J’avais parlé il y a quelques temps de tablette et de liseuse pour le livre numérique. Mais finalement, qu’est ce que ça apporte une liseuse électronique ?
Tout d’abord le format : léger, fin, pratique
Passer du papier à un machin électronique est peu attirant mais c’est vraiment le jour et la nuit. Après quelques semaines vous trouverez le livre papier aussi pratiques que des rouleaux de parchemin.
Trouvez un livre grand format, par exemple le dernier Goncourt. Prenez-le en main.
Imaginez qu’on vous propose un papier cinq fois plus léger, qui ne vous fatiguera pas ou ne vous obligera pas à reposer votre bras au bout de quelques minutes. Maintenant faites que vous n’ayez pas besoin de l’ouvrir en deux avec cette tranche qu’il faut maintenir bien droite pour ne pas avoir l’impression de lire dans un triangle, ou qu’il faut au contraire éviter de brusquer si vous ne voulez pas détériorer son aspect extérieur. Retaillez le format pour en faire un poche puis divisez alors l’épaisseur par cinq en ajoutant un revêtement doux et peu glissant à l’arrière pour une bonne prise en main. Enfin éliminez le concept de page en papier à tourner d’une seconde main, qui parfois se déchire, se salit, se corne, ou simplement jaunit. Voilà, vous avez une liseuse dans les mains. C’est quand même plus sympa non ?
Ce qui change pour moi
- Je peux lire dans le métro et le bus : Ça se tient d’une seule main, c’est fin, léger et le plastique arrière ne glisse pas. Le livre de poche était acceptable mais c’était souvent peu pratique pour le tenir, garder ouvert, et tourner les pages.
- Je l’emmène partout avec moi : La liseuse est assez fine et légère pour tenir dans la poche porte-feuille de mon manteau. Là aussi le format poche peut y arriver mais c’est suffisamment lourd et épais pour gêner, en plus de déformer le manteau si j’en fais une habitude.
- Je lis partout : Sortir un livre papier, l’ouvrir, le ranger, c’était finalement une opération qui prenait un peu de temps, de place, et qui restait dissuasive pour son côté peu pratique. Même si la différence est difficile à mesurer, je peux sortir l’appareil et lire immédiatement, le ranger en 10 secondes sans avoir à marquer la page ou faire attention en le rangeant. Finalement je le fais plus souvent et plus naturellement qu’avant.
- J’ai ma bibliothèque avec moi : J’ai encore peu de livres dans ma liseuse, mais déjà j’ai apprécié de ne pas avoir deux livres avec moi dans mon petit sac à dos lors de mes deux derniers grands trajets de train. Autrefois je trimbalais parfois un second livre pendant plus d’une dizaine de jours, parce qu’on ne sait pas quelle envie de lire on aura et quand est-ce qu’on finira le premier. Désormais c’est fini.
- Je lis ce qui me plait : J’ai dans ma bibliothèque actuelle un bon livre de fantasy, « après le livre » de François Bon quand j’ai envie de réfléchir, un livre technique, et un vieil epub sur le journalisme de données que je n’avais encore pas lu. Je lis ce qui me plait suivant l’instant. Je n’aurai jamais pu le faire avant, quand je devais choisir à l’avance le livre que je prenais avec moi.
Tout ça n’est que du confort, mais finalement, pour une activité de plaisir, n’est-ce pas ce que nous cherchons ?
Ce qui change pour les autres
J’ai trouvé mes propres avantages mais il y a d’autres bonnes raisons de partir sur de l’électronique :
- Pour ma grand mère, qui a toujours cherché un dictionnaire et des livres en grands caractères et qui se retrouvait avec un maigre choix, mal foutu, peu pratique. Ici elle pourra avoir la taille de caractères adaptée, et varier suivant sa fatigue du jour.
- Pour l’étudiant, qui pourra mettre une série de livres à étudier dans sa besace sans récupérer une scoliose, et dans quelques temps pour le scolaire qui, évitera le cartable de 15 Kg quand lui même en fait moins de 50.
- Pour l’explorateur, qui peut s’ouvrir à des quantités de livres étrangers sans avoir à faire une commande longue et prohibitive (à condition de ne pas se lier à une liseuse qui l’empêche d’importer des livres de l’extérieur).
- Pour le curieux, qui peut s’ouvrir à différents auteurs, alternatifs, amateurs, ou simplement des nouveaux qui n’ont pas encore percé et qui peuvent publier plus facilement en numérique qu’avec un éditeur papier.
- Pour le baroudeur, qui pourra acheter des livres où qu’il soit ou presque, maintenant qu’on trouve du wifi partout, sans souffrir d’horaires d’ouverture ou de vendeurs insistants : chez des amis, dans une gare, à la pause de midi, etc.
Je suis certain que je n’ai pas pensé à la moitié des niches utilisateur et nouveaux usages. Vous trouverez la votre.
Ce qui ne change pas
On appuie sur les avantages mais ce qui fait peur c’est ce qu’on perd ou qui devient plus complexe. Je n’ai pas vu grand chose de perdu dans mon passage au numérique :
- La lecture est confortable, autant qu’un livre, peut être meilleure qu’un vieux livre ou qu’un poche. Nous sommes sur un rendu qui est très proche du papier et qui n’a franchement rien à voir avec les écrans de type iPad ou PC.
- On peut mettre un marque page (ou corner une page suivant vos habitudes), écrire une note dans la marge, lire le sommaire, connaitre le numéro de page courant, sauter plus loin dans le livre, revenir, etc.
- Vous tournerez des pages, sur les tactiles vous pouvez même le faire avec le même geste que sur papier.
Pour vous déstresser
Mais comme chacun de nous, moi compris, a ses craintes quand on passe à de l’électronique, il vaut mieux être explicite sur quelques sujets :
- Il n’y a pas besoin de recharger. L’écran ne consomme de la batterie que quand on change de page, pas pour l’affichage lui-même. Résultat, les batteries sont prévues pour un à deux mois d’utilisation.
- La connectique est souvent standard. On parle du même câble micro-usb que pour les téléphones modernes. Il sert et pour charger et pour transférer des fichiers.
- On lit, et c’est tout. Ce qu’on a dans les mains c’est un outil plus proche de la télévision que du PC. On clique sur le livre, on lit, on tourne les pages, et c’est tout. Pas d’interface technique ou de manuel à apprendre. Vous devriez pouvoir le donner à votre grand-mère en lui faisant juste une démo rapide.
Tout n’est pas parfait
Des points négatifs il y en a. Personnellement je passe au numérique sans états d’âme et je n’ai vraiment pas l’impression de faire des compromis, mais il faut être conscient de quelques points :
Tout d’abord on vous propose de lire des livres, et rien d’autre. La bande dessinée est exclue, le format ne s’y prêtant pas et la couleur étant de toutes façons absente. Tout le reste est annexe : Si on vous propose un navigateur web, un lecteur mp3 et un système d’annotations, ne considérez pas ça comme de réelles fonctionnalités du matériel. Ce sont des à-côtés, que vous ne trouverez pas satisfaisants si vous en attendez vraiment quelque chose.
Ensuite le catalogue est encore faible. On parle de 50 000 titres commerciaux de qualité quand le physique est de l’ordre du million. Cela se ressent beaucoup sur le vieux catalogue commercial. Si vous trouverez une bonne partie des nouveautés et les derniers Twilight, oubliez l’idée de relire vos classiques encore sous droits comme la série des Asimov. Certains peuvent éventuellement être disponibles en anglais, mais rarement en français. Même sur ce nombre, tous ne sont pas parfaitement codés et c’est toujours agaçant de voir un signe de ponctuation passer à la ligne. Ensuite vient toute la série des livres libre de droit : Là vous aurez l’embarras du choix mais aussi souvent de bien mauvaise qualité.
Enfin, comme tout matériel électronique, parfois ça déraille. Parfois on tourne des pages par erreur, parfois plein de pages d’un coup. Ça arrive rarement mais ça arrive. En fait c’est à peu près aussi fréquent que perdre sa page suite à une maladresse avec un livre papier, ou tourner plusieurs pages d’un coup par erreur. La différence ici c’est que vous accuserez la machine au lieu de vous en prendre à vous-même, et ça ça peut finir par générer beaucoup de frustration.
Un marché qui se construit
Le marché est jeune, il va évoluer. Personne ne peut vous dire à quoi ça va ressembler dans deux ans et celui qui s’y aventure ne fait que de la voyance. Si vous êtes du genre à regretter vos investissements précédents à chaque fois qu’il y a une nouveauté, attendez encore 6 mois.
Nous avons déjà quelques acteurs dominants à tendance monopolistiques, qui considèrent les clients comme une source de valeur. Cela veut dire qu’ils auront tendance à créer des silos propriétaires, fermés. Choisissez votre opérateur en fonction de ça. Si vous choisissez Kindle vous achèterez Kindle, vous lirez des livres Kindle, dans un format Kindle, vous partagerez avec des amis Kindle, et vous aurez les usages approuvés par Amazon. Les imports/exports risqueront à tout moment d’être cassés si ce n’est pas dans le modèle de votre fournisseur. Choisissez en conséquence.
Enfin, les éditeurs sont encore dans la logique DRM des débuts de l’industrie musicale. Cela veut dire qu’une grande partie du catalogue contrôle le nombre d’installation des fichiers, risque de vous faire perdre vos achats en cas de changement de format ou de faillite de l’enseigne, cherche à vous empêcher des copier/coller et rendra difficile ou impossible la lecture avec des logiciels libres. Pire : Tous ces DRM ne sont pas compatibles entre eux. Apple a le sien, Amazon a le sien, l’essentiel des autres utilisent le DRM Adobe.
Dans tous les cas la lecture numérique n’est pas pour l’instant un investissement financier. Les livres ont un peu moins chers mais pas dans des proportions vraiment importantes. Il arrive même que la version numérique soit plus chère que la version poche en papier (même si ça risque de changer avec la baisse de la TVA numérique). Il faut être un très grand lecteur pour rembourser la liseuse électronique avec le prix des livres, surtout qu’avec la faiblesse du catalogue vous continuerez peut être à lire encore un peu sur papier en parallèle. Comptez plutôt le numérique comme un investissement en confort et en praticité.
Le choix
J’en reparlerai ici avec des descriptions plus complètes mais pour faire court nous avons quatre liseuses de bonne qualité : le Kindle 4 (d’Amazon), le Kobo Touch (distribué par la FNAC), le Sony PRS-T1 (dans les Darty, Boulanger, et assez facilement en ligne), et le Cybook Odyssey (la marque originale est Bookeen, mais il est aussi distribué en marque blanche, à Virgin par exemple).
Toutes sont à priori de bonnes liseuses. Si vous ne souhaitez pas attendre de voir ce que je vous réserve pour plus tard, je vous recommande de d’abord un premier choix en fonction du modèle : Acceptez-vous de vous enchaîner à un distributeur dans un modèle propriétaire et fermé ? Ou au contraire appréciez-vous ces environnements de confiance tout intégrés et ne chercherez-vous jamais plus loin que ce qui est proposé en interne ? Attention, ce choix vous engage dans le temps parce qu’une fois dans un modèle fermé, ce que vous y aurez acheté ou fait y restera à vie.
Le Kindle est le moins cher, à 99 €, mais il n’est pas tactile et a un modèle propriétaire totalement fermé. Il existe des possibilités d’import/export mais c’est juste pénible et leur pérennité n’est absolument pas garantie.
Kobo est plus cher, à 129 €, mais on attend encore de voir ce que ça donnera côté logiciel après l’intégration FNAC. Le modèle se veut plus ouvert, mais pour l’instant c’est plus de la déclaration d’intention. Tout au moins le Kobo supporte l’epub et les DRM Adobe, ce qui est une bonne chose..
Derrière il y a le Sony PRS-T1, et la Bookeen Odyssey, qui fournit entre autres les librairies Virgin. Tous les deux entre 129 et 149 €, donc un peu plus cher mais aussi d’une génération plus récente. Ils sont surtout hors des silos des distributeurs, et donc auront probablement les meilleures chances d’ouverture. D’un autre côté ils ont aussi leurs défauts, et auront forcément moins de services logiciels du fait qu’ils ne font pas partie du silo propriétaire créateur de valeur.
Regardez aussi l’aspect du produit, si c’est pour vivre avec il faut aussi avoir un peu d’affinité avec le design. Sinon, si vous n’êtes pas pressés, vous attendez que je vous dise sur quoi je travaille.
Le ressenti
Mais plus que des suites de points positifs et points négatifs, l’important c’est le ressenti. Le passage au numérique fait partie de mes projets personnels et professionnels donc je ne peux me réclamer objectif. Malgré tout ça je craignais la transition. Les changements d’habitude sont difficiles même quand la cible à atteindre représente un progrès indéniable.
Ici la transition n’a pas subi une once de regrets ou de difficultés. Ça m’a même incité à lire plus, en y prenant plus de plaisir. Je retiens surtout le poids et le côté pratique de la lecture par rapport à un livre papier. Seule la taille du catalogue est pour moi un vrai défaut, mais cela n’ira qu’en s’améliorant.
Et vous, vous y passez quand ?
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