Le prix du livre numé­rique : 3 – Le coût du numé­rique

Dis tonton, pourquoi on me dit que le livre numé­rique coûte autant que le livre papier ? Ça n’a aucun sens !

Pour justi­fier que les livres numé­riques coûtent sensi­ble­ment plus cher ou à peu près aussi cher que les livres papier, on raconte que ça coûte autant à l’édi­teur.

C’est diffi­cile à contes­ter parce qu’on entre sur des terrains maré­ca­geux où les coûts ne sont pas publics, et diffé­rents pour chaque éditeur, chaque distri­bu­teur, chaque type de livre. Je vais unique­ment parler de romans (c’est très diffé­rents pour des epub 3 complexes) pour des éditeurs de moyenne impor­tance ou plus.

Tentons toute­fois de dégon­fler la légende.

Le travail d’édi­teur

Commençons par tout ce qui est iden­tique : la sélec­tion, le travail de l’au­teur, l’ac­ti­vité de correc­tion, d’édi­tion, de style de collec­tion, de promo­tion hors librai­rie (quand il y en a), de comp­ta­bi­lité et suivi des ventes. Là dedans rien ne change qu’on parle de papier ou de numé­rique, ou si peu. Ça ne justi­fie ni un prix plus faible ni un prix plus fort.

Les tiers de la chaîne

En théo­rie l’au­teur fait le même travail et gagne la même chose. En pratique chez de nombreux éditeurs les droits d’au­teurs sont réduits sur les éditions numé­riques, jusqu’à la moitié.

La chaîne de vente (diffu­seur, distri­bu­teur, libraire) est très diffé­rente en numé­rique et en papier. Les coûts sont aussi très diffé­rents suivant qu’on parle d’un petit éditeur ou d’un gros, d’un petit libraire ou d’un gros. Sensi­ble­ment la somme des trois repré­sente quelque chose comme 40 à 55% sur un livre papier, 35 à 45% sur un livre numé­rique.

La fabri­ca­tion

Là on arrête de rire.

Côté papier on paye quelqu’un a faire la maquette fine : au moins relire pour régler les veuves, orphe­lines et césures néces­saires, au jugé après un premier travail auto­ma­tique. Il y a un bon à tirer validé avec l’au­teur à ce niveau, donc forcé­ment un vrai travail qui coûte des sous. C’est fait en interne, je suppose de quelques à plusieurs centaines d’eu­ros.

Ensuite il faut impri­mer. Je n’ai pas les coûts non plus mais il y a un coût fixe rien que pour régler et cali­brer la chaîne d’im­pres­sion. C’est non négli­geable au point que déclen­cher une nouvelle impres­sion à l’iden­tique a un coût signi­fi­ca­tif pour mon éditeur. Bien entendu il y a des exem­plaires de test, des risques d’échec, des vali­da­tions à faire. On parle de travail manuel, donc cher.

Enfin il faut payer le papier, l’encre, l’im­pres­sion et l’as­sem­blage. C’est un coût par livre, donc pas négli­geable non plus, même si ça dépend forcé­ment des choix de qualité de l’édi­teur.

Ça ne repré­sente peut-être pas le coût prin­ci­pal dans un livre, mais c’est cher, non négli­geable, et crois­sant avec le nombre de livres vendus.

À côté la fabri­ca­tion d’un roman simple c’est la course au pres­ta­taire le moins cher. On trouve des éditeurs qui travaillent avec des chaînes auto­ma­tiques pour 50 € par titre, et certains peuvent deman­der des aides du CNL pour cela. Les éditeurs qui y inves­tissent le plus doivent comp­ter en centaines d’eu­ros. C’est un coût fixe, non dépen­dant du nombre d’exem­plaires vendus.

Les stocks

Dernier détail : En papier on réalise des tirages. L’im­pres­sion se fait sur quelques centaines, quelques milliers ou quelques dizaines de milliers d’exem­plaires. Comme on l’a vu, ça coûte cher. C’est un pari.

Ces exem­plaires il faut les envoyer, stocker le surplus, parfois récu­pé­rer les retours inven­dus des libraires, parfois avoir imprimé trop d’exem­plaires et payer pour les détruire alors qu’on a déjà payé pour les construire.

Il faut prévoir assez – pour ne pas repayer inuti­le­ment les coûts fixes de l’im­pres­sion – mais pas trop – pour ne pas payer des livres qu’on va mettre au pilon où vendre soldés. Ce risque est inclus dans le prix du livre papier.

Côté numé­rique, rien de tout ça. Zéro, nada. Une fois payés les 50 à 500 €, on est tranquilles quelles que soient les ventes.

Résu­mons un peu

Si on publie un livre papier, les coûts fixes supplé­men­taires pour le publier en numé­rique sont de l’ordre de quelques dizaines à quelques centaines d’eu­ros. En paral­lèle, pour l’édi­teur, les coûts variables signi­fi­ca­ti­ve­ment plus faibles que pour un livre papier. Mieux, il n’y a aucun risque de payer des livres qui fini­rons en inven­dus.

Pour un petit éditeur, 20 à 100 € de coût fixe ça peut être un vrai frein. Les ventes numé­riques sont faibles et, même s’ils sont faibles, il n’a pas de garan­tie de rentrer dans ses frais. Oui, un petit éditeur ce sont des équi­libres très précaires.

Pour un éditeur de moyenne à grande impor­tance, par contre, la vérité c’est que même en offrant un prix sensi­ble­ment moins cher au public, l’édi­teur y gagne plus sur un livre numé­rique que sur un livre papier.

Si un éditeur justi­fie un prix élevé du numé­rique à cause de coûts spéci­fiques, si c’est un éditeur qui compte au moins en centaines d’exem­plaires numé­riques vendus, c’est du vent.

L’au­teur

Aujourd’­hui le vrai perdant, comme toujours, c’est malheu­reu­se­ment l’au­teur. Vu qu’il est payé au pour­cen­tage, non seule­ment un livre numé­rique moins cher lui rapporte moins, mais parfois son pour­cen­tage est même réduit signi­fi­ca­ti­ve­ment quand il s’agit d’une vente numé­rique (c’est vrai aussi sur les ventes poche cela dit).

La solu­tion n’est pas de refu­ser le numé­rique et d’ache­ter en papier, c’est d’ai­der les auteurs à avoir une part correcte des ventes en numé­rique.

Heureu­se­ment ça bouge, de plus en plus les bonnes maisons d’édi­tion acceptent de donner à l’au­teur une commis­sion plus impor­tante sur les ventes numé­riques.


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Commentaires

Une réponse à “Le prix du livre numé­rique : 3 – Le coût du numé­rique”

  1. Avatar de Boris (@borisschapira)

    Sans compter que dans le prix du papier, tu paies aussi les quatre livres sur cinq qui ne trouveront pas acheteurs et devrons être acheminés vers le centre de recyclage ou être brûlés.

    Les invendus numériques n’existent pas.

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