J’avais fait un retour sur les lettres de motivation il y a quelques temps, il est temps d’en faire un sur les CV de jeunes diplômés (ou demandes d’apprentissage).
Comme la fois précédente, toutes les recommandations que je fais n’ont que la valeur que vous y apportez. Elles ne représentent que mon avis, en fonction de ce que je cherche et de mon expérience. D’autres peuvent penser autrement, à vous de faire le tri.
Les règles de base
Le recruteur doit voir les éléments importants en dix secondes et faire la différence entre votre profil et celui d’un autre. Il faut donc élaguer tout ce qui n’est pas important, pour mettre en valeur ce qui l’est. Il ne s’agit pas d’être exhaustif.
Sur ce qui est important, vous devez apporter assez de détail pour que le recruteur puisse différencier votre profil d’un autre. Si votre CV pourrait avoir été écrit par votre voisin ou votre camarade de promo, il a peu de chance d’être retenu et n’est probablement pas pertinent. Vous avez forcément quelque chose qui vous différencie de votre voisin : trouvez quoi.
Adaptez votre CV à chaque proposition. Mettez en avant vos points forts par rapport à la société, au projet ou à l’annonce ciblée. Ce n’est pas tant pour y mettre ce que le recruteur attend que pour l’aider à individualiser rapidement en quoi vous correspondez à sa recherche.
Enfin, exprimez clairement ce à quoi vous aspirez. Un titre de « développeur » ne dit pas grand chose. Vous cherchez probablement « développeur web sur des projets mobiles » ou « développeur web dans le commerce électronique », ou quoi que ce soit d’autre.
Si vous ne savez pas ce que vous voulez faire, réfléchissez avant de postuler. En tant que recruteur j’apprécie fortement d’avoir même une ou deux phrases en dessous du titre pour mieux cerner ce que vous cherchez et ce à quoi vous aspirez dans les prochaines années. Un sous titre « aspire à une évolution en expert technique » ou « aspire à une évolution en gestion de projet fonctionnelle » aide beaucoup le recruteur à qualifier votre profil.
Pas de mise en forme « graphique »
Un bon CV noir et blanc avec une mise en page espacée et bien organisée a beaucoup plus de chance de retenir l’attention que tous les CV originaux que vous pourriez imaginer. Visez l’efficacité.
Ne vous essayez pas au design sur le CV. Souvent ça ne passe pas une fois imprimé en noir et blanc, les contrastes sont souvent contestables, les blocs ne sont pas où on les attend, et tout simplement le CV quasiment toujours plus difficile à lire. Les rares fois où ce design ne gêne pas, vous vous confronterez simplement aux goûts du recruteur qui ne sont pas forcément les même que les vôtres.
Vous pouvez faire une exception si vous êtes graphistes ou si vous postulez à un emploi créatif, mais je me demande si accompagner le CV d’un portfolio ne serait pas plus efficace de toutes façons.
Pour le même prix : pas d’usage de l’italique pour des informations importantes, usage très modéré du gras en dehors des titres, pas de titres verticaux, pas de photo. Si vous tenez à la photo il faut qu’elle soit avec un bon contraste, non déformée, de bonne qualité, et qu’elle soit cadrée un peu plus large qu’un « cheveux – menton » pour ne pas faire photo de carte d’identité.
Mettez en avant les deux expériences principales
Le CV est fait pour permettre au recruteur de sélectionner les personnes et prendre un jugement rapide. Il vous rencontrera ensuite pour détailler avec vous qui vous êtes et ce que vous avez fait.
Un profil expérimenté met en général 3 ou 4 expériences en lumière sur un CV d’une page. N’en mettez pas plus. Deux expériences significatives détaillées c’est largement suffisant pour un jeune diplômé. Mettez celles qui vous semblent les plus pertinentes ou les plus en adéquation avec le projet professionnel que vous voulez mettre en œuvre. Et reléguez le reste à une simple mention d’une ligne en bas de vos expériences. Si vous avez fait assez de choses pertinentes, il est même possible de fusionner plusieurs expériences en une ligne (surtout les travaux saisonniers).
Fonction A – Société A – date
xxxxxxxxxxxxx description xxxxxxxxxxxxx
xxxxxxxxxxxxx description xxxxxxxxxxxxx
xxxxxxxxxxxxx description xxxxxxxxxxxxxFonction A – Société A – date
xxxxxxxxxxxxx description xxxxxxxxxxxxx
xxxxxxxxxxxxx description xxxxxxxxxxxxx
xxxxxxxxxxxxx description xxxxxxxxxxxxxStage de première année – développement – date
Travail saisonnier – ouvrier – étés 1999 à 2003
Animateur en centre de vacances – date
Projet scolaire en équipe – PHP – date
Sachez cibler vos compétences
De même, il n’est pas forcément utile de faire l’inventaire à la Prévert de toutes les technos touchées en école ou en stage. C’est totalement inutile pour le recruteur. Soyons francs : Quand la techno souhaitée se retrouve dans une liste de 20 autres, c’est quasiment comme si elle n’était pas mentionnée. Mettez en avant ce que vous souhaitez faire, en étant même plus précis que vous ne le seriez normalement, avec des noms d’outils utilisés dans ce cadre.
Le reste ça se met un peu en vrac en petit. Ne mentionnez même pas les logiciels qui n’ont aucun intérêt dans le poste que vous visez ou qui sont évident : Pas de Excel ou Photoshop si vous visez un poste d’ingénieur développement dans des équipes conséquentes (mais peut être utile si vous visez un poste de développeur à tout faire seul technicien dans une petite structure).
Le recruteur doit voir d’un coup d’œil ce qui est important pour vous et pour le poste (et oubliez la mode des petites étoiles ou notes pour qualifier votre niveau de compétence par techno).
Développement web PHP : PHP 5.4, Magento, Zend Framework 2.0, MySQL 5.1
Capacité à utiliser d’autres frameworks, outils et bases de données
Aussi utilisé : CSS, HTML 5, XML, jQuery, Joomla, Flash
Ne gardez que les formations utiles
Les mêmes recommandations s’appliquent à toutes les sections. Si vous avez un master, la mention de votre lycée est probablement inutile. Il n’est même pas pertinent d’y mettre votre BAC si vous n’avez pas eu des résultats exceptionnels (et encore moins de préciser la mention). Si vous vous êtes égarés sur des filières différentes ou si le recruteur risque de se poser la question de « tiens, il y a un trou de dates », mettez juste une ligne sans détail en bas de la section, ça ira très bien. J’ai tendance à proposer de ne mettre que l’année de diplôme, mais c’est à vous de voir.
Master en ingénierie logicielle, Université du Nicaragua, 2012
formation très axée sur le travail en équipe et la réalisation technique ; dominante en technologies web avec une option poussée sur les problématiques de sécuritéLicence à l’étranger, Univeristé de Milan, Italie, 2010
xxxxxxxx description xxxxxxxxFormation en parallèle xxxxx de xxxx en 2009
Première année de licence en médecine, 2006
Certification du niveau d’anglais xxxxxx, 200X
Oubliez ce qui n’a pas d’intérêt
Continuez à élaguer sur les sections annexes. Savoir que vous avez le permis B n’a de sens que si vous risquez d’être amené à vous en servir par exemple.
La section loisir n’a d’intérêt qu’à voir si vous avez une passion ou qui vous êtes. Que vous alliez au cinéma, que vous sortiez entre amis ou que vous ayez fait du judo il y a 5 ans n’a aucune valeur ajoutée.
Indiquez si pour vous la musique est importante dans votre vie et que vous en faites depuis 10 ans. Par contre, même si c’est vraiment une passion, ne nommez pas 15 instruments différents ou l’intégralité des pays dans lesquels vous avez voyagé.
Si vous passez tous les étés faire des camps scouts, de la voile en mer, ou des voyages à l’étranger, le préciser peut permettre d’engager la discussion avec le recruteur plus tard ou de montrer que vous avez aussi une vraie vie en dehors du boulot, mais n’en faites pas un détail.
J’ai tendance à penser qu’il vaut mieux ne pas avoir du tout de section annexe que d’y mettre des choses bateau et inutiles.
Détaillez vos expériences principales
Inversement, mettez en plus sur ce qui est important. N’hésitez pas à vraiment détailler ce que vous avez fait, avec qui et dans quel contexte sur l’expérience qui vous semble la plus importante pour le recruteur. Savoir si vous étiez autonome, dans une équipe de 3 ou dans une équipe de 30 a de l’importance. Savoir que vous avez fait du développement PHP / Javascript ça en dit bien trop peu.
Sur votre formation principale, détaillez les options ou dominantes intéressantes, si c’est une formation généraliste ou d’expertise, pratique ou théorique, etc. C’est d’autant plus vrai maintenant qu’il y a 150 filières différentes avec des noms pas toujours très significatifs du contenus.
Développement en binôme avec un ingénieur sur une interface d’administration d’un site de commerce électronique basé sur Magento avec PHP 5.4. Ajout de fonctionnalités en autonomie à partir d’un cahier des charges client. Adaptation de la mise en page pour accès via un smartphone (responsive design). Travail dans une équipe de 10 personnes.
Recherche sur les possibilités de réalisation d’une application mobile basée sur les technologies web HTML 5 plutôt qu’une application native iOS. Réalisation d’un prototype. Travail en autonomie puis présentation aux équipes internes pour retour d’expérience. Documentation du prototype pour la base de connaissance interne.
Mais surtout, si vous avez participé à un projet personnel qui présente bien, indiquez le. Si vous participez à des postes de secours, si vous êtes actifs dans une association loi 1901 – et particulièrement si vous y avez des responsabilités, si vous avez participé à l’organisation d’une manifestation, si vous avez contribué à un projet open source – même si c’est de la documentation, si vous publiez sur un blog technique régulièrement, (et particulièrement si vous y avez des responsabilités), marquez le !
Vos expériences non professionnelles sont importantes
Avoir monté un événement, participé à des projets associatifs ou humanitaires, ou pris la présidence d’une association montre une implication et des prises de responsabilités bien plus importantes que pas mal de stages.
N’hésitez-pas non plus à mettre des liens si ça vous semble présentable.
Enfin, ne soyez pas trop humbles sur votre niveau en langue. D’autres se vanteront et il sera difficile de faire le tri. J’utilise les références suivantes :
Ne soyez pas trop humbles sur votre niveau en langue
- Bilingue : vous vous exprimez sans fautes, avec un accent correct (mais pas forcément parfait) et de manière fluide.
- XX courant : vous savez rédiger des documents et/ou faire des présentations en langue étrangère ; éventuellement avec des fautes et mauvais accent à l’oral mais un rédactionnel correct à l’écrit ; avec un vocabulaire courant
- XX conversationnel, pratique, professionnel : vous savez comprendre et vous faire comprendre correctement ; même si c’est avec des fautes, avec un mauvais accent ou un vocabulaire limité. Si le conversationnel est suffisamment fluide et que le recruteur ne vous fera probablement pas faire de rédactionnel public ou de présentation en anglais, on peut envisager d’indiquer « courant » (si vous voyez vos films et séries en VO, vous en êtes probablement au moins là)
- XX technique : vous savez lire des documentations et faire des emails sur des sujets techniques, et éventuellement discuter avec un homologue en anglais même si c’est avec difficultés
- XX écrit / parlé : niveau scolaire type bac
- XX scolaire : vous étiez au niveau bac ou inférieur et n’avez pas pratiqué depuis longtemps, mais vous vous sentez de vous y mettre
- Notions : vous n’y comprenez quasiment rien, vous indiquez juste que vous en avez fait
Il ne faut pas surévaluer mais le classique « écrit / parlé » a une signification bien plus négative que « je sais parler et écrire dans cette langue ».
3 réponses à “Travailler un CV”
Une tendance que je vois émerger pour certains devs le CV sur github.
Lorsqu’on est jeune diplômé, faire un CV est quelque chose de très complexe.
Pour avoir refait mon CV il n’y a pas bien longtemps ;) je peux aujourd’hui comparer avec les CV que je faisais en étant jeune diplômé. Et mes CV à cette époque comportaient certains des points que tu critiques ici (je ne veux pas les justifier, mais en expliquer certains).
Pour commencer, je l’ai par certains côtés plutôt bien réduit. Typiquement ma zone de compétences (par exemple les langages de programmation) c’est fortement réduite. On pourrait trouver ça étrange mais c’est plutôt logique.
Lorsqu’on est jeune diplômé on n’est expert/confirmé en rien. Donc à part mettre la liste de ce qu’on a touché on ne peut pas mettre grand chose. Bon évidemment si on a déjà fait du dev sur un sujet en particulier ce n’est pas pareil.
Avec le temps on se spécialise, ou au moins on acquière réellement de l’expérience sur certains sujets. Et dans ce cas on va simplement occulter les autres, qui n’ont au final que peu d’importance.
Personnellement je trouve qu’une indication du niveau peut être intéressante si c’est au delà de l’apprentissage classique. Mais je rejoins ta remarque sur les langues (finalement une remarque sur l’indication de niveau) : ne surtout pas se surévaluer. J’ai reçu il n’y a pas si longtemps une personne qui indiquait sur son CV « expert Java ». Il a suffit d’une seule question (pas piège du tout, réellement) pour le mettre à mal alors que ce n’était pas du tout le but. Le problème de surévaluer son niveau est qu’on ne sait jamais qui va lire le CV. Et ça peut justement être un vrai expert, et en général ça fait très mal.
Un autre problème est qu’en tant que jeune diplômé on n’a pas grand chose à écrire sur son CV. Mais vraiment pas grand chose en réalité. Alors on pense surtout qu’avec rien on ne sera jamais pris. Donc on tente d’en mettre un peu plus que le voisin, on essai d’impressionner un peu. Mais au final reste qu’on a la même chose que le voisin. Et donc on ne s’en démarque pas plus. On se démarquerait d’ailleurs plus à en mettre moins…
Pour ma part j’ai plus appris à faire un CV en en lisant ou en recevant des personnes qui postulaient. C’est réellement là où j’ai réussi à me poser la question « qu’est ce que je veux vraiment lire sur un CV ? » et à y répondre un peu. Avant ça n’était pas si évident, et pour un jeune diplômé c’est une mission très complexe.
Par contre, je te rejoins sur certains points, qui ne sont d’ailleurs pas réservés aux jeunes diplômés :
Mieux vaut pas de photo qu’une photo de soirée, pixelisée, sur la plage, etc.
Pas de couleur. En fait, pire que la couleur : un candidat qui a un CV avec des fonds de bloc de texte en couleur, un CV sans marge. Le jour où il vient passer un entretien, je lui demande un CV : imprimé en noir et blanc sur une imprimante basique (peu lisible), de travers, avec les marges bouffées. Ça ne change rien au final sur le contenu, mais ça fait très mauvaise impression. Donc si CV couleur il faut l’assumer jusqu’au bout et apporter des versions propres et en couleur.
Pour ce qui est de l’italique et du gras, c’est variable par contre. En fait ça dépend beaucoup des polices. Une police bien choisie peut être mise en italique tout en restant vraiment lisible. Une solution je pense moins risquée (mais avec un résultat un peu identique en terme de gris typographique) est de jouer sur la graisse de la police. Par exemple utiliser une police (ou mieux, une variante de la même famille) un peu plus légère à la place de l’italique peut être sympa tout en étant très lisible. Idem pour le gras, à remplacer par une vrai font bold et non une mise en gras. Par contre, ça demande de connaître un peu de typographie, ce qui est plutôt rare.
D’ailleurs, toujours concernant la police, il est tellement évident de reconnaître un CV / une lettre faite avec LaTeX que c’est pas mal lorsque ça change un peu.
Pour finir (y’aurait encore des choses à dire mais ça commence à devenir long… :) ) le contexte de l’emploi en informatique peut expliquer certains travers. Les SSII aiment justement bien les CV un peu passe partout, les CV qui vont être facilement vendables, avec plein de noms de langages. Et surtout, il est très complexe de spécialiser un CV destiné à une SSII étant donné qu’on n’y rentre pas pour un projet ou un produit particulier, mais pour un poste, typiquement « développeur java ». Dur dur de se vendre lorsque l’annonce ne précise rien de plus. Et finalement c’est un peu pour ce type de poste qu’on apprend à faire un CV dans les écoles.
Je ne compte pas non plus toutes les offres d’emploi qui sont tellement vagues qu’il en devient impossible de savoir de quoi il en retourne, donc impossible de préciser quoi que ce soit au risque de passer à côté.
(Sur ce point j’ai adoré l’offre de Tea, au moins on savait où tu voulais en venir. Ce qui malheureusement est suffisamment rare pour le signaler)
En général, les plus gros problèmes qu’on retrouve dans les CV ont été suggéré par des profs qui sont complètement déconnectés de la réalités (le CV graphique par exemple).