Les vieilles rengaines ont la vie dure et le mythe du salarié français payé trop cher, avec des horaires de fonctionnaire à mi-temps et toujours en grève ou en vacances a la vie dure.
Ne croyez pas ceux qui tentent de faire pression avec ce genre d’arguments. Voici quelques liens pour tordre le cou aux idées reçues.
Nous ne travaillons pas moins
Formidable rengaine mais globalement fausse. Dans l’ensemble nous ne travaillons pas beaucoup moins que d’autres pays occidentaux.
Nous avons plus de congés que beaucoup de pays, mais nous ne sommes pas les gagnants non plus. Le Brésil, qui passe difficilement pour un pays occidental se reposant sur ses lauriers, propose 11 jours fériés et 30 jours de congés.
Même compté en heures sur l’année, la Suède avec son faible taux de chômage, ses indemnités de chômage et retraites meilleures que les nôtres, travaille 1611 heures à l’année là où mon ancien contrat de travail avec un bon lot de RTT me faisait travailler 1622 heures.
En fait, plus que les temps de travail légaux, il est intéressant de noter les temps de travail réels. Aux États Unis le temps de travail hebdomadaire moyen est de 33,7 heures par semaine là où nous en travaillons 37,8 heures. Malgré le système des 35 heures, les salariés à temps plein français travaillent en moyenne 41 heures par semaine.
Travailler plus ne corrige rien
Gardez à l’esprit que la pression sociale pour rester tard le soir est typiquement française. Ailleurs il est non seulement normal de partir tôt le soir, mais en plus rester tard est parfois mal vu socialement et compris comme le symptôme d’un manque d’organisation.
Preuve que ce n’est pas le temps travaillé qui est le véritable problème, malgré le double effet d’aubaine (il vaut mieux débaucher quelques salariés pour faire travailler les autres en heures supplémentaires), la défiscalisation et l’incitation aux heures supplémentaires n’a pas augmenté leur nombre.
On nous a dit un moment que le taux de chômage était corrélé au nombre d’heures travaillées, mais force est de constater que ce n’est pas le cas quand on ne sélectionne pas les données avec soin.
Nous sommes d’ailleurs dans la moyenne de chômage européenne. Pas que cette moyenne soit glorieuse ou même acceptable, mais visiblement notre taux de chômage ne vient pas de nos conditions de travail.
Regardons le coût plus que le volume
Dans les faits la France est un des pays les plus productifs de l’OCDE, malgré (ou grâce à) nos conditions de travail. J’ai perdu la source qui détaillait un rapport de l’OCDE rapportant que malgré les salaires, les grèves et les congés, la valeur ajoutée d’un salarié français était plus élevée que dans la plupart des autres pays membres.
Un autre rapport de l’OCDE souligne toutefois que la France est le pays le plus productif à l’heure de travail, ce malgré (là c’est le journaliste qui l’ajoute) un confort de vie probablement plus élevé. L’article de businessinsider termine d’ailleurs par une très bonne formule : « Winning is not about working hard. It’s about working smart… and less. ». La quantité de travail est un moyen, pas un objectif. C’est même tout le contraire.
N’oubliez pas que le modèle allemand tant prôné par nos politiques est loin d’être l’Eldorado. Si le taux de chômage est plus faible actuellement (nous avions le même en 2008) c’est aux prix de 20 % de travailleurs pauvres, de « mini-job » à 400 € par mois sans assurance maladie ni retraites, et même de travaux publics à 1 € par heure. Nombreux sont ceux qui survivent avec un emploi à temps partiel et même à plein temps on descend parfois en dessous de 4 € de l’heure.
Alors quoi ?
En fait l’information sensible c’est que le poids des salaires dans le PIB a baissé de 67 % à 57 % en 35 ans. Ça veut dire qu’à production équivalente, les salariés sont plus rentables et coûtent moins cher qu’avant.
Il est évident qu’alléger les coûts d’un poste qui prend 57 % donnera toujours de bons résultats pour la santé financière des entreprises. On comprend donc que les lobbies patronaux en fassent leur cheval de bataille.
On comprend toutefois moins que nos politiques cèdent à ce chantage et s’en fassent le relai, car avec cette baisse il est évident que les salaires et conditions de travail ne sont pas le problème de notre société.
Ou plutôt si en fait, c’est un problème majeur de notre société. Cette baisse démontre que le capital a escamoté une part importante des revenus qui échoyait au travail. Il est donc au contraire plus que temps de rééquilibrer cela pour relancer la société, et de revaloriser à la hausse les revenus du travail.
Si vous êtes sage, un autre jour je vous ressortirai les chiffres pour montrer que notre retraite n’est en réalité pas si différente de cette des autres pays occidentaux, et que nous partons globalement plus tardivement que bien d’autres. Il était facile de faire croire le contraire, en comparant des choux et des carottes.
5 réponses à “Travaillons un peu plus (ou pas)”
Article très intéressant, encore un fois.
Je m’étonnerai pour ma part que tu ne comprennes pas pourquoi les politiques cèdent au chantage des baisses de masse salariale: un patron veut plus dans ses poches (c’est malheureusement logique dans une économie capitaliste) et il peut obtenir une plus grande marge principalement de deux façons: augmenter ses prix (mais il prend le risque de perdre des clients et donc de la marge) ou baisser sa masse salariale (réduction de la masse en ne remplaçant pas les départs ou par des salariés moins bien payer, recourir au travail temporaire, etc. Le risque est que l’employé parte ailleurs. Sauf qu’il y a le chômage, qui annule ce risque).
Les patrons alimentant les caisses des c(h)ampagnes de nos élus, ces derniers sont à l’écoutes des patrons, qui poussent tout naturellement leur desiderata tant qu’ils réussissent à leur donner un fond de justification (en publiant de belles études comparant choux, carottes, torchons…).
Bref, les citoyens et plus particulièrement les salariés doivent rester vigilant quant au comportement de leur classe dirigeante, censée les protéger, pas les plumer.
PS: je vais encore passer pour un gaucho standard…
Il y a des dizaines d’autres pistes pour augmenter les profits à part payer moins cher ses employées et augmenter ses prix, le plus évident étant d’augementer ses ventes mais diminuer d’autre coûts que les salaires (matières premières, frais fixes…) Des entreprises parmis les plus profitables du moment sont celles qui payent le mieux leurs employés, e.g. Google.
Et le risque de chômage ne diminue en rien le risque de départ des bons éléments sous payés, l’entreprise pratiquant des salaires trop bas a juste la perspective de ne plus employer à terme que les boulets qui ne peuvent pas trouver mieux ailleur, et juste après, la faillite.
>En fait l’information sensible c’est que le poids des salaires dans le PIB a baissé de 67 % à 57 % en 35 ans. Ça veut dire qu’à production équivalente, les salariés sont plus rentables et coûtent moins cher qu’avant.
Il faudrait comparer avec le nombre d’employés, le niveau de salaire et d’autres variables pour mettre le chiffre en perspective (je me méfie des pourcentages). Je me demande si « production équivalente » est un critère valable sur des comparaisons sur 35 ans ?
En fait non, ça fonctionne quel que soit le nombre d’employés ou leurs salaires. Sauf à ce que le PIB fasse de la génération spontanée, tout découle directement ou indirectement d’un travail. Ce pourcentage permet de connaitre la répartition entre capital et travail.
Que ce chiffre concerne 10 ou 20 000 000 de personnes, peu ou énormément payées, il n’y a pas de raison fondamentale pour que la répartition change.
Le seul biais que je vois, c’est si nous avions une évolution significative de travailleurs à leur compte et non salariés de leur entreprise. Il me parait inimaginable que ça puisse jouer sur 10 points cependant.
Quant à la comparaison à production équivalente, tu ne pourras jamais rien comparer si tu ne fixes pas certains éléments. On est simplement en train de dire que les gains de productivité ont été affectés en majorité à ceux qui détiennent le capital et pas à ceux qui vendent leur travail.
[…] déjà sorti des chiffres pour tordre le cou à cette formidable idée reçue mais la une du Figaro me donne l’occasion […]