Ok, on dégouline tous de bonnes intentions, et quand on liste des bonnes pratiques pour l’organisation de conférences, on a envie de demander des tarifs réduits pour les chômeurs et les étudiants.
Je ne critique pas l’intention, nous avons nous aussi tenté l’expérience à Paris Web les premiers temps. Par contre cette expérience m’incite plutôt à penser que la bonne pratique est de s’abstenir.
Gestion infaisable
Tout d’abord nous avons vite noté l’impossibilité matérielle de demander et vérifier les justificatifs. Non seulement nous aurions bien été à mal d’identifier un faux, mais en plus nous n’avions tout simplement pas le temps de même faire un survol rapide. Le parti pris de l’époque était de ne pas vérifier, mais ne vous leurrez pas, ça peut fonctionner une année (et encore, il y a eu des tricheurs, on le sait), pas deux. La seconde c’est comme si le tarif était ouvert à tous.
Si vous faites des tarifs sociaux ou progressifs, il vous faudra les vérifier. Au mieux ça vous coutera du temps, que vous auriez investit ailleurs, sur de l’accessibilité, pour faire main au lieu d’acheter des prestations, etc. Tout a un coût, et les tarifs sociaux ne se mesurent pas qu’à la différence de prix du ticket.
Si j’avais une bonne pratique à conseiller pour qui se lance : faire un seul tarif unique, qui peut éventuellement évoluer, mais sans option et sans segmentation. C’est infiniment plus simple à gérer, et ça permet d’investir du temps dans autre chose comme le contenu ou l’accessibilité.
Une segmentation impossible
Même dans une communauté très portée sur le social et l’accès à tous, ces tarifs sociaux sont dévoyés. La première année nous avons par exemple vu dans les chômeurs et étudiants des gens en poste qui avaient encore une inscription à la fac ou qui étaient soutenus par l’ANPE. Loin d’être anecdotique, ces cas représentaient une part importante du tarif. Quand on en vient à demander un champ « entreprise » sur un tarif « sans emploi et étudiant » il y a comme un dérapage incontrôlé.
Ne leur jetez pas la pierre non plus. Ces gens là étaient réellement étudiants ou chômeurs. Ils avaient bel et bien le droit de s’en réclamer et pour certains on peut clairement dire qu’ils en avaient utilité.
Pourtant, ce n’étaient simplement pas ces gens là que nous visions. Le quota étant limité nous avons forcément eu de « vrais » étudiants ou chômeurs qui ont été exclus. De même, des initiateurs de startup, des indépendants sans le sous ou des TPE à l’équilibre difficile auraient bien mieux profité de ces tarifs que certains qui s’y sont effectivement inscrits.
Au final la segmentation s’est révélée être inadaptée car basée sur un critère administratif au lieu d’un critère social. Nous avons donné un effet d’aubaine à certains, en augmentant le sentiment d’injustice des autres.
Péréquation
Cette segmentation inadaptée se révèle en effet aussi pour le tarif normal. Nous avions fait un tarif étudiants et chômeurs, un tarif petite PME et un tarif grande entreprise. Faire un tarif réduit implique de faire un tarif plus cher : Ce que je donne à l’un je dois le prendre à l’autre.
Même avec une âme de Robin des Bois, la taille de l’entreprise n’est pas toujours révélatrice de ses finances. Une entreprise de 1000 personnes a plus de moyens mais aussi plus de personnes à former. L’intuition qu’une entreprise peut forcément mettre de grands moyens et qu’une grande entreprise n’a pas de problèmes financiers est une grossière erreur. La taille de l’entreprise ou le statut se révèlent souvent être de très mauvais indicateurs de cette capacité financière.
Augmenter de 50 % le tarif plein pour se permettre de faire des tarifs réduits, c’est tout simplement se couper aussi de plein de gens qui d’un coup ne pourront plus se payer le plein tarif. Personnellement je ne vois pas en quoi se couper de salariés de grande entreprises serait « mieux » que de se couper de salariés de petites entreprises (ou de chômeurs, d’étudiants, etc.).
Plus que d’offrir un tarif plus faible à des gens qui n’en avaient pas forcément besoin, les tarifs réduits ont imposé un tarif plus fort à des gens qui ne pouvaient pas forcément se le payer, ou simplement qui n’avaient pas de raison de payer subitement le double. La politique n’était plus « juste ».
Rôle social
Et c’est peut être sur ce point que je vais finir : Quel est notre rôle social ?
Il est souhaitable que l’État assure à tous un moyen de vivre dignement, et que des associations à objectif humanitaire compensent les structures administratives trop rigides ou trop limitées. Par là, que les voyages scolaires ou des musées proposent des tarifs différenciés suivant le niveau social ou le coefficient familial me paraît naturel.
Par contre, considérant que l’objectif mené par les conférences n’est pas la redistribution sociale, est-ce vraiment leur rôle de proposer des tarifs différenciés ? La redistribution sociale est faite en amont, pas en baissant le tarif de tous les biens et services achetés par la suite. Je crois simplement que c’est ici une erreur de s’attribuer ce rôle.
Occupons nous de faire des conférences de qualité, avec des tarifs au plus bas, et laissons la politique économique et sociale aux acteurs dont c’est la charge. Ces questions sont de toutes façons bien trop complexes pour être gérées par un simple tarif réduit.
Au final
Au final nous avons choisi d’investir du temps dans notre activité principale : la conférence. Nous gérons un simple tarif unique, ce qui nous permet de le garder relativement bas non seulement pour les étudiants et chômeurs, mais aussi pour tout le monde. Nous sommes conscients que ce tarif continue à être trop élevé pour certains, et nous avons préféré ouvrir une journée à tarif symbolique pour permettre à ces derniers de participer. Ce tarif symbolique est aussi un tarif unique, ouvert à tous, parce que c’est plus « simple », mais aussi finalement plus « juste ».
Dites vous bien que quoi que vous fassiez, vous aurez toujours des gens qui ne pourront pas ou prétendront ne pas pouvoir participer, à cause de leurs finances. Parfois c’est vrai, parfois c’est simplement une histoire de choix personnels, mais vous en aurez toujours, que vous ouvriez un ticket à 2000 € ou à 10 €. Dans des discussions certains trouvent même que gratuit c’est encore trop cher, parce que ça prend du temps et qu’il faut payer le transport. Vous ne pourrez pas être accessibles à tous, et surtout pas à ceux qui attendent toujours plus de votre part, jusqu’à être payés pour pouvoir assister aux conférences. Acceptez le, et arrêtez de jouer inutilement avec des tarifs sociaux qui n’ont pas le retour sur investissement attendu pour vos nobles objectifs.
Mon conseil de bonne pratique il est là : ne faites pas de tarif réduit, profitez en pour descendre le tarif réduit afin qu’il soit plus accessible.
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