J’ai commenté longuement mais finalement je me dis qu’un billet est bien plus adapté à propos de l’exception culturelle française et du terme de liseuse, catastrophe lexicale selon Nicolas.
Laissons la langue vivre, profitons de l’anglais
Je déteste cette mode de tout franciser et j’ai le cédérom en horreur. J’aime bien quelques ovnis comme le terme de courriel mais plus à regarder de loin qu’à utiliser.
De nombreux mots qui nous reviennent d’outre atlantique sont en fait des mots français qui ont d’abord été importés là bas avant de revenir déformés ou avec une connotation différente. Les langues sont perméables et c’est très bien ainsi, elles sont faites pour vivre.
Plus que ça : Une langue est faite pour se comprendre et si on me comprend mieux avec un terme importé de l’anglais, alors je l’utiliserai sans remord. Tout au plus je tente souvent de vérifier si un terme adapté n’existerait pas chez nous, qui au final serait plus courant et compréhensible malgré l’usage récent de l’anglais dans tel ou tel jargon.
Liseuse ? e-reader ? késaco ?
Nicolas semble trouver le terme de liseuse peu significatif et moche à l’oreille. J’aurai tendance à faire de même avec e-reader. La personne qui n’a pas touché au livre numérique ne saura pas plus ce qu’est un e-reader qu’une liseuse électronique. E-book reader ou lecteur e-book ne sera pas mieux puisqu’on ne fait que reporter le problème sur « e-book », tout en retirant la différenciation entre les tablettes et les liseuses (la tablette aussi est un lecteur pour les e-book).
Comme dit Nicolas, il nous faut un mot. Là où je ne le suis pas, c’est que, à terrain vierge, parler de liseuse n’est pas plus un entêtement que de vouloir parler de e-Reader.
L’Italie n’est pas la France, s’il était besoin de le préciser (il y fait bien moins chaud)
D’autres pays, d’autres usages. L’Allemagne et l’Italie auraient gardé le terme anglais. Je ne connais pas les usages allemands mais l’Italie embarque souvent des termes étrangers d’une façon qui lui est propre. On y dit « computer » et « mouse » pour « ordinateur » et « souris ». La prononciation est anglaise mais il y a un je ne sais quoi sur la façon de prononcer qui fait un peu « italique dans le texte ». On retrouve un peu cela quand on entend parler arabe avec des morceaux français. Rien à voir avec un français qui utilise un mot anglais importé.
Cet usage italien est un réel non-argument pour le terme français. Ils utilisent d’ailleurs ailleurs des termes italiens là où nous avons importé de l’anglais, preuve que ce n’est pas une question d’exception culturelle
La langue se détermine par l’usage
Le terme adapté est simplement le premier qui gagnera l’usage et qui sera retenu par les gens. Amazon et Kobo, à qui on peut difficilement prêter l’intention d’une francisation à tout prix, communiquent autour du terme de « liseuse ». Je suppose, j’espère, qu’ils ont du tester un peu les termes avant de choisir.
À en croire mes lectures et les communications au grand public, c’est bien le terme de « liseuse » qui semble gagner cet usage … et c’est donc donc vouloir continuer ou se battre avec « e-Reader » qui serait un entêtement.
Mais pour une fois le gagnant n’était pas si difficile à deviner. Contrairement à quelques horreurs produites récemment par l’Académie, le terme de liseuse sonne bien français depuis longtemps et on l’utilise encore aujourd’hui. Il désigne entre autres des fauteuils de lecture, des lampes de lecture, et pas mal de tableaux plus ou moins réputés comme celui de Fragonard.
Un terme français, court, simple à retenir parce que déjà connoté lecture, nul doute qu’il allait gagner face à un terme anglais qui ne se prononce pas du tout comme il s’écrit. Mieux, les e-bidule et autres i-machin ont en France une connotation technique associée à du matériel hi-tech voire complexe. Ici tout le monde cherche à appuyer le côté confort de lecture et simplicité. Ce serait tuer le discours que de chercher à expliquer à ma grand-mère ce qu’est un e-Reader. Tandis qu’une liseuse, fut-elle électronique, là ça reste imaginable.
Maintenant chacun fait comme il veut, juste évitons de nous faire dire qu’utiliser le terme de liseuse est une question de refus de l’anglais ou d’exception culturelle, ce serait justement passer à côté d’une langue qui vit et qui ne fait pas que fusionner avec ses voisines.
11 réponses à “Exception culturelle française : liseuse, la catastrophe lexicale”
On peut débattre pendant des décennies sur tel ou tel terme, et/ou sur sa prononciation. L’Internet est rempli de « bikeshed arguments » (tiens, comment traduit-on ça ? « débat sur la couleur de l’abri à vélo » ?).
Reste une chose essentielle à laquelle je pense très souvent pendant ce genre de débat : le mot n’est pas la chose.
Rien que ça, ça peut éviter de dépenser du temps et de l’énergie en vain.
J’approuve, mais en même temps je cherche à promouvoir une solution auprès de gens qui n’y pensent pas forcément d’eux même ou qui pourraient avoir un à priori négatif. Pouvoir nommer la chose et la comparer à d’autres choses équivalentes est important. Pour ça il faut un terme et le fait d’avoir plusieurs termes est réellement un problème.
Rien qu’aujourd’hui on m’a rapporté le cas d’un ami d’ami qui croyait que « Kindle » c’était le nom générique des liseuses (il n’est pas de France, ça peut influer sur l’explication).
bikeshed = simplement débat, qui est un des passe-temps préférés des français. En langage plus populaire on dit « enculer les mouches » et on peut également parler de « couper les cheveux en quatre »
Je n’ai pas encore vu le mot « livrel » bien que je sois plus persuadé qu’il s’agit d’une bibliothèque électronique. « biblel ? » trop dur à prononcer. J’utilise ereader et ebook reader, mais parce que je m’exprime plus souvent en anglais qu’en français.
C’est d’autant moins une catastrophe lexicale que le terme « liseuse », même si peu usité aujourd’hui dans ce sens, est synonyme de « lectrice » (avec cette nuance, apportée par le Littré, que le « lecteur » c’est celui qui lit à quelqu’un tandis que le « liseur » c’est celui qui lit pour lui et beaucoup) et que le suffixe féminin -euse s’emploie pour des machines comme « perceuse » ou « tondeuse ». Rien de catastrophique donc, il faut juste se réhabituer à la réapparition de ce vieux terme de « liseuse ».
Ça reste catastrophique dans le sens où la « liseuse » ne lit rien, c’est un pupitre à livres électroniques, pas un livre ou quelque chose interprétant le contenu du livre.
bof, un tourne vis ne tourne rien mais permet de tourner les vis,
Plus proche de « liseuse », on utilise déjà ce terme depuis longtemps pour les lampes qui servent à la lecture, qui elles non plus ne lisent rien. Nos parents et grand parents n’ont jamais trouvé ça catastrophique pour autant
Je serais tenté de dire que ton tournevis est un accessoire indispensable pour tourner une vis, qui n’est pas conçue pour être manipulée directement par l’homme (bon, on peut faire exception pour les masochistes), et ta liseuse (aux sens A, B, C, D et E du TLFi) est un accessoire d’accompagnement à la lecture. Après effectivement, si on utilise le terme « liseuse » pour la machine qui rend le livre électronique accessible à l’homme, on peut écrire de belles phrases comme : « hier soir couvert de ma liseuse j’ai mis une liseuse dans ma liseuse aidé par ma liseuse avant de la poser sur la liseuse ; ha non, ce n’est pas moi qui lisait, c’était ma lectrice ».
En l’occurrence, le mot « schtroumpf » est limite plus adapté.
Un « reader » ou un « e-reader » non plus ne lit rien, tout comme la tondeuse ne tond pas, mais elle possède cette __fonction__, ce que précise la locution « lecteur __de__ ».
(ah tiens, c’est vendredi)
Et comme je le dis ci-dessus, ce n’est pas la personne qui tond, la personne pousse (et encore, quand elle n’est pas auto-tractée) la chose qui tond.
Sauf que le mec qui tond on ne l’appelle pas un tondeur…