin de la Grèce antique. Bien évidemment tous ces textes ont été élevés au domaine publique, et pour les non-francophones il existe le plus souvent des traductions qui sont libres de diffusion elles aussi.
Bref, on ne parle pas de droit d’auteur et même si la traduction était encore sous monopole d’auteur – ce qui est loin d’être certain – le texte lui-même peut facilement être obtenu gratuitement et légalement par ailleurs et rend donc un peu sans objet la présence du DRM. Si le fait de vendre ces classiques ne me choque pas – et les prix des titres concernés, sans être spécialement bon marché, sont acceptables – les mettre sous DRM dépasse mon entendement.
C’est d’autant plus vrai qu’ici sur 3 €, l’éditeur va faire une croix sur 10 % de ses recettes pour payer le fournisseur du DRM. Même économiquement ça ne fonctionne pas.
Bon, et après mettre du DRM sur de la philosophie, comme on me le fait remarquer, c’est vrai que c’est assez cocasse. La remarque pourrait aussi être exprimée pour le livre d’Arnaud Montebourg contre la mondialisation. La présence du DRM va quasiment totalement contre le discours et l’objectif de la publication. À 1,50 € le livre, si l’auteur est commissionné à 10 % du brut et le revendeur à 30%, le DRM va coûter presque 20% des recettes de l’éditeur, qui ne sont déjà pas du bénéfice pur.
On marche sur la tête.
2 réponses à “Libre de droit sous DRM”
« Si le fait de vendre ces classiques ne me choque pas – et les prix des titres concernés, sans être spécialement bon marché, sont acceptables – les mettre sous DRM dépasse mon entendement. »
Bah c’est simple : ton usine logicielle de production d’ePub est configurée pour un bout en bout avec DRM, et plutôt que de perdre du temps et de l’argent à faire la configuration titre par titre, tu le laisses tout le temps comme ça, c’est quand même beaucoup plus simple.
Je pense en effet, comme Damien, c’est qu’ils ont créé un système sans gérer les cas particuliers. Plus d’options, plus de codepath, plus de gestion du code et donc des coûts.
Plus loin dans la démarche… cela teste la réalité de la *valeur des textes*. Ces textes dans le domaine public (auteur original) n’ont plus aucune valeur pour les maisons d’édition. Le business qui était réalisé autour de ces ouvrages était faite sur le fait que l’on était *obligé* d’acheter un objet physique pour pouvoir y accéder. La valeur intrinsèque monétaire est nulle dans le monde numérique. La valeur intellectuelle propre n’est pas monayable. Ce que les industries culturelles vont alors facturer est l’accès (streaming), l’expérience (texte sur un device particulier), l’enrichissement (achetez ma version de Rousseau car nous l’avons agrémenté d’annotations et d’images).
Les DRMs pour les œuvres du domaine publique sont une arnaque afin de faire vivre la pompe.
Petite note: La traduction d’une langue ancienne (français du XVIIIe) vers une langue nouvelle (français d’aujourd’hui) est une façon de prolonger les droits d’auteur. Car si on reprend le compte un livre écrit à 20 ans, l’auteur meurt à 80 ans (donc 60 ans)+ 70 ans après la mort = 130 ans. Soit un français vieux de 130 ans va déjà comporter des anachronismes, des caractères de langage difficile à comprendre aujourd’hui.
Il est d’ailleurs amusant de voir que dans l’industrie du cinéma, les sous-titres des films vieux de 30 ans et plus ont leurs sous-titres refaits quand ils ressortent dans une nouvelle édition afin de mieux correspondre à l’expression actuelle du public. :)