Je suis impressionné par le cynisme et l’acceptation de certains auteurs de blogs politiques. Ce n’est pas tant qu’ils analysent tout sous l’angle d’ambitions personnelles ou d’intérêts de groupe, c’est que non seulement ils trouvent cela normal mais en plus ils considèrent comme totalement irréaliste voire négatif l’idée de remettre en cause ces attitudes.
Les exigences morales, les principes, les valeurs semblent avoir disparus. Du moins c’est ainsi que je le ressens. Je ne parle pas des exigences d’un ou deux politiques qui touchent à des choses pas nettes, mais des exigences de la société face à sa représentation, ses élus, ses règles, et son fonctionnement.
Pouah ! un puriste
Tout ceci n’est que pure subjectivité, et d’autres y verront du réalisme ou du pragmatisme. Pour autant il y a de bons symptômes de ces questions, et ça ne date pas d’hier :
Idéaliste et puriste sont presque devenus des insultes, c’est un moyen certain de diminuer la considération des tiers. « idéal » et « pur » sont pourtant des racines indéniablement positives.
Notre société a pourtant un tel niveau de renoncement et de compromission qu’on rejette ceux qui ont foi dans leur idéal et s’efforcent de s’y conformer, un peu comme pour se prouver que c’est impossible ou pour éviter de se sentir insulté en contentant de moins. Le sens positif de l’idéaliste, qui pourtant ne démontre qu’une notion d’effort dans un objectif et pas un refus des réalités, a laissé totalement place à au sens minoritaire péjoratif qui montre une opposition à la réalité.
Ne l’écoutons pas, ce n’est qu’idéologie
Ce virement est encore plus facile à voir avec la notion d’idéologie. L’idéologie c’est une vision ou un ensemble d’idées qui inspire ou qui fonde un mouvement intellectuel, un groupe social ou une action politique. Tout cela a l’air positif sur le principe, c’est ainsi que se fonde une société : sur des idées et les mouvements qu’elles entraînent. Mais qui aujourd’hui entend idéologie dans un sens positif ? Il est employé par les politiques eux-mêmes, eux qui pourtant sont l’illustration directe de l’idéologie, pour décrire des gens qui spéculent et qui n’ont pas prise avec la réalité.
C’est dans la notion d’intégrisme que ce détournement des termes me fait le plus mal. Le terme est récent, sa création date du XXème siècle. À partir d’une racine des plus positives, on invente un sens exécrable, celui qui refuse toute évolution. Le fait de souhaiter rester intègre s’est plus ou moins assimilé à cette notion d’intégrisme, de par la proximité des termes.
Cela se traduit d’ailleurs dans les faits. De plus en plus, refuser de renier ses principes est critiqué comme un refus d’évolution et un rejet par principe de toute idée divergente : « si vous considérez ma proposition comme inacceptable c’est que vous êtes contre le changement ».
Qu’avons-nous perdu ?
J’exècre ceux qui ont fait glissé ces termes vers des sens négatifs, ou qui ont réutilisé des racines si pures pour y donner des sens dépréciatifs. Mais tout ceci n’est finalement que le reflet d’une évolution de la société. Croire à des valeurs est vu comme négatif, tenter de les respecter est vécu comme un rejet du reste du monde. À tout moment celui qui vous propose d’y renoncer trouvera inacceptable que comme compromis vous n’acceptiez pas d’y renoncer à moitié, en coupant la poire en deux.
Finalement si on n’est pas prêt à faire l’inacceptable pleinement, peut être devrions-nous être prêts à le faire à moitié. Telle est du moins la pression que je ressens autour de moi, mais encore plus quand je regarde les débats publics.
Purisme, idéalisme, idéologie, tout ça est foncièrement positif, refusons d’en cautionner ce glissement de sens. Sur ce point j’ai envie d’être intègre. Oui, intégriste, mais dans un sens positif.
4 réponses à “Avoir des valeurs est devenu une tare”
Mon coeur te dit oui, mon cerveau te dit non. Du moins, je commencerais par la, pour troller.
Je pense que l’on peut démontrer mathématiquement (c’est une intuition, et j’admets que l’intuition dans les mathématiques est un peu foireuse, j’en veux pour exemple l’article dont je ne trouve plus la source qui démontrait que si l’on admet le principe de Peter, alors il vaut mieux avoir des incapables comme managers) que le compromis est en réalité une conséquence logique de tout ensemble dialectique.
En ce sens, je regarderais du côté de l’équilibre de Nash (théorie du jeu)
Le monde est un dépressif qui revit sans cesse la scène impossible du matin, ou il faut se lever : il ne peut faire que de petites choses, et peu à la foi. Les grands principes sont des aspirations trop hautes, mettant trop de pression morale et intellectuelle pour être des moteurs. Pire encore, vouloir les suivres n’est que constater sans cesse des échecs.
Dans ce contexte, le purisme, l’idéalisme sont nécessaire (ils permettent de déplacer l’équilibre de Nash), mais ce ne sont guère plus que des outils : on ne peut pas viser l’idéal, au sens ou « on y est déjà » (je veux dire par là qu’à un moment donné, la situation d’équilibre est une sorte d’optimum).
Pareillement, tout le monde est idéaliste, mais tous les idéaux ne sont pas identiques, de la même façon que la morale n’est pas la même pour tout le monde. Et quoi qu’il en soit, la morale n’apporte aucune solution aux problèmes, étant donné qu’elle en est totalement décorrélée.
La construction d’une solution à un problème bien et clairement identifié (jusqu’à la liste exhaustive de ses causes) ne peut se faire que de façon logique, et oh Dieu que la logique n’est pas morale.
Je suppose que tu lis des blogs juridiques, comme celui de Maitre Eolas, et tu l’auras constaté : la position de la justice est justement logique (par construction, tu peux lire Rawls dans ce sens), et ses décisions sont parfois moralement peu justifiables (par exemple il est fréquent que paradoxalement les gens trouvent la décision de justice injuste).
La société idéale est souvent décrite sans vols, sans meurtres, sans crime en fait. Et pourtant certaines théories mathématiques tendent à prouver que la criminalité est une part intégrante des systèmes sociaux.
L’état démocratique est un état de droit moral (on vote avec son coeur), et on voit bien qu’il ne répond pas, (au nom des idéaux ?), à des problèmes qui existent pourtant : la santé des drogués et prostitués, l’encadrement des sociétés de crime etc.
L’univers même rejette l’idée de pureté et d’ordre : l’entropie est une grandeur croissante :) (ca ressemble à un point Godwin ça, je ne peux pas m’empêcher de le penser).
Cela dit, là ou je te rejoins, c’est que nous avons besoin d’espoir, besoin d’idéaux, car cela nous fixe des objectifs. Mais c’est bien ce que je disais : si on a pris le temps de réfléchir froidement, ce sont des outils, pas des fins.
Pour moi, il est normal pour celui qui a fait son testament intellectuel (non non, je ne suis pas Franc Maçon) de trouver ces valeurs galvaudées.
Par contre, ce qui est condamnable est d’avoir révélé ce secret au grand public, qui se l’est approprié sans le comprendre.
Tout le monde n’a pas le même idéal, et le pragmatisme ou les situations d’équilibre peuvent être vu comme les meilleures réalistes. Bref, on peut ne pas croire à la réalisation d’un idéal et rester réaliste. Très bien.
Maintenant cela ne m’explique quand même pas pourquoi ces termes qui devraient représenter un « mieux » sont désormais connotés comme détestables.
Je ne parle pas de tel ou tel idéal avec lequel on pourrait ne pas être en accord, mais du terme lui-même.
Considérer qu’on ne peut pas faire mieux avec nos contraintes est une chose, déprécier et détester l’aspiration à mieux en est une autre. On en est là.
Parce que ces valeurs sont portées par des individus qui ont des positions fortes, et suivies amènent a des bouleversements.
Un bouleversement est un traumatisme (attention, enlever le caractère négatif de ce mot) et est par conséquent moteur de constructions mnémoniques assez radicales.
Problème, le cerveau (humain en tout cas) est doté d’un biais négatif d’un point de vue mémoire.
Idéal et pureté mis ensemble feront par exemple plus rapidement penser à Aryen qu’a Jésus.
En résumé : valeurs fortes -> positions extrêmes -> a priori négatif par construction de la mémoire.
(http://www.questionsur.ch/cerv…)
(http://www.questionsur.ch/cerv…