Franchement je suis plus que mitigé sur l’expérience de ce professeur qui a mis sur Internet de fausses informations pour prouver à ses élèves qu’ils reprenaient n’importe quoi sans analyse critique voire sans comprendre.
J’avais fais une première réponse très négative, avec citations commentées, puis je me suis rendu compte que je risquais de passer tout autant à côté du sujet que l’auteur initial.
Les numérique, le numérique, tu sais ce qu’il te dit le numérique ?
Les élèves ont de tout temps repris des informations ou des analyses toutes faites sans filtre personnel voire sans les comprendre. Avant on les prenait de la sacro-sainte encyclopédie papier au lieu de wikipedia, des livres en bibliothèques au lieu des sites web, des copains et anciens plutôt que des forums et des sites de partages de dissertation, et on achetait des petits livres « fiche de lecture » à 3€ en librairie au lieu de faire la même chose sur Internet. Si j’osais : même les analyses des professeurs sont reprises telles quelles sans compréhension ni analyse critique.
Le numérique n’a rien changé de ce côté là, sinon faciliter l’accès et le démocratiser (je me rappelle la différence entre ceux qui ne pouvaient pas acheter ces fameuses fiches de lecture ou des livres références, et les autres).
Comme le dit déjà un commentaire, la même expérience aurait été faite en disséminant des fausses informations en bibliothèque et en faisant passer des fausses dissertations aux anciens et copains des autres classes, on aurait obtenu strictement le même résultat sur la génération précédente.
Accuser le numérique c’est se tromper de combat.
Changer les attentes de formation
N’oublions pas, ces élèves ne sont pas idiots. S’ils ont pris l’habitude de copier des analyses toutes faites, c’est parce que c’est ce qui fonctionne. Pire, c’est souvent ce qu’on leur demande : Combien j’ai vu de camarades en économie apprendre tout par cœur sans rien comprendre, définitions et analyses ? Combien j’ai vu de camarades à l’oral du bac rabâcher et apprendre par cœur l’analyse du cours disant que le héros fait là son parcours initiatique en pensant à sa condition humaine tout en exprimant le passé de l’auteur lors de la guerre et la mort de sa grand mère (et blablabla) ?
Ne vous y trompez pas, ce sont ceux qui ont réussi à ressortir parfaitement les plans appris en cours qui s’en sont sortis avec les meilleures notes au lycée et au bac.
Aujourd’hui l’information est partout. Nous n’avons plus des bibliothèques sacrées et centralisées, remplies et gérées par des doctes. Cet apprentissage basé sur la retransmission verbatim d’un enseignant n’a plus lieu d’être. Désormais il faut apprendre à analyser, trier, et savoir réfléchir sur la base de documents et d’informations courantes.
Former à l’utilisation du numérique plutôt qu’à s’en défier
Je comprends le professeur qui souhaite les voir réfléchir par eux-même, et donc leur retirer les sources de copie potentielles pour les forcer à faire un travail personnel. Je n’adhère pas du tout à la dernière phrase « on ne profite vraiment du numérique que quand on a formé son esprit sans lui ». On pourrait l’appliquer pour les livres, ou même les cours du professeur. En fait peu importe qu’il ait raison ou tort sur ce point : C’est déjà trop tard. Le numérique est là et il ne partira pas.
Les jeunes utiliseront le web et le numérique. On peut trouver ça bien ou mal, souhaitable ou non, mais c’est une évolution sur laquelle même cet exercice n’aura aucune prise. Je n’ai même pas envie de faire un vrai parallèle avec le papier parce que les générations précédentes avaient encore une relation de distance et de respect pour le papier. Ici le numérique ils baignent dedans, c’est leur façon de vivre.
Plutôt que de chercher à leur dire qu’il ne faut pas l’utiliser parce que les sources ne sont pas fiables et leurs esprits pas assez mûrs, il faudrait plutôt les accompagner pour les aider à faire le tri. Un accompagnement pour exercer une activité critique, pour sélectionner les sources, vérifier les informations… c’est ça qu’il manque. Où est cette formation ?
Encourager les documents
Ce qui doit être frappant chez les jeunes c’est la croyance des anciennes générations en tout ce qui est dit à la télévision ou écrit dans les livres. Ils ont déjà un recul sur tout ça, mais au lieu de les y encourager et de former ce recul, l’école à tendance à leur enseigner à apprendre par cœur, à répéter l’analyse qu’a doctement professé l’enseignant.
Oui, certes, tous les professeurs disent vouloir de l’analyse personnelle, mais combien sont prêts à accepter que l’élève ait une opinion différente – et de son niveau de maturité intellectuelle – lors des analyses ? Combien autorisent et incitent à l’utilisation de toutes les sources disponibles pour travailler au lieu d’interdire tout document ? Combien sont prêts à dire « non, ce ton ne vient pas de la perte de sa femme qui a effectivement eu lieu l’année précédente, mais c’est vrai que ça aurait pu, en fait ça s’inspire de … » et valoriser positivement la réponse au moment de la correction ?
L’élève qui a recopié en travaux sur table un site internet à partir de son smartphone, s’il n’avait pas eu à se cacher et si c’était valorisé, n’aurait-il pas pu consulter cette source, l’analyser et en tirer quelque chose de valeur ? d’une valeur probablement meilleure que s’il avait réfléchi seul ? N’est-ce pas ce qu’on attend de lui dans tout le reste de sa vie ? N’est-ce pas même ainsi qu’on fait progresser la connaissance et le savoir, en réutilisant et en ajoutant plutôt qu’en recréant dans son coin avec des œillères ?
Changer les mentalités
L’école a un sacré problème, mais ce n’est ni le numérique ni les élèves. D’autres ont commencé : Le Danemark autorise l’utilisation d’Internet lors d’examens. Où en sommes nous ? La conclusion du professeur ici semble au contraire être de tenir les élèves éloignés le plus longtemps possible du numérique. Il y a comme un décalage…
Il est simplement temps de passer d’une école qui enseigne le savoir à une école qui enseigne le « savoir savoir ». Et enseigner cela sans accélérer et propager l’accès à toutes les sources de savoir, bonnes ou mauvaises, ça ne fonctionnera pas.
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