Je vois les politiques gesticuler dans une escalade à celui qui reniera le plus les valeurs qu’il prétend défendre, et la population qui cherche à qui la faute.
J’ai mal, parce qu’avoir arrêté un camion qui se lance sur la foule en tout juste deux minutes, c’est une sacré réussite, un exploit même. Pas dit que le lance roquette de Henri Guaino aurait fait mieux.
Oui, c’est une réussite de nos services de police, malgré le lourd bilan.
Bon, c’est aussi un énorme coup de chance mais quand l’auteur prépare ça sur quelques jours sans historique ni connexion avec le milieu terroriste, il est illusoire de penser faire mieux.
Dès que quelqu’un est prêt à mourir, il pourra toujours facilement tuer des gens au hasard dans la rue, potentiellement beaucoup, quoi qu’on fasse.
Nous pouvons mettre des checkpoints tous les deux kilomètres, des blocs de béton en zigzag sur tous les axes, des patrouilles militaires lourdement armées en surnombre à tous les carrefours, une surveillance totale sur toutes les communications, des fouilles systématiques à chaque bâtiment, un emprisonnement préventif et sans procès, des reconduites à la frontières en masse, un contrôle de la religion et une interdiction de tout prosélytisme d’une opinion non cautionnée par le pouvoir en place…
Nous pouvons, mais ça ne changerait rien. Si nous pouvions combattre le terrorisme ainsi, à voir les moyens déployés en ce sens du Moyen-Orient à l’Afrique du Nord, la paix aurait été obtenue depuis longtemps. Au lieu de cela, nos morts sont presque anecdotiques face aux leurs.
Ne rien faire n’est pas une solution non plus, mais il y a un équilibre à trouver. Aujourd’hui j’ai l’impression que nous l’avons largement dépassé.
Il y a bien des causes en France qui provoquent plus de 300 drames par an et pour lesquelles on ne déploie même pas le dixième des moyens actuels. Des causes pour lesquelles nous n’aurions même pas besoin de renier nos valeurs. Des causes pour aider et permettre plutôt que pour empêcher et humilier.
De quels moyens aurions-nous besoin pour accompagner ses parents isolés qui viennent de perdre leur conjoint et qui ne savent comment faire face aux besoins de la famille ? De quels moyens aurions-nous besoin pour éviter que 500 SDF meurent dans nos rues chaque année ? De quels moyens aurions-nous besoin pour accompagner quelques milliers de syriens qui fuient la guerre que nous menons chez eux plutôt que de les laisser se noyer ou mourir en chemin ? Certainement beaucoup moins, autant au niveau financier qu’au niveau symbolique.
On me dira que ça n’a rien à voir. Je ne suis pas d’accord. C’est un choix. À part que les gens qui prennent les décisions ne sont ni dans le besoin ni SDF ni syriens, il y a-t-il vraiment une bonne raison de plutôt continuer d’investir dans l’écrasement inutile de nos valeurs et de nos libertés ?
Mon fils a commencé à toucher au matériel électronique à l’âge de deux ans. J’ai tenté de protéger en mettant des choses devant mais ça n’a été qu’une complexité à résoudre, rien qui n’a changé l’issue. J’ai surveillé le matériel en sa présence, évité qu’il n’approche. Je me suis épuisé mais lui a continué à profiter de chaque inattention, et surtout il y a trouvé plein d’autres trucs que je ne voulais pas qu’il touche. Évidemment j’ai interdit mais à cet âge ça lui passe au-dessus. Quoique… au moins il savait quoi faire quand il avait envie de faire une bêtise. J’ai eu une période difficile, avec opposition systématique. Je ne suis pas fier, j’ai même du crier trop fort ou punir quand je n’en pouvais plus.
Il y avait d’autres solutions. Il y avait lui accorder plus de temps, jouer avec lui plutôt que travailler à côté sur l’ordinateur, lui donner à manger quand il a faim mais avant qu’il ne le demande lui-même, lui faire faire la sieste quand il a sommeil plutôt que de le laisser vaquer, lui enseigner des choses, éveiller son esprit, lui permettre et lui proposer de faire d’autres choses plutôt que de lui interdire de faire des bêtises, l’accompagner plutôt que de le sanctionner. La réussite était d’autant plus éclatante.
Si vous avez eu un enfant, vous savez probablement de quoi je parle. C’est évident pour tout le monde mais aussi tellement facile de se laisser entrainer dans la mauvaise boucle si on n’y prête pas garde. Parfois un peu de fatigue suffit.
Non, ça n’a rien à voir.
Ça n’a rien à voir mais je ne peux m’empêcher de voir que toute une classe politique investit dans la réponse punitive, dans les mesures de protection, de police et de contrôle.
On s’étonne de générer nos propres opposants mais nous faisons tout pour éviter qu’ils aspirent à vivre ici et s’y sentent épaulés.
La défiance de la population envers la police est au plus haut depuis quelques mois. La défiance de l’administration envers les administrés a atteint un point de non-sens total. La défiance des politiques envers tout le monde et de tout le monde envers les politiques ne date pas d’hier. Vu les déclarations de ces derniers après l’attentat de Nice, de l’abandon assumé de l’État de droit à l’emprisonnement arbitraire 24h/24 sans procès en passant par l’histoire du lance-roquette, j’ai du mal à ne pas participer moi-même à cette défiance généralisée.
Certains diront que je vis chez les bisounours. Moi j’ai peur qu’ils veuillent faire ressembler notre monde à leurs peurs et leurs cauchemars.
présenté par Mme Attard
———-
ARTICLE PREMIER
Supprimer cet article.
EXPOSÉ SOMMAIRE
Les chiffres du ministère de l’Intérieur et les rapports parlementaires ont démontré que l’état d’urgence n’a plus d’intérêt au-delà des 15 jours initiaux décidés par le Président de la République. De nombreuses auditions l’ont confirmé. Comme son nom l’indique, l’état d’urgence doit être réservé aux situations d’urgence. C’est pourquoi il est nécessaire de supprimer cet article, afin de lutter efficacement contre le terrorisme. Cette lutte doit passer par un accroissement des moyens financiers et humains consacrés à l’enquête de proximité, à l’éducation et à la justice. La surenchère sécuritaire et l’agitation médiatique ne constituent pas une politique efficace.
Merci. Merci d’essayer de faire vivre notre société, de la faire progresser, de penser au futur plutôt qu’au jeu médiatique.
Laisser un commentaire